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Partie I. Le cadre de formation du prix des services d’eau délégués en France

Chapitre 5 Les premières pistes sur les déterminants du prix de l’eau

4. Le marché de l'eau

Le fait que l'élu dispose de plusieurs alternatives à la sélection de l'opérateur sortant, lors de la procédure de délégation, devrait amener à réduire le prix du service. A notre connaissance, aucune étude n'a été encore réalisée sur l'impact de la concurrence sur le prix des services : en effet, le service fourni ne l'est pas dans des conditions uniformes, et la variété des facteurs contextuels et contractuels ne permet pas la comparaison simple des prix d'un service à l'autre. L'effet du "zonage" des entreprises délégataires influe certainement sur le prix, car la proximité d'un centre local de l'opérateur influe sur les coûts de déplacement. En revanche, les possibilités de collusion entre les différents acteurs du marché ne peut être écartée, malgré "l'équilibre de la terreur" entre les différentes entreprises désireuses de conserver leur pré carré. A ce sujet, l'observatoire de la Loi Sapin (Pezon, Ibid., 2006a) met en évidence le fait que peu de contrats changent d'opérateur, et que parmi ceux-ci, les échanges entre les 3 majors du secteur ne sont pas les plus nombreux : ils perdent des contrats au profit des opérateurs "indépendants". En 2001, pour un peu moins d'un tiers des services, une seule offre a été reçue par la collectivité et 2,2 offres sont fournies, en moyenne, pour chaque procédure (Guérin- Schneider et Lorrain, 2003a).

Au demeurant, la concurrence lors de la mise au enchères initiale du service n'est pas nécessairement l'unique facteur de marché influant sur le prix. L'opérateur peut aussi miser sur la concurrence à venir : s'il juge que la prochaine procédure de mise en concurrence du service n'attirera pas ses concurrents, les menaces de non-reconduction que la collectivité peut exercer pour éviter une dérive des contrats ne seront pas crédibles. Ainsi, des travaux (Chong, Huet et al., 2005) ont montré que la concurrence pourrait influer en ce sens. En effet, d'une part, l'opérateur sélectionné peut être affecté d'une "malédiction du gagnant" puisque le plus optimiste des candidats a le plus de chances d'être retenu. D'autre part, la rationalité des acteurs est limitée et l'environnement est incertain, ce qui laisse de la place à d'éventuels opportunismes ex post (renégociations en cours de contrat) ; ces derniers seront d'autant plus fréquents que le candidat aura fait une prévision optimiste. Les renégociations sont ainsi quasi-inévitables dans un contexte de contrats longs.

Les résultats de cette étude économétrique, sur 815 communes de la base IFEN - DGS montrent tout d'abord que la concentration des opérateurs (modélisée par un indice de densité de concurrents) n'influe pas significativement sur le prix du service, toutes choses égales par ailleurs. Des effets clairs et significatifs sont visibles : ceux de l'abondance et

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de l'origine de la ressource, de la taille du réseau, du volume distribué et du type de traitement. Le croisement de la concurrence espérée et de la durée jusqu'à expiration du contrat est significative, ce qui tend à prouver que ces effets de la menace crédible de non-reconduction ont bien lieu. L'impact de la concurrence par les régies a en revanche été clairement identifié par le Laboratoire d'Economie des Ressouces Naturelles de l'INRA (Carpentier, Ibid., 2005) : la forte concentration départementale de régies influe à la baisse sur le prix, toutes choses égales par ailleurs.

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5. Conclusion

A l'issue de ce chapitre, nous disposons de certains éléments de réponse relatifs aux déterminants du prix de l'eau. Il est ainsi possible de préciser les limites de notre sujet et les pistes à développer.

Les études que nous avons citées ici nous permettent de dégager des influences sur le prix des services d'eau potable. Le prix des services délégués, en moyenne, est unanimement montré comme supérieur à celui des services en gestion directe, ce qui est à relativiser par des considérations de coûts pris en compte et de prestation : les opérateurs privés peuvent proposer des prestations plus fournies, et leur qualité est aussi à mettre dans la balance. Les mécanismes de décision du prix en délégation restent très différents de ceux de la gestion directe, et posent des questions de gestion intéressantes sur l'impact du contrat, de la négociation et de la relation de mandat, ainsi que sur leur articulation. Devant ces considérations, nous nous focaliserons uniquement sur le prix des services délégués.

Les études statistiques restent difficiles à exploiter devant la diversité des contextes auxquels font face les collectivités. Il ressort de ce chapitre que le prix de l'eau est très peu lisible, au travers de différentes définitions, mais aussi de déterminants difficiles à caractériser. Ces déterminants proviennent du contexte technique, c'est-à-dire de l'état et de l'inventaire du patrimoine, mais aussi d'éléments d'organisation (intercommunalité), ou de caractéristiques de la démographie ou de la consommation. D'autres études ont mis en évidence l'ancrage historique du prix, le résultat du contrat antérieur impactant le prix nouvellement négocié. Enfin, la variété des contrats peut aussi influer sur la prestation, sur les coûts de cette dernière et par conséquent sur le prix, mais aussi sur les possibilités d'opportunisme ex post.

Etant donné le processus de sélection des opérateurs, la concurrence devrait aussi être prise en compte, comme l'ont montré certains articles incluant la concentration des régies dans le département du service. Ce dernier paramètre fait encore partie de la variabilité du paysage des services d'eau délégués, et il n'est pas prouvé qu'il ait une influence. L'intervention du conseiller dans la procédure n'a fait l'objet d'aucune recherche, bien qu'elle puisse être déterminante dans la réduction des asymétries d'information concernant principalement l'état du patrimoine et les coûts d'exploitation du service. Les mécanismes de formation du prix n'ont en revanche pas été étudiés. Si certaines relations ont été clairement établies entre des caractéristiques du service et le prix, peu d'éléments nous permettent de caractériser des liens de cause à effet, et les conditions

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dans lesquelles ces liens sont effectifs. L'avantage au sortant et ses impacts sur l'efficacité de la concurrence est un exemple des limites de l'approche statistique.

La question de l'identification des déterminants du prix des services d'eau est donc légitime, car les études sur ce sujet sont limitées par la quantité et la qualité des données disponibles. Celle des mécanismes de formation du prix l'est encore plus, puisque les modèles utilisés prennent des hypothèses très fortes concernant la forme de la relation entre les déterminants supposés du prix et celui-ci.

Une originalité de ce travail est de se focaliser sur les services délégués et uniquement sur le prix de la prestation déléguée. De plus, notre démarche consistera à faire le rapprochement entre des relations statistiques simples et des études de cas réels, ce qui n'a pour l'instant pas été réalisé. Les déterminants que nous allons essayer de mettre en évidence pourront ainsi avoir une portée générale (au travers d'études statistiques simples) et montrer de quelle manière certains contextes modulent l'impact de ces déterminants. Chaque service d'eau présente en effet son originalité, ce qu'il est impossible de révéler au travers de la statistique.

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