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3 Les 12 heures de spiritualité

3.1 La formule de l’activité

Tel que son nom l’indique, l’activité propose à des personnes de différentes traditions spirituelles ou religieuses de consacrer 12 heures de leur temps au partage, au dialogue et à la réflexion sur la spiritualité dans le cadre d’une thématique précise. L’édition de 2012 portait le titre de 12 heures de spiritualité pour

traverser les crises, et en 2013 : 12 heures de spiritualité pour explorer nos territoires sacrés80. Les

thématiques retenues sont souvent associées à des évènements annuels ayant marqué le paysage québécois, comme par exemple le mouvement Idle No More81 qui a influencé le choix du thème des

territoires sacrés.

La formule actuelle propose aux participants une série de présentations de traditions spirituelles ou religieuses différentes, chacune suivie d’une période de discussion sous forme de questions-réponses entre les présentateurs et l’assistance. Les traditions représentées peuvent varier d’année en année. L’édition 2013, par exemple, offrait aux participants de rencontrer des représentants du bouddhisme tibétain, de l’islam, de l’athéisme, de l’humanisme et du protestantisme. Chose peu commune, l’activité offrait également de rencontrer des représentants de groupes moins connus tels que la communauté bahá'íe ou les Brahma Kumaris82. Chaque présentation avait pour objectif de faire découvrir une spiritualité et une

expérience en lien avec la thématique annuelle du territoire sacré (2013). Représentant la tradition humaniste, par exemple, une anthropologue est venue témoigner de son expérience de travail social avec les femmes prostituées afin de partager sa réflexion sur la sacralité du corps de la femme. Les

79 Document promotionnel de 2012. 80 Voir annexe VI.

81 Mouvement de contestation des Premières Nations, Métis et Inuits du Canada déployé en réaction à l'adoption par le

gouvernement Harper d'une loi omnibus (Loi C-45) violant les traités ancestraux. Pour plus d’informations, voir : [http://www.idlenomore.ca] (consulté le 29-07-2015).

82 Les Brahma Kumaris représentent un groupe spirituel international d’inspiration hindoue axé principalement sur la pratique de

la méditation ou Raja Yoga : [http://www.bkwsu.com] (consulté le 29-07-2015) et le bahaïsme est une religion monothéiste d’origine perse à portée universaliste, fondée au 19e siècle. Le programme complet de l’édition 2013 se trouve à l’annexe V.

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représentants de l’Église Unie du Canada ont offert chants et lectures, une jeune athée proposa de partager son expérience et ses propres réflexions sur la sacralité sans Dieu, etc.

Traditionnellement, les activités d’ouverture et de clôture de la journée sont organisées par des traditions autochtones, en témoignage de leur « ancienneté » en matière de spiritualité au Québec. Pour 2012, par exemple, une représentante de la nation des Abénakis proposa un rituel d’ouverture et de fermeture de l’évènement autour d’un feu à l’extérieur du bâtiment, faisant découvrir les symboles et rites traditionnels de son peuple (cérémonie du tabac, tambours, chants sacrés) tout en offrant les bénédictions pour le bon déroulement de la journée. L’édition 2013 fut ouverte avec le témoignage d’un représentant de la tradition innue, mais pour la première fois dans l’histoire de l’évènement, le dernier rituel de la journée fut une activité a-religieuse proposée par le comité d’organisation : la marche cosmique83.

L’aspect « dialogue 84» de l’évènement prend généralement la forme d’échanges entre les participants et

les représentants à la fin de chaque présentation, mais également la forme de deux grands cercles de dialogues thématiques entrecoupant chaque bloc de deux ou trois présentations sur l’ensemble des huit ou neuf proposées au cours de la journée. Pour l’occasion, la disposition de la salle est modifiée afin de regrouper l’ensemble des participants et présentateurs dans un ou plusieurs cercles où chacun peut échanger sur la thématique proposée. Les discussions sont tempérées par des animateurs et l’utilisation du « bâton de parole 85» est fréquente. Les échanges ont également tendance à se poursuivre dans les salles

de repos aménagées à proximité de la salle principale.

3.2 Accessibilité

La sélection des traditions spirituelles et des présentations est à la discrétion des organisateurs et chaque groupe doit respecter l’horaire de présentation établi par le comité d’organisation. L’activité est pour le reste à accès libre, c’est-à-dire que tous peuvent y participer, venir à l’heure qui leur convient et rester le temps qu’ils désirent afin d’assister aux présentations de leur choix. Une grande proportion des participants assiste à l’ensemble des douze heures de l’activité, d’autres choisissent plutôt la demi-journée. Rares sont ceux qui ne viennent que pour une seule présentation.

L’activité est totalement gratuite, bien qu’une petite caisse pour les contributions volontaires soit généralement déposée à côté de la machine à café. L’aménagement de salles de repos adjacentes à la

83 Rituel créé par sœur Miriam MACGILLIS au Genesis Farm. Pour une description du rituel : [http://monmouthpresbytery.com/wp-

content/uploads/Genesis-Farm-Cosmic-Walk.pdf], (consulté le 29-07-2015).

84 En opposition ici à l’aspect expérientiel proposé par les présentateurs.

85 Outil employé pour la régulation de la parole au sein de plusieurs groupes autochtones en Amérique du Nord. Le bâton se

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salle principale permet aux participants de relaxer et de s’alimenter à un petit buffet de service à tout moment de la journée. Les aires de repos offrent également de belles occasions pour les participants de poursuivre les échanges dans un contexte libre et amical.

3.3 Comité organisateur

Le comité d’organisation se réunit, tel que nous l’avons mentionné, de novembre à mai afin de planifier les différentes éditions de l’activité des 12 heures de spiritualité qui se déroulent traditionnellement à la mi-mai. C’est au cours de ces rencontres mensuelles que l’équipe détermine la structure générale de l’évènement, sa thématique et son contenu.

Les réflexions du comité prennent appui sur un rapport d’évaluation, produit annuellement par le comité d’organisation lors de la rencontre post-événementielle. Ce rapport permet à l’équipe de garder à l’esprit tout au long du processus les points forts et les points faibles de la précédente édition afin de toujours en améliorer la qualité.

La structure générale de l’évènement et la thématique choisie occupent une grande partie des premières rencontres du comité. La structure générale est relativement stable depuis les dernières années, mais il arrive quelques fois que le comité opte pour l’ajout de nouveaux éléments, tels que le rituel de la marche

cosmique (2013). Le choix de la thématique est issu d’un brainstorming sur plusieurs rencontres, prenant en

considération les actualités locales et internationales.

Les individus ou groupes qui viennent présenter leur tradition au cours de l’évènement sont sélectionnés par le comité d’organisation en fonction de leur relation au thème choisi, de leur disponibilité et de leur expérience des précédentes éditions. Le comité contacte chaque représentant des traditions sélectionnées afin de lui expliquer la thématique choisie et les attentes de l’organisation. Les traditions religieuses/spirituelles qui ont des représentants sur le comité d’organisation font généralement l’objet des premières invitations à venir faire une présentation, si elles le désirent.

Les rencontres du comité d’organisation servent également à élaborer la stratégie de diffusion de l’information (choix de l’affiche promotionnelle et sélection des réseaux sociaux de diffusion) ainsi qu’à la répartition des tâches finales en préparation de l’activité (épicerie, disposition de la salle, médias, etc.).

3.3.1 Composition du comité

Le groupe réunissait, pour l’édition 2012, sept personnes autour de la table d’organisation de l’activité. Le comité d’organisation de l’édition 2013, quant à lui, était formé de six membres, dont un nouveau. Le

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tableau suivant répertorie les organisateurs et leur milieu d’appartenance, ainsi que leur expérience de l’organisation des 12 heures de spiritualité.

Présence au comité Nom Organisation

2007-2013 Daniel Fradette BVE Université Laval

2011-2013 Stéphanie Laloi Étudiante Université Laval

2011-2013 Vanja Hodzic Initiatives et changement /étudiante Université Laval

2005-2013 Lucie Pagé Initiatives et changement

2010-2013 Yves Carrier CAPMO

2009-2012 Bernard Lebeller Foi bahá'íe

2013 Samuel V. Dansokho Église Unie

2010-2012 Luc Bouchard Église Unie

Figure 6 : Durée d’implication des organisateurs

La coordination de l’équipe revient depuis 2007 à Daniel Fradette, conseiller au Bureau de la vie étudiante (BVE) de l’Université Laval et responsable du département de la vie spirituelle et religieuse, qui agit cependant à titre personnel. L’implication officielle de l’Université Laval sur le comité d’organisation reste plutôt d’ordre matériel, se résumant à la diffusion de la publicité, au prêt de locaux et de matériel.

Deux organismes communautaires y sont présents par le biais de leurs représentants : la section québécoise du groupe Initiatives et Changement (ICH) et le Carrefour d’Animation et de Participation à un Monde Ouvert (CAPMO86). Les deux organismes prennent la charge des cercles de dialogue qui espacent

les différents blocs de présentations lors de l’événement.

Parmi les autres organisateurs, nous retrouvons des individus de traditions bahá'íe et protestante. La répartition des hommes et des femmes autour de la table est équilibrée. Deux étudiants seulement étaient sur le comité en 2012 et 201387.

3.4 Lieux

Depuis 2009 l’activité se déroule sur le campus de l’Université Laval, à l’intérieur de la salle Marie-Guyart du pavillon Ernest-Lemieux. Le pavillon héberge le secteur des services de la vie spirituelle et religieuse du Bureau de la vie étudiante (BVE), en plus d’être une résidence étudiante mixte. La salle Marie-Guyart était autrefois la chapelle des résidences, à laquelle étaient attachés les prêtres officiants catholiques. Il est cependant possible depuis 2005 d’organiser les divers éléments de la salle de manière à offrir un environnement multi-culte de qualité pour l’ensemble des traditions spirituelles ou religieuses. Ce choix

86 Connu autrefois comme le Carrefour d’animation pastorale en monde ouvrier.

87 Cinq membres de la communauté étudiante de l’Université Laval ont prévu participer à l’organisation de l’édition 2014, en plus

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administratif de la part de l’Université Laval avait à l’époque suscité une vive controverse88, provoquant le

retrait de la communauté chrétienne melkite de la liste des célébrants. La salle est encore reconnue comme étant « la chapelle » de l’Université Laval, où sont célébrées les messes et autres célébrations religieuses chrétiennes. Bien que l’ensemble des communautés puisse maintenant y avoir accès, seul quelques groupes de méditants (bouddhiste ou autre) profitent réellement de la malléabilité de cette salle. S’y déroulent également les activités à caractère interreligieux ou spirituels areligieux organisées par le BVE. Outre sa salle de culte polyvalente, l’Université Laval représente un lieu d’accueil plutôt centralisé à Québec et facile d’accès via les transports en commun. Les participants peuvent également bénéficier d’espaces de stationnement gratuits la fin de semaine.

L’Université Laval représente aussi, pour bien des participants, un gage de neutralité religieuse et permet à l’activité d’acquérir une certaine aura de qualité et de crédibilité. En réalité, les spécialistes et chercheurs universitaires sont pratiquement absents de cette activité et l’Université se révèle simplement un hôte distant.

3.5 Momentum

Depuis 2011 l’événement se déroule de jour, contrairement aux éditions nocturnes précédentes. Cette modification répondait essentiellement aux besoins de l’équipe d’organisation, pour qui la veille s’avérait épuisante, mais aussi afin d’aller chercher une clientèle différente et une participation plus complète à l’activité sur l’étendue des 12 heures. L’évènement est généralement organisé le samedi afin de rejoindre un maximum de participants et de n’entrer en conflit avec aucune autre célébration religieuse. La plage horaire sélectionnée par les organisateurs, soit entre 10 h et 22 h, permet entre autres d’accueillir la communauté juive après la cessation du shabbat. Le mois de mai est généralement sélectionné pour le déroulement de l’activité, profitant ainsi de la période transitoire entre les deux sessions universitaires. Ce choix de dates est également influencé par la tradition, la première édition s’étant déroulé à la fin du mois d’avril 2001, au cœur des grands rassemblements entourant le Sommet des Amériques.

3.6 Diffusion

L’information sur l’activité est diffusée à travers les réseaux sociaux des différents membres du comité organisateur89 et également celui des différentes communautés religieuses ou spirituelles impliquées. Les

affiches promotionnelles sont publiées sur le campus universitaire. Il n’y a pas, depuis les dernières années,

88 « Les musulmans n’utiliseront pas la chapelle », Le Soleil, 25 novembre 2005,

[http://www.radio-canada.ca/regions/Quebec/2005/11/25/003-1123-musulmans_ULAval.shtml], (consulté le 15-03-2014).

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de diffusion de communiqué de presse ni d’invitation lancée aux différents médias de la ville. Une journaliste indépendante était pourtant venue couvrir l’édition 2013 et un petit article fut publié dans le journal communautaire Les Immigrants de la Capitale90.

Bien que l’utilisation des médias sociaux pour la diffusion de l’évènement (Web, Facebook et Twitter principalement) fasse partie depuis plusieurs années des intentions du comité d’organisation de l’activité, elle se résumait pour l’édition 2013 à user de la liste d’envoi courriel des différents organismes impliqués ainsi qu’à l’affichage sur le site web du BVE et du CAPMO. La majorité des participants à l’activité proviennent directement des réseaux des présentateurs et des organisateurs de l’activité.

3.7 Financement

Pour une activité de cette envergure, les frais afférents sont étonnamment peu élevés. L’activité est financée principalement par l’organisme du CAPMO qui prend la responsabilité de l’achat des aliments et boissons distribués dans les aires de repos, principale dépense de l’organisation. Les contributions volontaires des participants servent exclusivement à payer la nourriture. L’Université Laval fournit gratuitement le matériel nécessaire à la préparation de l’activité et à son bon déroulement, soit les locaux pour les rencontres du comité d’organisation, la salle Marie-Guyart pour l’activité, le matériel audio et vidéo, la vaisselle, etc. L’Université fournit également les frais d’impression des affiches promotionnelles. L’équipe est entièrement bénévole. Il peut arriver à l’occasion que certains présentateurs invités nécessitent un hébergement ou des frais de dédommagement pour leurs déplacements, ces frais supplémentaires sont alors pris exceptionnellement en charge soit par l’Université Laval ou le CAPMO.

3.8 Participation

Pour l’édition 2013, soixante-trois personnes ont franchi le seuil de la salle Marie-Guyart au cours de la journée d’activité91. Une moyenne d’une trentaine de participants fut maintenue pour l’ensemble des

évènements de la journée. Cette moyenne pourrait faire croire que la majorité des participants ont choisi de participer à une demi-journée, mais en réalité, nous trouvons un noyau d’une vingtaine de participants semblant avoir assisté à l’ensemble des 12 heures alors que quelques individus (environ 15%) quittaient

90 Yan WANG, « Un dialogue inédit au-delà des frontières confessionnelles », Les Immigrants de la Capitale, édition mai 2013,

p. 12.

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pour laisser place à de nouveaux arrivants. Les statistiques qui suivent concernent l’assistance au premier cercle de dialogue de la journée se déroulant vers le début de l’après-midi92.

L’activité semble attirer surtout des femmes (env. 60% de l’audience) et une majorité de personnes de 55 ans et plus (env. 45%). La plupart des participants sont en réalité affiliés à l’un des groupes présentant une tradition. L’affichage du nom et de l’appartenance religieuse était laissé à la discrétion des visiteurs, l’équipe d’organisation ayant offert aux participants de petites cocardes à cet effet. Peu de gens s’en sont servi en réalité. Il était cependant facile pour les regards avisés et oreilles attentives de constater une forte présence chrétienne, à la fois catholique et protestante. Autre particularité notable, bien que l’activité se déroule sur le campus universitaire, elle n’attire qu’une infime quantité d’étudiants (17%) dont la majorité sont déjà impliqués dans l’organisation de l’activité.

92 Voir le programme de l’édition 2013 en annexe V. Les statistiques sont élaborées à partir des arrêts sur image des cercles de

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4 Historique

La proximité du terrain de recherche des 12 heures de spiritualité nous a permis de développer longuement l’étude du contexte idéologique, sociologique, culturel et politique dans lequel baigne l’activité, tant de manière synchronique que diachronique. Le volet historique de l’activité des 12 heures de spiritualité fut étudié à travers trois principales dimensions : la « culture du dialogue » propre aux principaux organismes impliqués dans l’organisation, le contexte d’émergence de la première édition de la Nuit de spiritualité (2001) et les principaux axes de développement de l’activité entre 2001 et 2013.

4.1 Cultures des regroupements au sein du comité organisateur