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Deuxième partie : Aspect mycochimique

I. La psilocine et la psilocybine

I.6. Mise en évidence et dosages de la psilocine et de la psilocybine

I.6.1. Dans les champignons

Certains champignons à psilocybine bleuissent au froissement ou à la coupure. Cette propriété pourrait être due à la psilocine subissant une oxydation enzymatique la transformant en dérivé quinonique (Kovacic, 2009). Mais ce test, entraînant de faux positifs, ne peut servir pour mettre en évidence la présence de ces composés, d’autant plus qu’elle ne s’observe pas pour tous les champignons à psilocybine (Stijve et Kuyper, 1985 ; Allen et al, 2012 ; Allen, 2012).

Sur les sporophores séchés à 40 °C et conservés à l’abri de la lumière, le réactif de Melzer, renseignant sur le caractère amyloïde ou non, n’induit qu’un faible jaunissement inconstant (Courtecuisse et Deveaux, 2004). Ce réactif donne une couleur bleue, bleu-grise ou bleu-noire si le sporophore possède un caractère amyloïde (Musshoff et al, 2000). Les champignons à psilocybine ne sont donc pas amyloïdes. Le réactif d’Ehrlich, mettant en évidence les alcaloïdes indoliques, et le réactif de Keller

induisent un changement de teinte, mais ils ne suffisent pas pour déterminer la présence d’alcaloïdes hallucinogènes (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Musshoff et al, 2000). D’ailleurs, la réaction dépend de la teneur en alcaloïdes et celle-ci peut diminuer au cours du temps. D’autres méthodes analytiques doivent donc confirmer cette suspicion.

Parmi ces méthodes, il existe la chromatographie sur couche mince et la chromatographie liquide haute performance (CLHP) (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Anastos et al, 2006). La CLHP peut être couplée avec un détecteur ultraviolet, fluorimétrique ou électrochimique ou encore à un spectromètre de masse. Le couplage des molécules à des composés chémoluminescents permet d’améliorer la limite de détection (Anastos et al, 2006). Plus récemment, une méthode de chromatographie liquide d’ultra performance couplée à un détecteur spectrophotométrique, à barrette de diodes, a vu le jour (Chen et al, 2011). Cette méthode utilise des phases stationnaires composées de particules plus petites, inférieures à deux micromètres, ce qui augmente la reproductibilité, la résolution, la sensibilité et la vitesse d’analyse.

La chromatographie en phase gazeuse (CPG) couplée à la spectrométrie de masse permet aussi de quantifier la psilocine et la psilocybine à condition qu’elles soient dérivées au préalable (Courtecuisse et Deveaux, 2004). En effet, la psilocybine se déphosphorylise à la chaleur. Les limites de détection de la CPG restent supérieures à celles mesurées en phase liquide (Anastos et al, 2006).

L’électrophorèse capillaire de zone possède une limite de détection de l’ordre de 45 µg/g de champignons secs (Courtecuisse et Deveaux, 2004). La chromatographie électrocinétique micellaire dont la limite de détection est plus élevée peut suffire pour une analyse. Des techniques de spectroscopie infrarouge ont aussi été mises au point pour la détection de la psilocine (Koçak et al, 2010).

L’identification de la psilocybine et de la psilocine par spectrométrie à mobilité d’ions (IMS) possède une limite de détection avoisinant 1 ng pour la psilocine (Courtecuisse et Deveaux, 2004). Cette méthode, rapide, peu couteuse et robuste, analyse des composés liquides aussi bien que solides en sciences médico-légales (Keller

et al, 2006). Le nicotinamide est utilisé comme calibrant et réactif d’ionisation dans le

cas de la recherche de psilocybine et de psilocine. La réaction est de type : [Nicotinamide]H+ + Molécule à Nicotinamide + [Molécule]H+

Concernant Panaeolus cinctulus, les teneurs en psilocybine mesurées sont de l’ordre de 0,08 à 0,14 % ou de 0,20 à 0,70 % ou encore 3,1 mg/g de matière sèche selon les études (Courtecuisse et Deveaux, 2004). Celles-ci sont plus élevées dans le chapeau que dans le stipe. Les petits spécimens sont aussi plus concentrés en psilocybine (Gartz, 1989, a.). Pour la psilocine, les teneurs sont de moins de 0,04 % ou de 1 mg/g de matière sèche selon les études (Courtecuisse et Deveaux, 2004).

A propos de Panaeolus cyanescens, les données varient de 0,02 à 1,15 % selon les études pour la psilocybine et de 0,14 à 0,90 %, de 0,10 à 0,33 % et jusqu’à 0,51 % selon les études pour la psilocine (Courtecuisse et Deveaux, 2004, Tyls et al, 2014). Parmi les champignons hallucinogènes confisqués en Allemagne, les spécimens appartenant à cette espèce possèdent la plus forte concentration en psilocybine, soit jusque 3 mg pour 100 mg de matière sèche dans certains échantillons (Musshoff et al, 2000 ; Laussmann et Meier-Giebing, 2010).

I.6.2. Dans les milieux biologiques

Les molécules d’intérêt ou leurs métabolites sont recherchés dans deux milieux : le plasma et l’urine. Les méthodes de traitement et de conservation des échantillons seront abordées avant de passer aux méthodes de quantifications.

Dans le plasma, seuls la psilocine, sous forme libre ou glucuroconjuguée, et parfois l’acide 4-hydroxy-indole-3-acétique (4-HIAA), un de ses dérivés, sont retrouvés (Courtecuisse et Deveaux, 2004).

Pour pouvoir l’analyser, le sang doit être recueilli sans anticoagulant et le plasma, séparé très rapidement (Courtecuisse et Deveaux, 2004). Souvent, le sang est additionné de fluorure de sodium pour le stabiliser. Dans ces conditions, le sang peut être conservé une semaine au réfrigérateur, mais la congélation entraîne une perte de psilocine (Martin et al, 2012). L’ajout d’acide ascorbique comme antioxydant, la congélation immédiate à -80 °C et la lyophilisation permettent d’éviter la dégradation des composés (Courtecuisse et Deveaux, 2004). Les dérivés conjugués sont hydrolysés par la glucuronidase à pH 5, à 40 °C et pendant 5 h (Courtecuisse et Deveaux, 2004).

Dans l’urine, d’autres métabolites peuvent être détectés : le 4-hydroxy-indole-3- yl-acétaldéhyde (4-HIA), le 4-HIAA et le 4-hydroxy-tryptophol (4-HT) (Courtecuisse et Deveaux, 2004). Comme le plasma, l’urine doit être stabilisée par de l’acide ascorbique (Hasler et al, 2002). L’urine est ensuite microdialysée et les dérivés en sont extraits par le méthanol pour l’analyse. Les dérivés conjugués sont aussi hydrolysés par voie enzymatique.

L’urine est le milieu biologique à privilégier lors des dosages puisque la psilocine s’y trouve plus concentrée que dans le plasma et donc mieux détectée par les appareils (Hasler et al, 2002). Le volume analysé est aussi plus élevé et la préparation de l’échantillon, plus courte.

Pour détecter ou quantifier les composés, de nombreuses méthodes ont été mises au point. Parmi elles, se trouvent des méthodes chromatographiques : la CLHP avec détecteur électrochimique ou couplée à un spectromètre de masse ou la CPG couplée à un spectromètre de masse après dérivation ou encore la chromatographie liquide d’ultra performance (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Martin et al, 2012 ; Chen et al, 2011).

Dans le cas de la CPG, il faut utiliser un étalon interne comme le proadifen ou la morphine deutérée (Courtecuisse et Deveaux, 2004). Il faut aussi prendre en compte les temps de rétention. En effet, la bufoténine, isomère structural de la psilocine retrouvée chez certains crapauds, présente le même spectre de masse (Sticht et Kaferstein, 2000). Etant donné la thermolabilité et la très faible concentration des molécules, les méthodes de CLHP couplées à la spectrométrie de masse devraient être privilégiées dans le plasma (Courtecuisse et Deveaux, 2004).

Plus récemment, la méthode de chromatographie liquide d’ultra performance a aussi été mise au point pour l’analyse dans le plasma (Chen et al, 2011).

Le système REMEDi HS, utilisé en toxicologie d’urgence et en sciences médico-légales, identifie les drogues en comparant les spectres avec ceux d’une bibliothèque (Sticht et Kaferstein, 2000). Avec un échantillon sérique, cette méthode donne des résultats moins bons que ceux trouvés en CPG.

Il existe aussi des méthodes immunologiques pour détecter la psilocine dans le sérum (Sticht et Kaferstein, 2000).

Il faut noter que la psilocine peut entraîner une réaction croisée avec les amphétamines et méthamphétamines lors d’un screening de routine utilisant une

méthode immunologique de type FPIA (fluorescence polarization immunoassay) (Sticht et Kaferstein, 2000). Ainsi, il peut exister un faux positif concernant les dérivés amphétaminiques.