UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES Faculté de Médecine
SYNDROMES DREPANOCYTAIRES: CONTRIBUTION AU
DEPISTAGE, AU DIAGNOSTIC ET A LA PRISE EN CHARGE
AU BURKINA FASO
Thèse présentée par Eléonore KAFANDO
En vue de l’obtention du titre de Docteur en Sciences Biomédicales et Pharmaceutiques
Promotrice : Professeur Béatrice GULBIS
Jury
Président: Pr Pierre BERGMANN Secrétaire : Pr Béatrice GULBIS
Experts extérieurs: Pr Mariane de MONTALEMBERT, Pr Christiane VERMYLEN Membres : Pr. Michel TOUNGOUZ, Pr. Philippe LEPAGE, Pr. Bruno DUJARDIN
REMERCIEMENTS
A Madame le Professeur Béatrice GULBIS, Promoteur de cette thèse.
Chère Professeur GULBIS, j’ai eu le privilège de bénéficier de vos enseignements théoriques et encadrement hospitalier au cours de ma formation au DES de Biologie Clinique. Au terme de mes études en Belgique, j’ai opté pour un retour dans mon pays, le Burkina Faso. Vous avez marqué votre intérêt pour l’Afrique en vous engageant dans une véritable collaboration Nord- Sud, en témoignent vos différents séjours au Burkina Faso dans le cadre de journées scientifiques et de missions d’enseignement. En dépit de vos multiples sollicitations, vous avez été l'initiatrice de cette thèse et vous m’avez guidé tout au long de son élaboration. Alors que je que lâchais prise et que j’avais perdu tout espoir de finaliser cette thèse, vous m’avez redonné espoir en me témoignant votre confiance. Auprès de vous, j’ai beaucoup appris tant dans le domaine de la recherche qu’au niveau des relations humaines. Vos immenses connaissances scientifiques, votre passion pour les « hémoglobines anormales » et votre exigence pour le travail bien fait m’ont émerveillée tout au long de mes séjours passés au sein de votre laboratoire. J’espère que l’aboutissement de ce travail sera pour moi le début d’une ère nouvelle de collaboration. Puisse ce travail être à la hauteur de vos attentes.
Permettez-moi, de vous témoigner, toute ma gratitude et mes sentiments les plus respectueux.
A Mesdames le Professeur Françoise VERTONGEN et le Docteur Alina FERSTER, membres du comité d’accompagnement de cette thèse : pour votre contribution à l’avancement de ce travail.
A Monsieur le Professeur Fréderic COTTON : pour tous tes conseils et suggestions qui ont amélioré ce travail.
A la Coopération Universitaire au Développement : pour le soutien financier qui a permis d’équiper le laboratoire d’hématologie de l’UFR/SDS, et sans qui, cette thèse et surtout sa finalisation n’aurait été possible.
A Mesdames Fabienne HANNAERT et Alexandrine de HASQUE : pour toutes les démarches administratives qui ont assuré le bon déroulement de mes séjours à Bruxelles.
Aux Docteurs Jonathan BRAUNER et Elena LAZAROVA : pour votre amitié très confraternelle
Aux familles OUEDRAOGO Moustapha et SAVADOGO Boukary à Bruxelles : pour votre accueil et votre hospitalité.
A Madame Monique DROUART et Monsieur Jean Claude DEFENSE, ma famille belge : vous m’avez toujours entouré d’une grande affection. Merci pour les moments de joie passés à vos côtés.
A tous les membres du Comité d’Initiative contre la Drépanocytose au Burkina : pour notre combat à relever les défis dans la lutte contre la drépanocytose au Burkina Faso. Notre parcours est encore long; cependant, nous restons rassurés et confiants.
A tous les patients atteints de drépanocytose: puisse ce travail apporter un plus dans votre prise en charge au Burkina Faso.
A tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à la réussite de ce travail.
A ma famille et à mes amis: pour tout le soutien constant et les encouragements. A chacun de vous : Merci.
A Mamadou: pour ta présence, ton affection et ton réconfort
Je dédie ce travail tout particulièrement à mon fils Rachid Anthony : pour tout ton Amour.
TABLE DES MATIERES
LISTE DES ABREVIATIONS 6
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX 8
RESUME 10 I. INTRODUCTION 13 1.1. Hémoglobines normales 13 1.2. Hémoglobinopathies 15 1.2.1. Thalassémies 15 1.2.2. Variants structuraux 16
1.3. Syndromes drépanocytaires majeurs 16
1.3.1. Définition et classification 16
1.3.2. Epidémiologie 17
1.3.3. Physiopathologie 20
1.3.4. Diagnostic clinique 23
1.3.5. Diagnostic biologique 30
1.3.6. Prise en charge des syndromes drépanocytaires 35
1.3.7. Perspectives 43
1.4. Contexte du Burkina Faso 46
1.4.1. Indicateurs sanitaires 47
1.4.2. Drépanocytose au Burkina Faso 50
II. BUTS DU TRAVAIL 52
2.1. Problème de recherche 52
2.2. Question de recherche 52
2.4. Objectifs 53
2.4.1. Objectif général 53
2.4.2. Objectifs opérationnels 53
2.5. Hypothèse de recherche 53
III. RESULTATS ET DISCUSSION 54
3.1. Connaissances 54
3.1.1. Du monde médical sur la drépanocytose 54
3.1.2. Sur la prise en charge médicale de la drépanocytose 58
3.2. Dépistage néonatal à Ouagadougou 64
3.3. Perspectives en vue d’améliorer la prise en charge de la drépanocytose 69 3.4. Thérapeutique transfusionnelle: sécurité transfusionnelle 76
3.4.1. Sécurité transfusionnelle infectieuse 76
3.4.2. Sécurité transfusionnelle immunologique 79
IV. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 81
4.1. Conclusions 81
4.2. Perspectives 81
V. REFERENCES 87
VI. ARTICLES ORIGINAUX 108
6
LISTE DES ABREVIATIONS
Ag HBs : Antigène de surface du virus de l’hépatite B ARM : Angiographie par résonnance magnétique AVC : Accident vasculaire cérébral
CHR : Centre hospitalier régional CHU : Centre hospitalier universitaire
CLHP : Chromatographie liquide haute performance CMA : Centre médical avec antenne chirurgicale
CRLD : Centre de Recherche et de lutte contre la drépanocytose CSPS : Centre de santé de promotion sociale
CVO : Crise vaso-occlusive
DLM : Direction de la lutte contre la maladie DRS : Direction régionale de la santé
DTC : Doppler trans-crânien
EDSBF : Enquête démographique de santé du Burkina Faso FO-3VM : Fond d’œil aux verres à trois miroirs
HCV : Hepatitis C Virus
HTLV1/2: Human T-lymphotropic virus 1/2 IEF: Isoélectrofocalisation
IL1 : Interleukine 1
MILDA : Moustiquaire imprégnée à longue durée d’action NO: Monoxyde d’azote
OMS: Organisation mondiale de la santé PCR : Polymerase Chain reaction
PfEMP1 : Plasmodium falciparum erythrocyte membrane protein 1 PNDS : Programme national de développement sanitaire
PSN : Politique nationale de santé
RGPH : Recensement général de la population et de l’habitat SDM : Syndromes drépanocytaires majeurs
SFBC : Société française de biologie clinique STA : Syndrome thoracique aigu
TDM : Tomodensitométrie
7 TNF α: Tumor necrosis Factor alpha
UGT1A : Uridine diphosphate-glucuronosyltransferase 1A VCAM-1: Vascular Cell Adhesion Molecule-1
8
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX
Figures
Figure 1 : Tétramère de la molécule d’hémoglobine Figure 2 : Organisation des gènes de globine
Figure 3 : Evolution ontogénique des diverses chaines de globines Figure 4 : Formule moléculaire des hémoglobines normales
Figure 5 : Estimation du nombre de nouveau-nés atteints de drépanocytose Figure 6: Distribution globale de l’allèle de l’HbS et du paludisme
Figure 7 : Mécanisme de la falciformation Figure 8 : Physiopathologie de la drépanocytose
Figure 9 : Radiographie du thorax montant des infiltrats alvéolaires au cours du STA Figure 10: Equipement d’électrophorèse de l’Hb disponible au Burkina Faso
Figure 11: Répartition des équipements d’électrophorèse de l’hémoglobine au Burkina Faso Figure 12: Electrophorèse capillaire à pH alcalin et acide
Figure 13: CLHP chez un homozygote S
Figure 14: Age de survenue de l’accident vasculaire cérébral Figure 15 : Division administrative du Burkina Faso en 13 régions Figure 16 : Tendance à la mortalité infantile et juvénile
Figure 17 : Taux de fécondité par âge
Figure 18 : Répartition géographique de la drépanocytose en Afrique subsaharienne Figure 19 : Auto-évaluation des connaissances des syndromes drépanocytaires majeurs
Figure 20 : Couverture vaccinale des vaccins recommandés chez le drépanocytaire en fonction de la dose et des rappels
Figure 21: Nombre de cas d’hémoglobinopathies au cours du dépistage systématique Figure 22 : Nombre de cas d’hémoglobinopathies au cours du dépistage ciblé
Figure 23 : Médecins formés à la prise en charge de la drépanocytose
9
Tableaux
Tableau 1: Complications aiguës non documentées au Burkina Faso Tableau 2: Complications chroniques non documentées au Burkina Faso Tableau 3: Techniques de diagnostic néonatal
Tableau 4 : Examens recommandés annuellement chez le drépanocytaire
Tableau 5 : Traitement institué en phase critique par les médecins au Burkina Faso
Tableau 6 : Indicateurs démographiques, économiques et sanitaires du Burkina Faso et de la République Démocratique du Congo
Tableau 7 : Principales motivations au premier don de sang
10 RESUME
Introduction
La drépanocytose, affection génétique qui affecte 1 à 2% de la population en Afrique subsaharienne est une maladie chronique dont le traitement curatif, la greffe de moelle n’est pas à la portée des pays africains (sauf en Afrique du Sud). Au Burkina Faso, l’incidence des SDM est estimée à 1,7% avec un nombre annuel de naissances d’environ 713.000. En l’absence d’un programme national de lutte contre la drépanocytose, les raisons du retard au diagnostic et de prise en charge inadéquate de la maladie au Burkina Faso sont diverses. Entre autres, la maladie diagnostiquée au stade de complications évolue en l’absence de protocoles adéquats de prise en charge et la thérapeutique transfusionnelle, capitale dans cette affection, n’est pas totalement sécurisée.
Méthodologie
Des études de type transversal descriptif (enquêtes à l’aide de questionnaires dont les questions étaient à choix multiples ou à réponses ouvertes) et de type rétrospectif (exploitation de dossiers médicaux) ont été réalisées. Nos travaux se sont déroulés au Burkina Faso et pour la plupart dans la ville de Ouagadougou. Le laboratoire de référence des hémoglobinopathies des Cliniques Universitaires de Bruxelles - Hôpital Erasme ULB a été le lieu de confirmation de nos résultats phénotypiques de dépistage de la drépanocytose.
Résultats
La première enquête a montré que sur 66% (197/300) des médecins interrogés, en situation critique, 28% d’entre eux prescrivaient des vasodilateurs ; ils avaient un nombre médian de 5 années de pratique médicale.
Les vaccins spécifiques recommandés dans la drépanocytose ont été réalisés respectivement dans 5,7% pour le vaccin anti Haemophilus influenzae de type b; 65,8% pour le vaccin anti pneumoccocique et 27,7% pour le vaccin anti meningococcique. Une différence significative d’âge au premier symptôme entre les enfants de type Hb SC et ceux de type HbSS a été mis en évidence; âge médian de 4 ans chez les SC versus 2 an chez les SS. Il en était de même de l’âge du diagnostic: âge médian de 5 ans chez les SC versus 2 an chez les SS (p = 0,001). Le dépistage systématique a montré une incidence à la naissance de 1/57 (1/167 pour l’Hb SS et 1/87 pour l’Hb SC). Sur 53 nourrissons issus du dépistage ciblé six SDM ont été mis en évidence (1 SS et 5 SC).
11
comportement à risque représentait 4,5% (484/10814) des cas. Sur un total de 474 enfants transfusés, 119 ont reçus des transfusions incompatibles (25%). Le taux d’alloimmunisation était de 4% (5/119).
Conclusion
12 ABSTRACT Introduction
Sickle cell disease is a genetic affection which assigns to 1 to 2% population in sub-Saharan Africa. It is a chronic disease; curative treatment is bone marrow transplantation. Burkina Faso is a sub-saharan country where the incidence of sickle cell disease is estimated at 1.7% with an annual number of births from approximately 713000. The disease is characterized: by a late diagnosis carried out when complications appeared; an absence of adequate protocol of management. Transfusion in sickle cell disease remains important in spite of a poor blood transfusion safety.
Methodology
Studies were descriptive (investigations) and retrospective (exploitation of medical files). Our work proceeded in Burkina Faso and for the majority in the town of Ouagadougou. The laboratory of reference of the hémoglobinopathies Cliniques Universitaires de Bruxelles - Hôpital Erasme ULB confirmed the phenotypical results of neonatal screening.
Results
For 66% (197/300) medical doctors, in acute situation, 28% of them used vasodilators drugs. The specific vaccines recommended were carried out respectively in 5.7% for Haemophilus influenzae type B; 65.8% for the pneumococcal vaccine and 27.7% for the meningococcal. The first clinical event appeared at a significantly later age for Hb SC than Hb SS children (4 years versus 2 years). Mean age at diagnosis was 5 years and 2 years for Hb SC and Hb SS (p = 0,001). Systematic neonatal screening showed an incidence of 1/57 (1/167 for Hb SS and 1/87 for Hb SC); six majors forms were observed in cibled screening.
The population of blood donors was composed of new donors (54.3%) and family donors (52%). On a total of 10814 donors were registered 11% (1191/10814) were non eligible. Those at risk behavior constituted 484 (4.5%). On a total of 474 transfused children, 119 were incompatible transfusions (25%). The rate of alloimmunisation was 4% (5/119).
Conclusion
13
I. INTRODUCTION
1.1. Hémoglobines normales
L’hémoglobine est le constituant principal des globules rouges. C’est une protéine de 64500 daltons. L’hémoglobine est une molécule composée de 4 chaînes polypeptidiques identiques deux à deux (Figure 1), chaque chaîne étant liée à un noyau tétrapyrolique lié à un atome de fer: l’hème. La partie protéique de l’hémoglobine est appelée globine.
Figure 1 : Tétramère de la molécule d’hémoglobine
(Tirée de http://www.gs-im3.fr/hemoglobine/HbStructure1.html)
La structure spatiale de l’hémoglobine dépend de la nature et de la séquence des acides aminés constituant les chaînes. La globine est formée de 2 chaînes α constituées de 141 acides aminés associées à des chaînes non α de 146 acides aminés, et dont la structure varie en fonction du stade de développement.
La synthèse des chaînes α est contrôlée par 2 gènes (α1, α2)situés sur le bras court de chaque
chromosome 16. En ce qui concerne les chaînes non α, elles sont codées chacune par plusieurs gènes situés sur le bras court du chromosome 11 (Figure 2).
Figure 2 : Organisation des gènes de globine
14
La nature et les proportions des hémoglobines varient au cours de la vie. La synthèse d’hémoglobine chez l’homme est caractérisée par deux changements majeurs (commutation :
switch) dans la composition de l’hémoglobine [Terrenato, 1981]. Au début du développement,
l’érythropoïèse siège essentiellement dans le sac vitellin ; les hémoglobines embryonnaires Gower I, Gower II, Portland prédominent. A partir de 6 semaine de gestation, l’érythropoïèse devient hépatosplénique, les hémoglobines embryonnaires sont progressivement remplacées par de l’hémoglobine fœtale (HbF) qui est largement majoritaire. Dès la 30e semaine la synthèse d’HbF décline au profit de l’HbA. A la naissance, l’érythropoïèse devient médullaire
(Figure 3).
Figure 3 : Evolution ontogénique des diverses chaines de globines Tirée de http://acces.ens-lyon.fr/biotic/evolut/mecanismes/globines
Après la naissance la commutation est effectuée à 90 % à 6 mois et à 95 % à 1 an. Elle se termine vers 5-6 ans. La composition normale définitive de l’hémoglobine est représentée dans la figure 4.
15
1.2. Hémoglobinopathies
Les hémoglobinopathies sont des anomalies héréditaires de l’hémoglobine. La transmission génétique des hémoglobinopathies suit les lois de Mendel. Il existe deux types d’anomalies de l’hémoglobine, selon qu’elles portent soit sur la synthèse, soit sur la structure des chaînes de globine.
1.2.1. Thalassémies
Les syndromes thalassémiques constituent un groupe d’affections dues à des anomalies de la régulation de la biosynthèse des chaînes de globine. Selon la nature de la chaîne déficiente α ou β, il s’agit d’une α thalassémie ou d’une β thalassémie. Le déficit de synthèse est soit non compensé, soit partiellement compensé.
1.2.1.1. Alpha-thalassémie
L’α-thalassémie correspond à un déficit de synthèse des chaînes α de la globine. Elle affecte par conséquent la synthèse des trois hémoglobines physiologiques. Cette pathologie concerne l’ensemble des ethnies, mais les formes majeures sont plus fréquentes dans les populations originaires d’Asie du Sud-Est et d’Afrique sub-saharienne. L'α-thalassémie se transmet selon un mode complexe à cause de l'existence de quatre chaînes alpha chez les sujets normaux. En effet, selon que l'anomalie concerne une ou plusieurs des quatre chaînes, cette pathologie présente une expression clinique plus ou moins sévère.
1.2.1.2. Bêta thalassémie
La β thalassémie est caractérisée par un déficit de synthèse des chaînes de globine β
conduisant à un excès relatif de chaines α. Seule la synthèse de l’hémoglobine A est affectée Le déficit de synthèse d’hémoglobine peut être total (β0thalassémie) ou partiel
(β+thalassémie). La sévérité de la thalassémie est fonction du déficit en chaines β. Lorsqu’un seul gène est muté, on parle de thalassémie mineure ou trait β thalassémique. Lorsque les deux gènes sont mutés, il s’agit d’une thalassémie majeure ou anémie de Cooley. La thalassémie intermédiaire est une définition clinique.
1.2.1.3. Persistance héréditaire de l’hémoglobine fœtale
16 1.2.2. Variants structuraux
La plupart des anomalies de structure sont dues au remplacement par mutation d’un seul acide aminé sur l’une ou l’autre chaîne de globine. Dans la majorité des cas, une mutation ponctuelle dans la région codante de la chaîne de globine conduit à l’expression d’un variant. La majorité des variants structuraux sont latents [Hardison, 2002]; d’autres par contre ont un
retentissement clinique et biologique et sont à l’origine de pathologies plus ou moins sévères comme c’est le cas de l’HbS. Ces anomalies peuvent aboutir:
à une modification de la charge de la molécule, qui entraîne une modification de la solubilité de l’hémoglobine et / ou à un changement des mobilités électrophorétiques (Hb C, Hb D-Punjab, Hb O-Arabe, Hb E ..…)
à une instabilité de l’hémoglobine;
à une modification de l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène; à la formation de methémoglobine.
1.3. Syndromes drépanocytaires majeurs (SDM)
1.3.1. Définition et classificationL’hémoglobine S est la conséquence d’une mutation ponctuelle du 6ème codon de l’exon 1 (GAG GTG) du gène de globine β substituant l’acide glutamique par une valine. On regroupe sous le terme de syndromes drépanocytaires majeurs (SDM) [Loukopoulos, 2000 ; Powars, 2002] les manifestations cliniques plus ou moins sévères présentées par :
l’homozygotie SS
l’hétérozygotie composite: Hb SC, SD-Punjab, Sβ-thalassémie, SO- Arabe.
L’homozygotie SS et l’hétérozygotie composite Sβ0-thalassémie sont les formes les plus sévères et les plus graves.
Les syndromes drépanocytaires majeurs associent trois grandes catégories de manifestations cliniques que sont:
l’anémie hémolytique chronique ; les phénomènes vaso-occlusifs ;
la susceptibilité extrême aux infections.
Il existe une grande variabilité d’expression clinique ; la sévérité et la fréquence des complications sont très variables d’un patient à l’autre mais également chez un même patient au cours de sa vie [de Montalembert, 2004]. Cette variabilité est due à des facteurs génétiques et
17
Le trait drépanocytaire est le plus souvent asymptomatique. Dans quelques rares situations, des décès ont été observés chez des personnes ayant fournis un effort soutenu comme des entraînements physiques intenses [Key, 2010]. L’infection urinaire chez la femme enceinte
HbAS a été également décrit ; les patients AS sont aussi sujets à faire des hématuries.
Le carcinome médullaire rénal est une tumeur récemment décrite et fortement agressive, s’observant chez les porteurs du trait drépanocytaire [Tsaras, 2009 ; Nigel, 2010].
1.3.2. Epidémiologie 1.3.2.1. Dans le monde
La drépanocytose est une maladie héréditaire de l’hémoglobine très répandue dans le monde (Figure 5). Selon l'OMS, 300 000 enfants naissent chaque année dans le monde avec une anomalie majeure de l'hémoglobine dont la plus fréquente est la drépanocytose [OMS, 2006].
Elle est présente dans le bassin méditerranéen et dans tout le Moyen-Orient jusqu’en Arabie Saoudite. Elle est également présente dans le sous-continent indien. Dans ces régions, la drépanocytose y est présente avec des fréquences de porteurs du trait entre 1 et 5 % de la population. En raison des mouvements de populations de ces régions vers l’Europe de l’Ouest, la drépanocytose est maintenant présente en France, en Angleterre, en Belgique, et en Hollande [Gulbis, 1999 ; Lê, 2010].
En France, on estime actuellement à 12 000 le nombre de sujets atteints de SDM, dans les départements français d’Outre-mer, l’incidence à la naissance est variable, allant de 1/ 4551 à la Réunion à 1/ 227 en Guyane [Etienne-Julan, 2012]. Chaque année, naissent en France
300 à 350 enfants atteints de SDM dont la plupart en Île-de-France [de Montalembert, 2007 ; Bardakdjian, 2012]. En 2010, 341 syndromes drépanocytaires majeurs ont été dépistés en
métropole ; l’incidence moyenne de la drépanocytose y était de 1/743 nouveau-nés testés et de 1/2 364 par rapport à l’ensemble des nouveau-nés [Bardakdjian, 2008 ; Bardakdjian, 2009].
En Belgique, le dépistage néonatal systématique réalisé dans toutes les maternités de la Région de Bruxelles Capitale a permis de relever une incidence de 1/1558 naissances [Woff, 2012]. Le nombre de malades en Belgique est estimé à environ 400 [Gulbis, 2010]. En Angleterre
les données du dépistage néonatal donnent une incidence des SDM à 1/2000-1/2500 [Streetly, 2008]. Il existe également un dépistage néonatal systématique aux Pays bas où chaque année
naissent environ 50 à 60 nouveau-nés drépanocytaires [Bouva, 2010,]
18
Figure 5:Projected Number of Newborns with SCA. Estimated number of newborns with SCA
per country in 2010 (A), 2050 (B), and overall from 2010 to 2050 (C), (Piel, 2013)
1.3.2.2. En Afrique
L'OMS estime à environ 200 000 le nombre de drépanocytaires (majoritairement homozygotes pour l’HbS) en Afrique [Labie, 2010]. L'allèle S, responsable de la maladie, est
surtout répandu dans le continent africain. La « ceinture sicklémique » est la zone qui s’étend entre le 15ème parallèle latitude Nord et le 20ème parallèle latitude Sud [Sangaré, 1990]. C’est dans
cette zone que les populations noires sont les plus atteintes. La prévalence de la maladie est déterminée par la fréquence du trait drépanocytaire qui varie selon les régions. Ainsi, cette fréquence atteint 10 à 40 % en Afrique équatoriale, 1 à 2 % sur la côte de l’Afrique du Nord, moins de 1 % en Afrique Australe et 15 à 30 % en Afrique de l’Ouest [OMS, 2006]. Dans
certaines parties de l’Afrique subsaharienne, la drépanocytose touche jusqu’à 2 % des nouveau-nés [OMS, 2006].
1.3.2.3. Drépanocytose et paludisme
Des évidences épidémiologiques ont été observées. La superposition des zones de hautes fréquences du trait drépanocytaire aux zones d’endémie palustre [Piel, 2013] est bien
établie (Figure 6). Le contraste entre la forte létalité chez les patients atteints d’un SDM
[McAuley, 2010] et le maintien de fortes prévalences du gène drépanocytaire semble être un cas
19
personnes porteuses du trait drépanocytaire (A/S) présentent beaucoup plus rarement les formes sévères et compliquées de l’infection à Plasmodium falciparum [Hood, 1996 ; Aidoo, 2002].
Ces mécanismes protecteurs de l’allèle S vis à vis de l’infection à Plasmodium
falciparum ne sont pas complètement élucidés. Parmi les principaux, le gène drépanocytaire
est le premier facteur de sélection naturelle connu [Miller, 2000] qui influence l’évolution du
paludisme à Plasmodium falciparum vers la forme grave (paludisme neurologique).
Un autre mécanisme rapporté est la modification de l’intensité et de la spécificité de la réponse immunitaire des sujets Hb AS au Plasmodium falciparum conduisant à une meilleure réponse immunitaire acquise [Bayoumi, 1987, Cabrera, 2005 ; Williams, 2005].
Des mécanismes relatifs à la réduction de la densité parasitaire à Plasmodium falciparum ont été également proposés. Il s’agit notamment de l’inhibition de la croissance ou la mort du parasite dans les érythrocytes à Hb AS liée à une déshydratation du globule rouge et une augmentation de la phagocytose de celui-ci[Friedman 1978 ; Ayi, 2004].
Par ailleurs, la réduction de la cytoadhérence de l’érythrocyte à Hb AS infecté, par altération de la protéine de virulence PfEMP1 est à considérer, mais elle ne parait pas suffisante pour comprendre la sélection du trait drépanocytaire en zone d’endémie palustre
[Helmby, 1993 ; Cholera, 2008]
20
Figure 6: Global distribution of the sickle cell gene. (a) Distribution of the data points. Red dots represent the presence and blue dots the absence of the HbS gene. (b) Raster map of HbS allele frequency (posterior median) generated by a Bayesian model-based geostatistical framework. (c) The historical map of malaria endemicity (Piel, 2010)
1.3.3. Physiopathologie
La drépanocytose résulte d'une mutation ponctuelle du 6ème codon du gène β globine substituant la valine hydrophobe à la glutamine, qui est un acide aminé hydrophile. La mutation conduit à la synthèse d'une hémoglobine anormale, l'hémoglobine S, (HbS). A l’état désoxygéné, l’HbS est très peu soluble. Les interactions hydrophobes de l’HbS dans son état désoxygéné, aboutissent à la formation d’un petit agrégat de molécules puis de longues fibres hélicoïdales [Steinberg, 1999]. Les fibres s’alignent en faisceaux puis polymérisent aboutissant à
la formation d’hématies falciformes ou drépanocytes. Celles-ci présentent une résistance mécanique et une élasticité amoindries, et mènent à l’occlusion vasculaire et à l’hémolyse
21
Figure 7 : Mécanisme de la faciformation (Girot, 2003)
Lors de la déformation de l’hématie, des modifications de flux ioniques apparaissent. La perméabilité de la membrane du globule rouge drépanocytaire vis-à-vis du calcium augmente. Suite à l’augmentation de la concentration cytoplasmique en calcium, le canal K+ Ca++ dépendant (canal Gardos) est stimulé. Par ailleurs, l’activité du co-transporteur K-Cl est augmentée dans les érythrocytes drépanocytaires. Ces deux mécanismes entrainent une perte de cations K+ et d’eau et donc une déshydratation. Cette déshydratation, associée à une élévation de la concentration corpusculaire en hémoglobine, va favoriser la polymérisation de l’Hb S [Steinberg, 1998 ; Brittenham, 1985 ; Dong, 1992 ; Mueller, 2001 ; Brugnara, 2001 ; Ballas, 2002 ; Girot, 2004].
Des phénomènes d’adhésion spécifiques du drépanocyte à l’endothélium ont été décrits et sont fortement impliqués dans la physiopathologie de la maladie drépanocytaire
[Tomer, 2001 ; Okpala, 2002]. L’adhésion des globules rouges à l’endothélium dépend des
22
Depuis quelques années, des études ont montré que la polymérisation de l’HbS pourrait ne pas être le seul facteur en cause dans les crises vaso-occlusives. Le monoxyde d’azote (NO) synthétisé par l’endothélium agit sur la musculature vasculaire lisse comme un puissant vasodilatateur physiologique. Il a en outre, des effets anti-inflammatoires, anti agrégant plaquettaires et inhibiteurs des molécules d’adhésion [Girot, 2004 ; Kato, 2007 ; Rees, 2010].
Les drépanocytes, dans un processus continu d’hémolyse libèrent de l’hémoglobine libre et de l’arginase qui se distribuent dans le plasma. La liaison de l’hémoglobine libre au NO est environ 1000 fois plus forte que celle de l’hémoglobine intracellulaire. L’arginase dégrade l’arginine nécessaire à la synthèse du NO. De plus, le taux accru de xanthine-oxydase et de NADPH-oxydase dans le plasma y entraîne des concentrations élevées de radicaux d’oxygène, dont la réaction avec le NO produit du nitrite et du nitrate. La combinaison de ces processus provoque une forte chute de la concentration de NO. La réduction de la concentration du vasodilatateur NO dans les vaisseaux conduit à une vasoconstriction qui, au niveau clinique, peut être à l’origine d’une vasculopathie cérébrale, d’hypertension pulmonaire, de priapisme ou d’ulcère de jambe (Figure 8) [Girot, 2004 ; Kato, 2007 ; Rees, 2010].
23 1.3.4. Diagnostic clinique
La drépanocytose va se traduire par des manifestations paroxystiques mais en bruit de fonds par des lésions chroniques qui vont aboutir sans traitement à une défaillance multiorganique.
1.3.4.1. Histoire naturelle en Afrique subsaharienne
En 2010, environ 79% des nouveau-nés atteints d’un SDM se trouvaient en Afrique sub saharienne. Cette proportion devrait augmenter à 88% en 2050 [Piel, 2013]. Selon des
estimations, le nombre de nouveau-nés atteints de SDM augmentera dans certaines régions d’Afrique notamment au Nigéria et en République Démocratique du Congo si aucune action de santé publique n’est entreprise [Piel, 2013]
En Afrique, les facteurs liés à l’environnement (paludisme, méningites) et les carences nutritionnelles spécifiques, rendent l’histoire naturelle de la drépanocytose bien différente de celle de l’Europe où les conditions de prise en charge sont optimales.
L’histoire naturelle de la drépanocytose évolue en complications aiguës et en complications chroniques.
a) Complications aiguës [Ballas, 2010]
De la naissance à 3 mois, la maladie est silencieuse. Diagnostic réalisé à la naissance dans les pays du Nord, cette période est propice pour organiser la prévention des infections par la mise en place d’une penicillinothérapie, la réalisation des vaccinations spécifiques, le suivi régulier et l’éducation des parents. En Afrique, la période de la petite enfance (1-5 ans) est marquée par l’apparition des complications qui font découvrir la maladie. Durant cette période, le risque de morbidité et de mortalité est important. L’enfant est particulièrement menacée par les infections bactériennes (septicémies à pneumocoque), le paludisme, des épisodes d’anémie aigue (séquestration splénique aiguë).
Complications infectieuses bactériennes
Elles sont responsables d’une part importante de la morbidité et de mortalité de la drépanocytose entrainant environ 20% à 50% des décès [Booth, 2010]. Le risque d’infection est
maximal chez les enfants de moins de cinq ans, mais il perdure toute la vie. Les infections les plus incriminées sont : les méningites, les septicémies, les pneumopathies et les ostéomyélites. Les bactéries responsables sont le pneumocoque, l’Haemophilus influenzae de
24 Anémie aiguë
L’aggravation de l’anémie est la chute brutale du taux d’hémoglobine de plus de 2g/dl de sa valeur à l’état basal [Solanki, 1986]. L’anémie aiguë se rencontre dans les circonstances
suivantes.
• Paludisme
Le paludisme est un facteur important de co-morbidité de la drépanocytose. La prophylaxie antipalustre doit donc être rigoureuse chez les patients drépanocytaires, car un accès palustre chez les drépanocytaires est un facteur de survenue des crises vaso-occlusives et d’aggravation de l’anémie [Ambe, 2001 ; Serjeant, 2003].
• Crise hémolytique
Elle correspond à l’aggravation de l’hémolyse chronique en l’absence d’autres causes de destruction des hématies telles que la séquestration splénique ou hépatique. Elle est le plus souvent accompagnée d’une augmentation du nombre des réticulocytes. L’anémie est régénérative et le frottis sanguin met en évidence des érythroblastes. Il faut rechercher une cause associée d’hémolyse aiguë: paludisme, déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase, un accident secondaire à une allo-immunisation [Petz, 1997 ; Gentilini, 2005] ; elle est aussi
rencontrée au cours des infections et des CVO.
• Séquestration splénique aiguë
Elle est définie par l’apparition brutale d’une splénomégalie due à une séquestration des éléments figurés du sang. Cliniquement, l'enfant présente un état de choc hypovolémique, une volumineuse splénomégalie de 3 - 4 cm en dessous du rebord costal. L’hémoglobine est effondrée à moins de 4g/dl et la réticulocytose est en général supérieure à 100. 000/mm3 et peut atteindre 400.000 à 800.000 /mm3. L’anémie est associée souvent à une thrombopénie. La crise de séquestration splénique se rencontre surtout chez le nourrisson et le jeune enfant. Il s’agit d’un accident imprévisible, d'extrême urgence car de pronostic très défavorable. Cette complication doit faire l’objet d’une éducation parentale. En effet, il est très important que les parents puissent l'identifier en leur apprenant à palper et à connaître le volume habituel de la rate de leur enfant.
• Crise aiguë érythroblastopénique
L’érythroblastopénie est un arrêt transitoire de l’érythropoïèse caractérisée par une anémie progressive et profonde accompagnée d'une réticulocytose effondrée, la plus souvent inférieure à 50.000 /mm3. Il s’agit d’une complication grave provoquée par le parvovirus B19
25 Crises douloureuses vaso-occlusives
Les crises vaso-occlusives (CVO) dues à l’ischémie tissulaire constituent une des manifestations aiguës les plus habituelles de la maladie et la première cause d’hospitalisation
[Girot, 2003]. Les CVO se traduisent préférentiellement par une tuméfaction douloureuse
inflammatoire des doigts et des orteils. C’est la dactylite ou syndrome pieds-mains manifestation inaugurale chez l’enfant vers l’âge de 6 mois. L’atteinte ostéo-articulaire est très fréquente. Les crises abdominales correspondent parfois à des infarctus spléno-mésentériques. Lorsque le diagnostic n’est pas connu, la crise abdominale fait le plus souvent évoquer à tort un tableau d’abdomen chirurgical qui conduit parfois à une laparotomie injustifiée. Ces CVO sont favorisées par certains facteurs parmi lesquels : la déshydratation, les infections, le stress, l’acidose, les changements brusques de température.
Autres complications aiguës
Faute de diagnostic, certaines complications aiguës de la drépanocytose sont peu connues en Afrique et alors elles sont non documentés.
• Syndrome thoracique aigu
Le STA se définit par l’association d’un nouvel infiltrat radiologique (figure 9) et d’un ou plusieurs des symptômes suivants : toux, fièvre, dyspnée aiguë, expectoration, douleur thoracique et anomalies auscultatoires (crépitants ou souffle tubaire) [Ballas, 2010]. Le syndrome thoracique aigu est une complication grave des CVO. Il constitue une urgence médicale car tout retard diagnostique et/ou thérapeutique peut entraîner le décès qui est d’environ 5% chez l’adulte [Vichinsky, 2000 ; Maitre, 2000]. Les recherches bactériologiques sont en règle négatives
dans la majorité des cas chez l’adulte [Maitre, 2000].
Figure 9 : Radiographie du thorax montant des infiltrats alvéolaires
prédominant aux bases et un épanchement pleural. Tirée de :
26
• Accidents vasculaires cérébraux
Dans les pays du Nord, la période de la petite enfance est également indiquée pour le dépistage des accidents vasculaires cérébraux (AVC). La réalisation du Doppler transcrânien (DTC) permet actuellement de prédire la survenue d'AVC chez des enfants drépanocytaires asymptomatiques [Adams, 1992]. En Afrique cet examen de dépistage est très peu réalisé.
L’AVC est une complication très sévère de la drépanocytose. Son taux élevé de mortalité est d’environ 26% [Frempong, 1998]. Les signes cliniques les plus fréquents sont l'hémiparésie,
l'aphasie ou la dysphasie, avec ou sans convulsions et des déficits cognitifs. En l'absence de traitement préventif, le risque cumulatif de survenue d'un AVC clinique chez un patient drépanocytaire est de 17 % à 20 ans et de 32 % à 40 ans [Verlhac, 2002]. L'AVC récidive dans 67
% des cas dans les 12 à 24 mois suivant le premier épisode en l'absence de traitement.
• Priapisme
C’est une complication fréquente touchant environ 6% des enfants et 42 % des hommes adultes [Bachir, 1997]. Le priapisme aigu, souvent précédé d’épisodes de priapisme intermittent, est une urgence qui en l’absence de traitement évolue vers une fibrose définitive des corps caverneux. Sa répétition entraîne des séquelles graves avec un risque d’impuissance.
Tableau 1 : Complications aiguës non documentées au Burkina Faso
Burkina Faso Jamaïque Pays occidentaux
Age du diagnostica 5 ans HbSC / 2 ans HbSS
A la naissance1 A la naissance2 A la naissance3
Infection sévère NR 6,1% (n = 144)4 6,3% (n = 96)5 4,49/100 PY(n = 694)6
Anémie sévère NR 63,3% (n = 311)7 39,6% (n = 96) 5 4,30/100 PY(n = 694) 6
CVO NR 55,1% (n = 1160)8 47,9% (n = 96) 5 27,63/100 PY(n = 694) 6
STA NR 21,8% (n = 144)4 NR5 26,96/100 PY (n = 694) 6
AVC NR 7,8% (n = 310)9 2,1% (n = 96) 5 0.19/100 PY(n = 217)10
Mortalité NR 1,8% (n = 435)5 2% (n = 96) 5 1,1/100 PY (n = 694) 6
a : âge médian ; - NR : non référencé; 100PY : 100 patients années
27 b) Complications chroniques [Ballas, 2010]
Les complications chroniques observées sont nombreuses et sont la conséquence des crises vaso-occlusions répétées et peuvent concerner tous les organes.
•••• Complications osseuses et ostéo-articulaires
Les manifestations musculo-squelettiques de la drépanocytose sont responsables d’une morbidité importante. La complication la plus fréquente chez l’adulte reste la nécrose épiphysaire. Néanmoins, des complications telles que l’ostéonécrose diaphysaire, les arthrites infectieuses, les épanchements articulaires, sont possibles. Parmi les nécroses, l’atteinte de la hanche est la plus fréquente [Milner, 1991].
•••• Complications ophtalmologiques
La drépanocytose va être à l’origine de complications ophtalmologiques fréquentes et graves. Les complications vaso-occlusives de la drépanocytose peuvent toucher tous les territoires vasculaires de l’œil avec des conséquences pour le pronostic visuel [Downes, 2005]. Les
premières lésions sont habituellement asymptomatiques sur le plan visuel de sorte qu’il est nécessaire qu’un examen ophtalmologique systématique soit pratiqué.
•••• Ulcères cutanés
Les ulcères de jambes dans la drépanocytose contribuent très largement à la morbidité de la drépanocytose [Halabi-Tawil, 2008]. Ces ulcères cutanés représentent une complication très
invalidante. En présence d’ulcères cutanés, certains facteurs de co-morbidité (diabète, pathologies rhumatologiques) doivent être recherchés. Le traitement associe des mesures générales et des soins locaux ainsi que la mise en route d’un programme transfusionnel, pour une durée d’au moins six mois [Lionnet, 2009 ; Delaney, 2013].
•••• Complications post transfusionnelles
• Allo-immunisation
La transfusion sanguine chez les patients drépanocytaires peut être inapplicable par le développement d’anticorps antiérythrocytaires. L’allo-immunisation anti-érythrocytaire a une fréquence accrue chez ces patients [Noizat-Pirenne, 1994 ; de Montalembert, 2004], en raison des
différences constitutionnelles des antigènes de groupe sanguin entre Africains-Antillais et Caucasiens [Noizat-Pirenne, 2003]. En Afrique, la fréquence de l'allo-immunisation
28
• Infections virales
Il est capital de mettre en place des protocoles afin d’évaluer les risques résiduels d’infections virales [Le Turdu-Chicot, 2002], notamment lorsque les conditions de sécurité transfusionnelle ne
sont pas optimales, comme c'est souvent le cas dans les pays en développement.
• Hémochromatose
La surcharge en fer post-transfusionnelle est inéluctable lors des transfusions au long cours
[Vichinsky, 2011]. Chaque concentré de globules rouges apporte environ 200 mg de fer et une
transfusion de 2 concentrés érythrocytaires équivaut approximativement à l’absorption habituelle de fer pendant 1 an [Porter, 2001]. La surcharge en fer est inéluctable dans les
programmes transfusionnels. Environ un tiers des adultes drépanocytaires ont une surcharge en fer [Ballas, 2001]. En Afrique, ce traitement spécifique n’est pas encore de pratique très
courante et cette complication est peu documentée dans notre contexte. Aussi, des études pour évaluer la surcharge en fer chez les patients drépanocytaires polytransfusés devraient être entreprises.
Autres complications chroniques
•••• Complications hépatobiliaires
La lithiase biliaire n’est pas une complication spécifique à la drépanocytose mais bien de l’hémolyse chronique qui y est associée [Bachir, 2000] ; son incidence est élevée chez les
drépanocytaires par rapport à la population générale. L’hémolyse chronique entraîne un catabolisme accru de l’hémoglobine conduisant à une fréquence élevée de calculs pigmentaires de bilirubine. La surveillance échographique chez les patients drépanocytaires permet d’estimer le début de survenue de la lithiase vésiculaire avec une prévalence qui augmente avec le temps. Par ailleurs, il a été mis en évidence une incidence augmentée de lithiases biliaires chez les enfants drépanocytaires homozygotes pour le gène UGT1A génotype 7/7 [Passon, 2001].
•••• Complications rénales
29
•••• Complications auditives
Des complications auditives dans la drépanocytose SC ont été observées et seraient liées à l'hyperviscosité sanguine. L’hypothèse émise est que la viscosité sanguine causerait une ischémie au niveau de l'artère labyrinthique qui serait responsable de troubles au niveau cochléaire [Lemonne, 2014].
•••• Complications cardio-vasculaires
Ces complications peuvent être liées à l’anémie chronique. Il est recommandé de pratiquer un électrocardiogramme et une échographie cardiaque devant toute douleur thoracique atypique, isolée ou inexpliquée chez un enfant drépanocytaire [de Montalembert, 2008].
Tableau 2: Complications chroniques non documentées au Burkina Faso Burkina Faso Afrique
subsaharienne
Jamaïque Pays européens
Rétinopathie 49% (n =98)1 22% (n =98)2 12,5% (n = 473)3 28,8% (n =730)4 Ostéonécrose NR 13,1% (n = 122)8 5% (n = 1031)6 33% (n = 64)7 Allo-immunisation NR 4,4% (n = 133)8 2,6% (n = 190)9 14,4% (n =237)10 Ulcères cutanés NR 2,75% (n = 200)11 43% (n =183)12 5,5% (n = 20)13 Néphropathie NR 18,5% (n = 200)14 18,4% (n = 244)15 20,7% (n = 410)16 NR : non référencé
1. Diallo, 2009 ; 2. Babalola, 2005 ; 3. Downes, 2005; 4. Leveziel, 2012; 5. Madu, 2014; 6. Lee, 1981; 7. Hernigou, 2003, 8. Diarra, 2013; 9. Olujohungbe, 2001; 10. Miller, 2013 ; 11. Madu, 2013;
12. Clare, 2002 ; 13. Halabi-Tawil, 2008; 14. Eke, 2012 ; 15. King, 2011; 16. McPherson, 2011
1.3.4.2. Situations particulières Grossesse et postpartum
La drépanocytose augmente le risque de survenue de complications obstétricales et inversement la grossesse favorise l’apparition de complications de la drépanocytose [Girot, 2003]. Il existe un risque de complications vitales maternelles : hypertension artérielle et
30
prématurité. Les complications aiguës de la drépanocytose sont susceptibles de survenir avec une plus grande fréquence [Odum, 2002], surtout les crises vaso-occlusives, le syndrome
thoracique aigu ou une aggravation de l’anémie dont le retentissement est à la fois fœtal et maternel. La mortalité maternelle représente environ 1% des grossesses et dépend largement des modalités de la prise en charge [Lionnet, 2009]. La réduction de tous ces risques passe par un
suivi rapproché et le traitement précoce des complications. Chez ces patientes drépanocytaires, on mettra l’accent sur la prévention comme l’éviction des facteurs précipitant la crise vaso-occlusive, un contrôle strict de la prise de poids, un contrôle des vaccinations, notamment la vaccination anti-pneumococcique qui est autorisée pendant la grossesse, un dépistage accru de l’infection urinaire et de la pré-éclampsie [Gulbis, 2005].
Chirurgie
L’anesthésie et l’intervention chirurgicale exposent à des complications per- et postopératoires, en particulier de syndrome thoracique aigu et de CVO. Les mesures préventives générales doivent être systématiquement appliquées (maintien de la température, de l’oxygénation, de l’hydratation, sédation de la douleur…). Une transfusion simple ou un échange ponctuel préventif peuvent être réalisés [Bachir, 2000]. Cependant, entre ces deux
modes de prévention de la CVO aucun consensus n’existe à l’heure actuelle [Vichinsky, 1995; Neumayr, 1998; Hirst, 2012]
1.3.5. Diagnostic biologique de la drépanocytose
1.3.5.1. Approche diagnostique de la drépanocytose en Afrique
La stratégie diagnostique des SDM en Afrique sera fonction de l’équipement du laboratoire.
31
En collaboration avec la représentation locale Sébia, une supervision réalisée en 2010 au niveau des laboratoires, nous a permis de faire un état des lieux des équipements d’électrophorèse de l’hémoglobine disponible au Burkina Faso. Ces équipements vont des techniques manuelles (Hydragel K20), aux techniques semi-automatique (Hydrasys 2 Scan) et automatiques (Capillarys 2 et Minicap). Les équipements répertoriés ont permis d’établir la cartographie telle que représentée par la figure 11.
Figure 11 : Répartition des équipements d’électrophorèse de l’hémoglobine (photo représentation Sebia Burkina Faso)
Actuellement, il existe des recommandations internationales faites par l’European Molecular genetics Quality Network (EMQN) [Traeger_Synodinos, 2002]. Dans ces recommandations, en
32
Au Burkina Faso, les hémoglobines les plus fréquentes sont l’HbS et l’HbC et les autres anomalies sont très rarement rencontrées. Aussi, ces recommandations pourraient être trop coûteuses par rapport au bénéfice souhaité.
1.3.5.2. Techniques d’électrophorèse
L'électrophorèse est une méthode physico-chimique de séparation et d'analyse des molécules. Elle repose sur la migration de molécules ionisées, sous l'effet d'un champ électrique. Elle permet d'obtenir une séparation des différentes fractions d’hémoglobines selon leur charge électrique. Les molécules chargées négativement se déplacent vers l’anode et celles chargées positivement vers la cathode. Ainsi, cette technique permet le diagnostic de la drépanocytose en mettant en évidence la présence de la fraction d'hémoglobine S. L’hémoglobine A ne diffère de l’hémoglobine S que par le remplacement de l’acide glutamique par une valine. L’acide glutamique a une fonction COOH supplémentaire par rapport à la valine.
Techniques conventionnelles d’électrophorèse
Elles restent les techniques de base utilisées au Burkina Faso et ce dans le cadre d’un dépistage ou d’une orientation diagnostique.
• Electrophorèse en milieu alcalin (pH 8,6)
L’électrophorèse sur acétate de cellulose en milieu alcalin est la technique standard la plus simple qui est mise en œuvre au Burkina Faso et qui est peu coûteuse. Cependant dans le cadre d’un programme de dépistage néonatal, cette technique est d’une part difficilement applicable à grande échelle et d’autre part elle manque de résolution et de sensibilité.
• Electrophorèse en milieu acide (pH 6,2)
Cette technique complète l’électrophorèse à pH alcalin car elle est discriminative. En effet, elle permet de séparer les variants ayant la même mobilité que les hémoglobines A, S ou C. Dans ce système, l’HbS a une migration qui la distingue pratiquement de toutes les autres Hb anormales [Siguret, 1997]. Sa sensibilité et sa spécificité sont proches de 100% [Wendling, 1986].
• Isoélectrofocalisation
L’isoélectrofocalisation (IEF) est une technique dont la sensibilité diagnostique est proche de 100% [Davies, 2000] et sa spécificité est aussi élevée [Henthorn, 2004]. Elle permet d’identifier un
33
d’un matériel robuste, ne nécessite pas de maintenance particulière et permet un dépistage de masse.
Electrophorèse capillaire
L'électrophorèse capillaire constitue une technique analytique nouvelle très performante qui dans les pays développés a remplacé les techniques conventionnelles d’électrophorèse de l’hémoglobine. Grâce à son pouvoir de séparation remarquable, sa rapidité de réalisation, et sa reproductibilité, elle représente une alternative intéressante à d'autres techniques séparatrices. C’est une technique qui permet la séparation et la quantification des variants de l’hémoglobine les plus fréquents [Mario, 1999 ; Lin, 1999]. Sa sensibilité diagnostique bien
qu’inférieure à celle de la CLHP et à l’IEF [Gulbis, 2003] est proche de 100% ; il en est de même
que sa spécificité. Par cette méthode, la quantification simultanée de l'HbA2 et de l'HbF est réalisée et l'imprécision du dosage de l'HbA2 et de l'HbF est acceptable avec un CV inférieur à 5 % [Cotton, 2013 ; Marinova, 2013]. Par ailleurs, le dosage de l’HbA2 n’est pas influencé par la
présence de variants tels que l’HbS ou l’Hb D-Punjab d’où son avantage par rapport à la CLHP sur échangeur cationique [Cotton, 1999].
Figure 12 : Electrophorèse capillaire à pH alcalin et acide (photo Hôpital Erasme)
1.3.5.3. Technique chromatographique : Chromatographie liquide à haute performance
34
de la traversée de la colonne. Des fenêtres ont été établies pour les hémoglobines les plus fréquentes en fonction de leur temps de rétention. Cette technique permet l'identification et la quantification d’un grand nombre de variant de l’hémoglobine [Ou, 1993 ; Old, 2003]. Sa
sensibilité et sa spécificité sont de 100%. Elle permet un dosage de l'Hb F et de l'Hb A2 [Wilson, 1983 ; Pic, 1994].
Figure 13: CLHP chez un homozygote S (photo Hôpital Erasme)
Tableau 3: Techniques utilisées dans le cadre du diagnostic néonatal de la drépanocytose
Burkina Faso RDC Belgique France Angleterre
IEF Kafando, 2005 Tshilolo, 2009 Gulbis, 1999 Ducrocq, 2001 Streetly, 2008
Electrophorèse capillaire NR NR Cotton, 2013 ; Wolff, 2012 Renom ; 2009 Borbely, 2013 HPLC NR NR Gulbis, 1999 Pic, 1994 ; Ducrocq, 2001 Streetly, 2008 Spectrométrie de masse NR NR Boermer, 2011 NR Moat, 2014 Biologie moléculaire*
NR NR Boermer, 2006 Ducrocq, 2001 Clark, 2004
35
1.3.6. Prise en charge des syndromes drépanocytaires
La prise en charge de la drépanocytose est basée sur le principe de « l’evidence based medecine ». Les recommandations formulées pour la prise en charge et le suivi de la naissance jusqu’à l’âge adulte sont fondées sur des preuves scientifiques établies selon le niveau des études cliniques. Les recommandations sont classées selon les modalités suivantes
[HAS, 2005] :
• une recommandation de grade A est fondée sur une preuve scientifique établie par des études de fort niveau de preuve que sont les essais comparatifs randomisés de forte puissance et sans biais majeur et/ou méta analyse d’essais contrôlés randomisés, analyse de décision basée sur des études bien menées ;
• une recommandation de grade B est fondée sur une présomption scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire de preuve, par exemple essais comparatifs randomisés de faible puissance, études comparatives non randomisées bien menées, études de cohorte ; • une recommandation de grade C est fondée sur des études de moindre niveau de preuve, par exemple études cas-témoins, séries de cas.
En l’absence de précision sur le grade, les recommandations sont fondées sur un accord professionnel au sein du groupe de travail et du groupe de lecture.
1.3.6.1. Prévention des complications
Le diagnostic néonatal de la drépanocytose permet d’identifier les nouveau-nés atteints de SDM. Ceux-ci doivent être référés à un centre de référence de prise en charge pédiatrique et les parents informés du diagnostic de l’enfant. Au niveau du centre de référence, il est recommandé qu’un réseau de soins soit organisé autour de l’enfant [de Montalembert, 2011]. Une
politique préventive passe par un rythme de surveillance régulier. Cette surveillance amène à pratiquer des bilans annuels à la recherche de complications [de Montalembert, 2004].
Infections
• Prévention des infections pneumococciques
L’instauration d’une prévention précoce des infections pneumococciques a considérablement amélioré le pronostic. L’administration préventive quotidienne de pénicilline V est instaurée dès l’âge de 2 mois [de Montalembert, 2011]. Bien que le bénéfice n’ait pas été démontré au-delà
36
rappel à base du vaccin polysaccharide anti-pneumocoque (vaccin Pneumo 23) est administré
[de Montalembert, 2011] tous les 3 à 5 ans, tout au long de la vie. L’importance de cette
antibioprophylaxie pour la maîtrise du risque infectieux doit être soulignée à chaque visite médicale afin de diminuer la non-observance progressive au traitement. La mise en route de cette antibioprophylaxie doit être une recommandation forte en Afrique. En effet, en Afrique, il existe des souches spécifiques de pneumococcoque, [Usen, 1998 ; Adegbola, 2006 ; Bere, 2009 ;]. Le
vaccin conjugué heptavalent ne sera donc pas toujours efficace car les sérotypes de ce vaccin ne correspondent pas aux sérotypes le plus souvent impliqués dans notre contexte [Adegbola, 2006]. Hormis leur coût, les vaccins anti pneumococciques conjugués à 10 ou à 13 valences,
contenant en particulier les sérotypes 1 et 5 si fréquents en Afrique, devraient en améliorer l’efficacité.
• Autres infections
Le programme élargi de vaccination couvre la majorité des vaccinations recommandées pour le drépanocytaire. On préconise d’ajouter à ce calendrier vaccinal le vaccin contre la méningite C et le vaccin antigrippal. En Afrique sont réalisés en plus le Typhim Vi® (anti salmonelles typhiques) et le vaccin antiméningococcique actif contre les souches A et W135.
Education du patient et de sa famille
Elle vise à rendre apte les parents d’enfants malades et les malades à prendre en charge une crise simple à domicile. Ils doivent reconnaitre précocement les signes d’alerte (aggravation de l’anémie, fièvre, détresse respiratoire) qui imposent une consultation en urgence. Des mesures simples d’hygiène de vie doivent être expliquées dès les premiers mois de vie et est applicable à tout âge. Une hydratation abondante, un régime alimentaire riche en folates, l’éviction de facteurs favorisant la survenue de la CVO peuvent avoir un impact majeur sur l’évolution de la drépanocytose [de Montalembert, 2004 ; de Montalembert, 2011]. Par ailleurs, Les
adolescents et leurs familles doivent être informés du retard de croissance et du développement pubertaire.
Crises vaso-occlusives
37
illicites (notamment chez l’adolescent). Ces facteurs doivent être bien connus des patients et de leur entourage. Il est recommandé de leur rappeler la nécessité d’une hydratation abondante.
Anémie
Dans les régions à risque, la prophylaxie antipalustre doit être rigoureuse chez les patients drépanocytaires, car une infection par Plasmodium falciparum peut avoir des complications graves (hémolyse aigue). Les principales interventions recommandées actuellement par l’OMS [OMS, 2010] pour lutter contre le paludisme sont, pour la lutte antivectorielle,
l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide ou les pulvérisations à domicile à effet rémanent. L’OMS préconise désormais une nouvelle intervention contre le paludisme à
Plasmodium falciparum : le traitement préventif intermittent du nourrisson (TPIn) exposé au
paludisme. Un traitement anti-palustre est systématique en cas de voyage dans les pays à risque. La supplémentation en acide folique se justifie tout au long de l’évolution de la maladie [de Montalembert, 2004]. En Afrique un déparasitage systématique est préconisé chez les
enfants.
Accident vasculaire cérébral
Il est souhaitable de systématiser la pratique du doppler transcrânien à partir de l’âge de 2 ans. Cet examen non invasif explore le flux sanguin des artères cérébrales, des carotides internes et du tronc basilaire. Une accélération du flux est prédictive du risque de constitution d’un accident vasculaire cérébral [Adams, 1998]. Le DTC doppler être renouvelé annuellement chez
l’enfant jusqu’à l’âge de 16 ans [de Montalembert, 2011].
L’IRM, plus sensible que la tomodensitométrie peut retrouver des lésions de type infarctus chez des enfants drépanocytaires n’ayant pas eu d’AVC clinique. Ces lésions, appelées infarctus silencieux apparaissent précocement, vraisemblablement lors des épisodes d’anémie aiguë par séquestration splénique ou érythroblastopénie de la petite enfance, ou encore lors des épisodes d’hypoxie lors des syndromes thoraciques par exemple [Bernaudin, 2006]. Au cours
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En situation aiguë, devant la survenue d’un AVC, il convient en urgence d’effectuer d’abord un examen tomodensitométrique (TDM) cérébral ou une imagerie par résonance magnétique de façon à éliminer un accident hémorragique pouvant éventuellement nécessiter un geste neurochirugical [Bernaudin, 2006]. La lésion ischémique ne sera visible en TDM que 2 à 3 heures
après l’accident. La TDM permet d’éliminer les autres causes de déficit neurologique, telles qu’un hématome sous-dural post-traumatique, un abcès ou une tumeur.
Depuis la fin des années 2000, certaines équipes d'Afrique sub-saharienne ont mis en place le dépistage de la vasculopathie cérébrale dans le cadre du suivi pédiatrique. C’est ainsi qu’au Mali, une étude conduite au Centre de Recherche et de Lutte contre la Drépanocytose de Bamako de 2008 à 2011 a montré que 17% des enfants atteints d’un SDM présentaient des vitesses accélérées [Dorie, 2012].
Figure 14 : Age de survenue de l’accident vasculaire cérébrale (Frempong, 1998)
Visites médicales régulières
• Chez l’enfant
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radiographie de thorax; une radiographie du bassin ; une échographie cardiaque; un bilan ophtalmologique (à partir de 6 ans chez les enfants SC et 10 ans chez les enfants SS).
• Chez l’adolescent de l’adulte
Le dépistage néonatal et la prise en charge adéquate de la drépanocytose ont améliorés la survie et la qualité de vie des patients. L’adolescence est une période à haut risque de mortalité [Quinn, 2010]. Aussi, durant cette période où le STA et la survenue de complications
multi organique sont plus fréquents, une attention particulière doit être accordée aux adolescents drépanocytaires. Ceci justifie que le passage des unités de soins pédiatriques aux unités de soins adultes soit présenté et discuté avec les patients. Les contrôles annuels ne doivent pas être interrompus et ce afin de détecter précocement la survenue de complications.
Tableau 4 : Examens recommandés annuellement chez le drépanocytaire (de Montalembert 2011)
1.3.6.2. Traitement des complications Crises vaso-occlusives
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Devant une suspicion d’infection, il est recommandé de débuter un traitement antibiotique probabiliste sans attendre les résultats des cultures bactériologiques [HAS, 2010].
L’antibiothérapie probabiliste doit être : bactéricide et adaptée au site infectieux suspecté ou identifié, active sur les pneumocoques de sensibilité diminuée à la pénicilline compte tenu du risque élevé d’infection fulminante à pneumocoque chez l’enfant drépanocytaire; à spectre large pour être également efficace sur Haemophilus influenza et les salmonelles. L’antibiothérapie est ensuite adaptée en fonction du germe en cause.
Anémie aiguë
La transfusion sanguine simple est discutée lorsqu’il existe une diminution du taux d’hémoglobine de 20g/L ou plus par rapport au taux de base. Cependant, il faut tenir aussi compte de la réponse réticulocytaire. Elle est également recommandée en cas de crise douloureuse hyperalgique résistante à la morphine ou de syndrome thoracique aigu en absence de défaillance viscérale associée. La transfusion se fait avec des culots de globules rouges phénotypés, compatibilisés, au minimum Rhésus Kell et en tenant compte des anticorps irréguliers antérieurs. Le taux d’hémoglobine post-transfusionnel sera fonction du taux d’hémoglobine basal du patient qu’il ne faudra pas dépasser sous peine d’aggraver ou de déclencher une crise vaso-occlusive par augmentation de la viscosité sanguine [AFSSAPS, 2002].
Autres complications aiguës
• STA
Un échange transfusionnel doit être réalisé quand existent des signes de gravité. La kinésithérapie respiratoire incitative représente une procédure simple qui a fait la preuve de son efficacité [Bellet, 1995]
• Priapisme
Le traitement du priapisme doit débuter en urgence en raison du pronostic fonctionnel mis en jeu. Il repose sur des mesures locales (injection intracaverneuse d’étiléfrine, puis drainage)
[Mantadakis 2000] et générale (traitement de la crise douloureuse) et pose l’indication d’un
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• AVC
Les drépanocytaires présentant un tableau neurologique central aigu doivent en urgence bénéficier d’échanges transfusionnels et d’une imagerie cérébrale par tomodensitométrie avec temps artériel ou imagerie par résonance magnétique (IRM) avec angio-IRM. [Frempong, 1998].
Complications chroniques
• Complications ostéo-articulaires
Le traitement de l’ostéonécrose aseptique repose sur la classification radiologique. Il est orthopédique ou chirurgical et est fonction du stade.
• Complications ophtalmologiques
Le traitement de la rétinopathie proliférante repose sur la photocoagulation au laser argon
• Ulcères de cutanés
Le traitement décevant, n’est pas encore clairement codifié. Il doit dans tous les cas associer des mesures générales et des soins locaux.
1.3.6.3. Indications des traitements spécifiques Traitement préventif
• Échange transfusionnel ponctuel et préventif
Le but de cet échange est de diminuer le taux d’HbS au-dessous de 40 %, tout en maintenant un taux d’hémoglobine au-dessous de 110 g/L afin d’augmenter l’apport en oxygène aux tissus et améliorer la viscosité sanguine. Les indications sont : la préparation à la chirurgie
[Vichinsky, 1999 ; AFSSAPS, 2002], la grossesse [Howard, 1995 ; Koshy, 1995; Driss, 2007], la préparation à
un long voyage, la préparation à un examen.
• Programme transfusionnel
Les échanges transfusionnels au long cours ont pour but de réduire ou prévenir de nouvelles complications. Les échanges se font régulièrement toutes les 3 à 6 semaines, l’objectif étant de maintenir en permanence un taux d’Hb S inférieur à 40 %, voire 30 % dans la prévention primaire et secondaire de l’AVC, des CVO et du STA récidivants en cas d’échec ou de contre-indication à l’hydroxyurée.
Traitement symptomatique
• Echange transfusionnel ponctuel et curatif