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Les acteurs du troisième Pilier dans le cadre de la lutte contre le terrorisme : un acteur policier privilégié

Section 1 : Europol et Eurojust, bref historique de leur mise en place et compétences respectives

1. Montée en puissance

Pour l’heure, les fonctions d’Europol peuvent se résumer comme suit : faciliter l'échange d'informations entre les Etats membres en permettant la transmission simplifiée et en direct des informations nécessaires aux enquêtes, rassembler et analyser les informations et renseignements, communiquer aux services compétents des Etats membres les informations les concernant et les informer immédiatement des liens constatés entre les faits délictueux, gérer le système informatique Europol TECS433, apporter un soutien technique aux opérations et aux enquêtes menées au sein de l'Union européenne. Toutefois, Europol n'a pas de mandat exécutif et n’agit que par la coordination et la transmission d’informations sous le contrôle et la responsabilité juridique des Etats membres concernés. C’est ce qui lui a souvent valu le qualificatif de simple «boîte» de traitement d’informations.

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Au delà de ces activités relativement limitées, ce qu’il faut principalement relever c’est l’évolution du mandat d’Europol. Ainsi, la Convention Europol fut modifiée avant même d’entrer en vigueur. En effet, les Actes modificatifs de la Convention sont au nombre de huit : trois Protocoles434 et cinq Décisions du Conseil435. Parmi ces Actes, trois concernent la lutte contre le terrorisme : le tout premier Acte modificatif de la Convention du 3 décembre 1998 sur le terrorisme, le Protocole relatif au blanchiment de capitaux du 30 novembre 2000 qui représente une opportunité majeure pour Europol pour lutter contre le terrorisme et son financement et, la Décision du Conseil du 6 décembre 2001 sur la lutte contre les formes graves de criminalité internationale.

Outre ces modifications apportées à la Convention Europol dont l’objectif est l’extension des compétences du mandat d’Europol, le programme de La Haye prévoyait également d’élargir le mandat pour lui permettre d’assumer un rôle plus opérationnel dans les enquêtes. D’une façon générale, le programme de La Haye comprend plusieurs points visant à renforcer la position d’Europol.

En définitive, il est intéressant de noter que si Europol était au départ centré sur des crimes spécifiques, il s’est progressivement tourné vers la criminalité organisée en général436, mais aussi qu’à partir de la simple fonction de traitement d’informations, des pouvoirs opérationnels se sont développés et enfin, que des groupes de travail spécifiques et des task

forces se sont créés en son sein en réaction à des situations ou problèmes particuliers. C’est

ainsi et en réponse aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, qu’une équipe de spécialistes de l’anti-terrorisme a été créée au sein d’Europol437.

434 Les trois Protocoles sont les suivants : le Protocole relatif au blanchiment de capitaux (30 novembre 2000), celui relatif aux équipes communes d’enquête (28 novembre 2002) et celui qui est appelé le «Protocole danois»(27 novembre 2003) qui introduit un certain nombre de dispositions destinées à accroître le dynamisme et l’efficacité d’Europol. Les deux premiers Protocoles ne sont entrés en vigueur que le 29 mars 2007 et le troisième, le 18 avril 2007.

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Les cinq décisions sont les suivantes : la décision relative au terrorisme (3 décembre 1998), la décision relative à la traite des êtres humains (3 décembre 1998), la décision sur le faux monnayage et la falsification des moyens de paiement (29 avril 1999), la décision relative à la lutte contre les formes graves de criminalité internationale (6 décembre 2001) et enfin, la décision sur la protection de l’Euro (12 juillet 2005).

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Le mandat de l’Office européen de police couvre les domaines de criminalité suivant : la prévention et la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue, le trafic des êtres humains, les filières d’immigration clandestine, le trafic illicite de matières radioactives et nucléaires, le trafic de véhicules volés, la lutte contre le faux monnayage et la falsification des moyens de paiement et enfin, le blanchiment d’argent.

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Dernier développement important438: le remplacement de la Convention Europol par une décision afin d’améliorer le «fonctionnement opérationnel et administratif d’Europol» a été décidé à l’unanimité lors du Conseil «Justice et affaires intérieures» des 4 et 5 décembre 2006. Selon la Proposition de décision du Conseil portant création de l'Office européen de police (Europol)439, afin que l'organisation fonctionne plus efficacement, des améliorations touchant au mandat et aux fonctions d'Europol sont suggérées, ainsi qu'au traitement et à la protection des données. La décision portant création de l’Office européen de police a été adoptée le 6 avril 2009440. Elle a donc pour effet d'étendre le mandat d'Europol au-delà de la seule criminalité organisée441 et devrait permettre à Europol d’apporter plus facilement son aide aux Etats membres pour les enquêtes pénales transfrontalières dans lesquelles l'implication de la criminalité organisée n'est pas démontrée dès le départ.

2. «Fausse» montée en puissance

La constante évolution des fonctions, du mandat et des pouvoirs de l’Office européen de police ne saurait dissimuler un certain manque d’efficacité de celui-ci. Un élément de preuve de ce manque d’efficacité peut être apporté à travers l’«épopée» de la task force dédiée à la lutte contre le terrorisme. Cette équipe de spécialistes de l’anti-terrorisme créée au sein d’Europol au lendemain des attentats du 11 septembre, a été en effet démantelée seulement deux ans plus tard pour être réactivée suite aux attentats de Madrid du 11 mars 2004. Pourquoi le démantèlement? Le démantèlement s’explique tout simplement par le manque d’utilité de la task force: tant l’échange que la mise en place d’un système général d’information sur le terrorisme se sont avérés insuffisants. Même si la responsabilité en matière d’échange d’information revient principalement aux Etats membres qui n’ont pas

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Développement repris dans le document «Mise en œuvre du programme de La Haye : la voie à suivre », COM(2006) 331 final du 28 juin 2006. Il était en effet «estimé»par la Commission européenne qu’une «base

juridique plus souple est nécessaire à Europol pour que les décisions politiques visant à améliorer son fonctionnement puissent être mises en œuvre dans les meilleurs délais », et l’action envisagée était alors de

«présenter une proposition de décision du Conseil remplaçant la convention Europol existante, afin d’améliorer

son efficacité opérationnelle ».

439 COM(2006) 817 final, Proposition de décision du Conseil portant création de l’Office européen de police (Europol), 20 décembre 2006.

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Décision 2009/371/JAI du Conseil du 6 avril 2009 portant création de l’Office européen de police (Europol), Journal officiel de l'Union européenne, n° L 121, 15 mai 2009, p. 37 et s.

441 La nouvelle liste des types d'infraction considérés comme forme grave de crimes reprend les formes de criminalité organisée et le terrorisme, mais ajoute aussi, entre autres, l'homicide volontaire, le vol organisé ou à main armée, l'escroquerie et le viol.

«joué le jeu», Europol n’a pas été capable de développer une analyse opératoire sur le terrorisme.

Si la montée en puissance d’Europol est le fruit de la volonté des Etats membres, elle est volontairement limitée par ces derniers. Ainsi, des protocoles et autres actes modificatifs de la Convention Europol visant à augmenter les mandats, compétences et pouvoirs de l’Office sont signés sur la scène, mais en coulisse c’est toujours le protectionnisme et le «chacun pour soi» qui sont largement pratiqués. Cela s’explique en partie par des divergences de culture policière évidentes entre les Etats qui amènent inéluctablement à des positions de compromis et cela se manifeste par des applications édulcorées de ce qui a été signé, c’est-à-dire, principalement, par la rétention d’information menée par les Etats membres.

Paragraphe 2 : Eurojust, un instrument a minima

Eurojust n’est pas un instrument destiné à devenir indépendant, il agira de toute façon sous l’égide du Conseil de l’Union européenne, c’est-à-dire sous celle des Etats membres. Eurojust, organe en remplacement d’un parquet européen, est l’exemple typique d’une grande ambition, qui peut être résumée dans le projet de Corpus juris, qui n’a pas reçu les moyens nécessaires pour devenir une réalité. Il est en cela un instrument européen a minima. Cela se traduit d’une part par ses composition, compétences et tâches telles que prévues dans la décision Eurojust et d’autre part, par l’adoption d’une nouvelle décision Eurojust seulement six ans après.