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L’effet extinctif de la force majeure

Dans le document La fin du contrat de franchise (Page 196-200)

§ 1 Extinction certaine du contrat en cas de force majeure

B. L’effet extinctif de la force majeure

190. Effet extinctif et mécanisme d’extinction. S’il ne fait pas le moindre doute que la force majeure emporte extinction immédiate du contrat de franchise (1), il convient néanmoins de s’interroger sur le mécanisme de cette extinction (2).

1. Extinction a effet immédiat

191. Suspension du contrat en cas d’impossibilité d’exécution provisoire. L’impact de la force majeure sur le contrat de franchise varie en fonction de l’impossibilité d’exécution quand celle-ci est temporaire ou définitive. En cas d’impossibilité momentanée d’exécution, l’évènement de force majeure n’emporte pas l’extinction du contrat de franchise, mais seulement sa suspension660. Le contrat est considéré suspendu pendant le temps de l’impossibilité d’exécution. « Pendant cette période, le contrat est

relâché, n’est plus « en vigueur » ; mais il existe toujours et sa reprise se fera automatiquement dès qu’elle sera possible »661

.

659 P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié,

n° 218, p.157.

660 V. Cass. civ. 3e., 22 février 2006, pourvoi n° 05- 12. 032 ; RDC. 2006, p. 1487, obs. Y.-M.

LAITHIER.

661 A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 11e édition, 2007, n°339, p.264. V. aussi,

Par voie de conséquence, le franchisé ou le franchiseur, empêché d’exécuter ses obligations, n’est exonéré de sa responsabilité que pendant le temps qu’il a été empêché. Il n’est exonéré de l’inexécution de ses engagements qu’à la mesure temporelle de l’empêchement sur lequel elle est fondée. En effet, lorsque l’impossibilité d’exécution n’est que provisoire, la force obligatoire du contrat ainsi que l’espoir d’une exécution utile de celui-ci s’opposent à la libération définitive du contractant tant qu’il y a toujours une chance, même minime, que l’exécution du contrat redevienne possible.

192. Extinction du contrat en cas d’impossibilité définitive. En revanche, lorsque l’impossibilité d’exécution est définitive, l’évènement de force majeure emporte l’extinction anticipée du contrat de franchise662. Il développe, à ce titre, un effet extinctif immédiat sur le contrat de franchise aussitôt qu’il intervient663. Celui-ci sera considéré comme éteint dès l’instant de la réalisation de la force majeure. A partir de cette date, le contrat perd son pouvoir de créer de nouvelles obligations.

Toutes les obligations qui sont déjà nées sont aussi éteintes à cette date, sauf les obligations qui produisent des effets post-contractuels, telles que l’obligation de non- concurrence et l’obligation de confidentialité. Celles-ci seront maintenues en dépit de la fin du contrat, à moins que la force majeure ne les prive de leur objet. En cas de groupe de contrats ou de chaîne de contrats, l’effet extinctif que produit la force majeure à l’égard du contrat de franchise va rejaillir sur les autres contrats qui y sont liés. Ainsi, par exemple, lorsque c’est le contrat de franchise principale qui est éteint par la survenance de la force majeure, le sous-contrat de franchise s’éteint aussi. Ce dernier devient en effet sans cause664. Ce n’est là que la simple application de la règle selon laquelle l’accessoire suit le principal665. La force majeure libère définitivement le franchisé ou le franchiseur débiteur de son obligation et le dispense de tout versement des dommages et intérêts au profit de son cocontractant.

effet, lorsque l’exécution redevient possible au bout d’un délai raisonnable, il n’y a pas de raison de considérer que le débiteur est libéré ».

662 J. MESTRE, Force majeure et sort du lien contractuel, RTD civ. 1990, p.658. Egalement, P.-H.

ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié, n° 215, p.156 et s.

663 V. P.-H. ANTONMATTEI, th., précitée., n° 240, p.172 et s.

664 V. J. NERET, Le sous-contrat, LGDJ 1979, préface P. Catala, n° 168 et s. 665

Corrélativement, ce dernier se trouve libéré de ses obligations qui sont devenues sans cause666. Toutefois, il convient, finalement, de noter que si le fait que la force majeure entraîne l’extinction immédiate du contrat ne saurait susciter le moindre doute, il y a bien une querelle sur le mécanisme de cette extinction

2. Mécanisme d’extinction

193. Caducité ou résiliation ? L’impossibilité d’exécution du contrat de franchise due à la survenance d’un cas de force majeure emporte l’extinction anticipée de celui-ci. Cela ne fait aucune difficulté. Cependant, il en serait s’agissant du mécanisme de cette extinction. Faut-il attacher l’extinction du contrat de franchise, en cas de force majeure, au mécanisme de la caducité ? Faut-il, au contraire, la fonder sur la résiliation ou la résolution ?

Si l’on examine la jurisprudence, on constate que celle-ci paraît moins nette sur la qualification juridique de l’extinction du contrat en cas de force majeure. Dans un premier temps, la jurisprudence privilégiait le recours à la résolution ou à la résiliation judiciaire pour expliquer l’extinction du contrat en cas de survenance d’un événement de force majeure rendant impossible son exécution667. Selon elle, l’article 1184 du Code civil est général et ne distingue pas entre l’inexécution résultant d’un cas fortuit et celle provenant de la faute du débiteur668. Certains auteurs approuvent cette jurisprudence. Ils considèrent que l’inexécution fortuite doit être soumise au même régime que l’inexécution fautive669. D’autres, représentant la majorité des auteurs, au contraire, l’ont critiquée en considérant qu’elle confond l’inexécution fautive dont le domine relève de la résiliation ou de la résolution judiciaire et l’inexécution fortuite relevant de la théorie des risques670.

666 V en ce sens, A. CERMOLACCE, Cause et exécution du contrat, PUAM, 2001, préface J. Mestre, n°

428, p.253 et s.

667

Cass. 1er civ., 12 mars 1985, RTD civ. 1986, p. 245, obs. J. MESTRE.

668 J. MESTRE, obs. sous Cass. 1er civ., 12 mars 1985, précité.

669 F. TERRE, Ph. SIMLER, et Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 9e édition, 2005,

n°650, p.637.

670 V. J. CARBONNIER, Droit civil, Les obligations, tom 4, PUF, 22e édition, 2000, n° 186, p.341 : «Si

l’inexécution provient d’une cause étrangère non imputable au débiteur, et nommément d’une force majeure, la résolution de l’a. 1184 n’est plus à sa place. Sans doute, dans un contrat synallagmatique une des obligations se trouvant ainsi éteinte par l’impossibilité fortuite de l’exécuter, l’autre doit

Ce dernier courant doctrinal n’a pas été sans influence sur la jurisprudence671. Sensible aux critiques qui lui ont été adressées, la jurisprudence a, ensuite, atténué sa position. Se fondant sur la théorie des risques, la jurisprudence a affirmé qu’en cas d’impossibilité d’exécution par suite d’un évènement de force majeure, le contrat s’éteint de plein droit sans l’intervention du juge672. Pourtant, la jurisprudence n’explique pas s’il s’agit d’un cas de caducité ou d’un cas de résiliation. Quant à la doctrine, celle-ci est divisée. Certains auteurs considèrent qu’en cas de survenance d’un évènement de force majeure rendant impossible l’exécution d’un contrat, l’extinction de celui-ci procède du mécanisme de la résolution ou de la résiliation673. A l’opposé, d’autres auteurs estiment que l’extinction du contrat en cas de force majeure doit être attachée au mécanisme de la caducité674.

194. La caducité, mécanisme d’extinction opportun. Pour notre part, nous estimons que le recours au mécanisme de la caducité pour expliquer l’extinction du contrat en cas de force majeure paraît opportun, étant donné que l’empêchement est dû en dehors de la volonté des parties. La résiliation ou la résolution, comme une technique d’extinction du rapport contractuel, doit être réservé aux cas où l’inexécution du contrat a pour origine une faute ou toute autre cause imputable aux parties.

normalement s’éteindre aussi. Mais c’est l’application d’une autre théorie, celle des risques. Il y a là deux mécanisme distincts, respectivement applicables à l’inexécution fautive et à l’inexécution fortuite, et qui suivent des règles différentes ». J. FLOUR, J -L. AUBERT, Y. FLOUR et E. SAVAUX, Droit civil,

Les obligations, Le rapport d’obligation, Sirey, 4e édition, 2006, n° 249, p.186 et s ; J. GHESTIN, Ch. JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001, n° 639, p.680 et s.

671

Sur l’influence de la doctrine en droit positif, v. G. DECOCQ, Réflexion sur l’influence doctrinale, in Libres propos sur les sources du droit, Mélanges. Ph. Jestaz, Dalloz, 2006, p.112.

672 Cass. com., 28 avril 1982, RTD civ. 1983, p. 340, obs. F. CHABAS.

673 P. MALINVAUD, Droit des obligations, Litec, 9e édition, 2005, n° 702, p.430 ; J. GHESTIN, Ch.

JAMIN, M. BILLIAU, Traité de droit civil, Les effets du contrat, 3e édition, LGDJ, 2001, n° 643, p.682.

674 A. BENABENT, Droit civil, Les obligations, Montchrestien, 11e édition, 2007, n°341, p.265 ; J.-M.

MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1318 ; R. CHAABAN, La caducité des actes juridiques, Etude de droit civil, LGDJ, 2005, préface. Y. Lequette, n° 38, p. 33 et spéc, n° 55, p. 53 et s M-E. ANDRE, M - P. DUMONT, Ph. GRIGNON, L’après-contrat, Edition Francis Lefebvre, 2005, n °31, p.39. V. également, F. GARRON, La caducité du contrat, PUAM, 1999, préface. J. Mestre, n°122, p.152, et spéc.,n° 127, p.154 ; P.-H. ANTONMATTEI, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, préface B. Teyssié, n° 177, p.127 ; V. WESTER-OUISSE, La caducité en matière contractuelle ; une notion à réinventer, JCP G 2001, I, p.290 ; B. MERCADAL, Les causes d’extinction des contrats en droit français, RDAI, 1997, n°7, p.869 et s ; C. MOULY, Les causes d’extinction du cautionnement, préface. M. Cabrillac, Bib. dr. entre.1980 , n°176 , p.215. Cet auteur observe que le terme de la caducité « évoque la

Il en résulte qu’en cas d’impossibilité d’exécution du contrat de franchise par suite d’un évènement de force majeure, l’extinction du contrat procède du mécanisme de la caducité et non de la résiliation. Définie comme « l’expiration anticipée et de plein droit

d’un acte valable à effet totalement ou partiellement différé ou prolongé, tenant à la défaillance d’un élément essentiel à sa survie »675

, cette caducité entraîne la destruction anticipée du contrat pour l’avenir et sans rétroactivité. Elle s’impose en réalité comme conséquence logique de la disparition d’un élément essentiel du contrat tenant à son objet676.

A vrai dire, en empêchant un des contractants d’exécuter son obligation, la force majeure prive cette dernière de son objet, et par là même, elle provoque la disparition de l’objet du contrat de franchise, ce qui entraîne, finalement, sa caducité. Celle-ci emporte extinction de plein droit du contrat de franchise. Cela signifie qu’aucune manifestation de volonté de la part du franchisé ou du franchiseur ni l’intervention au juge ne sont requis pour faire éteindre le contrat677.

Néanmoins, rien n’interdit au franchiseur et au franchisé de recourir au juge pour statuer sur la caducité de leur contrat. Mais le juge ne peut, en pareille hypothèse, que constater « une extinction qui existe déjà par le seul fait de la réalisation du fait

générateur de caducité, et d’autre part il ne peut pas décider, pour des raisons de pure opportunité, d’écarter la disparition de l’acte juridique, comme il peut le faire lorsqu’il s’agit de résolution judiciaire »678

. La nature de la décision du juge est donc déclarative et non constitutive679. Toutefois, il convient de noter que la caducité cède sa place pour la réalisation lorsque le contrat de franchise contient une clause de résiliation pour cas de force majeure.

675 J -M. MOUSSERON et A. SEUBE, A propos de contrats d’assistance et de fourniture, D. 1973, chron.

p. 197. V. aussi, Y. BUFFLAN- LANORE, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit civil, LGDJ, 1963 ; J-M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J.RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1318 et s.

676 J -M. MOUSSERON, Technique contractuelle, op.cit. 677

J -M. MOUSSERON, Technique contractuelle, par P. MOUSSERON, J. RAYNARD, J.-B. SEUBE, Edition Francis Lefebvre, 3e édition, 2005, n° 1318 et s.

678 F. GARRON, La caducité du contrat, PUAM, 1999, préface. J. Mestre, n° 298, p. 370.

679 V. sur ce point v. L. MAZEAUD, De la distinction des jugements déclaratifs et des jugements

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