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54 III. RESULTATS ET DISCUSSION

3.1.1. Du monde médical sur la drépanocytose

Un programme de prise en charge de la drépanocytose exige une approche coordonnée de tous les médecins qui y sont impliqués. L’acquisition de connaissances théoriques et pratiques est nécessaire afin que l’information fournie aux patients soit adéquate et que leur prise en charge soit optimale. L’enquête réalisée auprès de médecins burkinabé avait pour but d’évaluer leurs connaissances pratiques en matière de prise en charge de la drépanocytose mais également de prendre en compte leurs préoccupations afin de mieux organiser la prise en charge des syndromes drépanocytaires majeurs au Burkina Faso.

Les recommandations internationales en matière de prise en charge de la drépanocytose sont actuellement bien codifiées [de Montalembert, 2008, 2011 ; Dick, 2008] et appliquées dans les pays développés. Parmi ces recommandations il y a celles applicables au contexte du Burkina Faso : l’information et l’éducation parentale (reconnaissance des signes et symptômes d’aggravation aiguë de la maladie, hydratation) ; mesures préventives de lutte contre les infections; le suivi médical régulier qui impose annuellement la réalisation d’examens complémentaires et ce en vue de dépister des complications.

3.1.1.1. Matériel et méthodes

Un accord du ministère de la santé a été obtenu et une enquête auprès de médecins du secteur public du Burkina Faso a été effectuée. Un questionnaire (annexe 1) a été envoyé à chacun des médecins de CMA, CHR et CHU par l’intermédiaire de leur direction régionale de la santé. Pour préserver l’anonymat, le retour du questionnaire a été réalisé par courrier postal. Les questions ont été à réponses fermées et ouvertes (annexe 2). Les domaines investigués par les différentes questions ont porté sur : la durée de la pratique médicale, le type de SDM rencontré, les moyens diagnostiques utilisés, le type de traitement institué en phase critique, le suivi des SDM, l’auto-évaluation des connaissances sur les SDM et le souhait des cliniciens pour l’amélioration de leur pratique médicale dans le cadre de la prise en charge de la pathologie.

3.1.1.2. Résultats

Le questionnaire a été complété par 197 (66%) des 300 médecins contactés. Ce nombre représente 21,5% du total des médecins diplômés soit une densité de médecins de 0,06 pour 1000 habitants. Parmi les répondants, la pratique médicale moyenne était de cinq ans, 75%

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suivaient moins de 15 patients drépanocytaires et 79% étaient des médecins généralistes. En ce qui concernait le diagnostic et le suivi des SDM, il a été constaté:

- Plus de 80% (158/197) des médecins identifiaient correctement les SDM et stipulaient que les individus porteurs du trait drépanocytaire sont des sujets asymptomatiques. Le terme de "syndrome drépanocytaire majeur" regroupait correctement l’homozygotie pour l’HbS et les hétérozygoties composites HbSC, HbS+bêta ou bêta0 thalassémie. Notre étude a montré cependant, qu’un certain nombre de médecins (8% ; 16/197) considéraient l’homozygotie CC comme un SDM.

Le diagnostic de drépanocytose était obtenu par la prescription d’une électrophorèse de l’hémoglobine; l’hémogramme par contre ne faisait pas partie des examens biologiques de diagnostic.

- Dans le cadre du suivi du patient drépanocytaire, il faut souligner une prescription de l’électrophorèse de l’hémoglobine. En revanche, la numération formule sanguine n’était pas considérée comme un examen biologique indispensable pour le suivi du patient drépanocytaire (98/197).

- Le tableau 5 présente les traitements instaurés lors d’une complication de type aiguë. La figure 19 représente l’auto-évaluation des connaissances des SDM par les médecins.

Tableau 5 : Traitement institué en phase critique par les médecins au Burkina Faso

Traitement Total N=130 ( %) Antalgiques 36 28 Anti-inflammatoires 53 41 Vasodilatateurs 36 28 Hydratation 22 17 Plantes 6 5

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Figure 19:Auto-évaluation des connaissances des syndromes drépanocytaires majeurs

3.1.1.3. Discussion

Au Burkina Faso, la majorité des médecins sont des généralistes qui sont répartis sur l’ensemble des structures sanitaires du pays. Il s’agit le plus souvent de jeunes diplômés ce qui est confirmé par les résultats de l’enquête qui rapporte une durée moyenne de 5 ans de pratique médicale. Parmi ces médecins, la quasi-totalité n’a pas été formée à la prise en charge spécifique de la drépanocytose. Dans les trois universités du Burkina Faso, les curricula de formation en médecine sont uniformisés. Au cours des études universitaires, l’enseignement de la drépanocytose est abordé dans le chapitre des « anémies hémolytiques » ou très succinctement enseigné en pédiatrie. Par ailleurs, il existe très peu de rencontres scientifiques donnant lieu à un enseignement post universitaire pour les médecins une fois en activité.

La majorité des médecins ayant pris part à l’étude avait une connaissance théorique relativement bonne comme le montre l’auto-évaluation des connaissances des hémoglobinopathies. Par ailleurs, plusieurs questions recoupées permettaient d’apprécier leurs connaissances. Cependant, lorsque l’on s’intéresse de façon plus spécifique à leur pratique médicale, l’étude a mis en évidence des insuffisances en ce qui concerne les protocoles de prise en charge actuels de la drépanocytose comme le témoigne : l’usage des vasodilateurs par 28% des médecins, l’hydratation très peu recommandée et la prescription des analyses biologiques entrant dans le cadre du suivi du patient. Des études antérieures avaient déjà relevé un manque de connaissance et le peu d’expérience des praticiens comme une limite importante dans la prise en charge des SDM [Shickle, 1989; Hansen, 2001; Wurst, 2004 ; Vansenne, 2011].

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Bien que les médecins considèrent qu’ils ont reçu une bonne formation au cours de leurs études, les éléments cités ci-dessus devraient replacer la drépanocytose dans les curricula de formation des médecins au Burkina Faso

Ces résultats viennent souligner la nécessité de renforcer l’enseignement de la drépanocytose au cours de la formation de base des médecins, mais, il s’avère nécessaire de mettre à niveau leurs connaissances et plus spécifiquement celles des médecins généralistes, pédiatres et gynécologues sur la prise en charge médicale de la pathologie. Pour atteindre cet objectif, la formation médicale continuée occupera une place de choix dans ce processus comme l’a souhaité 41,5% des médecins. Cette formation devrait s’intégrer à d’autres programmes de formations continuées dédiées aux pathologies les plus fréquentes en Afrique sub-saharienne.

L’application de ces stratégies sur le plan national nécessitera sans nul doute l’implication des autorités du ministère de la santé, des facultés de médecine et autres formations médicales concernées.

3.1.1.4. Publication

Les syndromes drépanocytaires majeurs : une enquête anonyme auprès du corps médical au Burkina Faso.

Kafando E., Savadogo L.G.B, Ayéroué J., Nacoulma E., Vertongen F., Ferster A., Cotton F., Gulbis B.

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