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Partie I. Le cadre de formation du prix des services d’eau délégués en France

Chapitre 1 Organisation des services publics d’eau potable

2. Les modes de gestion

Les services d'eau évoluent dans des contextes pouvant varier fortement. Au demeurant, à caractéristiques techniques équivalentes, le service peut adopter différentes structures de gestion qui pourront elles aussi avoir leur impact sur le prix.

2.1. Les grandes catégories de modes de gestion

La collectivité est entièrement maître de son service : elle peut en choisir le mode de gestion, sur un territoire donné. Les modes de gestion ne sont pas nécessairement identiques pour les services d’eau et d’assainissement, et plusieurs modes de gestion différents peuvent même exister au sein d'une même collectivité, pour une même compétence sur des territoires distincts. Deux grandes catégories se distinguent, une troisième étant une forme hybride entre ces deux grandes catégories (Guérin-Schneider, 2001).

- La gestion directe signifie que la collectivité est seul décideur des opérations réalisées sur l’emprise du service. Dans cette mesure, c’est aussi elle qui est chargée de la facturation des usagers, et de la réception et de la réponse aux doléances des abonnés. Ce mode de gestion peut s’accompagner de l’externalisation de certaines prestations, comme les astreintes, certains travaux ou certains services qu’elle préfère faire assurer par une tierce entité. Ces prestations ou travaux sont attribués selon le code des marchés publics (CMP). La gestion directe recouvre la régie simple (uniquement pour les collectivités n'incluant que des communes de moins de 3000 hab.), la régie à autonomie financière et la régie à autonomie financière et à personnalité morale. Les différences entre ces modes d'organisation sont d'abord budgétaires, la régie simple n'étant pas contrainte de distinguer le budget de l'eau de celui de la collectivité ; la personnalité morale modifie les responsabilités de l'élu. - La gestion déléguée implique un transfert de la prestation globale d’exploitation du

service à une entité tierce. Le délégataire est généralement une entreprise, mais peut aussi être une autre collectivité. Ceci suppose également que la rémunération du délégataire soit substantiellement (selon le terme consacré par la loi MURCEF du 11 décembre 2001) et directement assurée par les abonnés. C'est aussi, dans la pratique, la notion d'exploitation "aux risques et périls" de l'opérateur qui définit un service public délégué.

En gestion déléguée, la collectivité se réserve généralement certaines prestations, comme celle du renouvellement des infrastructures à longue durée de vie, et reste dans

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tous les cas responsable du service et du contrôle de son délégataire. Selon la "théorie du fait du prince", la collectivité peut modifier unilatéralement les termes du contrat, sous la condition de conserver l'économie générale du contrat définie initialement. Les ruptures unilatérales du contrat sont limitées aux cas de défaillance grave de l'exploitant. Deux grandes familles de délégations sont possibles : les affermages et les concessions. Les premiers, en toute rigueur, ne devraient déléguer que l’exploitation du service, à savoir le maintien en état de fonctionnement (incluant une partie limitée de renouvellement) du patrimoine, le fonctionnement proprement dit, en incluant la gestion de la clientèle et le recouvrement des impayés. On les nomme dans ce cas « affermages purs ». La seconde catégorie permet à la collectivité de déléguer, en complément de l’exploitation, l’investissement neuf, sur une durée plus longue que l’affermage. La catégorie intermédiaire, dite d’affermage concessif, met à disposition du délégataire un patrimoine, dans lequel il n’a à investir que de manière partielle. Certaines collectivités mettent ainsi quelques investissements neufs à la charge de leur partenaire, ce qui rend la distinction entre affermage et concession assez floue.

Certains élus choisissent d'hybrider la gestion directe et la gestion déléguée. Il est en effet possible de recourir à des partenaires extérieurs sans pour autant que cette entité soit directement rémunérée par l'usager et que la gestion quotidienne du service échappe à la collectivité. Une collectivité en régie peut confier, sous la forme de marchés publics, des prestations précises à un partenaire. La gérance (attribuée selon le CMP) implique une gestion partielle ou complète du service par le partenaire, mais ce dernier est rémunéré par la collectivité, forfaitairement, et c'est la collectivité qui supporte les risques et gère le budget du service. La régie intéressée ressemble à cette dernière forme de mode de gestion. La principale différence réside dans la rémunération du partenaire, qui comporte une part indexée sur ses résultats (qualité de service, économies réalisées).

2.2. Le choix du mode de gestion

Le rapport de présentation de l'élu sur le choix du mode de gestion est à la base du processus. Il présente les avantages et inconvénients des différents modes de gestion envisagés. L'éventuelle19 Commission Consultative des Services Publics Locaux (CCSPL) doit être consultée avant toute délibération de l'assemblée à ce sujet. C'est l'assemblée délibérante qui tranche la question au vu du rapport et des avis de l'éventuelle CCSPL. Le contenu du rapport est laissé à l'initiative de l'élu. Il comprend souvent les caractéristiques

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cf. Partie I. Chapitre 1 3.2. pour les conditions d'existence de la CCSPL

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principales du mode de gestion, voire du contrat qu'il est envisagé de conclure à partir d'un bilan de la situation présente.

Les critères de décision appartiennent à la collectivité et peuvent être fondés par des études plus ou moins poussées. Par exemple, ils peuvent relever des finances de la collectivité, puisque le recours à la délégation peut permettre à la collectivité de limiter son endettement. Ce choix peut encore s'appuyer sur les rapports annuels du délégataire pour justifier une exploitation défaillante ou trop chère par rapport aux prestations réalisées. Les critères de choix du mode de gestion se basent, d'après l'IGD (Babusiaux et Lucas de Leyssac, 2005), sur :

- des critères financiers (budget, endettement de la collectivité, facturation et recouvrement, coût de structure et d'organisation, réalisation d'investissements, gestion d'investissements, accès au Fonds de Compensation pour la TVA), - des critères juridiques (gestion du personnel, sécurité et responsabilité,

réglementation),

- la technicité du service, la compétence nécessaire pour le gérer,

- l'intérêt pour la collectivité d'être ou non en prise directe avec les usagers et la possibilité de mettre en place des mesures sociales.20

La plupart des collectivités en gestion déléguée éprouvent des difficultés à changer de mode de gestion et revenir à une gestion directe. Celui-ci est en théorie réversible, mais la transition n'est pas aisée à organiser, elle demande beaucoup de temps et suppose une volonté politique forte. Une autre justification est que la réglementation devient de plus en plus contraignante, et que la collectivité n'atteint pas la taille critique pour disposer des compétences suffisantes. L'élu peut encore considérer que le service d'eau et d'assainissement n'est pas du ressort d'une municipalité, mais des professionnels de ce secteur. Le recours aux capitaux privés pour le financement des infrastructures neuves de la collectivité peut enfin être un autre critère de choix.

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Le critère de la mise en place de mesures sociales n'est pourtant pas rédhibitoire pour une délégation : la collectivité peut l'imposer dans le contrat.

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3. Rôles de chacun des acteurs dans la procédure de DSP et dans la