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64 3.2. Dépistage néonatal à Ouagadougou

3.2.1. Matériel et méthodes

Le dépistage néonatal de la drépanocytose introduit à Ouagadougou en 2000 a été réalisé sur deux périodes. L’un réalisé en 2000 était une étude pilote. Il s’est agi d’un dépistage systématique sur du sang de cordon de nouveau-nés de mères venues accoucher dans une des cinq maternités publiques de Ouagadougou. L’autre effectué en 2006 a consisté en un dépistage ciblé. Les nouveau-nés dépistés avaient soit les deux parents porteurs d’une hémoglobine anormale S et C ou un membre de la fratrie qui était drépanocytaire. Les nouveau-nés ont été adressés soit par le pédiatre soit par le gynécologue. Les prélèvements sanguins ont été réalisés par ponction veineuse du cordon ombilical ou par prélèvement capillaire sur papier buvard à l’âge de 6 à 8 semaines. La recherche des SDM a été réalisée par la technique d’isoélectrofocalisation (Wallac Electrofocusing Unit code Fr-2900). Tous les résultats phénotypiques des cas positifs ont été confirmés par la technique HPLC (β-thalassaemia short programme - BioRad Variant I) au laboratoire de référence des hémoglobinopathies des Cliniques Universitaires de Bruxelles - Hôpital Erasme ULB. Les résultats du dépistage ciblé ont été remis au pédiatre, et ceux du dépistage systématique aux parents chaque fois que cela a été possible.

3.2.2. Résultats

Au cours du dépistage systématique [Kafando, 2005], 41 (14 homozygotes SS et 27 hétérozygotes composés SC) syndromes drépanocytaires majeurs ont été diagnostiqués sur les 2341 nouveau-nés testés. L’incidence à la naissance était de 1/57 nouveau-nés testés avec respectivement 1/167 pour les homozygotes SS et 1/87 pour les hétérozygotes composites SC.

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Les données générales de cette étude pilote ont estimé l’incidence de l’Hb C à 1/5 et celle de l’Hb S à 1/11 (Figure 21).

Figure 21: Nombre de cas d’hémoglobinopathies au cours du dépistage systématique [Kafando,

2005]

En 2006, 53 nourrissons de couples à risque (21 AS/AS, 12 AS/AC, 9 AS/CC, 5 AS/SC, 3 AC/SC et 3 AS/SS) ont été testés. Six SDM ont été mis en évidence dont un homozygote SS et 5 hétérozygotes composés SC (Figure 22).

Figure 22 : Nombre de cas d’hémoglobinopathies au cours du dépistage ciblé [Kafando,

2009] 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 SS SC CC AS AC Autres N om br e de c as Hémoglobines anormales 0 2 4 6 8 10 12 SS SC CC AS AC N om br e de c as Hémoglobines anormales

66 3.2.3. Discussion

Deux modalités d’application du dépistage sont possibles dans les pays non-endémiques où vivent de nombreuses personnes à risque: le dépistage systématique ou universel et le dépistage ciblé en fonctions de divers critères [Davies, 2000 ; Ducrocq, 2001]. Bien que le dépistage ciblé ait montré une incidence plus élevée d’hémoglobinopathies, il est évident qu’au Burkina Faso, le dépistage néonatal doit être universel au vue de la prévalence élevée des hémoglobinopathies au Burkina Faso [Kafando, 2005].

Le sang de cordon ou prélèvement capillaire au talon du nouveau-né et séché sur papier buvard de type Guthrie peuvent être utilisés. Ces deux techniques de prélèvements ont montré des résultats similaires pour d’identification de variants structuraux [Papadea, 1994]. Cependant, afin d’envisager le dépistage précoce sur un plus grand nombre de nourrissons dans toutes les régions du pays, la stratégie envisagée peut s’appuyer sur des expériences déjà existantes au Burkina Faso. En effet, dans le cadre de la mise en œuvre de son programme de prévention de la transmission mère-enfant du VIH/Sida [OMS, 2004] le personnel de soins est déjà formé au prélèvement capillaire sur papier buvard et à l’acheminement des échantillons vers le laboratoire de référence VIH. Le même dispositif pourrait être mis en place dans le cadre du dépistage néonatal / précoce des SDM.

Des techniques fiables de dépistage permettent de caractériser les syndromes drépanocytaires majeurs à la naissance et ce malgré la présence majoritaire de la fraction d’Hb fœtale. La technique de séparation des hémoglobines par IEF est une des techniques de choix pour un programme de dépistage. C’est une technique fiable, précise, sa sensibilité est de 100% [Kramer, 1979 ; Galactéros, 1980, 1999] ; elle permet de réaliser les analyses pour plusieurs d’échantillons et d’identifier un grand nombre de variants structuraux. A l’heure actuelle, l’évaluation de nouvelles techniques, permet d’opter pour plusieurs combinaisons de techniques en fonction de l’équipement des différents laboratoires [Bardakdjian-Michau, 2010 ; Wolff, 2012]. Dans notre contexte, l’IEF est la technique de première intention retenue. Facile d’utilisation, elle ne nécessite pas une maintenance spécifique. Une deuxième technique étant indispensable pour confirmer la présence d’une hémoglobine anormale ou un résultat considéré comme suspect, l’HPLC est l’autre technique de choix. Cependant les inconvénients liés à cette technique sont le coût élevé des équipements et des réactifs, et son utilisation qui nécessite un personnel qualifié.

Les études effectuées au Burkina Faso portant sur les aspects épidémiologiques de la drépanocytose, n’ont pas défini l’incidence réelle de la pathologie dans la mesure où la mortalité des enfants malades avant l’âge de cinq ans est élevée [Labie, 1984]. Le dépistage

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néonatal a permis de disposer de données épidémiologiques relativement précises sur l’incidence à la naissance de la drépanocytose. L’incidence moyenne à la naissance de la drépanocytose à Ouagadougou était de 1/57 nouveau-nés testés, [Kafando, 2005]. Cette incidence à la naissance pourrait être variable d’une région à l’autre, en raison de l’existence de pratiques culturelles (mariage consanguin) au sein de certaines populations. Cette incidence, ramenée aux indicateurs de la population du Burkina Faso (16. 248. 558 habitants, taux de natalité de 46‰) [INSD, 2010], permet d’estimer le nombre annuel de SDM attendu au niveau national à 13.113 personnes environ. Dans la situation actuelle d’inexistence d’un programme national de contrôle de la drépanocytose ces chiffres augmenteront ou au mieux resteront stables mais ne devraient pas être en baisse.

Il est important que les résultats des tests de dépistage lorsqu’ils sont pathologiques soient suivis d’une prise en charge adéquate des patients. Il est capital que les mères et / ou la famille soient informées du résultat; toute la difficulté du dépistage néonatal a résidé dans la transmission et le devenir du résultat et notamment celui des formes majeures. Des réflexions devraient être menées en vue de définir la meilleure approche pour la transmission du résultat aux parents et aux médecins. Une information précise et bien comprise devrait permettre un retrait systématique du résultat par les mères. Le moment du retrait du résultat, doit être l’occasion de fournir des explications encore plus détaillées et d’orienter les mères vers un centre de santé en vue de la prise en charge du cas positif. Une telle approche nécessite cependant d’une part que le personnel de santé soit formé et d’autre part que la pathologie soit connue de la population. Une organisation de prise en charge avec la mise en place d’un réseau de médecins référant formés devrait aboutir à étendre le dépistage à une plus grande échelle.

Actuellement, en l’absence d’une telle organisation, il a été créé au Burkina Faso par Récépissé N° 2006-129/MATD/SG/DGLPAP/DOASOC (annexe 3) une association d’appui aux personnes et familles souffrant de drépanocytose dénommée Comité d’Initiative contre la Drépanocytose au Burkina (CID/Burkina). Le CID/Burkina a pour objectifs de développer un plaidoyer en vue d’une meilleure prise en compte de la drépanocytose ; de sensibiliser l’opinion publique sur les questions liées à la drépanocytose ; de contribuer à la mise en place de mesures de diagnostic, de prise en charge précoce et de traitements des complications de cette maladie. Ainsi dans le cadre de la mise en œuvre de ses plans d’action annuels et de la signature d’une convention avec le ministère de la santé, le CID/Burkina a initié et réalisé différentes activités de formation parmi lesquelles : des séminaires sur le dépistage précoce et la prise en charge de la drépanocytose chez le nourrisson à l’attention de plus de 350

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infirmiers répartis dans toutes les régions du pays; des séminaires destinés à une quarantaine de sages-femmes en vue d’une part du suivi tout particulier de la femme enceinte et d’autre part du dépistage du nourrisson lorsque la mère est porteur d’une anomalie de l’hémoglobine; un séminaire international de formation à l’endroit de 50 pédiatres et médecins généralistes en charge des consultations dans les CHR et districts sanitaires du Burkina Faso (Figure 23) ; un atelier de réflexion sur l’accès des médicaments aux drépanocytaires.

Figure 23 : Médecins formés à la prise en charge de la drépanocytose (photo CID/Burkina)

Le diagnostic néonatal de la drépanocytose peut être réalisé grâce à la technique d’IEF, technique fiable applicable à grande échelle. Diagnostiquée précocement, des mesures thérapeutiques efficaces sont disponibles pour réduire la morbidité et la mortalité de la maladie. Ces critères plaident en faveur de la mise en place d’un programme de dépistage précoce systématique de la drépanocytose chez les enfants au Burkina Faso.

3.2.4. Publication

Neonatal haemoglobinopathy screening in Burkina Faso.

Kafando E., Nacoulma E., Ouattara Y., Ayeroue J., Cotton F., Sawadogo M., Gulbis B.

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