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Le caractère traditionnellement exceptionnel de la résiliation unilatérale

Dans le document La fin du contrat de franchise (Page 169-173)

§ 2 Résiliation unilatérale en l’absence de clause résolutoire

A. Admission de la résiliation unilatérale du contrat de franchise

1. Le caractère traditionnellement exceptionnel de la résiliation unilatérale

163. Le principe de la résiliation judiciaire. Contrairement aux contrats à durée indéterminée dans lesquels chacune des parties bénéficie d’une faculté de résiliation unilatérale à tout moment, sous réserve du respect d’un préavis raisonnable563, dans les contrats à durée déterminée, le principe est l’interdiction de la résiliation unilatérale564.Sauf clause résolutoire expresse 565ou mutuus dissensus566, ni le franchiseur ni le franchisé ne peut se désengager unilatéralement du contrat avant l’arrivée du terme pour lequel il a été stipulé567. Cette solution s’impose même s’il y a une inexécution de la part de l’une des parties. L’idée dominante est que nul ne peut se faire justice soi-même568.

563 Supra n° 85 et s.

564 V. C. GORGAS-BERNARD, La résiliation unilatérale du contrat à durée déterminée, PAUM, 2006,

préface. Ch. Jamin. V. aussi, J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non- renouvellement dans les contrats de distribution, in La cessation des relations contractuelles d’affaires, sous la dir. J. Mestre, PUAM, 1997, p.10, spéc., p.13. H. HOUIN, La rupture unilatérale des contrats synallagmatiques, th., Paris II, 1973.

565 Supra n° 144 et s. 566

Supra n° 99 et s.

567 J. MESTRE, Résiliation unilatérale et non-renouvellement dans les contrats de distribution, op.cit., p.

13.

568 J. BEGUIN, Rapport sur l’adage « Nul ne peut se faire justice à soi-même », en droit français, Travaux

En effet, en pareille hypothèse, le franchiseur ou le franchisé, qui s’estime victime d’une inexécution du fait du cocontractant a une option : soit recourir à l’exception d’inexécution et ne pas exécuter ses obligations569 ; soit s’adresser au juge et lui demander de prononcer l’anéantissement du contrat aux torts du cocontractant défaillant. Mais il ne saurait en aucun cas rompre unilatéralement le contrat, sous peine d’engager sa responsabilité570.

164. Fondement du principe. La judiciarisation de la résiliation dans les contrats à durée déterminée s’explique par le principe de l’autonomie contractuelle571. En fixant un terme à leur contrat, le franchiseur et le franchisé ont choisi de faire de la durée un élément essentiel de leur convention, de sorte qu’elle contribue à assurer la stabilité du lien contractuel et l’amortissement des investissements effectués pour l’exploitation de la franchise. Par conséquent, chacun d’eux doit rester lié jusqu’à l’expiration de cette durée.

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Dans le contrat de franchise -comme d’ailleurs dans tout contrat synallagmatique- chacune des parties peut refuser d’exécuter ses obligations tant que son partenaire n’exécute pas les siennes. Il s’agit ici de la règle de l’exception d’inexécution, qui n’est que le corollaire de la réciprocité et de l’interdépendance des obligations que tout contrat synallagmatique fait naître à la charge des deux parties. Sur cette technique, V. J. GHESTIN, L’exception d’inexécution, Rapport français, in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M. Fontaine et G. Viney, Bruylant, L.G.D.J, 2001, p 3. Toutefois, il est à noter qu’il arrive parfois que cette technique aboutisse, de manière indirecte, à la rupture unilatérale d’un contrat de franchise. V. J. ROCHE-DAHAN, L’exception d’inexécution, une forme de résolution unilatérale du contrat synallagmatique, D. 1994, chro., p. 255 , et spéc., n° 9, p.256 et s.

570 Comp. Cass. com., 9 juillet 1996, RJDA 1996, n° 1433 ; Cass. com., 25 mars 1991, Contrats. conc.

conso., 1991, n° 126, comm. L. LEVENEUR ; Cass. com., 15 janvier 1973, D.1973, p.473, note. .J. GHESTIN.

571 Ph. JESTAZ, Rapport de synthèse, in L’unilatéralisme et le droit des obligations, sous la dir. Ch.

Jamin et D. Mazeaud, Economica, 1999, p.87, et spéc., p.90 et s ; Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, 2e édition, Defrénois, 2005, n° 755, p.364 : « Une fois conclu, le

contrat, par sa force obligatoire, échappe à la fantaisie individuelle et aux caprices du temps » ; P.

ANCEL, La force obligatoire : jusqu’où faut-il la défendre?, in La nouvelle crise du contrat, Dalloz, 2003, p163 ; du même auteur, Force obligatoire et contenu obligationnel du contrat, RTD civ.1999, p.771 ; Ch. JAMIN, Les conditions de la résolution du contrat : vers un modèle unique ?, in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude en droit comparé, sous la direction .M. Fontaine et G. Viney, Bruylant, LGDJ 2001 p. 451, et spéc n°5, p.459 ; du même auteur, «Les sanctions unilatérales de l’inexécution du contrat : trois idéologies en concurrence », in L’unilatéralisme et le droit des obligations, sous la dir. Ch. Jamin et D. Mazeaud, Economica, 1999 , n° 3 , p.73 S. STIJNS, La résolution pour inexécution en droit belge : conditions et mise en œuvre, in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude en droit comparé , sous la direction .M. Fontaine et G. Viney, Bruylant et LGDJ 2001 op., cit., n°19, p.534 ; G. ROUHETTE, La force obligatoire du contrat : Rapport français in Le contrat aujourd’hui : comparaisons franco-anglaises, sous la dir. D. Tallon et D. Harris, LGDJ, 1987, p.28.

Aucun d’eux ne saurait prononcer unilatéralement et prématurément le « divorce

contractuel » 572

avant que le terme extinctif contractuellement fixé soit échu. Le principe de la force obligatoire du contrat empêche que l’une des parties se désengage du contrat sans la permission du contractant. Comme le relèvent certains auteurs, c’est que leur volonté commune « a créée, celle d’un seul ne saurait, en principe, le détruire,

si le juge ne le permet pas » 573

. Le principe de la judiciarisation de la résiliation ou de la résolution du contrat à durée déterminée peut aussi s’expliquer par la méfiance à l’égard des parties qui ne respectent pas leurs engagements574. Si l’on admet la possibilité de la rupture unilatérale, il y a lieu de craindre qu’un franchiseur ou un franchisé puisse, après s’être avisé que l’opération conclue est moins avantageuse qu’escomptée, mette fin au contrat unilatéralement, ce qui serait de nature à remettre en cause, non seulement le contrat de franchise en question, mais aussi l’ordre social et économique dans son ensemble.

165. Atténuations exceptionnelles. Quel que soit le fondement de la judiciarisation de la résiliation du contrat, celui-ci souffre parfois d’atténuations. En effet, la jurisprudence admet la possibilité pour une partie à un contrat de franchise de rompre, unilatéralement et sans le recours préalable au juge, au cas où il y aurait une faute particulièrement grave brisant le climat de confiance et rendant donc la poursuite des relations contractuelles jusqu’à son terme impossible.

C’est ce qu’illustre l’arrêt du 27 février 1989 rendu par la Cour d’appel de Paris575. En l’espèce, un contrat de franchise a été conclu entre le franchiseur -la société Conforma et le franchisé -la société Seda- pour une durée d’un an renouvelable.

572 L’expression est de D. MAZEAUD, Durée et rupture, in La durée et exécution du contrat, RDC. 2004,

p.129, et spéc., n° 4, p.130.

573

Ph. MALAURIE, L. AYNES, Ph. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Defrénois, 2005, n° 883, p.429.

574 Ch. JAMIN, Les sanctions unilatérales de l’inexécution du contrat : trois idéologies en concurrence, in

L’unilatéralisme et le droit des obligations, Economica, 1999, p.73 n° 3. Ch. JAMIN, « Les conditions de la résolution du contrat : vers un modèle unique » ,Rapport français, in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etude de droit comparé, sous la dir. M. Fontaine et G. Viney, Bruylant , LGDJ , 2001 , p.451 , n° 1 et s.

575

Après avoir vainement tenté d’obtenir de Conforma l’autorisation d’ouvrir à Calais et, plus tard, à Saint Omer un magasin sous l’enseigne Conforma, la société Seda franchisée a ouvert un magasin sous l’enseigne Inter Conforma dans lequel elle a mis en vente un certain nombre de produits similaires à la gamme Conforma. Celle-ci a alors mis unilatéralement et immédiatement fin au contrat de franchise. Les juges du fond ont déclaré non fautive la résiliation procédée par la société franchiseur. En effet, la Cour a relevé que la répétition et la gravité des actes du franchisé ne pouvaient être tolérées passivement par le franchiseur, puisqu’ils ont chaque fois fait l’objet de mise en demeure dans le but de les faire cesser.

Outre le cas de la faute particulièrement grave faisant disparaître la confiance entre le franchiseur et le franchisé, la jurisprudence admet la possibilité de rupture unilatérale d’un contrat de franchise -et même de tout contrat- lorsque le maintien du contrat jusqu’à la décision du tribunal causerait à l’une des parties un dommage irréparable. En pareille hypothèse, il y a une urgence qui enlève à la rupture unilatérale « non autorisée son caractère fautif »576. Il serait, en effet, là « inique d’obliger celui

qui est manifestement lésé et mis en péril pressant par les agissements de l’autre, à continuer dans tous les cas l’exécution à découvert de son côté, pendant la durée d’un procès que la mauvaise foi de l’adversaire risque de prolonger longtemps »577

. Hormis l’hypothèse de la faute grave et de l’urgence, la rupture unilatérale du contrat de franchisé ne peut intervenir en dehors du juge. Celui qui rompt le contrat de son propre chef avant le terme engage sa responsabilité.

Toutefois, il convient de noter que cette solution n’est plus vraiment en vigueur aujourd’hui. Depuis 1998, la Cour de cassation admet la possibilité pour une partie de rompre unilatéralement le contrat, en dehors même d’une clause résolutoire ou de toute idée d’une urgence ou d’un rapport personnel devenu intolérable, lorsque son cocontractant manque gravement à ses obligations

576 Ph. JESTAZ, L’urgence et les principes classiques du droit civil, LGDJ, 1968, préface. P. Raynaud, n°

98, p.92. V. M VASSEUR, Urgence et droit civil, RTD civ.1954 p.421, n°11 : «L’urgence autorise le

contractant dont les intérêts sont en péril pressant à s’affranchir du respect des exigences légales dès lors que l’observation de celles-ci retarderait la rupture du contrat, indispensable à la sauvegarde de ses intérêts ».

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