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Partie 4 : le processus d’investigation scientifique

3.3 Les observations

De façon à être cohérente avec notre cadre de référence, nous avons utilisé un dernier type d’instrumentation, l’observation de séances de classe. En effet, nous accordons une importance au sens que les enseignants attachent à leur pratique, c’est-à-dire aux réponses apportées par les enseignants à la dimension « pourquoi enseigner ce qui est enseigné ? ». Cette dernière phase de collecte de données, bien que n’étant pas du même niveau que le questionnaire ou l’entrevue semi-dirigée (du fait d’un nombre très restreint de volontaires), permet néanmoins, d’apporter des orientations de réponses concernant le troisième objectif spécifique.

Nous souhaitons étudier les pratiques d’enseignement dans leur contexte professionnel naturel, c’est-à-dire en classe lorsque les enseignants pratiquent leur métier au sein de leur établissement scolaire ou à la maison lorsqu’ils préparent notamment leurs cours. Notre étude s’intéresse aux pratiques déclarées, mais aussi aux pratiques d’enseignement observées. L’observation, ici, « vise à fournir un tableau suffisamment représentatif du système ou des comportements du sujet pendant une période donnée face à une situation plus ou moins bien circonscrite » (De Ketele et Roegiers, 1991, p. 177). En effet, nous rappelons que, pour notre travail de recherche, nous considérons que le chercheur doit tenir compte de plusieurs degrés dans l’analyse de l’action et dans son interprétation : 1) la planification et l’intention initiale de l’action, saisies avant l’action (phase préactive) ; 2) l’intention d’action en tant que manifestation dans l’action elle-même (il s’agit donc de l’acte tel qu’il a déjà été défini), la pratique elle-elle-même n’étant pas vraiment accessible (phase interactive) ; 3) l’interprétation du plan, de l’acte posé et des intentions considérées post hoc, interprétation qui conduit à l’expression des justifications (phase postactive) (Lenoir et Vanhulle, 2006).

Nous précisons que nous ne considérons pas que toutes les actions des enseignants sont rationalisées et prévues à l’avance, mais nous pensons que ceux-ci, en tant que professionnels, anticipent à des niveaux variables leurs interventions, notamment sur les plans des contenus à enseigner ou du degré de prise en charge des apprentissages par les élèves.

Les observations ont fait suite aux entrevues et ont été réalisées avec un enseignant qui a déclaré être volontaire. Deux séances de classe « ordinaires », dans la mesure où les dispositifs d’enseignement étudiés ne sont pas construits pour la recherche, ont été étudiées (Laborde, Coquidé, et Tiberghien, 2002). Il s’agit d’une séance avec des élèves de 6ème (âgés de 12 ans) qui correspond à la dernière année du cycle 3 et d’une séance avec des élèves de 3ème (âgés de 15 ans) en dernière année de cycle 4. Le choix d’observer des séances de classe de deux niveaux scolaires différents a reposé sur l’analyse des résultats issus des entrevues. Celui-ci est explicité dans la partie correspondant à l’analyse des résultats de notre recherche.

3.3.1 Les trois phases

La phase préactive permet de recueillir des données relatives à la planification de l’enseignant. Considérant la phase interactive, il s’agit d’observer les pratiques d’enseignement telles qu’elles se déroulent en classe. Enfin, pour ce qui a trait à la phase postactive, une entrevue également semi-dirigée faisant suite à l’observation en classe a été réalisée.

3.3.1.1 La phase préactive

Afin de recueillir des données concernant la planification de l’enseignant, les préparations détaillées des séances rédigées librement par celui-ci ont été récupérées. Nous lui avons demandé de construire sous format numérique une

préparation de cours détaillée pour l’ensemble des séances étudiées. De façon à ne pas influencer sa pratique, la forme et le contenu du document étaient libres.

L’enseignant pouvait, par conséquent, rédiger un texte, réaliser des schémas, etc.

Différents éléments pouvaient se trouver dans ces documents. Il s’agissait de la structure de chaque séance inscrite dans une progression de séquence, des savoirs disciplinaires visés pour chaque séance, des savoirs disciplinaires déjà vus en cours que devaient mobiliser les élèves au cours des séances, les tâches proposées aux élèves, le rôle des élèves et de l’enseignant au cours des séances, les composantes des DIS que les élèves devaient mettre en œuvre et les dispositifs instrumentaux et procéduraux mobilisés par l’enseignant et les élèves. De plus, nous avons récolté les différents documents que l’enseignant avait prévu de fournir à ses élèves durant le cours (photocopie de manuel scolaire, fiches d’activité, coup de pouce, etc.).

L’enseignant nous a adressé par mail deux préparations de cours, environ 15 jours avant l’observation des séances. La préparation de la séance avec les élèves de 6ème portait sur le rôle des levures dans la fabrication du pain et celle concernant la séance réalisée avec les élèves de 3ème présentait l’intérêt de la vaccination et des antibiotiques. C’est l’enseignant qui avait choisi les séances.

Ces préparations nous permettaient notamment de collecter des données nécessaires, à la fois, pour organiser l’observation en termes de matériel et pour la construction du guide d’entrevue de la phase postactive.

3.3.1.2 La phase interactive

Il s’agit d’observations non participantes, c’est-à-dire sans intervention du chercheur, et directes. Des autorisations préalables du chef d’établissement et de l’enseignant (les parents d’élèves ont donné leur autorisation de droit à l’image en début d’année scolaire à l’établissement) ont été obtenues avant le début des

observations (annexes H et I). Ces dernières, d’une durée de 55 minutes, ont été enregistrées à l’aide de trois caméras et deux micros-cravates. Deux caméras étaient positionnées à droite et à gauche à l’avant de la salle de classe et la dernière était placée au centre et au fond de la salle. L’un des micros-cravates était installé sur l’une des paillasses à l’avant et l’autre est mis sur une paillasse à l’arrière de la salle (figure 15).

Figure 15 : Représentation de l’organisation de la salle de classe avec le matériel d’enregistrement vidéo

La première observation a été réalisée avec 22 élèves de 3ème le 4 décembre 2017, et la deuxième a été effectuée le 15 décembre 2017 avec 28 élèves de 6ème. Ces deux observations se sont déroulées de 13h30 à 14h25 (ce qui correspond à la première heure de classe de l’après-midi).

Caméra fixe sur pied filmant la moitié de la classe

Micro Enseignant

Evier

Paillasse

Etagères Caméra fixe sur pied

filmant la moitié de la classe

Caméra fixe sur pied filmant l’ensemble de la classe

Les deux premières phases, préactive et interactive, permettent d’illustrer et de confirmer les résultats obtenus avec le questionnaire et les entrevues au sujet de l’articulation des savoirs disciplinaires lors de mises en œuvre de DIS, et également concernant les dispositifs instrumentaux et procéduraux utilisés par l’enseignant et ses élèves. La phase suivante, la phase postactive apporte des pistes de réflexion pour l’objectif (c) qui correspond à la clarification des visées éducatives des enseignants de SVT associées à l’articulation des DIS avec les autres savoirs composant la structure disciplinaire, c’est-à-dire le « pourquoi enseigner ce qui est enseigné ». Nous sommes consciente que le fait d’observer un seul enseignant ne nous permet pas réellement de répondre à notre dernier objectif. Néanmoins, les éléments d’information obtenus non seulement confirment et illustrent les résultats fournis par le questionnaire et l’entrevue semi-dirigée, mais également constituent des pistes de réflexion intéressantes pour comprendre les choix opérés par les enseignants lorsque leurs élèves mettent en œuvre des DIS. Ces pistes sont détaillées dans les chapitres consacrés à la présentation et à la discussion des résultats.

3.3.1.3 La phase postactive

Cette phase permet de recueillir le sens que l’enseignant donne à ses pratiques. Ces données ont été obtenues à partir d’entrevues semi-dirigées réalisées quelques jours après les observations. En effet, l’enseignant ne pouvant pas se libérer à la suite des séances filmées, les entrevues ont été effectuées au plus tôt suivant les disponibilités de chacun (enseignant et chercheur). Les entrevues avaient une durée moyenne de trente minutes et ont eu lieu le 19 décembre au domicile de l’enseignant. Elles ont été enregistrées à l’aide du même enregistreur électronique que celui utilisé pour les entrevues précédentes. Les verbatim obtenus ont été entièrement retranscrits avec les logiciels VLC® et WORD®.

Le guide d’entrevue (voir annexe J) a été construit en utilisant les préparations fournies par l’enseignant et les observations réalisées en classe. Ce guide comprend vingt questions ouvertes regroupées en trois parties. La première partie est constituée de quatre questions qui portent sur les DIS de façon générale.

Les deux premières questions sont les mêmes que celles posées dans le questionnaire : « 1/Est-ce que vous pouvez me donner une définition des démarches d’investigation que vous faites mettre en œuvre en classe ? 2/Pour quelles raisons faites-vous mettre en œuvre ces DIS par vos élèves ? ». Les deux autres portent sur la mise en œuvre de ces démarches :

Extrait du guide d’entrevue

3/Faites-vous mettre en œuvre ces DIS dans chacun de vos cours ? Pourquoi ? Comment choisissez-vous les séances où vous faites mettre en œuvre ces démarches par vos élèves ? 4/Faites-vous mettre en œuvre les mêmes types de DIS dans chacun des niveaux scolaires dans lesquels vous enseignez ?

La deuxième partie comprend treize questions qui portent sur l’articulation des savoirs disciplinaires et sur les dispositifs utilisés par l’enseignant et les élèves.

Les mêmes questions que celles posées lors des entrevues précédentes sont formulées, mais en lien direct avec les séances observées et toujours suivies de la question « pourquoi ». Par exemple « 11/Quelles sont les connaissances, les notions que vous souhaitez que vos élèves acquièrent dans cette séance ? Pourquoi ? ».

La dernière partie interroge l’enseignant sur les difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre des séances observées et, plus généralement, lors de DIS, ainsi que sur les impacts éventuels de ces difficultés sur ses pratiques d’enseignement.

Avant de débuter l'entrevue, nous avons précisé à l’enseignant de nombreux éléments tels que la durée de l'entrevue et les grandes sections du guide d'entrevue (les différentes thématiques traitées), l'anonymat du répondant, la confidentialité

avec laquelle les données seraient traitées et utilisées par la suite, la nature de la recherche qui ne visait pas à juger ou à évaluer sa pratique, mais plutôt à chercher à décrire et comprendre les différents éléments qui la constituent, etc. Par la suite, nous avons invité le participant à répondre à chacune des questions de la façon la plus détaillée possible, nous l’avons également assuré qu'il n'y avait pas de bonne ou de mauvaise réponse et nous l’avons invité à nous interrompre dès qu'il ne comprenait pas la question.

3.3.2 La validation des observations

La validation de la phase préactive, c’est-à-dire du recueil des intentions des enseignants à travers les préparations de séances, a été faite en vérifiant la complétude des données, notamment par la présence de la description des tâches demandées aux élèves, de l’organisation de la classe et des savoirs visés et mobilisés.

Concernant la phase interactive, compte tenu de l'influence plus ou moins significative de l'introduction d'un observateur externe (et de son appareillage) sur le comportement de l'enseignant, ainsi que sur la dynamique propre à une salle de classe, quelques mesures ont été prises afin de minimiser et d'éviter cette influence.

Entre autres, nous nous sommes présentée aux élèves, nous leur avons expliqué les motifs de notre visite, présenté le matériel utilisé pour l'enregistrement et nous les avons informés qu'ils n’étaient pas visés par la caméra, mais que c’était l'enseignant.

De plus, nous avons installé tout le matériel nécessaire à l'avance (avant même l’entrée des élèves) afin d’éviter tout dérangement inutile qui aurait pu éventuellement perturber le climat de la classe. Nous aurions souhaité installer le matériel quelques jours avant les enregistrements pour que les élèves et l’enseignant s’habituent à sa présence, mais nos disponibilités ne nous l’ont pas permis.

La validation de la dernière phase qui porte sur le recueil du sens que les enseignants accordent à leurs pratiques s’est déroulée de la même manière que pour les entrevues décrites précédemment. Les questions ont été testées sur un enseignant autre que celui observé. Pendant l’entrevue, nous avons fait attention à ce que l’enseignant décrive bien la séance observée. Enfin, a posteriori, les informations obtenues grâce à cet instrument ont été mises en relation avec les données recueillies à partir du questionnaire et des entrevues qui ont suivi.

Pour conclure, les trois types d’instrumentation utilisés dans le cadre de cette recherche doctorale s’inscrivent dans une recherche de type descriptif et de nature mixte séquentielle explicative. Ils permettent de recueillir des données quantitatives et qualitatives qui se complètent et se confirment entre elles. À ce titre, ils donnent accès à des informations pouvant apporter des éléments de réponse à nos deux premiers objectifs spécifiques de recherche et des pistes de réflexion concernant le dernier objectif (figure 16).

Figure 16 : Représentation synthétique de notre méthodologie

Dans la partie qui suit, la méthode de traitement des données récoltées est explicitée. Les données étant analysées de façon séquentielle, la présentation commence par le traitement des données provenant du questionnaire, puis par celui des données issues des entrevues, avant de s’achever par l’analyse des données apportées par les observations.

4. LA METHODE DE TRAITEMENT DES DONNEES

« Une fois l’information contextualisée recueillie, la tâche suivante consiste à l’analyser pour, ensuite, en faire une synthèse ; autrement dit, il s’agit de mettre de l’ordre dans le matériel recueilli afin d’en tirer la signification » (Van der Maren, 2003, p. 159). L’analyse des données est ici de type quantitatif pour la majeure partie des données issues du questionnaire (les questions fermées), de type qualitatif pour celles provenant des différentes entrevues et des observations, mais aussi de type mixte pour certaines données provenant du questionnaire (les questions ouvertes).

Fallery et Rodhain (2007) ont défini quatre approches pour l’analyse de données textuelles (questions ouvertes du questionnaire, les entrevues et le discours de l’observation) : lexicale (de quoi t-on ?), linguistique (comment en parle-t-on ?), cognitive (comment représenter une pensée ?) et thématique (comment interpréter un contenu ?). Dans le cadre de cette recherche, les données provenant des questions ouvertes du questionnaire sont analysées suivant une double approche lexicale et thématique, et celles issues des entrevues et des observations sont traitées à partir d’une approche uniquement thématique. Le rationnel de ces choix méthodologiques est explicité au fur et à mesure du déroulement de cette partie.

4.1 La procédure de traitement des données issues du questionnaire : une

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