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La dangereuse adoption d’une définition commune sur le terrorisme

Section 2 : Le droit et la définition du terrorisme

1. La définition du terrorisme selon le droit français

En droit pénal français127, les actes de terrorisme n’ont été définis par le législateur pour la première fois qu’en 1986128 suite à la vague d’attentats de l’automne de cette même année. Leur définition est précisée et les peines qui les accompagnent ont été aggravées avec la réforme du Code pénal129.

Ainsi, l’article 421-1 du Code pénal130, qui reprend les termes de la loi du 9 septembre 1986, dresse la liste des infractions qui constituent des actes de terrorisme. Ces infractions doivent être «intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective

ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur».

Lesdites infractions constitutives d’actes de terrorisme sont les suivantes :

1. Les atteintes volontaires à la vie , les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, définis par le livre II du présent code ;

2. Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions en matière informatique définis par le livre III du présent code ;

3. Les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous définies par les articles 431-13 à 431-17 et les infractions définies par les articles 434-6 et 441-2 à 441-5 ;

4. La fabrication ou la détention de machines, engins meurtriers ou explosifs, définies à l’article 3 de la loi du 19 juin 1871 qui abroge le décret du 4 septembre 1870 sur la fabrication des armes de guerre ; (…) Mais aussi, la production, la vente, l’importation ou l’exportation de substances explosives (…); l’acquisition, la détention, le transport ou le port illégitime de substances explosives ou d’engins fabriqués à l’aide desdites substances (…); la détention, le port ou le transport d’armes et de munitions des première et quatrième catégories (…) ; (…) la mise au point, la fabrication, la détention, le stockage, l’acquisition et la cession d’armes biologiques ou à base de toxines ; (…)

127

Il est intéressant d’étudier tout particulièrement l’aspect définitionnel de l’infraction terroriste en droit pénal français dans la mesure où l’arsenal juridique français est un des plus complets en termes de lutte anti-terroriste.

128 A l’occasion du vote de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986. Il convient de noter que cette toute première définition de l’acte de terrorisme intervient tardivement dans un pays comme la France qui est exposé depuis plusieurs décennies aux attentats terroristes sur son territoire.

129 La définition et le régime des infractions terroristes sont fixés au titre II du livre IV du Code pénal (art. 421-1 à 434-6) et au titre XV du livre IV du Code de procédure pénale (art. 706-16 à 706-55).

l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction ;

5. Le recel du produit de l’une des infractions prévues aux 1° et 4° ci-dessus ;

6. Les infractions de blanchiment prévues au chapitre IV du titre II du livre III du présent code ;

7. Les délits d’initié prévus à l’article L. 465-1 du code monétaire et financier.

La définition retenue en droit français est de type «binaire», c’est-à-dire qu’une liste d’infractions déjà réprimées en droit commun est dressée, infractions qui deviennent terroristes si elles sont commises dans un but précis, dans des circonstances particulières131.

La technique de la liste énumérative, telle que retenue par le droit français, a le défaut d’être inflexible d’un côté, c’est-à-dire qu’un acte commis manifestement dans un but terroriste mais qui ne serait pas prévu dans la liste ne peut être qualifié de tel et, d’impliquer de l’autre, un raisonnement par analogie, ce qui en l’occurrence représente des risques de dérives non négligeables132. De plus, l’infraction doit être commise dans des circonstances et buts précis. Or, des formulations comme «troubles graves», «intimidation» ou «terreur» sont trop vagues et laissent, elles aussi, la porte ouverte à diverses interprétations. A ce sujet, J. Pradel, dans son commentaire sur la loi du 9 septembre 1986, écrivait que «l’appel à la notion de trouble grave à l’ordre public n’apporte pas grand

chose puisque cette notion est peu précise – quoiqu’assez restrictive puisque le trouble doit être grave, sérieux. Plus importants en revanche sont les mots ‘intimidations’ et ‘terreur’»133. Le juge constitutionnel français s’est exprimé à plusieurs reprises sur la question du respect du principe de légalité par la définition de l’infraction terroriste en droit français134. Il semblerait que le Conseil constitutionnel, à défaut de pouvoir argumenter, se contente d’affirmer le respect dudit principe, comme s’il préférait contourner le problème de la définition des actes terroristes.

130

Loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 art. 33, Journal Officiel du 16 novembre 2001.

131 DESPORTES F. et LE GUNEHEC, Le nouveau droit pénal, Tome I, Droit pénal général, Economica, 7ème édition, Paris, 2000, p. 125.

132 Les inconvénients d’une définition par analogie seront développés ultérieurement avec l’exposé des failles de la définition commune du terrorisme adoptée par l’Union européenne.

La grande innovation par rapport à la loi du 9 septembre 1986 réside en la définition autonome du «terrorisme écologique» à l’article 421-2 du Code pénal135. Ce dernier dispose que l’infraction de terrorisme écologique est constituée «lorsqu’il est

intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur», le fait «d’introduire dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel». Cette définition autonome du «terrorisme écologique» s’explique

d’une part par l’absence dans l’arsenal répressif français de dispositions permettant de réprimer de manière générale les actes de pollution volontaire, et d’autre part par la montée du péril biologique et chimique. En effet, les années 90 correspondent à la prise de conscience du danger que peuvent représenter les armes biologiques et chimiques et ce suite à deux événements : la découverte en Iraq après la Guerre du Golfe de très grandes quantités d’armes biologiques et chimiques, et surtout, l’empoisonnement au gaz sarin perpétré par la secte Aum dans le métro de Tokyo en mars 1995136.

L’article 421-2-1 du Code pénal137 précise également que constitue un acte de terrorisme «le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la

préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un des actes de terrorisme mentionnés aux articles précédents».

Enfin, et c’est là une nouveauté apparue dans le Code pénal français suite aux attentats du 11 septembre 2001, et seulement deux mois après ces derniers, l’article 421-2-2138, inséré par la loi sur la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001, dispose que «le fait de financer

une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l’intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu’ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l’un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance éventuelle d’un tel acte».

134 Dans principalement deux décisions : la Décision C. C. n° 86-213 du 3 septembre 1986 et, la Décision C. C. n° 96-377 DC du 16 juillet 1996.

135

Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 art. 2, Journal Officiel du 23 juillet 1996.

136 Nombreux articles de presse relatifs à l’affaire Aum disponibles sur le site du CESNUR (Centre d’études sur les nouvelles religions) : http://www.cesnur.org/2002/aum.htm

137 Loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 art. 3, Journal Officiel du 23 juillet 1996.

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