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Troisième partie : Aspect pharmacologique et toxicologique

I. Rappels sur l’encéphale et les neurotransmissions

II.5. Les effets de la psilocybine et de la psilocine

II.5.4. Les effets adverses

La psilocine possède des effets indésirables dont certains sont graves. Les groupes les plus à risque de manifester ces effets indésirables sont les personnes âgées de moins de dix-huit ans, les femmes enceintes, les patients sous traitements psychotropes et ceux qui souffrent d’une pathologie mentale (Van Amsterdam et al, 2011). L’association à l’alcool est aussi un facteur de risque.

Parmi les effets adverses, il faut distinguer les effets psychiques inverses à ceux recherchés par l’utilisateur, les effets conséquents à l’état psychédélique et les effets physiologiques indésirables de la psilocybine. Ces trois types d’effets seront traités dans cette partie.

Concernant les effets psychiques antagonistes à ceux recherchés, il peut s’agir d’une sensation d’anxiété, de nervosité, mais aussi d’une sensation de perte du contrôle de soi, d’une peur de devenir fou ou encore de sensations somethésiques désagréables (Griffiths et al, 2011 ; Studerus et al, 2011 ; Tyls et al, 2014). La dépersonnalisation et la déréalisation peuvent être considérées comme des effets adverses. Des expériences de type paranoïde* et d’autres réactions psychotiques ont été rapportées. Les épisodes psychotiques aigus, ressemblants à ceux des schizophrènes, associent des images bizarres et effrayantes, une paranoïa* sévère et une coupure totale avec la réalité (Van Amsterdam et al, 2011). Chez un patient schizophrène, la consommation de champignons peut d’ailleurs induire un épisode psychotique aigu (Nielen, et al, 2004 ; Van Amsterdam et al, 2011). L’effet psychédélique peut prendre la forme d’un « bad trip » (Van Amsterdam et al, 2011). Il est alors caractérisé par une agitation sévère, une confusion, une anxiété extrême et une désorientation associée à une diminution de la capacité de concentration et de jugement. Il est généralement suivi par une faiblesse, une tristesse voire un état dépressif avec une interprétation paranoïde pouvant persister pendant des mois. Cependant, certains de ces symptômes pourraient être attribués à d’autres drogues utilisées en même temps (Van Amsterdam et al, 2011). Celles-ci, dont l’alcool, augmentent les risques de subir un « bad trip ». A ce sujet, l’acétaldéhyde, métabolite primaire de l’éthanol pourrait réagir avec les amines endogènes pour produire des inhibiteurs de monoamines-oxydases, les tétraisoquinoléines et les β- carbolines, et donc inhiber la dégradation de la psilocine. Les « bad trips » constituent

probablement le motif principal incitant l’usager à se rendre aux urgences (Van Amsterdam et al, 2011). Leur prévalence ne peut pas être évaluée précisément.

Les effets psychiques antagonistes peuvent apparaître rapidement, environ une heure après l’ingestion de psilocybine ou plus tardivement, jusque trois à quatre heures après (Griffiths et al, 2011). Ils peuvent conduire à un comportement dangereux de la part du sujet envers lui-même ou envers les autres.

Le risque de persistance d’un état psychotique, plus de vingt-quatre heures après la prise, est associé dans la plupart des cas à une prédisposition psychiatrique (Studerus

et al, 2011 ; Tyls et al, 2014). Ainsi, la psilocine peut occasionner un épisode

psychotique ou accentuer les symptômes d’un patient psychotique. Un cas d’instabilité émotionnelle, avec anxiété et dépression qui a duré quelques semaines a été reporté dans une revue des effets indésirables rencontrés en recherche (Studerus et al, 2011). Cet état a motivé une consultation médicale à l’initiative du sujet. Lors des études, des sujets ont aussi éprouvé des sauts d’humeur, le ressurgissement de vieux problèmes, un état pensif excessif, une introversion ou encore des problèmes de mémoire et de concentration. Ces effets, bénins, duraient quelques semaines après la consommation.

Les flashbacks, maintenant nommés HPPD (Hallucinogen Persisting Perception Disorder) dans le DSM IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) appartiennent aussi aux effets indésirables à long terme, consécutifs à la prise d’hallucinogènes fréquemment reportés (Studerus et al, 2011). Ils sont caractérisés par une récurrence soudaine et inattendue de tout ou de certains aspects de la ou des session(s) psychédélique(s) vécue(s), alors que l’hallucinogène n’est plus présent dans le corps. Ils revêtent un aspect épisodique, induit par un stress ou une substance, ou un aspect continu (Espiard et al, 2005). Leur durée varie de quelques secondes à quelques heures (Stahl, 2010). Ils n’ont pas été reportés dans un contexte de recherche et leur justification clinique reste controversée : ils pourraient être dus à la consommation concomitante d’autres drogues ou encore à un trouble psychiatrique non diagnostiqué (Johnson et al, 2008 ; Studerus et al, 2011). La prévalence des HPPD strictes ne peut être estimée. D’ailleurs, concernant la consommation de champignons hallucinogènes, un seul cas clinique a été rapporté (Espiard et al, 2005). Un résumé de ce cas clinique est proposé en annexe.

Les décès indirects, liés aux traumatismes lors des hallucinations, à l’altération de la perception, aux émotions intenses et aux comportements dangereux existent

(Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Tyls et al, 2014). Etant répertoriée uniquement dans le cas où la consommation de champignons était connue, leur fréquence n’est pas exploitable. Ces décès consécutifs à la prise de champignons sont le plus souvent liés à une défenestration, lorsque le sujet essaie de voler par exemple, ou à un suicide (Tyls et

al, 2014 ; Van Amsterdam et al, 2011). Les suicides peuvent être dus à une remise en

cause de la conception du monde et de lui-même par l’individu, au moment de son expérience psychédélique (Postel, 2011). D’autres accidents sont aussi retrouvés comme des automutilations (Van Amsterdam et al, 2011).

Les intoxications mortelles dues à l’ingestion massive de champignons hallucinogènes sont extrêmement rares et dues à une association avec d’autres drogues, souvent l’alcool (Lim et al, 2012 ; Van Amsterdam et al, 2011). La dose létale supposée chez l’adulte est de l’ordre de dix-sept kilogrammes de champignons frais. En général, les vomissements spontanés sauvent la victime. Seulement trois cas ont été décrits dans la littérature, toutes espèces considérées.

Ainsi, des cas d’infarctus du myocarde ont été notés, la psilocine entraînant une toxicité cardiovasculaire comme des arythmies, des syndromes coronaires aigus et des cardiomyopathies liées aux catécholamines (Lim et al, 2012 ; Van Amsterdam et al, 2011). Elle provoque aussi des défaillances touchant divers organes, liées à une stimulation catécholaminergique excessive.

Des effets neurotoxiques ont été rapportés, comme une perte de connaissance associée à des convulsions (Courtecuisse et Deveaux, 2004 ; Heim et al, 1966 ; Pierrot

et al, 2000). Un cas de rhabdomyolyse, ayant entraîné une insuffisance rénale aiguë, a

été décrit suite à l’ingestion de Psilocybe cubensis chez un homme consommant de multiples drogues et présentant une hépatite virale de type C (Bickel et al, 2005).

Parmi les effets indésirables bénins, chez un sujet prédisposé, la psilocine peut entraîner une hypertension et de la tachycardie (Tyls et al, 2014). Théoriquement, à très forte dose, elle peut engendrer un syndrome sérotoninergique caractérisé par un coma, une hyperthermie et une insuffisance respiratoire, mais aucun cas n’a été recensé (Tyls

et al, 2014).

Après la consommation de psilocybine, les sujets se plaignent de maux de tête, mais aussi de symptômes de fatigue ou d’asthénie (Studerus et al, 2011). Ces derniers effets indésirables disparaissent dans les vingt-quatre heures après l’ingestion. Des

troubles du sommeil sont généralement présents et sont résolus dans les douze heures qui suivent la prise (Van Amsterdam et al, 2011).