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Troisième partie : Aspect pharmacologique et toxicologique

I. Rappels sur l’encéphale et les neurotransmissions

I.5. Les circuits neuronau

I.5.5. Le système limbique

Le dernier circuit neuronal qui sera abordé est le circuit limbique. Il joue un rôle dans la régulation des émotions et dans tous les comportements qui nécessitent ou donnent lieu à des souvenirs (Kolb et Whishaw, 2008). Il est aussi impliqué dans le contrôle de l’orientation dans l’espace.

Le système limbique est composé d’un groupe de structures situées sur la face médiale des hémisphères cérébraux et dans le diencéphale (Marieb et Hoehn, 2010). Ces structures comprennent le cortex cingulaire, le septum précommissural, l’amygdale, l’hippocampe, le gyrus dentalus, le gyrus parahippocampal, les noyaux antérieurs du thalamus, l’hypothalamus, les corps mamillaires et le bulbe olfactif. Les principales structures limbiques sont l’amygdale, l’hippocampe et le cortex cingulaire (Kolb et Whishaw, 2008). Ces structures sont reliées entre elles par des faisceaux comme la

commissure antérieure et le Fornix (Marieb et Hoehn, 2010). Le schéma suivant place quelques-unes de ces structures.

Figure 50. Structures du système limbique

(Barrault, site internet)

Parmi les structures importantes, l’amygdale reconnaît les expressions faciales de colère et de crainte, évalue le danger et déclenche la réaction de peur (Marieb et Hoehn, 2010). Une perturbation de son fonctionnement entraîne des anxiétés et de la dépression. Le cortex cingulaire est impliqué dans l’expression corporelle des émotions et dans la résolution de conflits mentaux dus à la frustration.

Le système limbique est relié aux régions corticales, ce qui permet d’intégrer des stimuli environnementaux et d’y réagir (Marieb et Hoehn, 2010). La plupart des influx qui partent du système limbique passent par l’hypothalamus, ce qui explique que les tensions émotionnelles aiguës ou prolongées peuvent occasionner des maladies psychosomatiques. En effet, l’hypothalamus est aussi impliqué dans les fonctions autonomes viscérales. L’interaction entre le cortex préfrontal et le système limbique explique aussi le fait que sentiments et pensées sont liés. Cette interaction implique une opposition entre les émotions et la logique, qui influence le comportement.

La plupart des fonctions cérébrales supérieures font donc appel à différentes boucles impliquant les cellules pyramidales du cortex. Ces boucles sont régulées par les neurotransmetteurs majeurs du tronc cérébral comme la sérotonine.

Les structures cérébrales intéressant le mécanisme d’action de la psilocine, les principaux neuromédiateurs impliqués, ainsi que le mode de fonctionnement du cortex et de ses structures associées effectués, l’étude de la psilocine et de la psilocybine dans leur aspect pharmacologique et toxicologique peut être abordée.

II. La psilocine et la psilocybine

La psilocybine, après absorption, est transformée en psilocine. Cette dernière agit au niveau de l’encéphale et induit des hallucinations et de profonds changements psychologiques. Quel est le devenir de la psilocybine dans le corps humain ? Sur quels récepteurs la psilocine se fixe-t-elle ? Par quels mécanismes agit-elle ? Quels sont ses effets ? Comment diagnostiquer et traiter une intoxication à champignons psilocybiens ? Quel intérêt la psilocybine présente-t-elle dans le cadre de la recherche ? Cette partie va tenter de répondre à toutes ces questions. Dans cette section, la pharmacocinétique, quelques données de toxicologie et la pharmacodynamie seront abordées avant de s’intéresser au mécanisme d’action. Ensuite, les effets de la drogue seront abordés. Après cela, les moyens de prouver la consommation de psilocybine ou de psilocine et le traitement des intoxications par ces molécules seront donnés. En dernier lieu, il sera discuté des perspectives thérapeutiques pour la psilocybine.

II.1. Pharmacocinétique

II.1.1. Absorption

Après ingestion orale, environ la moitié de la dose de psilocybine est très rapidement transformée en psilocine par des enzymes de la muqueuse intestinale : les phosphatases alcalines et des estérases non spécifiques (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Tyls et al, 2014). La psilocine est donc le métabolite actif (Courtecuisse et Deveaux, 2004). Environ la moitié de la dose ingérée est absorbée par la muqueuse intestinale chez le rat (Tyls et al, 2014).

Par voie parentérale, la psilocybine est transformée en psilocine par les phosphatases tissulaires (Tyls et al, 2014). Celles du rein sont les plus actives.

II.1.2. Distribution

Chez le rat et la souris, après administration orale d’un extrait de champignon à psilocybine, le pic plasmatique de psilocine s’observe environ 90 minutes plus tard (Tyls et al, 2014). La psilocine se distribue dans tous les tissus, y compris le cerveau. Les concentrations les plus élevées, après étude sur des animaux divers, se situent au niveau du néocortex, de l’hippocampe, du système extrapyramidal et de la formation

réticulaire (Tyls et al, 2014). La psilocine s’accumule aussi dans les reins et le foie chez la souris.

Dans le corps humain, la psilocine et la psilocybine sont détectées dans le sang 20 à 40 minutes après absorption orale de psilocybine (Tyls et al, 2014). Le pic plasmatique se situe entre 80 et 105 minutes et elles peuvent être détectées dans ce milieu pendant plus de six heures (Tyls et al, 2014). La concentration en psilocine mesurée lors des intoxications est très variable (Kamata et al, 2010). La demi-vie de la psilocine dans le plasma est de 2,5 heures après ingestion orale de psilocybine alors qu’elle est de 1,23 heure après administration intraveineuse (Tyls et al, 2014). 80 % de la psilocine est trouvée sous forme conjuguée dans le plasma.

Il faut noter que la concentration plasmatique en substance active n’est pas corrélée à la durée de l’effet de ces molécules (Studerus et al, 2011).

II.1.3. Métabolisation

Cinq heures après l’ingestion de champignons, 80 % de la psilocine sérique se trouve sous forme conjuguée (Manevski et al, 2010). Le métabolite majoritaire de la psilocine est son dérivé glucuroconjugué puisque 80 % de la psilocine est excrétée sous cette forme (Tyls et al, 2014). La glucuronidation est réalisée par des enzymes membranaires du réticulum endoplasmique : les UDP-glucuronosyl-transférases (UGTs) (Manevski et al, 2010 ; Tyls et al, 2014). Ces enzymes relativement ubiquistes transfèrent un acide glucuronique initialement fixé à un UDP sur de nombreux composés. Parmi ces enzymes, les isoformes UGT1A10 présentes dans l’intestin grêle et dans le colon principalement et UGT1A9, surtout au niveau du foie et plus faiblement exprimées dans les reins, l’intestin grêle et le colon, possèdent la plus forte activité en ce qui concerne la métabolisation de la psilocine. Les UGT1A8, exprimées surtout au niveau hépatique, ont une activité plus faible. Les autres isoformes sont négligeables en termes d’activité. Aucune isoforme du groupe 1A6 à 1A10 n’est exprimée dans le cerveau, ce qui explique que la psilocine n’est pas glucuroconjuguée au niveau de son lieu d’action. Ces enzymes exercent leur action sur un groupement hydroxyle. L’existence d’une N-glucuronidation n’a pas été prouvée, mais elle n’est pas pour autant exclue.

La psilocine est aussi transformée par une voie oxydative, pour environ 4 % de la dose résorbée (Tyls et al, 2014). Elle est métabolisée en 4-hydroxyindol-3-yl-

acétaldéhyde (4-HIA) par déméthylation et désamination puis en acide 4-hydroxyindol- 3-acétique (4-HIAA) d’une part et en 4-hydroxytryptophol (4-HT) d’autre part (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Tyls et al, 2014). Le schéma suivant illustre la métabolisation de la psilocybine.

Figure 51. Métabolisme de la psilocybine

(Wikipedia, site internet)

La dernière étape pourrait être réalisée par des aldéhyde-déshydrogénases hépatiques et par les monoamines-oxydases, mais cette voie de métabolisation reste à éclaircir (Van Amsterdam et al, 2011 ; Tyls et al, 2014). Dans ce cas, les inhibiteurs de monoamines-oxydases pourraient augmenter les effets adverses de la psilocine. Les métabolites mineurs sont retrouvés dans le sang.

Une troisième voie de métabolisation pourrait être réalisée chez l’Homme pour produire des structures de type O-quinone ou bien iminoquinone (Kovacic, 2009 ; Tyls

et al, 2014). La structure de ce dernier composé reste à élucider.

II.1.4. Elimination

Chez le rat et la souris, l’élimination de la psilocine est réalisée dans les 24 heures et la majorité dans les huit premières heures (Tyls et al, 2014). Elle s’opère pour 65 % via l’urine et pour 15 à 20 % par la bile et les fèces. De petites quantités de molécules peuvent être détectées dans l’urine une semaine après l’ingestion.

Dans l’urine humaine, les composés sont distribués selon les ratios : 90 à 97 % de psilocine et 3 à 10 % de psilocybine, mais seulement 3 à 10 % de ces composés sont éliminés sous forme native (Tyls et al, 2014). La majeure partie est sous forme conjuguée.

La demi-vie d’élimination de la psilocybine est de 50 minutes (Tyls et al, 2014). La majorité est excrétée dans les trois heures suivant l’ingestion orale et elle est complètement éliminée du corps humain dans les 24 heures.

Concernant la psilocine, sous forme conjuguée et non conjuguée, sa concentration maximale dans les urines se situe dans les deux à six heures suivant l’absorption orale de psilocybine, mais la psilocine peut être retrouvée dans les urines jusque 36 à 48 heures après la consommation (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Hasler

et al, 2002). La concentration est très variable lors d’intoxications à la psilocybine

(Kamata et al, 2010).