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La naissance du COGAM

6 L’Espagne

6.3 LA PERIODE DE COHABITATION DU COMMUNAUTARISME AVEC DE NOUVELLES

6.3.4 La naissance du COGAM

En 1986, Jordi Petit – avec la collaboration du Président de la Société

Sexologique de Madrid, Julian Lopez de Quero234 – organise un cycle de conférences sur l’homosexualité. Le but avoué est de contacter des

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Daniel Gabarro, dans Barcelona Gai, n° 8, 1988, cité dans Calvo, idem, pp. 213-214. (“durante anos [...] cometimos el absurdo error de hablar de gueto cuando nos referiamos al circuito de locales comerciales especificos para gays y lesbianas [...] el ambiente se convierte en un lugar de libertad, de plena libertad puesto que en él y no fuera puedo ser yo mismo [...] Es, pues, para muchos, el ambiente, con sus mas y sus menos, un lugar de libertad y la vida cotidiana el verdadero gueto, donde no podemos mostrarnos como somos”).

231 Calvo, idem, p. 214.

232 Idem, ibidem, p. 214 ; Llamas et Vila, op. cit.

233 Idem, ibidem, op. cit., p. 216.

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personnes pour la création d’une nouvelle association gay à Madrid et « ressusciter » le militantisme homosexuel235. Ainsi est né, en mai 1986, le Colectivo Gai de Madrid – COGAM236. Jusqu’à aujourd’hui il est l’un des collectifs gay et lesbien les plus influents d’Espagne237.

Le mouvement gay des années 1980 est essentiellement masculin. Dérangées par la misogynie masculine, la majorité des lesbiennes ont rejoint le mouvement féministe. En conséquence, les mouvements lesbiens espagnols sont surtout séparatistes. Au départ, le COGAM est donc surtout composé d’hommes homosexuels. Mais pas pour longtemps. A partir de 1987, des tensions entre les lesbiennes d’une part, entre féministes lesbiennes et féministes hétérosexuelles de l’autre, deviennent importantes. Progressivement, les lesbiennes retournent vers les organisations homosexuelles. Le mouvement homosexuel mixte renaît. Dès 1988, le COGAM et le Colectivo de

Lesbianas Feministas ont appelé ensemble à une manifestation contre

la détention de deux femmes qui se sont tenues par la main dans la rue238. En 1994, après un changement de ses statuts approuvé en assemblée, le COGAM accueille des militantes lesbiennes et se définit désormais comme une association de gays et lesbiennes. Plus tard, pour bien démontrer symboliquement239 que les femmes n’occupent pas une place secondaire, l’ordre des mots est changé. Le collectif deviendra le collectif de lesbiennes et de gays240.

A Barcelone, une fédération de six organisations est fondée en 1986, la

Coordinadora Gai-Lesbiana241. Elle a comme objectif de renouveler la philosophie et les stratégies des groupes plus traditionnels, dont le

235 L’expression est de Herrera Brasas (idem).

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Collectif Gay de Madrid. « Quelques années plus tard », précise encore Herrero Brasas (idem, ibidem, note 132), « par décision d’une assemblée, le nom a été changé pour devenir Collectif des Gais et Lesbiennes de

Madrid, et après Collectif des Lesbiennes et Gais de Madrid, nonobstant il a été décidé de garder l’acronyme

originel de COGAM. A partir de la fin des années quatre-vingt-dix, la formule a passé à Collectif de Lesbiennes

et Gays de Madrid » (à la manière anglo-saxonne, avec « y », et non avec « i » comme en catalan). (“Anos

después, por decision asamblearia, se cambio el nombre a Colectivo de Gais y Lesbiana de Madrid, y después a

Colectivo de Lesbianas y Gais de Madrid, aunque se decidio mantener el acronimo original COGAM. A partir de

fianles de los anos noventa, la grafia pasaria a ser Colectivo de Lesbianas y Gays de Madrid.”

237

Calvo, op. cit., p. 204.

238 Herrero Brasas, op. cit., p. 307.

239 Puisque de facto elles ne représentent qu’environ 25% du nombre total d’adhérents.

240 Cf. la note antérieure.

241

FAGC. A Valence, la même année, se crée le Col.Lectiu Lambda dans la continuation du militantisme débuté depuis 1976.

L’année suivant, une affaire a attiré l’attention nationale sur la question des droits des homosexuels en Espagne. Le 3 juin 1987, Josep Teixido et Jesus Lozano demandent au juzgado de Vic (province de Barcelone) d’être unis par le mariage civil242. Teixido, 39 ans, se présente comme gay et Lozano, 19 ans, comme bisexuel. Après avoir demandé l’avis de l’Audiencia Territorial de Barcelona, la juge substitut de Vic, Julia Novellas (27 ans), refuse la requête243. Gênée, elle déclare à la presse : « C’est la première fois qu’une chose pareille se présente en Espagne et cela tombe justement sur moi !244 ». Les deux plaignants font appel en s’appuyant sur l’argument que la Constitution fait mention du droit de l’homme et de la femme à se marier, et qu’elle n’établit pas que le mariage doit être entre l’homme et la

femme. Le recours devant le Ministère de la Justice est débouté par

une résolution de la Direction General de los Registros y el Notariado – DGRN. Celle-ci spécifie que « le mariage a toujours été compris comme une institution dans laquelle la différence des sexes est essentielle. Et ce concept essentiel est celui dont prend leur source,

sans aucune doute, les normes en vigueur en Espagne, droitement interprétées245. » Concernant l’argument de Teixido et Lozano que la Constitution mentionne le droit au mariage des hommes et des

femmes et non entre les hommes et les femmes, la DGRN répond que

l’expression « entre » a été omise dans la constitution « pour certaines

raisons ».

242

Toutes les données concernant cette affaire, sauf mention contraire, se trouvent en Herrera Brasas, op. cit., pp. 137-142. Il donne, comme sources principales, des journaux et magazines de l’époque : El Pais (le 6 et le 13 juin, le 7 et le 25 septembre ainsi que le 13 octobre 1987 ; le 10 février 1988), Tiempo (le 23 juin 1987), El

Periodico de Cataluna (le 6 juillet 1987), ABC (le 5 septembre 1987).

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Il est intéressant de relever que l’avis de l’Audiencia Territorial de Barcelona a fait remarquer que « même que l’affaire juridique spécifique du mariage soit fermé aux couples du même sexe, les homosexuels pourraient établir entre eux des contrats privés, comme s’il s’agissait de sociétés limitées » (Herrero Brasas, op. cit., p. 138). Malgré « le ton condescendent » et l’attitude « profondément discriminatoire et à la limite absurde », selon l’analyse de Herrero Brasas, une telle proposition nous rappelle étrangement le PaCS français. D’ailleurs, à l’époque, la proposition du barreau de Barcelone fut même considérée comme « progressiste ».

244 « La primera vez que una cosa asi se presenta en Espana y mira por donde me ha tenido que tocar à mi » (Tiempo, le 23 juin 1987, cité par Herrero Brasas, idem, pp. 137-138).

245

Après une longue explication sur ces « certaines raisons », la résolution de la DGRN rappelle que le refus du mariage entre deux

personnes du même sexe n’est pas une discrimination

inconstitutionnelle pour raison de sexe. Cela parce que « chacun des requérants possède le ius nubendi s’il souhaite se marier avec une femme » et que « la différence de traitement entre l’union hétérosexuelle et celle homosexuelle obéit à des motifs objectifs,

raisonnables et bien fondés246. C’est la première demande de mariage civil entre personnes du même sexe en Espagne247. En tout cas, la première formellement refusée par une instance supérieure. On est dix ans avant que le mouvement gay en Espagne ne la revendique, d’abord par le biais de l’organisation asturienne Xega (1997), ensuite par le COGAM et par la FELG.