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Des démarches dans les pratiques scientifiques aux démarches d’investigation scientifique à l’école d’investigation scientifique à l’école

LISTE DES TABLEAUX

2. LES SAVOIRS EN SCIENCES ET TECHNOLOGIE : DEFINITIONS ET CARACTERISTIQUES CARACTERISTIQUES

3.1 Des démarches dans les pratiques scientifiques aux démarches d’investigation scientifique à l’école d’investigation scientifique à l’école

Dans cette première section, nous exposons les fondements épistémologiques des démarches d’investigation. Dans la documentation examinée, plusieurs épistémologues se sont penchés sur les démarches scientifiques en évoquant notamment la place du problème au sein de ces démarches ou la construction de la connaissance. Nous présentons quelques-unes des idées dominantes de certains épistémologues, historiens et sociologues, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité.

Ajoutons que, comme d’autres auteurs avant nous (Mathé, 2010), et bien qu’il ne soit pas habituel d’évoquer des textes d’ordre ministériel et par conséquent prescriptif au sein d’un cadre de référence, de par la nature même de cette section qui porte sur le lien entre les démarches dans les pratiques scientifiques et les DIS mises en œuvre en classe, des textes d’origine institutionnelle (comme les programmes scolaires) sont convoqués et mis en perspective.

3.1.1 Du problème en sciences au problème en classe

Dewey (1910) promeut une investigation enclenchée par un problème à résoudre : le « sens d’un problème » (p. 191) est pour lui d’une importance primordiale, c’est « la morsure d’une question qui force l’esprit à se mettre en marche » (Ibid., p. 207).

Lors d’une conférence radiophonique, le 7 mars 1972, Popper formule également l’idée que « les sciences de la nature, ainsi que les sciences sociales, partent toujours de problèmes ; elles partent du fait que quelque chose suscite notre étonnement » (Popper, 1997, p. 13). Il ajoute que « tout développement scientifique ne doit être compris qu’en envisageant son point de départ comme un problème ou une situation-problème, c’est-à-dire comme le surgissement d’un problème dans une situation déterminée de notre connaissance tout entière » (Popper, 1997, p. 18).

Dans la même idée, Bachelard (1991) note ainsi que « pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question » (p. 287). De plus, pour Bachelard, les savoirs ne peuvent exister indépendamment des problèmes avec lesquels ils maintiennent un rapport dynamique. Par conséquent, le savoir demeure inextricablement lié au problème, et c’est précisément cette liaison qui accorde au savoir son existence et son sens.

Kuhn (1962) évoque deux grands types de problèmes scientifiques. Le premier correspond au fonctionnement de la « science normale » dans le cadre d’un paradigme existant. Il s’agit de problèmes qui, étant en adéquation avec le paradigme, renforcent celui-ci. Kuhn parle de problèmes d’énigmes qui incluent

« trois classes de problèmes : détermination des faits significatifs ; concordance des faits et de la théorie ; élaboration de la théorie » (Ibid., p. 59). Le second apparaît dans un contexte d’apparition de découvertes scientifiques. Kuhn explique que ces

problèmes naissent lorsqu’une « anomalie » est repérée dans un contexte de

« science normale » : « la conscience antérieure de l’anomalie, l’émergence graduelle de sa reconnaissance, sur le plan simultanément de l’observation et des concepts ; enfin, dans les domaines et les procédés paradigmatiques, un changement inévitable, souvent accompagné de résistance » (Ibid., p. 96). Kuhn parle de révolutions scientifiques. Il faut préciser que, dans sa conception, un paradigme est un ensemble de croyances, de valeurs et de techniques qui correspondent aux connaissances que partage une communauté scientifique.

Contrairement à Kuhn, Laudan (1977) considère que la résolution de problèmes est un processus temporellement continu. Tout comme Dewey, Popper ou Bachelard, il pense que « la science est essentiellement une activité qui vise à résoudre des problèmes » (Laudan, 1977, p. 31). Il en distingue deux types : les problèmes empiriques et les problèmes conceptuels. Les premiers correspondent à

« tout ce qui nécessite une explication » (Ibid., p. 34) et permettent l’élaboration de théories. Les seconds émergent des théories elles-mêmes quand celles-ci contiennent des incohérences ou lorsqu’elles se trouvent confrontées à des théories concurrentes.

De plus, selon Hacking (1984), l’activité scientifique a deux finalités différentes : la représentation et l’intervention. La représentation renvoie à l’idée de science comme « cadre formel nécessaire au regroupement des phénomènes dans un ordre cohérent » (Hacking, 1984, p. 356) et regroupe des problèmes ayant notamment pour objectif l’élaboration de théories ou de lois. L’intervention correspond davantage au savoir « comme outil de transformation du monde » (Ibid., p. 245). Représentation et intervention ne s’excluent pas ; elles coexistent de façon à ce que l’activité scientifique privilégie parfois l’une ou l’autre.

Concernant maintenant les problèmes évoqués en classe, Astolfi (2008) explique que toute recherche scientifique (dans la pratique scientifique) a pour point de départ une tentative de résolution de problème. Il déclare que le problème à l’école a sa place, non seulement au stade final d’un apprentissage, mais aussi dès son origine. Dans le même sens, Orange (2005) précise que

dans les enseignements scientifiques, le problème tient une place qui ne se limite plus aux seules évaluations mais concerne directement les enseignements et les apprentissages. Que l'on parle, dans les textes officiels français, d'enseignement par problèmes scientifiques (en sciences de la vie et de la Terre), de situations-problèmes (en sciences physiques) ou de démarche d'investigation (école primaire et maintenant collège), le problème est bien présent dans les dispositifs d'enseignement, même s'il ne dit pas toujours son nom. (p. 1)

De plus, d’après Morge (2007), les séquences d’enseignement reposant sur l’investigation partagent une structure commune appelée structure par

« enchainement des tâches ». Morge (2007) propose un modèle représentant le déroulement d’une séquence d’investigation sous forme d’actions réalisées. La première action présentée par le modèle « d’enchainement des tâches » de Morge est la définition implicite ou explicite du but à atteindre. C’est l’élément moteur et organisateur de l’investigation (Morge, 2007). Il est donc possible de considérer la première action des DIS comme un problème (Boilevin, 2005).

Il existe différentes formes scolaires de problèmes pour apprendre. Boilevin (2005) clarifie la distinction entre deux formes de problèmes utilisées en didactique des mathématiques et de la physique. Il y a, d'une part, la situation-problème, qui est centrée sur le dépassement d'un obstacle et dont les consignes sont précisément définies, de sorte que l'élève ne puisse aller au bout sans apprendre. Il y a, d'autre part, le problème ouvert, dont la référence est explicitement l'activité du chercheur : les énoncés sont construits sans donnée définie a priori, le but étant avant tout l'apprentissage d'une démarche scientifique.

Selon Astolfi, Peterfalvi et Vérin (1998), il faut également distinguer le problème scientifique du problème que l’on rencontre dans les situations de la vie courante : « J’ai un problème ». Ce dernier, le problème pragmatique, est lié à une difficulté pratique à laquelle nous pouvons être confrontés, et vise les conditions maximales de la réussite. Le problème scientifique se distingue des problèmes que nous rencontrons quotidiennement par le fait que sa résolution fait appel à une démarche de recherche et débouche sur une élaboration conceptuelle. Ainsi, les deux éléments du processus scientifique, la problématisation et la conceptualisation, s’inscrivent dans une relation circulaire.

« La démarche d’investigation » préconisée par les programmes (Ministère de l’Éducation nationale, 2004, 2008) du collège français (élèves de 11 à 15 ans) débute, telle qu’elle est présentée dans les textes, par le choix de la situation-problème par l’enseignant. Il s’agit pour ce dernier de déterminer les objectifs à atteindre et d’élaborer un scénario d’enseignement en prenant en compte les savoirs visés, les acquis initiaux des élèves, mais également les conceptions et les difficultés (Ministère de l’Éducation nationale, 2008, p. 4). Les derniers curricula (Ministère de l’Éducation nationale, 2015) évoquent « les démarches scientifiques » essentiellement comme objet d’enseignement. Ces textes précisent que les élèves doivent pratiquer ces démarches et que ceux-ci doivent formuler une question ou un problème. L’objectif non clairement explicite est qu’à travers « les démarches scientifiques » les élèves « reconstruisent » des savoirs scientifiques.

L’enseignant doit donc mettre en place une situation d’enseignement qui permette aux élèves de formuler un problème. Ces situations s’appuient sur la notion de

« pratique de référence » développée par Martinand (1983), et sont caractérisées par « l’idée de problème concret donc complexe, de référence à la vie "réelle", c’est-à-dire de problème non exclusivement scolaire » (Mathé, 2010, p. 27). En effet,

« les problèmes traités à l’école doivent faire référence à des problèmes "réels", c’est-à-dire des problèmes ayant une existence hors du contexte scolaire, que ce soit dans la vie quotidienne ou dans différentes pratiques sociales ou professionnelles » (Ibid., p. 27). Dans le même sens, Johsua et Dupin (1993) insistent sur les niveaux

de distinction d’un problème. Tout d’abord, un problème rencontré en classe de sciences n’est pas un problème naturel. Un problème de sciences n’est pas un problème de classe. Ce problème, d’abord et avant tout scientifique, est aussi un problème didactique car il est posé en classe, en vue d’apprendre une discipline scientifique. « L’existence du problème dans la classe ne va pas de soi ; c’est une construction externe à la classe, qui nécessite ensuite d’être didactiquement transmise et acceptée par elle » (p. 206). Les DIS en classe semblent s’inscrire dans une vision bachelardienne de l’apprentissage où l’idée d’obstacle à franchir trouve sa place (Astolfi et Peterfalvi, 1993 et Fabre, 1999).

Les situations-problèmes dans « la démarche d’investigation », ou les problèmes dans « les démarches scientifiques » préconisés par les curricula français du secondaire inférieur, semblent être cohérents avec les idées de Dewey ou de Popper. De plus, elles paraissent correspondre à un ensemble restreint de problèmes de type « représentation » (Hacking, 1984) ou de type « empirique » (Laudan, 1977). En effet, les enseignants doivent élaborer des séquences d’enseignement reposant sur le dépassement d’obstacles cognitifs dans l’objectif de faire acquérir des savoirs scientifiques aux élèves.

Par ailleurs, Robardet (2001) présente la situation-problème ou le problème formulé à l’école comme un compromis acceptable entre la démarche scientifique (dans la pratique des scientifiques) et les contraintes de la classe. Il indique que l’objectif est de promouvoir la reconstruction d’une connaissance scientifique par

« l’attaque » d’une conception et la mise en place d’une démarche de type hypothético-déductif.

3.1.2 Des démarches en sciences à la démarche hypothético-déductive en classe

« L’émergence des sciences expérimentales au 17è siècle a conduit à opposer une méthode inductive à la méthode déductive héritée d’Aristote » (Mathé, 2010, p. 28) pour élaborer des connaissances. En effet, la méthode d’Aristote basée sur la logique consiste en la déduction de faits particuliers à partir de « vérités » générales. Tandis que la méthode inductive a pour objectif la formulation de généralités, ayant le statut de « vérités », à partir d’observations de la nature ou au travers d’expériences (Kremer-Marietti, 1999).

Plusieurs critiques sont énoncées à l’égard de la méthode inductive (Hume, 2002 ; Popper, 1978). Elles mettent en évidence « le problème de l’induction ». Le philosophe David Hume (2002) est l'un des auteurs mettant en relief le manque de fiabilité de l'induction, qu'il considère comme un pari imprudent, et même intenable. Selon Hume, l'induction n'a pas un fondement logique mais psychologique (le sentiment d'habitude). La science, parce qu'elle procède par induction, ne peut pas apporter de certitude absolue sur ce qu'elle étudie ; elle est ainsi ramenée dans le champ de la croyance (la croyance en la fiabilité de l'induction) (Ibid.). Certes, il est très probable que le soleil se lève demain, affirme Hume, mais il n'est pas impossible qu'il ne se lève pas. Penser que le soleil se lèvera de façon certaine est un raisonnement inductif, donc basé non pas sur la logique, mais seulement sur l'habitude. Alors que nous pensions être certains des savoirs scientifiques et pouvoir en tirer des conclusions sur l'avenir, Hume montre que la science ne repose en réalité que sur une croyance, celle en la fiabilité du raisonnement inductif (Ibid.). D’autres épistémologues en accord avec Hume critiquent la méthode inductive.

Or, il est loin d'être évident, d'un point de vue logique, que nous soyons justifiés d'inférer des énoncés universels à partir d'énoncés singuliers aussi nombreux soient-ils ; toute conclusion tirée de cette manière peut toujours, en effet, se trouver fausse : peu importe le grand nombre de cygnes blancs que nous puissions avoir observé, il ne justifie pas la conclusion que tous les cygnes sont blancs. (Popper, 1978, p. 23)

Le problème de l'induction a poussé certains scientifiques à chercher d'autres moyens d'établir une « vérité ». C’est ainsi que l’hypothèse s’est trouvée au centre du débat. Les démarches s’appuyant sur la formulation d’hypothèses visent de la même manière que la déduction et l’induction, la recherche « d’énoncés vrais », l’hypothèse se trouvant vérifiée ou définitivement écartée par l’expérience.

Cependant, Popper (2006) s’oppose à l’idée de vérification ou de confirmation d’une hypothèse par l’expérience en introduisant la notion de réfutation (ou falsification). La caractéristique essentielle de la science, selon lui, est la démarche critique. C’est lorsqu’une théorie résiste aux tentatives de réfutation qu’elle peut être confirmée, mais de façon non définitive.

[…] un système doit être tenu pour scientifique seulement s’il formule des assertions pouvant entrer en conflit avec certaines observations. Les tentatives pour provoquer des conflits de ce type, c’est-à-dire pour réfuter ce système, permettent en fait de le tester. Pouvoir être testé, c’est pouvoir être réfuté, et cette propriété peut donc servir, de la même manière, de critère de démarcation. (Popper, 2006, p. 377)

L’hypothèse « tous les cygnes sont blancs » ne peut pas être vérifiée, mais l’observation d’un seul cygne noir suffirait à la réfuter. Néanmoins, les derniers travaux de Popper (2006) avancent plutôt l’idée de « corroboration » d’une théorie par l’expérience : plus l’hypothèse résiste à la falsification, plus elle est renforcée, c’est-à-dire préférable à d’autres hypothèses.

Duhem (1989), s’inscrivant dans le prolongement de la thèse holiste, propose, quant à lui une vision plus large de la démarche scientifique. Il énonce

« qu’une expérience de physique ne peut jamais condamner une hypothèse isolée, mais seulement tout un ensemble théorique » (Ibid., p. 278). Il explique que « le physicien qui exécute une expérience ou en rend compte reconnaît implicitement l’exactitude de tout un ensemble de théories » (Ibid., p. 278). De cette façon, selon lui, si le résultat d’une expérience est contradictoire avec l’hypothèse testée, c’est peut-être un autre principe de la théorie (une « hypothèse auxiliaire ») qui est en cause, sans que l’expérience ne mette en évidence lequel. C’est donc l’ensemble des propositions théoriques qui doit être remis en question, et non seulement

l’hypothèse que le physicien veut tester. De plus, Duhem explique que lorsque deux hypothèses rivales, censées représenter l’exhaustivité des possibilités d’interprétation d’un phénomène, sont testées et que l’une d’entre elles est réfutée par l’expérience, nous ne pouvons pas déduire que cette expérience transforme en vérité l’hypothèse restante (Ibid., p. 288). « La contradiction expérimentale n’a pas […] le pouvoir de transformer une hypothèse physique en vérité incontestable […] » (Ibid., p. 288).

En rupture avec les auteurs cités précédemment, Feyerabend rejette toutes les tentatives de caractérisation de « la méthode scientifique ». Il considère les caractérisations méthodologiques comme des freins au progrès scientifique. En effet, selon cet auteur, un scientifique doit être « un opportuniste sans scrupule, qui n’est attaché à aucune philosophie particulière, et qui adapte n’importe quel procédé pourvu qu’il semble adapté aux circonstances » (Feyerabend, 1975, p. 14).

« La démarche d’investigation » et « les démarches scientifiques » recommandées par les curricula français pour enseigner les sciences et la technologie au secondaire inférieur semblent reposer sur une démarche hypothético-déductive (Mathé, Méheut et De Hosson, 2008). En effet, les étapes 3 et 4 du canevas présenté par les curricula de 2008 portent respectivement sur : a) la formulation de conjectures, d’hypothèses explicatives, de protocoles possibles ; b) l’investigation ou la résolution du problème conduite par les élèves. De même, concernant « les démarches scientifiques » décrites par les curricula de 2015, les élèves doivent proposer une ou des hypothèses pour résoudre un problème ou une question, et concevoir des expériences pour la ou les tester.

Roux (2007, dans Mathé, 2010) évoque la nature hypothético-déductive de

« la démarche d’investigation » et « des démarches scientifiques » en décrivant le schéma hypothético-déductif de la façon suivante :

Soit H une hypothèse théorique qui est conforme à toutes les données dont on dispose. On en déduit une conséquence nouvelle, qui est expérimentalement testable. De deux choses l’une :

Soit cette conséquence nouvelle se révèle contraire à l’expérience, on considère alors que l’hypothèse est infirmée ou encore réfutée par l’expérience E ;

Soit l’expérience est telle qu’on l’avait prévue par déduction, on considère alors que l’hypothèse est confirmée par E (ou corroborée = non-infirmée, si l’on tient à avoir la prudence popperienne). (Roux cité par Mathé, 2010, p. 31)

Néanmoins, Windschitl (2000) exprime qu’il n’existe pas de « méthode scientifique » universelle, puisque l’investigation peut prendre différentes formes : certains formulent et testent des hypothèses ; d’autres construisent leurs hypothèses après leurs expérimentations ; d’autres encore mènent des recherches descriptives dans lesquelles les hypothèses ne sont jamais formellement testées. De plus, comme l’expliquent Hasni et Bousadra (2018), la présence d’hypothèses est discutable, « il est tout à fait légitime de faire appel à un processus scientifique sans hypothèse au sens strict » (p. 4). Par exemple, procéder à une étude histologique pour découvrir les similitudes et les différences des structures des racines et des tiges (malgré les apparences extérieures qui ne permettent pas toujours de les distinguer) et les associer éventuellement à leurs fonctions peut se faire sur une base exploratoire sans hypothèse préalable. Ainsi, « la démarche d’investigation » ou « les démarches scientifiques » présentées par les textes institutionnels français « ne peu[vent], à [elles seules], rendre compte de la variété des démarches propres à l’activité scientifique. Se limiter à un tel modèle donnerait de la science, telle qu’elle se fait, une image pour le moins restrictive » (Mathé, 2010, p. 32). Si la présence de l’hypothèse n’est pas toujours indispensable dans une démarche d’investigation scientifique, il en est de même pour l’expérience. Les DIS sont parfois définies

comme des démarches expérimentales. Or, Hasni et Bousadra (2018) rappellent que, dans le contexte scolaire, il est important de souligner la diversité des sources potentielles des faits exploitables dans le cadre des DIS, à savoir ; a) les données recueillies par les élèves lors d’observations, ou d’expérimentations ; b) les données convoquées, c’est-à-dire des données qui peuvent être fournies par l’enseignant ou le manuel, ou encore recherchées sur Internet ; c) les données simulées ou supposées, comme c’est le cas de celles utilisées dans certaines modélisations. En effet, en biologie ou en géologie notamment, une partie des activités scientifiques ne s’appuie pas sur de l’expérimentation (Hasni, Belletête et Potvin, 2018) :

pour rendre compte de la diversité des DIS, il est important d’engager les élèves non seulement dans des problématiques dont l’étude nécessite des expérimentations, mais également celles qui font appel à d’autres modalités d’établissement des faits (observation sans expérimentation10, modélisation, etc.). (p. 31)

À titre d’exemples concernant l’observation sans expérimentation, ces auteurs évoquent « l’étude de la dynamique des populations dans leur milieu de vie », ou encore « la caractérisation de la structure microscopique des racines et des tiges en vue de les différencier sur des bases autres que les caractéristiques apparentes à l’œil nu » (p. 32).

3.1.3 De la construction de l’objet en sciences à la reconstruction du savoir en classe

Bachelard déclare : « Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit » (Bachelard, 1977, p. 14). « L’épistémologie contemporaine, depuis Gaston Bachelard, insiste sur le fait que l’objet d’une science n’est pas donné mais résulte d’une construction intellectuelle » (Astolfi, Darot, Ginsburger-Vogel et Toussaint, 2008, p. 54). La construction de l’objet dans l’activité scientifique est en

10 « Notons cependant qu’il ne s’agit ni d’observations spontanées (comme celle d’un promeneur en forêt) ni aléatoires (qui consistent à décrire les objets et les phénomènes lorsque nous les croisons au hasard). L’expression « observer attentivement » est très répandue dans les classes de sciences, comme si l’observation neutre et spontanée était suffisante. L’observation se fait toujours au regard d’une question précise et en fonction d’un cadre de référence à expliciter ». (Hasni, Belletête et Potvin, 2018, p. 33)

adéquation avec la reconstruction des savoirs chez l’apprenant du point de vue de la psychologie. En effet, selon Wittwer (1990, cité par Astolfi, Darot, Ginsburger-Vogel et Toussaint, 2008),

« qu’il s’agisse de transmettre des savoirs, des savoir-faire et de comment se comporter pour assurer ces transmissions, c’est-à-dire réfléchir sur son savoir-être dans ces situations, il est clair que seule une position interactionniste, certains disent systémique, d’autre encore constructiviste, est aujourd’hui en prise avec l’épistémologie

« qu’il s’agisse de transmettre des savoirs, des savoir-faire et de comment se comporter pour assurer ces transmissions, c’est-à-dire réfléchir sur son savoir-être dans ces situations, il est clair que seule une position interactionniste, certains disent systémique, d’autre encore constructiviste, est aujourd’hui en prise avec l’épistémologie

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