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Débat doctrinal La motivation peut être définie comme étant un acte d’« extériorisation [par lequel une personne] doit expliquer ses raisons, et donc les

Dans le document La fin du contrat de franchise (Page 68-71)

§ 2 Tempéraments au principe

B. Tempéraments jurisprudentiels

62. Débat doctrinal La motivation peut être définie comme étant un acte d’« extériorisation [par lequel une personne] doit expliquer ses raisons, et donc les

exprimer, pour pouvoir prendre certaines décisions et adopter certaines attitudes »219

ou comme « un discours rhétorique destiné à convaincre de la rationalité d’une

décision générale ou particulière, par la présentation organisée de l’ensemble des considérations qui, selon son auteur, commandent qu’il prenne telle option »220

.

Certains auteurs plaident pour que soit imposée à la charge du franchiseur ou du concédant, qui ne souhaite pas renouveler le contrat à expiration, une obligation de motivation221.

219

M. FABRE-MAGNAN, L’obligation de motivation en droit des contrats, in Le contrat au début de XXIe siècle, Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.301,et spéc., p.306.

220 Th. REVET, L’obligation de motiver une décision contractuelle unilatérale, instrument de vérification

de la prise en compte de l’intérêt de l’autre partie, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.579.

221 M. FABRE-MAGNAN, Pour la reconnaissance d’une obligation de motiver la rupture des contrats de

dépendance économique, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.573 ; D. MAINGUY, Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des contrats, in Mélanges M. Cabrillac, Dalloz, Litec, 1999, p. 165, et spéc., n°16, p.177 ; Ch. JAMIN, La recherche

Cette obligation conduirait généralement à retenir un abus à son encontre à défaut de motif justifiant son refus de renouveler le contrat ou lorsqu’il justifie son refus de renouvellement par des motifs fallacieux et, positivement, à le contraindre à donner un motif légitime à sa décision de rompre222. Selon l’analyse de ces auteurs, une pareille obligation de motivation à la charge du franchiseur peut être fondée sur le devoir de coopération qui s’analyse en la prise en considération des intérêts légitimes du franchisé lorsque, pendant des années, celui-ci a contribué au développement et à la prospérité du réseau de franchise223.

Ils ajoutent que, outre le fait qu’elle peut être un instrument efficace de contrôle de l’exercice correct du droit de rompre224, la mise en œuvre de cette obligation peut se justifier par une double raison. D’une part, elle peut s’expliquer par l’état de dépendance dans lequel se trouve le franchisé à l’égard du franchiseur, état de dépendance qui fait, selon eux, que le franchisé ne dispose pas des moyens de démontrer l’abus si le franchiseur n’est pas obligé, à tout le moins, d’alléguer les raisons qui l’ont conduit à ne pas renouveler ou à rompre le contrat225.

de nouveaux équilibres entre les parties dans les réseaux intégrés de distribution, LPA 1996, 6 mars, n° 29, p.24, et spéc., p.30 ; du même auteur, Plaidoyer pour le solidarisme contractuel, Mélanges. J.Ghestin, LGDJ, 2001, p.441 et p.464 et s ; D. MAZEAUD, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle donne contractuelle ?, Mélanges F. Terré, Dalloz, Litec, 1999, p. 603 ; D. MAZEAUD, obs sous Cass com., 25 avril 2001, D. 2001, somm., p.3237 ; D. MAZEAUD, Solidarisme contractuel et réalisation du contrat, in Le solidarisme contractuel, Economica, 2004, sous la dir. L. Grynbaum et M. Nicod, p. 57, n° 19,p.67 ; P.-Y. GAUTIER, rapport de synthèse, La cessation des relations contractuelles d’affaires, Colloque de l’institut de Droit des affaires d’Aix-en-Provence, PUAM, 1996, p. 216 ; P.-Y. GAUTIER, obs. sous Cass. com., 7 octobre 1998, RTD civ. 1998, p. 130 ; F. COLLART-DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, 7e édition, Précis Dalloz, 2004, n° 950, p.926 et s.

222 D. MAZEAUD, Durées et ruptures, in Durée et exécution du contrat, RDC 2004, p. 129, et spéc.,

n°24, p.146 et s.

223 Ch. JAMIN, Plaidoyer pour le solidarisme contractuel, Mélanges. J. Ghestin, LGDJ, 2001, p.441 et

p.464 et s ; D. MAZEAUD, Loyauté, solidarité, fraternité : la nouvelle donne contractuelle?, Mélange. F. Terré, Dalloz, Litec, 1999, p.603 ; du même auteur, Solidarisme contractuel et réalisation du contrat, in Le solidarisme contractuel, Economica, 2004, sous la dir. L. Grynbaum et M. Nicod, p.57, n°19,p. 67

224

D. MAZEAUD, obs sous Cass com., 25 avril 2001, D. 2001, somm., p. 3237.

225 M. FABRE-MAGNAN, Pour la reconnaissance d’une obligation de motiver la rupture des contrats de

dépendance économique, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.573, et spéc., p.577 : « le contractant en état de dépendance économique ne dispose en effet pas des moyens de

démontrer l’abus -limite nécessaire et incontestée du droit de rompre -si son cocontractant n’est pas obligé à tout le moins d’alléguer les raisons qui l’ont conduit à rompre le contrat. A partir de là, le contrôle minimum consistera pour les juges à n’admettre que les raisons suffisamment sérieuses pour justifier le dommage causé au contractant pour lequel le contrat constitue le moyen de subsistance ».

D’autre part, l’exigence de motivation dans la rupture du contrat de franchise peut se justifier par les conséquences économiques graves que subit le franchisé du fait de cette rupture, conséquences allant parfois jusqu’à l’arrêt définitif de son activité commerciale226.

A l’inverse, d’autres auteurs contestent cette analyse. Ils refusent de mettre à la charge du franchiseur qui ne souhaite pas renouveler le contrat à l’échéance une obligation de motiver sa décision227. A leurs yeux, le franchiseur doit être libre de ne pas procéder au renouvellement du contrat dont le terme est échu. Aucune motivation dans sa décision ne doit être exigée de lui. Décider autrement, estiment-ils, pourrait établir une rigidité dans les réseaux de distribution et créer ainsi des rentes de situation228.

226 D. MAINGUY, Remarques sur les contrats de situation et quelques évolutions récentes du droit des

contrats, n°16, p.176, et spéc., p.177 : « Au soutien d’une telle exigence, un premier argument résulte de

l’analyse des conséquences de la rupture d’un contrat de situation. Au-delà de la simple contemplation des intérêts du contractant, la situation future de l’entreprise se prête à l’observation. La fin du contrat risque d’emporter l’arrêt de son activité s’il ne trouve pas de solution de remplacement, justifiant l’observation des conséquences de la rupture sur l’entreprise en elle–même, à travers ses dirigeants, la collectivité du personnel, ses associés, ses fournisseurs ou clients : tous perdent un travail, un emploi ou un marché ».

227 M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, 2006, n 677, p.183 ; Y. MAROT, obs sous.

CA Paris, 12 janvier 2005, LPA 8 décembre 2005, p.9 ; D. FERRIER, Une obligation de motiver ?, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p.558 ; M. BEHAR-TOUCHAIS, Motivation et agrément, RDC. 2003, p.152 ; B. FAGES, Des motifs de débat, in Obligation de motivation et droit des contrats, RDC. 2004, p. 563 ; J.-P. CHAZAL, Les nouveaux devoirs des contractants : est–on allé trop loin ? in La nouvelle crise du contrat Dalloz, 2003, p. 99, et spéc., p.122.

228

Y. MAROT, obs. CA Paris, 12 janvier 2005, LPA 8 décembre 2005, p.9, et spéc, 15 : « … le

franchiseur doit être libre de l’admission à l’origine de tout franchisé dans son réseau, tout comme il doit être libre de maintien de ce même franchisé dans le réseau lors du renouvellement du contrat. En effet, le réseau a évolué depuis la date à laquelle le franchisé est entré ; des membres sont entrés et sortis du réseau, l’environnement économique a évolué, le savoir-faire s’est généralement enrichi. Les conditions qui ont pu prévaloir lors de l’admission à l’origine ont donc changé et la candidature doit pouvoir être réexaminée par le franchiseur dans une totale liberté ».

Dans le même sens, J.-P. CHAZAL, Les nouveaux devoirs des contractants : est–on allé trop loin ? in La nouvelle crise du contrat Dalloz, 2003, p. 99, et spéc., p.122. : «(…) il serait inopportun d’admettre un

devoir de motiver la résiliation des contrats de distribution .En premier lieu, il faudrait s’entendre sur le contenu de la motivation .Quels sont les motifs qui légitimeraient une résiliation du contrat indépendamment de toute inexécution ? Difficile à dire, mais la jurisprudence élaborée à propos du mandat d’intérêt commun laisser présager l’instauration d’une regrettable rigidité dans les réseaux de distribution, créant ainsi des rentes de situation. En second lieu, si l’on convient que les motifs qui animent l’auteur de la résiliation ne sont pas indifférents, ils ne forment pas le cœur du problème. En effet, le principal est de ne pas causer à son partenaire un préjudice insupportable en ne respectant pas un minimum d’équilibre économique. Or, pour l’appréciation d’un éventuel déséquilibre causé par la rupture ou le non–renouvellement d’un contrat, la durée, en ce qu’elle permet de rentabiliser les investissements, est une valeur économique qu’il faut peser dans la balance des obligations et des droits réciproques .La commutativité (art.1104), la cause (art.1131c .civ.) et l’équité (art.1135 c.civ.) sont donc les notions idoines pour sanctionner les déséquilibres injustes causés par la décision de rupture ».

D’ailleurs, la mise éventuelle d’une telle obligation à la charge du franchiseur emporterait une présomption d’exercice abusif du droit de ne pas renouveler le contrat229. Celui-ci sera censé avoir abusé de son droit au non-renouvellement du contrat à expiration jusqu’à ce qu’il puisse fournir une justification de sa décision. Or, cela ne paraît pas seulement difficilement conciliable avec les règles du droit commun, mais encore remettrait en cause la présomption de bonne foi230. Enfin, pour écarter toute éventuelle mise en œuvre d’une obligation de motivation à la charge du franchiseur, un auteur observe que l’exigence de motivation dans le non-renouvellement ou dans la rupture du contrat de manière générale aurait pour corollaire l’exercice d’un contrôle régulier par le juge, ce qui serait sans doute excessivement lourd pour les tribunaux231.

63. L’obligation de motivation, solution justifiée, mais non idéale. L’instauration

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