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matière de sanctions pénales

2. Décalage entre volonté politique initiale et protectionnisme des Etats membres

En dehors de l’échelle des peines qui a été progressivement réduite au fil des propositions, le nombre de comportements visés dans la décision-cadre pour lesquels un montant de peine privative de liberté a été fixé a également été considérablement réduit. Il suffit de comparer l’article 5 de la proposition de la Commission de septembre 2001 avec l’article 5 de la décision-cadre du Conseil de juin 2002. Alors que le premier balayait l’ensemble des infractions terroristes visées à l’article 3, le second ne se contente plus que de fixer le minimum de la peine maximale pour la direction d’un groupe terroriste et la participation aux activités d’un groupe terroriste.

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Ainsi, la diminution progressive des seuils de sanction et la réduction conséquente du champ de l’harmonisation des infractions sont en contradiction avec l’objectif affirmé d’adresser un signal politique fort, c’est-à-dire la volonté initiale d’une lutte concertée contre le terrorisme au niveau européen.

En définitive, alors que la proposition de la Commission en 2001 se voulait être une réponse immédiate aux attentats perpétrés sur le sol des Etats-Unis en prévoyant des peines d’emprisonnement particulièrement sévères, c’est-à-dire en préparant une Union européenne de type «sécuritaire», le texte finalement adopté en 2002 donne davantage l’impression d’une Union «à la carte» où finalement ce sont les Etats membres qui restent les maîtres du jeu des sanctions.

Il est clair que ce décalage est le fruit des débats menés au sein du Conseil de l’Union européenne, autrement dit le fruit des réticences des Etats membres quand il s’agit d’harmoniser leurs législations pénales et en particulier les sanctions.

Sous-section 2 : L’harmonisation des sanctions pénales dans l’Union européenne ou l’atteinte à un des bastions de la souveraineté des Etats membres

Les Etats membres défendent ardemment leur système de sanctions tel un bastion de leur souveraineté. Par ailleurs, il convient de s’interroger sur la compétence de l’Union européenne dans le domaine pénal.

Paragraphe 1: L’harmonisation pénale face à l’équation «droit pénal, attribut essentiel de la souveraineté»237 des Etats membres

Si l’harmonisation du droit pénal et de la procédure pénale est un sujet très sensible et soulève tant de réticences, c’est principalement en raison du fait que cela relève de la souveraineté même des Etats membres. En effet, le droit pénal qui revient, très schématiquement parlant, à définir le bien et le mal, les Etats membres n’apprécient guère que l’on vienne leur dicter à

237 WEYEMBERGH A., Droit pénal et reconnaissance des décisions judiciaires. Un nouveau défi pour l’Union

leur place ce qui est bien et ce qui est mal. Le droit pénal constitue une véritable «chasse gardée» pour les Etats membres que ces derniers ne semblent pas prêts à concéder.

Preuve en est, lors du passage de l’unanimité à la règle de la majorité qualifiée au sein du Conseil de l’Union européenne, certains Etats ont exigé et obtenu que pour tout texte relatif à l’harmonisation pénale, une clause d’appel soit prévue afin que tout Etat qui estime que ce texte porte atteinte à des aspects fondamentaux de son système juridique entraîne la saisie du Conseil européen.

Le mouvement d’harmonisation des sanctions pénales en Europe est contrarié par cette réticence naturelle des Etats membres, et par le doute de certains quant à la compétence de l’Union pour légiférer de façon si étendue dans le domaine des sanctions pénales.

Paragraphe 2: Quelle compétence de l’Union pour légiférer dans le domaine des sanctions pénales ?

Qu’il s’agisse de la proposition de décision-cadre de septembre 2001 ou de la décision-cadre adoptée en juin 2002, toutes deux sont fondées sur le Titre VI du Traité sur l’Union européenne et en particulier sur l’article 29, l’article 31, paragraphe 1, e) et l’article 34, paragraphe 2, b).

En vertu de l’article 29, l’objectif de l’Union européenne est d’offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité et de justice, en élaborant une action en commun entre les Etats membres dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en prévenant le terrorisme et en luttant contre ce dernier. L’article 31, paragraphe 1, e), prévoit quant à lui l’adoption progressive des mesures instaurant «des règles minimales

relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue». Enfin,

l’article 34, paragraphe 2, b), fait référence aux décisions-cadres comme instruments à utiliser aux fins du rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres.

Le Traité sur l'Union européenne ne précise pas les cas où les décisions-cadres doivent être appliquées. Toutefois, de la formulation de l'article 29 par rapport à l'article 31 cités, il peut être inféré que les décisions-cadres servent au rapprochement des dispositions de droit pénal, visant à établir les normes minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines visés. En vertu de ce raisonnement, les décisions-cadres peuvent donc être utilisées dans le but d'imposer aux Etats membres une obligation d'introduire des sanctions pénales dans la mesure où cela est nécessaire à la mise en œuvre d'une politique commune.

L’harmonisation des sanctions pénales de l’infraction terroriste est sans conteste une harmonisation en «trompe-l’œil» dans la mesure où la volonté d’action des Etats membres dans ce domaine est faible : entre le texte initialement proposé par la Commission européenne et celui finalement adopté par le Conseil, le décalage qui existe ne résulte pas seulement du compromis obtenu entre les Etats membres, mais encore et surtout de la volonté de ces derniers à ne pas laisser la matière pénale tomber entre les mains de l’Union. L’une des questions serait alors de savoir si l’harmonisation des sanctions de l’infraction terroriste, en particulier, a bien pour but de servir la lutte contre le terrorisme, ou si cette harmonisation, dans une perspective beaucoup plus générale, ne serait pas plutôt un outil au service des ambitions de l’Union.

Section 3 : L’harmonisation des sanctions pénales au niveau européen, une

«vraie - fausse» utilité ?

De la même façon que la question s’était posée pour une définition commune de l’infraction terroriste, il convient de se demander si cette harmonisation des sanctions pénales en Europe a une vraie utilité, ou plutôt pour quoi et pour qui elle est utile. Entre fervents défenseurs et virulents détracteurs, l’harmonisation des sanctions pose problème et pourrait servir davantage l’ «Institution» européenne que le simple citoyen.

Sous-section 1 : Débat autour des arguments en faveur de l’harmonisation des sanctions pénales au niveau européen

Le Livre vert de la Commission européenne sur le rapprochement, la reconnaissance mutuelle et l’exécution des sanctions pénales dans l’Union européenne238, présente au début du Livre les objectifs du rapprochement. Il convient de reprendre ces objectifs, de les regrouper sous deux arguments majeurs, celui de la mise en place de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, ainsi que celui des problèmes posés par les différences notables entre les systèmes pénaux des Etats membres, et d’en débattre.

Paragraphe 1: L’argument de l’harmonisation des sanctions pénales comme outil de la mise en place de l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice

La promotion de l’espace de liberté, de sécurité et de justice passe, entre autres, par le développement du principe de reconnaissance mutuelle239 et d’un «sentiment commun de justice» pour les citoyens européens et, le développement de ces derniers passe inévitablement, selon la Commission, par l’harmonisation des sanctions pénales.