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La nécessite d’un manquement grave

Dans le document La fin du contrat de franchise (Page 176-183)

§ 2 Résiliation unilatérale en l’absence de clause résolutoire

B. Conditions de la rupture unilatérale

1. La nécessite d’un manquement grave

169. Ultime exigence. Pour qu’une partie à un contrat de franchise puisse valablement rompre unilatéralement le contrat, il faut qu’il y ait un manquement grave de la part de son cocontractant à ses obligations. La gravité du manquement est une exigence élémentaire, voire fondamentale de la résiliation unilatérale. A défaut, nul ne songera à admettre que le contrat de franchise puisse être rompu en dehors du juge. Cette exigence d’un manquement d’une gravité suffisante se justifie par le souci de protéger le principe de la force obligatoire du contrat, et donc d’assurer la préservation du lien contractuel utile. Il ne faut pas, en effet, qu’un franchiseur ou qu’un franchisé puisse se désengager unilatéralement du contrat pour une simple défaillance minime commise par son cocontractant, sinon la sécurité et la stabilité des rapports contractuels seront remises en cause.

170. Appréciation objective et subjective. Toutefois, si la jurisprudence exige, pour qu’une partie à un contrat de franchise puisse rompre unilatéralement le contrat, qu’il y ait un manquement grave ou un comportement grave de la part de son cocontractant, elle ne définit pas pour autant en quoi consiste ce manquement grave590. Faut-il se référer à une interprétation objective pour apprécier ce que l’on entend par manquement grave ?

590 V. P. STOFFEL-MUNCK, Le contrôle a posteriori de la résiliation unilatérale, in Rupture unilatérale

Faut-il, au contraire, recourir à une interprétation subjective de celui-ci puisque certains arrêts emploient le terme « comportement » pour admettre la possibilité de la rupture unilatérale dans certains contrats ?

A vrai dire, le manquement grave ou le comportement grave, fondement unique justifiant la résiliation unilatérale du contrat, doit être entendu dans les deux sens. Le premier sens peut s’entendre comme une défaillance d’ordre matériel. Ainsi, pourra être considéré comme manquement grave, permettant au franchiseur ou au franchisé de rompre unilatéralement le contrat, toute défaillance ou tout manquement portant sur une obligation essentielle ou toute autre obligation de nature à remettre en cause l’économie du contrat de franchise. Tel peut être, par exemple, le cas de la violation de la clause d’exclusivité insérée dans le contrat de franchise. Une telle clause n’est pas, contrairement au contrat de concession, de l’essence du contrat de franchise591. Mais une fois qu’elle y est stipulée, elle devient essentielle en ce sens qu’elle peut consister en un facteur de rationalité592, de prévisibilité et de sécurité permettant d’assurer la rentabilité des investissements593. De là, tout manquement par le franchisé ou même par le franchiseur à une telle stipulation peut être qualifié de manquement grave justifiant la rupture unilatérale du contrat de franchise. Tel peut être aussi le cas du manquement par le franchisé à son obligation de respecter les normes du réseau. Effectivement, une telle obligation a pour objet d’assurer l’uniformité et l’homogénéité entre tous les points franchisés, uniformité et homogénéité qui ne sont pas seulement indispensables à la mise en œuvre de la franchise, mais également gage de la réussite de la réitération du succès du franchiseur594. Dès lors, tout manquement par le franchisé à cette obligation pourra permettre la rupture unilatérale du contrat.

591 Supra, n°121et s.

592 J. GUYENOT, Etude juridique et économique des conventions d’exclusivité de vente, Dr. soc. 1965,

p.2. Pour cet auteur, la clause d’exclusivité rationalise le commerce et serait même un procédé « parfait » pour une grande industrie cherchant des débouchés à l’étranger.

593

G. PARLEANI, Les clauses d’exclusivité, in Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, PUAM 1990, p. 55, n° 2 ;

594 D. FERRIER, La franchise internationale, J.D.I .1988, p.625, et spéc., n° 10, p.629 : «Sans une

application du système franchisé parfaitement conforme à son modèle d’origine, il n’y a plus réitération de la réussite commerciale du franchiseur mais innovation et l’économie même de la franchisé se trouve atteinte » . Ch. ATIAS, Le contentieux de la franchise, Revue de loyers, 1997, n°302, p.926 : « Le succès du réseau est en partie fondé sur l’alignement des diverse pratiques de présentation, de commercialisation, et de gestion de tous les franchisés ».

Cette appréciation objective du manquement grave a le mérite d’assurer la sécurité juridique des relations contractuelles liant franchiseurs et franchisés595. Néanmoins, elle peut paraître restrictive. Le manquement grave peut ne pas tenir seulement à une défaillance d’ordre matériel, mais aussi à une défaillance d’ordre comportemental596. Tel est, par exemple, le cas de la violation de l’obligation de bonne foi et de déloyauté. Un tel manquement peut justifier que la résiliation du contrat de franchise intervienne en dehors du juge. En effet, une telle appréciation subjective du manquement grave a l’avantage de la souplesse. Elle peut embrasser les hypothèses où il s’agit d’un manque de loyauté597. Elle contribue ainsi au mouvement de moralisation des relations contractuelles entre franchiseurs et franchisés598. S’ajoute à cela, elle permet d’aligner le régime de la résiliation unilatérale sur celui de la résiliation judiciaire puisque le fait générateur de la résiliation sera, dans les deux matières, apprécié d’une manière presque identique, alignement auquel une partie de la doctrine se montre favorable599.

Qu’il soit apprécié de manière objective ou subjective, le manquement doit être particulièrement grave, sinon, la responsabilité de l’auteur de la rupture du contrat de franchise peut être engagée ultérieurement pour rupture irrégulière600.

595

S. AMRANI-MEKKI, La résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée, Defrénois 2003 , art. 37688, p.369, et spéc.,n° 21 , p.383 .

596 En ce sens, J. MESTRE et B. FAGES, obs. sous Cass. 1er civ., 20 février 2001, RTD civ. 2001, p. 364.

Pour ces auteurs la gravité prise en compte pour justifier la résiliation unilatérale « ne s’attache pas

toujours au caractère essentiel de l’obligation inexécutée et aux conséquences matérielles qui en résultent pour le créancier .Elle peut aussi tenir à des agissements plus personnels du débiteur liés par exemple à sa déloyauté manifeste ».

597 J. MESTRE et B. FAGES, obs.sous Cass. civ. 1er, 20 février 2001, op.cit. 598

G. VIRASSAMY, La moralisation des contrats de distribution par la loi Doubin du 31 décembre 1989, JCP E 1990, II, 15809.

599 V. E. SAVAUX, obs sous Cass. 1er civ., 20 février 2001, Defrénois 2001, art.37365, p.705 : « on ne

voit pas pourquoi le juge sanctionnerait une résolution dans des circonstances où il l’aurait lui-même prononcée ». De même, Y. LEQUETTE, La résolution unilatérale du contrat aux risques et périls des

créanciers, RDA. 2003, n° 1, p.149 : « ... on perçoit mal pourquoi le juge sanctionnerait un contractant

d’avoir procédé à la résolution unilatérale d’un contrat dans un cas où lui-même l’aurait prononcée ».

Cette dernière observation est reprise par F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Les obligations, Précis Dalloz, 9e édition, 2005, n°661, p.650. Contrario, v. J. ROCHFELD, Résolution et exception d’inexécution, in Les concepts contractuels français à l’heure des principes du droit européen des contrats, sous la dir.de P. Rémy-Corlay et D. Fenouillet, Dalloz, 2003, p.213, et spéc., p.220. L’auteur plaide pour une appréciation objective du manquement ou du comportement grave justifiant la résiliation unilatérale. Selon lui, « dès lors que le critère serait manié par le créancier et non plus par le juge, il

serait nécessaire de lui donner un sens plus restreint et plus précis. L’idée fondamentale serait que, pour se passer de juge et abandonner l’appréciation à l’une des parties, il faut que le manquement soit facile à caractérise, qu’il soit « plus évidemment grave ».

600

171. Contrôle judiciaire. Si une partie peut aujourd’hui rompre unilatéralement le contrat avant même l’échéance du terme pour lequel il a été stipulé, cette rupture unilatérale sera, en revanche, à ses risques et périls. Cela veut dire que le contractant, qui a subi la résiliation unilatérale, peut saisir a posteriori le juge pour contester la régularité de la résiliation. Dans l’hypothèse où la résiliation unilatérale paraît injustifiée, la responsabilité de son auteur sera engagée601.Ainsi, en cas de rupture unilatérale prononcée par le franchiseur, le franchisé, qui se prétend victime d’une rupture abusive, pourra postérieurement saisir le juge pour en contester la régularité. Ce dernier va, en effet, vérifier le bien fondé de la résiliation.

S’il constate que la rupture prononcée par le franchiseur est justifiée par la gravité de l’inexécution commise par le franchisé, à tel point que, s’il avait été saisi, il aurait décidé du même sort, le juge ne pourra, dans ce cas, que constater la résiliation. Sa décision d’admettre la validité de celle-ci ne sera, en effet, qu’une décision déclarative et non constitutive602. La résiliation du contrat de franchise était déjà encourue. A cet égard, il est à noter que la résiliation unilatérale, faite par le franchiseur, entraîne la destruction anticipée du contrat de franchise. Elle anéantit celui-ci pour le futur, c'est-à- dire dès la date de l’intervention du manquement grave, à moins que ce manquement n’ait lieu dès le début du contrat, alors, la résiliation se transforme en résolution en effaçant rétroactivement le contrat de franchise. La solution est donc identique à celle retenue en matière de résiliation judiciaire603. A l’inverse, si le juge constate que les motifs allégués par le franchiseur ne sont pas exacts, et que le manquement invoqué par lui n’est pas d’une gravité suffisante pour lui permettre de rompre unilatéralement le contrat, il engagera, alors, sa responsabilité pour rupture irrégulière.

601

V. P. STOFFEL-MUNCK, Le contrôle a posteriori de la résiliation unilatérale, in Rupture unilatérale du contrat : vers un nouveau pouvoir, Dr et patr. mai 2004, n° 126, p.70. Egalement, Ch. ATIAS, « Les « risques et périls » de l’exception d’inexécution : limites de la description normative », Dalloz, 2003, doc.1103.

602

La décision du juge est réputée déclarative lorsqu’elle reconnaît l’existence d’un droit antérieur contesté. En revanche, la décision du juge est considérée constitutive quant elle attribue des droits nouveaux. Sur l’ensemble de la question v. L. MAZEAUD, De la distinction des jugements déclaratifs et des jugements constitutifs de droits, RTD civ. 1928, p.17.

603

Dans ce cas, le juge, qui dispose d’un pouvoir souverain quant à la détermination de la sanction, peut soit prononcer la résiliation du contrat à ses torts et le condamner à des dommages et intérêts, soit ordonner le maintien du contrat de franchise abusivement rompu. Mais le plus souvent, les juges préfèrent la condamnation à des dommages et intérêts de l’auteur de la rupture abusive à celle au maintien forcé du contrat604.

172. Complicité d’un tiers. En principe, le contrat a une force obligatoire pour les personnes qui y consentent puisqu’il est le fruit de leur volonté. Il ne peut produire effet qu’entre ces mêmes parties. Il ne profite ni ne nuit aux tiers. Cette solution, consacrée par 1165 du Code civil605, s’explique par le principe de l’effet relatif des conventions606, principe dont le fondement peut se trouver dans l’autonomie de la volonté607. Toutefois, si, en vertu du principe de l’effet relatif des conventions, un tiers ne peut se voir imposé l’exécution d’un contrat auquel il n’a pas participé, ce contrat lui étant néanmoins opposable608.

604 Infra n° 276 et s.

605

« Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuissent point au tiers, et

elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 ».

606 D. MAZEAUD, Contrat, responsabilité et tiers ( Du nouveau à l’horizon ), in Libre droit, Mélange. Ph.

Le TOURNEAU, Dalloz, 2008, p.745 et s ; M. GRIMALDI, Le contrat et les tiers, in Libres propos sur les sources du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p.163 ; Ph. DIDIER, L’effet relatif, in Les concepts contractuels français à l’heure des principes du droit européen des contrats, Dalloz, 2003, p.187 ; M. BACACHE-GELLI, La relativité des conventions et les groupes de contrats, LGDJ, 2000, préface Y. Lequette ; Ph. DELMAS-SAINT HILAIRE, Le tiers à l’acte juridique, la notion de partie, LGDJ, 2000, préface J. Hauser.

607 M. GRIMALDI, op.cit., n° 5, p.167. L’effet relatif peut se justifier tant par des raisons théoriques que

pratiques D’abord, il s’explique par le principe très dogmatique de l’autonomie de la volonté, « car si l’on

ne peut être lié que par sa propre volonté, comment pourrait-on l’être par un contrat auquel on est resté étranger ? ». Il s’explique aussi par « le souci pragmatique d’indépendance des individus, qui veut que chacun s’occupe de ses affaires et non de celles des autres ».

608 Sur l’opposabilité, M. GRIMALDI, Le contrat et les tiers, op.cit. ; R. WINTGEN, Etude critique de

l’opposabilité : les effets du contrat à l’égard des tiers en droit français et allemand, LGDJ, 2004, préf. J. Ghestin ; J. DUCLOS, L’opposabilité, essai d’une théorie générale, LGDJ, 1984, préf. D. Martin ; I. MARCHESSAUX, Rapport français, in Les effets du contrat à l’égard des tiers : comparaisons franco- belges, sous la dir. J. Ghestin et M. Fontaine, LGDJ, 1992, p.67 ; G. VIRASSAMY, La connaissance et l’opposabilité, in Les effets du contrat à l’égard des tiers : comparaisons franco-belges, sous la dir. J. Ghestin et M. Fontaine, LGDJ, 1992, p.132.

Cette opposabilité, qui est le complément de sa relativité609, et qui signifie que le contrat constitue un événement juridique610, crée un nouvel ordre juridique que les tiers doivent respecter, sous peine d’engage leur responsabilité délictuelle Il en résulte que lorsqu’un tiers aide de manière directe ou indirecte le franchisé ou le franchiseur à violer ses obligations, il engagera sa responsabilité extracontractuelle. C’est ainsi que, dans arrêt du 23 janvier 2007, la Chambre commerciale a approuvé un arrêt d’appel qui avait condamné in solidum un franchisé ayant fautivement résilié le contrat avant son terme et un franchiseur tiers, sur le fondement de la concurrence déloyale, pour sa complicité dans cette rupture irrégulière611.

A cet égard, il est important de noter que, pour mettre en jeu la responsabilité d’un tiers pour sa complicité d’une rupture fautive, il suffit d’établir la connaissance par lui de l’existence du contrat violé. Autrement dit, la connaissance est une condition nécessaire et suffisante de la responsabilité du tiers qui contracte en méconnaissance des droits d’autrui. Une telle exigence « de la connaissance s’explique parfaitement puisque

la technique de l’opposabilité des contrats aux tiers repose implicitement sur le mécanisme de la responsabilité civile. Celle-ci suppose nécessairement une faute qui consistera à porter atteinte aux prévisions ou aux anticipations d’autrui en pleine connaissance de la situation contractuelle engagée. L’opposabilité vient ainsi incontestablement limiter la liberté d’action des tiers, désormais contraints de respecter l’existence des conventions, ce qui suppose toutefois qu’ils en aient eu connaissance. C’est en effet une règle de bon sens que l’on ne peut attendre ce respect que des tiers informés.

609 M. GRIMALDI, Le contrat et les tiers, op.cit., n°13, p.174 et s : « Parce que le contrat n’a qu’un effet

relatif, son exécution ne peut être exigée ni d’un tiers ni par un tiers : corollaire du respect des libertés individuelles, sa relativité cantonner aux parties le domaine du pouvoir de contrainte, que seuls le créancier et le débiteur peuvent exercer et subir. Mais parce que le contrat est opposable, son existence doit être respectée par les tiers et peut être invoquées par eux : corollaire de la légitimité du contrat et de sa place dans l’ordonnancement juridique, son opposabilité le pose comme un fait social erga omnes et pro omnes ».

610

D. MAZEAUD, Contrat, responsabilité et tiers (Du nouveau à l’horizon), op.cit., n° 3, p. p.746 et s ; M. GRIMALDI, Le contrat et les tiers, op.cit ; O. DEBAT, Le contrat, source de responsabilité envers les tiers, LPA, 23 septembre 2003, n° 190, p. 3 ; G. VIRASSAMY, La connaissance et l’opposabilité, op.cit.

611

Et à la condition au surplus qu’ils ne disposent pas d’un droit légitime de nuire qui ne peut être limité dans ses effets par la connaissance qu’ils ont de la situation contractuelle préexistante »612

. La connaissance de l’existence du contrat par un tiers ne peut être présumée613. La jurisprudence rappelle souvent que le contractant, qui se prétend victime de la complecité d’un tiers dans la violation des dispositions du contrat, doit apporter la preuve que celui-ci connaissait l’existence de ce contrat lors de l’acte614.

Guidés par le désire de préserver la stabilité des relations contractuelles, les juges semblent toutefois avoir assouplir cette condition. Effectivement, ils n’hésitent pas, dans certaines hypothèses, à présumer la connaissance d’un tiers, complice d’une rupture fautive du contrat, de l’existence du contrat si certains éléments sont réunis615. Ils vont même parfois jusqu’à imposer à la charge du tiers une obligation générale de se renseigner. Le non-respect de cette obligation engagera sa responsabilité délictuelle. C’est ce qui a été jugé dans l’arrêt cité ci au-dessus. Dans ce dernier, les juges du fond ont considéré que le franchiseur tiers avait le devoir de s’assurer que le candidat franchisé est libre de tout engagement antérieur dans un autre groupe, et que la seule stipulation, dans le contrat, selon laquelle le candidat devait se libérer lui-même de tout engagement antérieur dans un autre groupe ne peut considérer que ce tiers s’est acquitté de ce devoir.

612 G. VIRASSAMY, La connaissance et l’opposabilité, in Les effets du contrat à l’égard des tiers :

comparaisons franco-belges, sous la dir. J. Ghestin et M. Fontaine, LGDJ, 1992, p.132, et spéc., n° 147, p.151.

613

G. VIRASSAMY, La connaissance et l’opposabilité, op.cit.

614 Voir par exemple, Cass. com., 12 mars 1963 ; D. 1963, p.367, note. J. ROBERT. En l’espèce, une

société française avait obtenu l’exclusivité de la distribution de magnétophones fabriqués par une société allemande. Une seconde société commercialisait les mêmes produits en France. La première société assignait alors la seconde devant le juge des référés. Pour sa défense, la société défenderesse faisait valoir son ignorance de la convention d’exclusivité. Le juge des référés désignait un administrateur judiciaire chargé d’appréhender les magnétophones et de les conserver pour le compte de qui il appartiendra au motif qu’il reviendra « le cas échéant, à la société défenderesse d’établir sa bonne foi et son ignorance

de l’existence du contrat d’exclusivité... devant le juge du principal ». La Cour de cassation censurait

cette motivation en relevant que la Cour d’appel avait « ainsi préjugé de l’opposabilité » à la société défenderesse « d’un contrat auquel cette société n’était point partie ». Et elle affirma qu’il incombait au demandeur d’établir la connaissance du contrat litigieux, et par conséquent, refuse de présumer que le tiers pouvait connaître le contrat

615 Cass. com., 23 janvier 2007, précité. Dans cet arrêt, pour établir la connaissance du tiers franchiseur

complice de la rupture fautive du contrat de franchise due au franchisé, les juges ont retenu un faisceau d’éléments. D’abord, sa qualité concurrente et professionnelle de haut niveau dans la distribution. Ensuite, le fait qu’il était au courant que le franchiseur voulait former et modifier le réseau et que cette perspective a amené certains franchisés à révéler leur intention dans la presse de se retirer du réseau. Enfin que le contrat proposé au franchisé défaillant contenait une clause imposant à ce que ce dernier soit libéré par lui-même de tout engagement antérieur dans un autre groupe.

Pour échapper à toute responsabilité, le tiers franchiseur ou franchisé doit donc rapporter la preuve qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour vérifier que le franchisé candidat n’est pas lié par un autre contrat avec un autre franchiseur concurrent.

173. Rôle du juge des référés. Pour éviter toute mauvaise surprise auquel peut donner lieu un éventuel contrôle a posteriori du juge, il est conseillé au franchisé ou au franchiseur qui s’estime victime d’une grave inexécution de la part du cocontractant, soit de recourir au juge des référés pour constater la gravité de l’inexécution616, soit de ne recourir à la résiliation unilatérale qu’en présence d’un manquement particulièrement grave, dépassant même le seuil de la gravité retenue en matière de résiliation

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