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La lutte pour las uniones de hecho (Ley de Parejas)

6 L’Espagne

6.4 UNE CONJONCTURE FAVORABLE

6.4.2 La lutte pour las uniones de hecho (Ley de Parejas)

Le débat espagnol autour de la légalisation du couple homosexuel passe d’abord par la question de l’ouverture droits des uniones de

hecho (concubinage ou union libre) aux couples du même sexe. Sur ce

point, l’Espagne s’aligne sur l’universalisme français plutôt que sur le communautarisme des pays scandinaves. Cela ne se passe pas sans heurts et l’histoire récente du mouvement LGBT, que nous avons déjà analysée, en témoigne.

286 « […] a la prohibicion de contraer matrimonio o de acceder a regimenes juridicos equivalentes a las parejas de lesbianas o de homosexuales » (Martinez-Calcerrada, op. cit., p. 122).

287 « […] toda restriccion de los derechos de las lesbianas y homosexuales a ser padres y a adoptar o a criar ninos » (idem, ibidem).

Ce qui est particulier au processus espagnol c’est que l’ouverture de l’institution du mariage, avec tous les droits et devoirs – y compris la filiation –, a eu lieu avant la reconnaissance légale du couple cohabitant et non pas après. Cette « inversion » de l’ordre « habituel » de parution des institutions n’était pas tout à fait voulue et personne ne le tenait pour possible. Comme dans d’autres pays de l’UE, le mouvement associatif LGBT espagnol a commencé par la revendication de l’ouverture des parejas ou uniones de hecho aux couples de gays et de lesbiennes. Aucune association ne soutenait la revendication de l’ouverture du mariage civil aux personnes du même sexe et cela pour deux raisons fondamentales288. La première est qu’une grande partie des activistes du movimiento, en général avec des opinions de gauche, considérait le matrimonio canonico289 comme une institution réactionnaire. La seconde est que la parcelle la plus conservatrice des activistes pensait que le mariage ne serait que l’aboutissement d’une lutte graduelle, passant d’abord par une Ley de Parejas de Hecho. On ne croyait pas la société espagnole prête pour ce changement, d’autant plus qu’à ce moment une telle législation n’existait dans aucun autre pays. En septembre 1993, le COGAM propose alors une

Ley de Parejas. Peu après, le CGL en présente publiquement une

autre290. S’ensuivent alors deux phases différentes dans le processus cers les diverses lois de parejas de hecho291 : la rebelion de los

alcaldes292 et la rebelion de las Comunidades Autonomas293.

La rebelion de los alcaldes débute en mars 1994, avec la création des

Registros de Parejas de Hecho par la mairie de Victoria294. En réalité, les militants LGBT n’y sont pour rien.295 Mais on profite de cette initiative et divers gays et lesbiennes, activistes ou non, présentent une demande de registre de leur couple auprès des mairies. L’action

288

Gimeno, 2007, p. 34, ss.

289 Mariage canonique.

290 Martinez-Calcerrada, op. cit., p. 97.

291

Pérez Canovas, 2005.

292 Rébellion des maires.

293 Rébellion des Communautés Autonomes.

294 Martinez-Calcerrada, op. cit., p. 97.

295

fera rapidement boule de neige partout dans le pays. La même année (1994), l’Assemblée de Madrid demande au gouvernement de reconnaître les parejas de hecho296. Les Registros de Parejas de Hecho

introduisent une série de lois sectorielles visant l’égalité de droit entre couples mariés et concubins, que ces derniers soient de même sexe ou non297. En novembre 1995, à Madrid, a lieu la première manifestation publique convoquée par toutes les tendances du movimiento LGBT espagnol298. L’année suivante, la Fundation Triangulo relance la campagne pour les Parejas de Hecho299. L’élan fut stoppé finalement par l’arrivée au pouvoir national du Parti Populaire, avec Aznar comme Premier ministre.

La seconde phase, celle de la rebelion de las Comunidades Autonomas, a pour base les compétences législatives de certaines Comunidades

Autonomas, au niveau du droit de la famille. De ce fait, celles-ci

peuvent légiférer sur l’ouverture des parejas de hecho au niveau des

leys autonomicas et indépendamment de lois de l’Etat espagnol. Bien

sûr, l’étendue de ces législations ne va pas au-delà du territoire de chaque Communauté Autonome et, en conséquence, ne concerne que ceux et celles qui en font partie. La Comunidad Autonoma de

Cataluna300 approuve la Ley de Uniones Estables de Pareja301(LUEP, loi 10/1998) le 30 juin 1998. La Comunidad Autonoma d’Aragon valide la

Ley de Parejas Estables no casadas302le 12 mars 1999 (loi 6/1999). Ce sera la première fois que des lois espagnoles – même s’il s’agit seulement de la législation régionale autonomica – reconnaissent le lien conjugal des couples de même sexe au même titre que celui des couples de sexe différent.

Le corollaire est l’extension des effets égalitaires en matière de « nourriture entre conjoints, préférences dans la tutelle de l’autre, pouvoir de disposition en questions domestiques (sont prévues les

296 En 1993, la Comunidad de Madrid avait déjà établi une « convention stable » de soutien au COGAM.

297 « […] con independencia de la orientacion sexuelle de sus miembros. »

298

Martinez-Calcerrada, op. cit., p. 97.

299 Idem, ibidem.

300 Communauté Autonome de la Catalogne.

301 Lois d’Unions Stables de Couple.

302

modalités de calcul des apports aux dépenses courantes), consentement des deux conjoints pour aliéner le logement commun, dispositions subsidiaires et pensions d’indemnisation en cas de rupture. Par rapport aux questions successorales, en tout cas, la garantie de droits minimaux sur l’héritage de l’autre (prévisions spécifiques des droits catalan et aragonais) et l’octroi d’une participation dans la succession non prévue en testament »303 .

Une comparaison des deux lois montre que la législation catalane distingue certains droits selon que l’union est hétérosexuelle ou homosexuelle304. Les droits de succession favorisent les homosexuel-le-s, tandis que l’adoption leur est interdite, ne restant accessible qu’aux seuls couples hétérosexuels. La loi aragonaise octroie les mêmes droits à tous les couples stables quelle que soit l’orientation sexuelle. La seule exception est l’adoption, qui reste réservée aux couples hétérosexuels. Le droit à la filiation continue à être le point le plus problématique au niveau symbolique et par conséquent légal. Après ces deux premiers cas de leys autonomicas de reconnaissance de la vie commune et stable entre personnes du même sexe, d’autres communautés ont suivi, avec des effets civils et administratifs différents. C’est une véritable boule de neige. Douze des dix-sept régions autonomes légifèrent sur la question : Navarra (Ley Foral 6/2000, du 3 juillet, pour l’égalité juridique des couples stables),

Comunidad Valenciana (Loi 1/2001, du 6 avril, pour la régularisation

des parejas de hecho), Baleares (Loi 18/2001, du 19 décembre, des couples stables), Madrid (Loi 11/2001, du 19 décembre, de uniones de

hecho), Principado de Asturias (Loi 4/2002, du 23 mai, de parejas stables), Andalucia (Loi 5/2002, du 16 décembre, de parejas de hecho), Canarias (Loi 5/2003, du 6 mars, pour la régularisation des parejas de hecho), Extremadura (Loi 5/2003, de 20 mars, de parejas

303 « […] alimentos entre convivientes, preferencias en la tutela del otro, potestad de disposicion en cuestiones domésticas (se prevé el modo de calcular las aportaciones a los gastos corrientes), consentimiento de ambos para enajenar la vivienda comun, disposiciones subsidiarias en caso de no pactar un régimen economico, pensiones indemnizatorias para el caso de ruptura y, con respecto a las cuestiones sucesorias, se garantizan en todo caso unos derechos minimos en la herencia del otro (previsiones del derechos catalan y aragonés) y se concede también una participation en la sucesion intestada » (Martinez-Calcerrada, idem, pp. 128-129).

304

de hecho) et le Pais Vasco (Loi 2/2003, du 7 mai, régulatrice des parejas de hecho).

Au niveau national, et selon le jeu des alliances entre le movimiento et les partis politiques, surtout de gauche mais pas seulement, différentes propositions ont été présentées aux Cortes305. En juin 1997, après

l’échec d’une proposition émanant du groupe socialiste (PSOE) lors de la section parlementaire antérieure, le groupe Coalision canaria présente une proposition similaire à celle du PSOE. Elle est refusée. À son tour, en septembre de la même année, c’est le Partido Popular (PP) qui fait voter une ley organica, appelée Contrato de Union Civil (CUC306).

Ce qui est intéressant de remarquer c’est que, « si les deux propositions coïncident et octroyent certains effets juridiques – presque les mêmes – aux uniones de hecho (bénéfices fiscaux, de travail, administratifs, sociaux ainsi que la pension de veuvage), à l’exclusion de l’adoption et de la PMA, toutes les deux s’appuient sur des présupposés radicalement opposés307 ». La proposition de la

Coalision canaria attribue aux uniones de hecho certains droits

spécifiques au mariage, en ajoutant au terme « conjoint » l’expression « ou la personne avec laquelle [il/elle] vit en tant que partenaire stable »308. La cohabitation est attestée par l’enregistrement en tant que pareja de hecho et les droits sont acquis à partir d’une année de vie en commun.

La proposition du PP consiste en un contrato privado de convivencia309

« complexe et controversé310 » ouvert à toute personne majeure et mis en effet par un acte notarial certifiant la vie commune et

305 Le Parlement (Assemblée Nationale) de l’Etat Espagnol.

306 A ne pas confondre avec un projet homonyme présenté par des parlementaires de gauche français à l’assemblé nationale française.

307

« Si bien ambas propuestas oincidian en otorgar determinados efectos juridicos – practicamente los mismos – a las uniones de hecho (beneficios fiscales, laborales, administrativos, asistenciales y la pension de viudedad), excluyenfo la adoption y la reproduccion asistida, ambas se sustentaban sobre planteamientos radicalemente opuestos” (Martinez-Calcerrada, op. cit., pp. 127, ss.),

308 « […] o persona con la que conviva como pareja de hecho stable » (Martinez-Calcerrada, op. cit., pp. 127-128).

309 Contrat privé de cohabitation.

310

l’obligation d’assistance mutuelle. Après une année de cohabitation, le couple peut adopter l’un des régimes économiques propres au mariage et prévus par le Code civil, avec tous les effets légaux déjà mentionnés (fiscaux, administratifs, de travail, etc.). Après deux années aux

Cortes, sans qu’aucun groupe parlementaire ne prenne l’initiative de

s’en approprier, arrive la fin de la législature. Les deux résolutions sont alors périmées.