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Troisième partie : Aspect pharmacologique et toxicologique

I. Rappels sur l’encéphale et les neurotransmissions

II.5. Les effets de la psilocybine et de la psilocine

II.5.3. Les effets psychiques positifs

Les effets psychiques positifs poussent le sujet à la consommation. Ces effets, sensoriels et émotionnels, dépendent de beaucoup de facteurs, ce qui explique que le ressenti peut être très différent d’une expérience à l’autre (Studerus et al, 2012). Ces facteurs sont maintenant décrits, avant de lister les effets positifs.

Certains facteurs sont de nature pharmacologique comme la quantité ingérée qui est le plus important, la densité des récepteurs 5HT2A corticaux en priorité puis des

autres récepteurs et les autres systèmes de neurotransmission, en particulier celui du glutamate (Studerus et al, 2012).

D’autres facteurs n’ont pas de liens évidents avec la pharmacologie. Par exemple, l’état psychologique du sujet et sa personnalité, ses attentes, et sa préparation antérieure aux effets de la psilocine (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Studerus et al,

2012 ; Tyls et al, 2014). Un individu ayant une personnalité encline à l’imagination vivra une expérience plus intense qu’un autre (Studerus et al, 2012). Ce facteur arrive en deuxième position en terme d’importance, juste après la dose. Parmi les autres facteurs remarquables, la pratique d’une activité avant la consommation, l’absence d’un stress psychologique dans les semaines précédentes, l’absence d’expérience en matière de consommation d’hallucinogènes et une consommation modérée de cannabis et d’alcool augmentent l’intensité des effets agréables et des altérations visuelles.

De même, l’environnement concourt à l’effet subjectif de la psilocine (Tyls et al, 2014). En effet, le contexte physique, social et culturel lors de la prise influe les manifestations psychiques de la psilocine, contrairement aux drogues non hallucinogènes (Studerus et al, 2012). Ainsi, un environnement de type hôpital, avec des murs blancs et du personnel en blouse, lors des expériences, a été corrélé avec une augmentation des réactions anxieuses.

Les effets psychiques de la psilocine vont maintenant être décrits. Une faible dose de psilocybine entraîne une somnolence et accentue l’humeur, triste ou joyeuse, de l’utilisateur (Tyls et al, 2014). Une forte dose induit une expérience psychédélique intense, recherchée dans un but festif.

Les effets émotionnels recherchés par les utilisateurs s’expriment par des modifications de l’humeur (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Saviuc et Flesch, 2003 ; Studerus et al, 2011). Le sujet devient euphorique ou bien dysphorique. Dans ce cas, l’humeur oscille entre un état dépressif et euphorique. L’individu peut aussi expérimenter une joie intense ou une sensation agréable (Tyls et al, 2014). Ces modifications d’humeur peuvent prendre l’aspect de rires incontrôlables (Van Amsterdam et al, 2011). En résumé, les réponses affectives se trouvent intensifiées (Studerus et al, 2011).

Du point de vue du comportement, le sujet devient plus actif et extraverti (Studerus et al, 2011). L’agitation est parfois violente (Pierrot et al, 2000). Cependant, certains sujets expérimentent une sensation de relaxation comparable à celle ressentie sous cannabis, voire de la somnolence (Pierrot et al, 2000 ; Van Amsterdam et al, 2011).

Sur le plan sensoriel, un malaise général, des vertiges, des bourdonnements d’oreilles, des tremblements, des engourdissements, des bâillements, une exagération des réflexes ostéo-tendineux et une perturbation de l’équilibre et de la coordination motrice sont observés, ainsi qu’une paralysie labiale (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Heim et al, 1966 ; Pierrot et al, 2000 ; Tyls et al, 2014).

L’expérience psychédélique inclut des modifications de perceptions (Tyls et al, 2014). Des troubles de la sensibilité objective se manifestent par une hyperesthésie*, en particulier visuelle, auditive et tactile (Saviuc et Flesch, 2003). La perception du temps et de l’espace est aussi perturbée (Courtecuisse et Deveaux, 2004).

Les modifications de la perception visuelle restent l’élément le plus marquant de cette expérience (Studerus et al, 2011). Elles peuvent se résumer à une augmentation d’images vues par le sujet lorsqu’il a les yeux clos, mais aussi à des illusions optiques ou des hallucinations. Les hallucinations décrites sont le plus souvent complexes, mais des hallucinations élémentaires sont aussi observées (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Studerus et al, 2011). Les hallucinations élémentaires mettent en œuvre des phosphènes de couleurs intenses et agréables par exemple, alors que les hallucinations complexes représentent des objets inanimés, des êtres vivants, des autoscopies internes ou externes où le sujet s’aperçoit lui-même de façon intérieure ou extérieure (Pierrot et al, 2000). Les objets semblent aussi bouger, leurs contours sont flous. Le sujet peut aussi voir des macropsies* et des micropsies* (Stahl, 2010). Des visions en kaléidoscopes ou en mosaïques sont possibles (Pierrot et al, 2000). La perception des couleurs est aussi erronée. Elles deviennent plus lumineuses, en général, et inappropriées (Heim et al, 1966 ; Pierrot et al, 2000 ; Van Amsterdam et al, 2011). Par exemple, dans le cas clinique exposé en annexe, les cheveux des parents apparaissent verts à un des enfants.

Les hallucinations sont plus rarement auditives (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Studerus et al, 2011). Les hallucinations auditives vraies comme l’entente de voix sont exceptionnelles (Studerus et al, 2011). La plupart se manifeste sous forme d’acouphènes (Courtecuisse et Deveaux, 2004). Une perception erronée d’un stimulus auditif réel, une intensification des bruits ou de la musique sont aussi observées (Studerus et al, 2011).

Les hallucinations peuvent aussi être gustatives, olfactives, tactiles ou somesthésiques (Pierrot et al, 2000 ; Studerus et al, 2011). Concernant le tact, encore appelé cénesthésie, les hallucinations correspondent à des impressions de légèreté, de lourdeur ou d’engourdissement (Postel, 2011).

Le sujet perçoit souvent des synesthésies (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Pierrot et al, 2000). Elles se définissent comme la capacité à traduire ou à ressentir des expériences relevant d’une certaine modalité sensorielle, comme l’odorat, en des modalités sensorielles différentes (Kolb et Whishaw, 2008). Ainsi, les sujets attribuent une odeur à une couleur par exemple.

La déréalisation et la dépersonnalisation font partie de l’effet psychédélique (Courtecuisse et Deveaux, 2004). Alors que la déréalisation concerne le monde extérieur, la dépersonnalisation est un état psychoaffectif particulier, dans lequel le sujet perd le sentiment de sa propre réalité ou ressent son corps comme irréel (Postel, 2011). Des sensations de transformations corporelles peuvent avoir lieu lors de la dépersonnalisation, comme l’impression de dislocation, de détachement ou d’altération de la forme globale du corps (Pierrot et al, 2000 ; Postel, 2011). Cet aspect domine les phénomènes visuels 90 à 120 minutes après la prise de psilocybine (Studerus et al, 2011). Pendant cette période, l’individu se replie sur lui-même, semble absent et ses expressions faciales sont réduites.

L’expérience psychédélique se traduit aussi par une altération de l’attention et des pensées (Tyls et al, 2014). Cet aspect prédomine environ 260 à 400 min après l’ingestion (Studerus et al, 2011). Le sujet éprouve alors plus un état de rêve éveillé ou de méditation qu’une vraie sédation ou un trouble de la conscience. Il développerait une capacité plus grande à l’introspection et une diminution des pensées primitives et enfantines (Studerus et al, 2011). Le sujet peut avoir l’impression de vivre une expérience mystique (Tyls et al, 2014). Cette expérience se définit par un sentiment d’unité et d’interconnexion entre tous les participants et entre toutes choses, un sentiment de paix et de joie, quelque chose d’ineffable (McLean et al, 2011). Elle est associée à un caractère sacré, une impression d’une transcendance du temps et de l’espace et une illumination dans laquelle le sujet croit que son expérience lui permet de découvrir une vérité objective sur la nature du réel. Ce genre de sentiment a fondé les croyances des utilisateurs en une nouvelle religion (Postel, 2011).

Des troubles de la mémoire sont aussi observés (Pierrot et al, 2000). Ils sont de type réminiscence, où un souvenir, non reconnu comme tel, remonte à la surface ou de reviviscence. Lors des reviviscences, un état de conscience déjà éprouvé réapparaît.