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LISTE DES TABLEAUX

2.2 De multiples savoirs à enseigner

Selon les programmes, à l’issue de ses études au collège, l’élève doit s’être construit une première représentation globale et cohérente du monde dans lequel il vit. Il doit pouvoir apporter des éléments de réponse simples mais cohérents aux questions suivantes : « Comment est constitué le monde dans lequel je vis ? »,

« Quelle y est ma place ? », « Quelles sont les responsabilités individuelles et collectives ? ». Les sciences expérimentales (sciences physiques et chimiques et sciences de la vie et de la Terre) et la technologie permettent de mieux comprendre la nature et le monde construit par et pour l’Homme. Ces disciplines ont aussi pour objet de permettre à l’élève d’appréhender les enjeux sociétaux des sciences et de la technologie, et leurs liens avec les préoccupations de chaque être humain.

Les curricula français fixent, pour les sciences expérimentales (sciences physiques et chimiques et sciences de la vie et de la Terre) et la technologie, les différents savoirs que les élèves doivent acquérir (Ministère de l’Éducation nationale, 2008, 2015). Il s’agit (selon les dénominations utilisées par ces textes) : de connaissances (notions ou concepts scientifiques comme la respiration), de capacités (liées aux sciences comme savoir utiliser un microscope, ou des capacités interdisciplinaires comme savoir réaliser un graphique), d’attitudes (exercer une citoyenneté responsable notamment vis-à-vis de l’environnement) et de compétences (pratiquer des démarches scientifiques). Ces mêmes textes précisent également que les élèves doivent identifier par l’histoire des sciences et des techniques comment se construit un savoir scientifique.

Néanmoins, des différences apparaissent entre les curricula de 2008 et de 2015. En effet, dans les premiers curricula les connaissances et les capacités sont clairement identifiées. Les connaissances sont organisées, pour chacun des niveaux scolaires du collège (6ème, 5ème, 4ème et 3ème), en plusieurs parties et correspondent aux savoirs que les élèves doivent acquérir. Par exemple, pour le niveau 6ème (élèves âgés de 11 ans) en SVT, les connaissances sont les suivantes : a) caractéristiques de l’environnement proche et répartition des êtres vivants ; b) le peuplement d’un milieu ; c) origine de la matière des êtres vivants ; d) des pratiques au service de l’alimentation humaine et d) diversité, parentés et unité des êtres vivants. Les proportions, représentant le temps d’enseignement qui doit être réservé à chacune des parties, sont précisées. À savoir pour le niveau 6ème, respectivement, 10 %, 30

%, 25 %, 20 % et 15 %. Les capacités sont énoncées pour chacune des parties. Par ailleurs, des limites en termes de connaissances sont fixées et les connaissances exclues sont précisées. Les curricula de 2008 apparaissent comme structurants pour l’enseignant, car précisant ce qui doit être enseigné et ce qui ne doit pas l’être.

Les derniers curricula ne sont plus organisés par niveau scolaire mais par cycle comme le socle commun de connaissances, de compétences et de culture : a) le cycle 2 (élèves de 6 à 8 ans), b) le cycle 3 (élèves de 9 à 11 ans) et le cycle 4 (élèves de 12 à 15 ans). Le niveau secondaire inférieur ou collège correspond à la dernière année du cycle 3 (6ème) et au cycle 4 (5ème, 4ème et 3ème). Les connaissances, les capacités et les compétences que doivent acquérir les élèves sont données pour chaque cycle. Les connaissances sont organisées en thèmes, mais elles ne correspondent plus à des savoirs que les élèves doivent acquérir. Elles sont énoncées en termes d’objectifs que les élèves doivent atteindre et sous forme de compétences que ceux-ci doivent acquérir : « les connaissances et les compétences associées ». Par exemple, pour les SVT au cycle 4, et plus précisément concernant le thème de la planète Terre, l’environnement et l’action humaine, il est noté :

« Comprendre et expliquer les choix en matière de gestion de ressources naturelles à différentes échelles » (p. 345). Les enseignants de sciences et technologie doivent à présent décider des connaissances qu’ils enseignent ou non à leurs élèves et

également de leur répartition sur l’ensemble des cycles. Cette nouvelle liberté donnée aux enseignants leur confère désormais un rôle prépondérant dans la répartition et la progression des savoirs scientifiques.

Finalement, les curricula de 2008 placent l’enseignant et les connaissances au cœur de l’enseignement des sciences et de la technologie, alors que les élèves et les compétences sont au centre des curricula de 2015. Nous retrouvons cette tendance à propos de « la démarche d’investigation » ou « des démarches scientifiques » évoquées par ces textes. Les démarches présentées dans la section suivante tiennent une place importante aussi bien dans les curricula de 2008 que dans ceux de 2015.

2.3 De « la démarche d’investigation » aux « démarches scientifiques » Les curricula de 2008 présentent « la démarche d’investigation » comme étant davantage une démarche d’enseignement-apprentissage qui repose sur l’investigation scientifique, tandis que ceux de 2015 évoquent des « démarches scientifiques » comme étant un objet d’apprentissage, une compétence à acquérir.

2.3.1 Des démarches comme moyen et objet d’enseignement-apprentissage Les curricula de 2008 recommandent aux enseignants d’avoir recours à « la démarche d’investigation » pour enseigner les sciences et la technologie. Cette démarche, décrite comme le moyen d’enseignement-apprentissage des sciences, est présentée en sept étapes :

1. Le choix d’une situation-problème par l’enseignant. Il s’agit notamment d’analyser les savoirs visés, de repérer les acquis initiaux et les conceptions des élèves.

2. L’appropriation du problème par les élèves. Les élèves proposent des éléments de solution qui permettent de travailler sur leurs conceptions initiales.

3. La formulation d’hypothèses. Les élèves formulent une ou des hypothèses et les communiquent à la classe.

4. L’investigation conduite par les élèves. Les élèves élaborent et mettent en œuvre des expériences. Les résultats obtenus sont confrontés aux hypothèses formulées précédemment.

5. L’échange argumenté autour des propositions émises par les élèves. Les élèves communiquent et débattent de leurs propositions.

6. L’acquisition et la structuration des connaissances. Il s’agit de la mise en évidence de nouveaux éléments de savoirs.

7. La mobilisation des connaissances. Il s’agit de tester les connaissances acquises dans de nouveaux contextes.

Même si les textes précisent que ces étapes ne sont pas nécessairement à suivre de façon linéaire, la démarche est présentée comme telle et très structurée.

Les textes exposent que cette démarche s’appuie sur le questionnement des élèves à propos du monde réel. Ils indiquent également que les investigations sont réalisées avec l’aide de l’enseignant et que l’élaboration de réponses et la recherche d’explications ou de justifications débouchent sur l’acquisition de connaissances, de compétences méthodologiques et sur la mise au point de savoir-faire techniques.

Les curricula de 2015 utilisent les termes de « démarche d’investigation » mais aussi de « démarches scientifiques ». Celles-ci représentent un moyen mais également et surtout un objet d’enseignement-apprentissage. En effet, les curricula expliquent que la construction de savoirs et de compétences par les élèves doit se faire à travers la mise en œuvre de démarches scientifiques et technologiques variées. Ces textes précisent que les élèves doivent pratiquer des « démarches scientifiques ». Celles-ci font partie des compétences du socle commun de

connaissances, de compétences et de culture que doivent acquérir les élèves. Ces démarches sont présentées par un ensemble d’éléments :

1. Formuler une question ou un problème scientifique.

2. Proposer une ou des hypothèses pour résoudre un problème ou une question.

Concevoir des expériences pour la ou les tester.

3. Utiliser des instruments d’observation, de mesure et des techniques de préparation et de collecte.

4. Interpréter des résultats et en tirer des conclusions.

5. Communiquer sur ses démarches, ses résultats et ses choix en argumentant.

6. Identifier et choisir des notions, des outils et des techniques, ou des modèles simples pour mettre en œuvre une démarche scientifique.

Certaines de ces étapes figuraient dans les programmes précédents. Nous pouvons notamment citer l’interprétation des résultats ou encore la proposition d’hypothèses. De même, « la démarche d’investigation » exposée dans les programmes de 2008 et « les démarches scientifiques » présentées dans ceux de 2015 sont des démarches expérimentales. En effet, le recueil de faits se réalise, selon les concepteurs des programmes, à partir de l’expérimentation. Quelques différences majeures peuvent néanmoins être soulevées. Par exemple, l’idée de résoudre un problème apparait ici et les étapes correspondant à l’acquisition de connaissances ainsi qu’à leur mobilisation dans de nouveaux contextes ne sont plus mentionnées. Les savoirs scientifiques visés ont disparu.

Finalement, il apparaît que les curricula sont passés d’une description d’une démarche d’enseignement-apprentissage détaillant les différentes étapes que l’enseignant doit mettre en place en classe dans le but de faire acquérir des connaissances, des attitudes et des savoir-faire aux élèves, à des démarches que doivent s’approprier les élèves afin d’acquérir « cette compétence scientifique ».

Dans le même sens, nous notons également que dans les curricula de 2015, les

élèves ne doivent plus s’approprier un problème donné par l’enseignant mais le formuler dans l’objectif de le résoudre. En outre, la présence d’un problème n’est plus nécessaire lors de démarches d’investigation scientifique, une simple question semble suffire.

2.3.2 La place de l’enseignant et des élèves

Les curricula de 2008 décrivent l’enseignant comme « un guide ». En effet, il est noté que :

l’enseignant guide le travail des élèves et, éventuellement, l’aide à reformuler les questions pour s’assurer de leur sens, à les recentrer sur le problème à résoudre qui doit être compris par tous. Ce guidage ne doit pas amener à occulter ces conceptions initiales mais au contraire à faire naître le questionnement. (Ministère de l’Éducation nationale, 2008, p. 4)

Ces curricula précisent également que les nouveaux éléments de savoirs (connaissances, capacités, attitudes, compétences) sont mis en évidence et reformulés avec l’aide de l’enseignant, en fin de séquence. Sans qu’il soit indiqué de quelle manière, l’enseignant doit donc intervenir tout au long de la séance d’enseignement en se comportant comme « un guide » avec ses élèves. Le terme de

« guide » n’est, par ailleurs, jamais explicité.

Pour ce qui concerne les élèves, les curricula de 2008 préconisent « une autonomie », de façon explicite et à plusieurs reprises. En effet, le terme

« autonomie », qui n’est pas défini, est cité quinze fois. Les textes expliquent notamment que « les modes de gestion des regroupements d’élèves, du binôme au groupe-classe selon les activités et les objectifs visés, favorisent l’expression sous toutes ses formes et permettent un accès progressif à l’autonomie » (Ministère de l’Éducation nationale, 2008, p. 4). Ils précisent également qu’« à travers certaines activités de recherche et de production, les sciences de la vie et de la Terre

contribuent à l’acquisition de l’autonomie de l’élève » (Ibid, p. 9). Les contenus enseignés sont toujours l’occasion de contribuer au développement de

« l’autonomie » et de l’initiative de l’élève. Par la suite, « l’autonomie » et

« l’initiative » sont présentées comme des capacités à acquérir en fin de collège :

« ces capacités d’autonomie et d’initiative devront être maîtrisées en classe de troisième » (Ibid, p. 12). Il semble que le terme « autonomie » corresponde ici à une sorte de curseur désignant le fait que l’élève réaliserait plus ou moins seul, ou avec l’aide de ses pairs, les tâches prescrites par l’enseignant. Les textes de 2008, tout en donnant l’impression d’être rigides et restrictifs, restent relativement flous quant aux rôles de l’enseignant et des élèves.

Les curricula de 2015, quant à eux, ne décrivent à aucun moment le rôle de l’enseignant. Par ailleurs, le terme « autonomie » attribué aux élèves est moins présent. En effet, il est seulement noté que la connaissance et la pratique des thèmes abordés en sciences et technologie aident à construire l’autonomie du futur citoyen.

Les textes précisent que cela est rendu possible notamment par le développement chez l’élève de son jugement critique. L’autonomie que l’élève doit acquérir en classe n’est plus évoquée. Contrairement aux textes de 2008, les textes de 2015 semblent utiliser le terme « autonomie » au sens d’émancipation.

Les curricula de 2015, tout en donnant l’impression d’être davantage tournés vers l’élève par rapport aux curricula de 2008, n’évoquent pas de démarche d’apprentissage où l’élève serait acteur et responsable, mais simplement des compétences qu’il doit acquérir. En définitive, les nouveaux curricula semblent décontextualisés et dépersonnalisés.

Finalement, que ce soit dans les textes d’origine gouvernementale ou dans les textes institutionnels comme les programmes français de l’enseignement des

S&T au collège, les connaissances (terme employé dans les programmes) et les démarches d’investigation scientifique, bien que décrites séparément, sont présentées avec un lien exprimé de façon plus ou moins explicite. Nous notons également le rôle devenu prépondérant des enseignants dans le choix, la répartition et la progression des savoirs scientifiques tout au long des différents cycles de l’enseignement obligatoire. Par conséquent, dans ce contexte flou qui met en avant, à la fois, les savoirs scientifiques que doivent enseigner les enseignants ou acquérir les élèves et les DIS comme moyen et/ou objet d’enseignement-apprentissage, il est important de recenser et d’analyser ce que nous apporte la documentation scientifique concernant les DIS en lien avec l’enseignement des savoirs en sciences et technologie.

3. LES DEMARCHES D’INVESTIGATION SCIENTIFIQUE DANS LA

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