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Quatrième partie : Champignon et société

III. Typologie de la consommation

III.1. Approvisionnement et mode de consommation des champignons hallucinogènes

III.1.2. Mode de consommation

Formes de consommation : Dans un but festif, les champignons hallucinogènes sont utilisés frais ou séchés (Van Amsterdam et al, 2011). La psilocybine serait plus stable lorsque les champignons ont été séchés. Pour les consommateurs, les champignons frais auraient un effet plus fort, avec des hallucinations visuelles plus intenses (Musshoff et al, 2000). A cause de leur mauvais goût, ils peuvent être inclus dans des barres de chocolat ou dans du miel, ce qui permet aussi le transport (Musshoff

et al, 2000 ; Van Amsterdam et al, 2011). Ils peuvent aussi être consommés sous forme

d’infusion ou de décoction, de thé, dans une omelette, un milk shake ou encore dans une soupe (Espiard et al, 2005 ; Musshoff et al, 2000 ; Saviuc et Flesch, 2003). Certains font bouillir les champignons dans de l’eau et l’utilisent pour cuisiner autre chose comme du riz (Musshoff et al, 2000). D’autres les font sécher, les pulvérisent et les sniffent ou les fument (Drogues info service, site internet).

Les champignons hallucinogènes sont souvent consommés en mélange avec d’autres drogues comme l’alcool et le cannabis, plus rarement l’héroïne, par exemple (Pierrot et al, 2000 ; Reynaud-Maurupt, 2006). Lors d’appels aux centres antipoisons,

54 % des victimes avaient consommé des mélanges (Pierrot et al, 2000). Ces mélanges sont souvent classés parmi les mélanges d’opportunités : au cours de la soirée, plusieurs produits sont proposés à l’individu qui en essaie plusieurs (Reynaud-Maurupt, 2006). Mais certains consommateurs planifient ou recherchent des mélanges précis. Ainsi, l’association avec des produits synthétiques comme les amphétamines a la réputation d’amplifier les hallucinations. Les mélanges peuvent aussi être successifs au cours de la soirée : lorsque les effets d’une drogue s’estompent, le sujet prend un autre produit.

Doses : Pour un usage récréatif, 1 g de champignons secs ou 10 g de champignons frais sont nécessaires (Van Amsterdam et al, 2011). Les sites consacrés à l’utilisation de substances psychédéliques recommandent entre 1 et 3,5 voir 5 g de champignons secs ou entre 10 et 50 g de champignons frais. Cependant, la dose dépend du type de champignons puisque le taux de psilocybine varie selon les espèces et le lieu de pousse. Pour Panaeolus cinctulus, un des sites promoteurs de l’usage recommande les doses de champignons frais reportées dans le tableau suivant :

Tableau 5. Doses "recommandées" par les sites d'informations pour l'utilisation de Panaeolus

cinctulus

Panaeolus cinctulus frais Dose en gramme

Faible dose 5 à 10 spécimens 30 g

Dose moyenne 20 à 40 spécimens 60 g

Forte dose 60 à 90 spécimens 100 g

Pour Panaeolus cyanescens, il est noté comme champignon couramment utilisé, mais il n’existe pas de « recommandations » de doses sur ce genre de sites. Elles ont néanmoins été trouvées sur des blogs, mais, la source n’étant pas identifiée, les doses n’ont pas été retranscrites.

Contextes de consommation : Une étude a montré que dans 43,7 % des cas, en 2004 au Royaume-Uni, la consommation de champignons hallucinogènes est programmée, mais n’est pas préparée en détail (Riley et Blackman, 2008). Dans 40,8 % des cas, elle n’est pas programmée non plus. Dans 15,5 % des cas, elle requiert quelques jours ou quelques semaines de préparation.

Les lieux privilégiés pour la consommation par ordre d’importance sont dans un lieu clos privé, comme la chambre d’un ami (42,7 %), à l’extérieur dans un parc ou une rue (38,5 %), dans un lieu clos public comme un pub ou une boîte de nuit (16,2 %) et derrière le commerce les vendant (2,6 %) (Riley et Blackman, 2008). Les consommateurs qui utilisent les champignons dans plusieurs types de lieu préfèrent l’extérieur, dans la nature. Ce type d’environnement inclut les festivals, les plages isolées et les jardins botaniques. En effet, pour certains utilisateurs, une « drogue naturelle » doit être utilisée dans la nature.

La prévalence de l’utilisation des champignons hallucinogènes est plus forte dans les milieux associant danse et drogue (Riley et Blackman, 2008). Le lien entre musique et substances psychoactives est clairement établi (Aquatias et al, 2001). La consommation de substances stupéfiantes est surtout corrélée à la durée des concerts, à sa position dans la semaine ou au type d’événement. Le milieu culturel est un facteur de corrélation moins important. En fait, les festivals sont le lieu de tous les excès : ils sont vus comme un moyen de s’évader de la routine et de ses règles. On parle alors d’usage de rupture pour qualifier ce type de consommation. Dans ce cas, les produits sont souvent consommés en mélange.

En 2004, la prévalence de l’utilisation de champignons dans les milieux festifs était plus forte en France qu’au Royaume-Uni ou qu’en République Tchèque (EMCDDA, 2006).

L’espace festif alternatif, ou « techno », regroupe plusieurs types d’événements (Cadet-Taïrou et al, 2010). Les raves parties, payantes, rassemblent beaucoup de personnes dans un milieu souvent fermé et sont soumises à autorisation. Les free

parties, qui rassemblent beaucoup moins de monde, ont lieu dans des espaces fermés

détournés de leurs usages comme une usine désaffectée ou en plein air. Elles se déroulent d’une manière sauvage sur une ou deux nuits. Les teknivals, manifestations de grande ampleur se déroulant sur plusieurs jours, sont gratuites et rassemblent un public plus large. Enfin, il existe des fêtes plus privées, volontiers à la campagne, rassemblant une vingtaine voir une centaine d’amis, appelées « week-end champêtre » ou « barbecue techno ». Les appellations « week-end champis » ou « soirée pleine-lune » pour ce dernier cadre sont plus spécifiques à l’expérimentation d’hallucinogènes.

Les soirées privées sont aussi propices à l’expérimentation de nouvelles drogues (Cadet-Taïrou et al, 2010). Ainsi, les hallucinogènes sont aussi arrivés dans ces milieux appartenant à l’espace festif urbain.

Il existe un autre usage, dit de routine, utilisé pour décompresser (Aquatias et al, 2001). Ce dernier usage n’a pas lieu tous les jours, comme le nom pourrait le faire penser.

Lors des intoxications accidentelles, les champignons ont été consommés à l’état cuits, après ramassage par les victimes (Heim et al, 1966 ; Heim, 1978). En effet, il s’agissait de méprises avec des espèces comestibles.