• Aucun résultat trouvé

Troisième partie : Aspect pharmacologique et toxicologique

I. Rappels sur l’encéphale et les neurotransmissions

II.5. Les effets de la psilocybine et de la psilocine

II.5.5. Les autres effets neuropsychologiques

Lors des études sur la psilocybine, d’autres effets neuropsychologiques ont été mis en évidence. Ainsi, la psilocybine altère aussi certaines fonctions cognitives et des processus d’informations (Tyls et al, 2014). Cette partie recense les effets sur les fonctions cognitives découverts. Les derniers paragraphes seront consacrés à d’autres effets découverts lors d’études sur la psilocybine : les effets positifs à long terme, sur le mode de vie.

La psilocybine biaise les processus affectifs vers des informations positives par rapport à des informations négatives (Kometer et al, 2012). Par exemple, sous psilocybine, le sujet est moins apte à faire la différence entre un visage à expression neutre et une figure reflétant un sentiment négatif (Kometer et al, 2012 ; Tyls et al, 2014). Ce manque de distinction n’affecte pas les visages à expression positive. La psilocybine pourrait aussi favoriser la mémorisation de concepts positifs par rapport à des concepts négatifs (Kometer et al, 2012).

La psilocybine perturbe le test de Stroop (Quednow et al, 2012). Ce test consiste à montrer des mots colorés sur un écran. Les mots considérés comme neutres n’évoquent pas de couleur. Des mots désignant une couleur sont colorés soit avec la couleur désignée, soit avec une autre couleur. Le sujet doit nommer la couleur du mot le plus rapidement possible. Ce test permet d’évaluer l’attention sélective et la capacité d’inhibition qui sont des fonctions exécutives. Sous psilocybine, le taux d’erreur en situation conflictuelle est augmenté et le temps de réaction est allongé dans tous les cas de figure. Ces résultats seraient dus à un dysfonctionnement lors de la gestion des conflits et/ou un dysfonctionnement des processus d’inhibitions plutôt qu’à un problème de mémoire de travail ou d’attention.

Les processus d’information visuelle, comme la rivalité binoculaire ou encore la complétion sont aussi altérées (Kometer et al, 2011 ; Tyls et al, 2014).

La rivalité binoculaire est un phénomène visuel ayant lieu lorsque deux images différentes sont présentées de façon simultanée, l’une à l’œil droit et l’autre à l’œil gauche (Carter et al, 2007). Par exemple, des lignes horizontales sont montrées à un œil et des lignes verticales à l’autre. Le sujet verra tantôt des lignes horizontales, tantôt des lignes verticales et parfois, la superposition des deux images. Ce phénomène serait dû à deux groupes de neurones associés aux deux images, s’inhibant l’un l’autre. L’un est dominant et le sujet voit une image puis il fatigue et l’autre groupe de neurones prend le dessus, imposant une autre image. Sous psilocybine, l’oscillation devient plus lente et moins régulière. Les images se superposent plus souvent.

La complétion visuelle se rapporte à la perception illusoire des limites d’un objet et de sa surface, en l’absence d’informations sensorielles directes représentant sa limite ou sa surface (Kometer et al, 2011). Afin de mieux comprendre cette définition, un des motifs de Kanizsa, ci-dessous, représente ce phénomène.

Figure 53. Motif de Kanizsa

(Wikipedia, site internet)

Sur cette figure, un triangle plus lumineux que le fond est parfaitement visible alors que ses contours ne sont pas dessinés. Il apparaît uniquement parce qu’il cache une partie des objets qui semblent former le second plan.

Sous psilocybine, la luminance perçue est augmentée (Kometer et al, 2011). La complétion est perturbée : lorsque le sujet doit indiquer s’il voit une figure de type Kanizsa ou non, son temps de réaction et les erreurs au test sont augmentés. La perturbation de ce processus pourrait jouer un rôle dans la formation d’hallucinations visuelles.

Chez un individu ne consommant pas de psilocybine, la réponse, à type de sursaut, lorsqu’une alarme est déclenchée est atténuée si cette alarme est précédée d’un

stimulus d’intensité plus faible (Adam et al, 2011 ; Quednow et al, 2012). Sous psilocybine, l’inhibition du réflexe de sursaut est plus forte si l’intervalle entre les deux stimuli est supérieur à cent millisecondes alors que le sursaut est exagéré si l’intervalle est inférieur à trente millisecondes.

L’altération de l’état de conscience provoquée par la psilocybine induit une mauvaise perception du temps (Wackermann et al, 2008). Cette mauvaise perception a encore lieu lorsque l’individu, sous faible dose de psilocybine, a été reconnu comme ayant un état de conscience normal ou peu altéré par les échelles d’évaluation appropriées. En effet, lorsque les scientifiques demandaient aux volontaires d’écouter un son de durée variable et de stopper le même son, répété après un intervalle défini, de façon à ce que le second son soit de durée égale au premier, les sujets sous psilocybine échouaient. Le second son était plus court en général, surtout si le son devait durer plus de deux secondes.

A long terme, jusqu’à quatorze mois après les sessions, des effets positifs s’opèrent généralement dans les habitudes de vie des volontaires sains et naïfs vis-à-vis de la psilocybine ayant été inclus dans un programme de recherche sur cette molécule (McLean et al, 2011 ; Tyls et al, 2014). Ceux-ci s’observent plus chez les individus ayant vécu une expérience mystique intense (Studerus et al, 2011).

Ces changements de personnalité et d’attitude tels une vision du monde plus positive, un sens des valeurs morales, une prise de conscience de ses problèmes personnels, un meilleur relationnel envers les autres et envers la nature et une attention à l’esthétique dans le domaine des arts, ont d’ailleurs été objectivés par une tierce personne, de l’entourage du volontaire (Studerus et al, 2011 ; Tyls et al, 2014). Ainsi, le sujet devient plus tolérant envers les autres, moins égocentrique et moins matérialiste. Les sujets présentent une ouverture d’esprit plus grande. Une meilleure assurance, une meilleure satisfaction intérieure, une tolérance à la frustration augmentée, une diminution de la nervosité et une augmentation du bien-être ont aussi été observées (Griffiths et Grob, 2010). Le nombre croissant de CD (Compact Discs) achetés, l’augmentation du temps passé dans les musées et le nombre de participations à un évènement musical témoignent de l’intérêt porté aux arts suite à l’étude. Une augmentation des pratiques religieuses, des soins portés à sa santé physique et psychologique ont aussi été rapportés (Griffiths et al, 2011).

L’expérience de la consommation de psilocybine a donc globalement été vécue comme plaisante, enrichissante et non dangereuse par le volontaire (Studerus et al, 2011 ; Tyls et al, 2014). Il faut cependant noter que le résultat de cette étude a pu être biaisé par le profil des volontaires sains, qui ont montré un intérêt pour les substances hallucinogènes et donc une certaine ouverture d’esprit avant l’étude. De plus, concernant l’augmentation des pratiques religieuses, elle a été évaluée sur des sujets croyants et pratiquants, assez âgés (Griffiths et al, 2011). Ainsi, il faut se garder de trop généraliser les aspects positifs à long terme de la psilocybine.