5.1. D’une relative transparence (ce qui est divulgué)…
5.1.1. La période d’adaptation, étape essentielle
La période de l’adaptation à la crèche correspond aux premiers jours de l’accueil dans l’établissement collectif. Le plus souvent elle dure une semaine mais elle peut se prolonger en fonction du besoin de l’enfant, de la demande des parents ainsi que de celle des professionnelles.
Au cours de ces jours d’acclimatation les parents sont très présents au sein de la structure collective. L’adaptation se fait de manière progressive. En théorie, elle se déroule de la manière suivante : le premier jour une heure en présence du parent, le deuxième jour deux heures en présence du parent, le troisième trois heures avec une demi heure de séparation enfant-‐parent et ainsi de suite. Tous les parents interrogés mettent en avant l’importance de ces étapes d’intégration. Elles leur ont permis de percevoir le déroulement d’une journée et d’apprendre à connaître les auxiliaires qui vont s’occuper de leurs enfants.
Soutien à la parentalité : Le quotidien des crèches ?
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Madame THOMAS « Ce que j’ai vraiment bien aimé c’est la… même si ça prend du temps mais je pense que c’est important de le faire c’est l’intégration de l’enfant, cette semaine qui se passe et qui fait qu’après toutes les relations et les échanges sont facilités de par cette semaine là. Et puis oui, moi je pense que c’est important la transmission d’informations et puis que nous aussi on transmette l’information, à savoir le matin au personnel pour que ça se déroule mieux ».
Confier son enfant n’est pas une chose facile lorsqu’on se place du point de vue parental.
C’est pourquoi établir un lien de confiance avec les familles est primordial pour les structures d’accueil en début d’année, d’où l’intérêt de la période de l’adaptation. « Il est important de privilégier des facteurs propices à la formation de liens de confiance entre parent et éducatrice »52. A l’occasion de l’adaptation, la proximité instaurée entre la famille et l’équipe encadrante permet de créer ce lien de confiance. Les parents ayant un regard plus clairvoyant sur ce qui se passe à l’intérieur de la crèche peuvent ainsi confier leur enfant plus aisément.
De la part de l’équipe de la crèche, tout est organisé en début d’année pour proposer les conditions d’accueil les plus souples possibles afin de s’adapter aux rythmes de chacune des familles.
Journal de terrain : 10/10/2012, les bébés (le soir)
Elise m’explique que les adaptations se passent vraiment selon les besoins et les contraintes de chaque parent. Elles prennent le temps d’en discuter avec eux puis s’organisent. Chaque auxiliaire s’occupe de son groupe d’enfant et organise ça directement avec les parents ce qui est un changement cette année. Avant les adaptations étaient programmées par la directrice mais au cours d’un travail l’année passée, l’équipe a convenu qu’elle travaillerait différemment cette année car les besoins ne sont pas les mêmes selon les parents. Le projet a donc été réfléchi. En effet avant le premier jour c’était une heure, le deuxième deux heures avec une séparation... de manière très rigide alors que certains ont besoin de quinze jours d’adaptations, pour d’autres parce qu’ils ont des contraintes ça doit être fait en trois jours, l’équipe s’adapte.
Il est essentiel de la part de l’équipe de la crèche de proposer un univers accueillant pour les nouvelles familles qui se présentent à la crèche car l’information que se procure un acteur
52 BRUNSON, Liesette, « Réflexion sur le rôle des services de garde éducatifs dans la routine quotidienne des familles », in CANTIN, Gilles, BIBRAS, Nathalie, BRUNSON, Liesette (dir), Services de garde éducatifs et soutien à la parentalité, La coéducation est-‐elle possible ?, Presses de l’université du Québec, Québec, 2011, p.33.
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63 sur ses interlocuteurs est décisive, « c’est à partir de cette information initiale qu’il entreprend de définir la situation. {…} Dans la vie quotidienne les premières impressions sont fondamentales »53. C’est pourquoi le cadre de l’arrivée à la crèche est pensé et évolue, comme l’explique Elise, de manière à ce que l’impression des nouveaux parents qui intègrent la structure soit la meilleure possible.
Tout est mis en œuvre et réfléchit de manière à ce que les parents se sentent intégrés rapidement dans cette nouvelle structure, la place et le rôle de chacun est pensé afin que les relations se construisent le plus rapidement possible.
Journal de terrain : 10/10/2012, les bébés (le soir)
Carole m’explique que cette année après en avoir discuté en réunion d’équipe, il a été décidé que l’éducatrice de jeunes enfants passerait plus de temps chez les bébés pendant les adaptations. Ceci n’était pas le cas les années passées car il y avait souvent besoin de renforcer l’équipe chez les moyens. Mais les éducatrices se sont rendues compte qu’après elles arrivaient chez les bébés plus tard dans l’année sans les connaître ni jamais avoir vu leurs parents, alors que c’est vraiment pendant les adaptations que les parents ont du temps pour rester un peu à la crèche et discuter avec les professionnelles. Elle m’explique que le lien était plus compliqué. Du coup, cette année elle est très présente chez les bébés depuis le début des adaptations, ce qui est d’autant plus important parce que les professionnelles chez les bébés n’en ont jamais pris en charge avant.
En effet, « s’il est vrai que la définition initiale de la situation projetée par un acteur tend à régler le déroulement de la coopération qui s’ensuit, il faut insister par conséquent sur l’aspect dynamique de l’interaction »54. Les professionnelles sont impliquées dès que possible dans l’intégration des familles à la crèche afin d’assurer la construction d’une relation de confiance durable. L’équipe s’organise pour que tout le personnel puisse être au contact des parents dès leur arrivée et ainsi faciliter la suite des évènements.
Au cours des observations menées au mois de septembre, nous avons pu observer les échanges les plus complets entre parents et professionnelles par rapport à l’ensemble des échanges observés dans la totalité. Au mois de septembre du temps est accordé à chaque
53 GOFFMAN, Erving, La mise en scène de la vie quotidienne, Les relations en public, Les éditions de minuit, Paris, 1996, p19.
54 Ibid., p21.
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famille notamment au moment des transmissions, ceci est moins le cas dans les observations du mois de janvier suivant. L’attention particulière portée aux préoccupations des parents demeure au cœur des transmissions.
Journal de terrain : 27/09/2012, les grands (le matin)
9h45 : Un papa amène son fils, Medhi, à la crèche. Medhi vient également d’intégrer la crèche et son adaptation se passe plutôt bien. Cependant le papa est inquiet parce qu’il trouve que son fils ne mange pas assez à la crèche. Il en discute avec Marion. Il explique à Marion que si ça continue comme ça il préférerait le reprendre à la maison (le papa ne travaille pas) car pour lui c’est important qu’il mange bien. Marion se montre très rassurante en lui disant que ça va s’arranger que Medhi découvre la crèche, que ça se passe très bien pour lui et qu’elle n’est pas du tout inquiète, ça fait seulement partie de son adaptation. Avant de partir, le papa dit aussi à Marion qu’il préférerait que Medhi dorme avec son pantalon à la sieste plutôt qu’en body parce qu’il a peur qu’il ait froid. Le papa de Medhi dit au revoir et s’en va. Marion m’explique que c’est un papa qui s’est occupé de son fils depuis qu’il est né car il ne travaille pas mais la maman si. Il est très protecteur avec son fils et inquiet en ce début de séparation. Marion me dit que c’est un petit garçon qui va très bien et qu’il va certainement s’habituer très vite à la crèche, il s’agit juste des difficultés du début.
« La société est fondée sur le principe selon lequel toute personne possédant certaines caractéristiques sociales est moralement en droit d’attendre de ses partenaires qu’ils l’estiment et le traitent de façon correspondante »55. On constate par conséquent que l’élaboration des premiers contacts entre la structure d’accueil et la famille a toute son importance dans la poursuite de la relation parents-‐professionnelles tout au long de l’année.
L’empathie est une des qualités nécessaires à utiliser pendant cette période très chargée émotionnellement pour les familles. L’écoute et l’attention qui leurs sont dévolues sont déterminantes pour la suite des évènements. Cette application à entrer en relation avec les parents est précieuse pour gagner la confiance nécessaire pour un partenariat harmonieux.
Une fois cette période de début d’année passée, il demeure important, pour la viabilité de cette relation, que les conditions d’accueils paraissent le plus souple possible et que les lieux d’accueils et en particulier l’atmosphère qui y est présenté prolongent cette première sensation vécue par les familles.
55 Ibid., p.21.
5. L’accueil : un monde du contact ambivalent
65 5.1.2. Une ambiance qui parle d’elle même
Les salles qui accueillent les enfants tous les jours sont aménagées de manière à ce qu’elles soient le plus adaptées à l’accueil d’un groupe de jeunes enfants. A cela s’ajoute la maitrise des lieux des professionnelles qui travaillent, à en faire un espace chaleureux et accueillant.
Les parents sont sensibles à cet état de fait, ils en font d’ailleurs mention quand nous leur demandons de nous décrire l’ambiance à l’accueil tout spécifiquement dans la salle des bébés. Chez les grands, leur autonomie de mouvements et leurs jeux de prédilection permettent moins de gérer cette ambiance apaisée lorsque les parents arrivent matin et soir.
Madame VINOIS « Dans la salle où il y a les petites, calme, agréable… très petit cocon comme ça, j’adore. Il y a des belles couleurs, c’est chaleureux, j’adore. Je trouve qu’il y a une super ambiance, les enfants n’ont pas l’air trop nerveux, ni le matin, ni le soir, même s’il y a des moments où ils sont un peu nerveux, c’est cosi ».
Chez les grands, l’agitation présente à chaque séance d’observation sous entend malgré tout la liberté qui est donnée aux enfants dans la poursuite de jeux libres. En effet, ceux-‐ci sont particulièrement promulgués dans les pédagogies nouvelles afin qu’ils puissent développer leur autonomie et leur imagination à leur rythme et à travers les objets qui leur font sens. La promotion d’une pédagogie adaptée aux besoins des plus grands est tout à fait visible, les parents la constatent de visu.
La place des enfants est réfléchie ainsi que les différents « coins » de jeux installés pour les enfants de manière à ce que l’ensemble du décor soit le plus harmonieux possible. Nous pouvons trouver un coin lecture, un coin cuisine, un coin petites voitures, un coin motricité, un coin jeux sur table… En effet, nous avons pu observer que tous les soirs les auxiliaires rangent la salle, lavent les jeux et font le ménage nécessaire. L’installation de la salle est quelque chose de réfléchit et d’organisé.
Madame ANGUISE « C’est toujours propre, c’est décoré, ça, ça m’a frappée parce que c’était pas forcément le cas dans l’ancienne crèche et ils changent les décors en fonction des saisons.
Enfin je l’ai repéré au moins une fois… Et puis après là c’est pareil ça va dépendre un peu des heures mais si j’arrive tôt il y en a partout mais si j’arrive tard c’est rangé. Voilà ils font attention à ce qu’il n’y en ait pas partout non plus mais quand il y a les enfants on ne les
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empêche pas de jouer. Voilà je pense qu’ils sont bien ».
Tous les matins la première auxiliaire qui prend son service réinstalle les lieux de la même manière afin que les repères soient gardés. « Dans nombre de décors d’interaction, certains des participants coopèrent en tant qu’équipe ou bien se trouvent placés dans une situation où ils dépendent de cette coopération pour maintenir une définition particulière de la situation »56. Ainsi, chacun a sa place dans cet univers créé à cet effet et les repères facilitent l’adaptation à la vie en collectivité. Ceci rassure les familles et permet par conséquent de faire perdurer la relation de confiance travaillée dès le début du contact dans la structure d’accueil. C’est d’ailleurs en partie une des raisons pour laquelle l’amplitude horaire totale de la crèche Les Petits Matelots est de 6h30-‐18h45 alors que les horaires d’accueil sont 6h45-‐18h30. Ce temps d’installation est complètement intégré dans la journée de travail des professionnelles car estimé comme indispensable dans le cadre de l’accueil des familles.
Par ailleurs, et tout particulièrement dans la salle des bébés, nous avons pu observer que les parents peuvent rester autant de temps qu’ils le souhaitent le soir quand ils viennent chercher leur enfant. Ceci leur permet de jouer un peu avec lui et de partager un moment avec les professionnelles.
Madame LEBLANC « C’est vrai qu’après il n’y a pas forcément grand chose de nouveau à dire parce que les journées se passent bien et Guénolé est très rythmée mais voilà, moi c’est un moment où effectivement, enfin ma fille a passé le plus clair de son temps de la journée ici et moi j’aime bien discuter ou même demander à l’auxiliaire comment s’est passée la journée avec les autres enfants ou comment ça va, voilà. Mais peut-‐être aussi que c’est parce que j’ai le temps de le faire ».
-‐ Ca vous prend combien de temps plus ou moins ?
Madame LEBLANC « … Peut-‐être vingt-‐vingt-‐cinq minutes (rires) ».
Lorsqu’on observe l’accueil du soir chez les bébés, les parents prennent leur temps, il arrive de les voir rester jusqu’à vingt cinq minutes dans la pièce. Parfois lorsqu’ils entrent et que leur bébé dort encore, ils attendent dans la salle tout en discutant avec le personnel.
Néanmoins, il est important de signaler que certaines familles ne restent jamais plus de quelques minutes. Il s’agit la plupart du temps des familles issues des classes les plus
56 Ibid., p.91.
5. L’accueil : un monde du contact ambivalent
67 défavorisées, elles sont moins en demande de renseignements que les autres aux vues de nos observations.
Journal de terrain : 01/02/2013, les bébés (le soir)
17h53 : La mère d’Alou arrive. Alou dort dans un transat. Elle le prend dans les bras. Elise lui dit qu’il a passé une très bonne journée et qu’il a bien joué avec ses copains. Elles se disent au revoir. A 17h54, la maman et son fils quittent la salle des bébés.
Cette ambiance présente au moment de l’accueil du matin et du soir a une influence sur la manière dont les parents vont envisager le temps de cette séparation.
5.1.3. « Tout va bien » : rythme biologique et activités
Comme nous l’avons expliqué dans le premier chapitre, des supports existent pour permettre aux professionnelles de la petite enfance de faire des transmissions les plus exhaustives possibles.
A la crèche Les Petits Matelots, il y a les feuilles de transmissions et chez les bébés il existe en plus comme support la feuille de rythme. Dans cette dernière, il est possible de noter les repas, les heures de sieste, les changes et les activités de la journée heure par heure. La feuille de rythme est un complément à la première car elle permet de s’adapter de manière plus minutieuse au rythme individuel de chaque bébé. En effet, elle met en valeur leur rythme biologique. Elle est donc dans un sens une répétition plus visuelle de la feuille de transmission car il s’agit de colorier des cases qui représentent toutes les heures de la journée. Il s’agit des informations qui sont transmises directement aux parents oralement que se soit chez les bébés ou chez les plus grands.
Madame THOMAS « Quel type d’information je reçois ? On me parle de ce qu’elle a mangé, de son repas à midi, quatre heure, du temps qu’elle a dormi à la sieste et puis l’ensemble des activités qu’elle a faite, ça c’est plus ou moins détaillé ».
Transmettre et donner de l’importance à ces informations concernant le rythme biologique des enfants correspond à une caractéristique des professionnelles de la petite enfance et en particulier des auxiliaires de puériculture. En effet, il s’agit de renseignements qu’elles maitrisent tout particulièrement car il s’agit de leurs compétences principales. En tant que personnel paramédical, les auxiliaires de puéricultures doivent connaître les rythmes d’un
Soutien à la parentalité : Le quotidien des crèches ?
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enfant, ses apports alimentaires, ses besoins en sommeil. D’après le code de la santé publique les auxiliaires de puériculture doivent réaliser en collaboration avec l’infirmier et sous sa responsabilité des activités d’éveil et d’éducation et dispenser des soins d’hygiène et de confort pour préserver et restaurer la continuité de la vie, le bien-‐être et l’autonomie de l’enfant57. Les auxiliaires sont formées à observer l’enfant et à mesurer les principaux paramètres liés à son état de santé et à son développement.
Tout au long de notre période d’observation, à chaque accueil, ces données ont été transmises aux parents. De la même manière que le matin lorsque les parents viennent déposer leur enfant, il leur est demandé s’ils ont bien dormi et bien mangé.
Journal de terrain : 11/10/2012, les bébés (le matin)
9h05 : Antonin arrive avec sa maman. Elle nous dit bonjour. « Tout va bien », il s’est réveillé vers 7h30. Elle installe Antonin sur le tapis. Elise lui demande qui viendra le chercher ce soir.
Elle ne le sait pas encore, elle précise que si c’est elle ce sera vers 18h30, si c’est son mari ce sera vers 18h00. Elle lui fait un bisou, nous informe qu’il n’a pas eu de selles le matin puis nous dit au revoir et bonne journée. Elle s’en va.
En dehors de ces informations, la phrase récurrente de ces transmissions est le « tout va bien » ou « il a passé une bonne journée ». Une sorte de ritournelle répétée par chacun des acteurs. Parents et professionnelles s’unissent pour s’entre informer que « tout va bien ».
« Quoi qu’elle puisse nous apprendre au sujet de ces acteurs, cette manière d’agir a, la plupart du temps, essentiellement pour but d’offrir une définition favorable du service ou du produit qu’ils fournissent »58. Il s’agit d’un échange totalement ritualisé, « le contact peut avoir lieu parce que c’est le dessein avoué et déterminant de l’un ou des deux individus d’accomplir un rituel confirmatif »59.
Ce rituel agit de manière à maintenir un ordre social au sein de l’établissement. « On peut avancer que les normes ou les règles empiètent sur l’individu de deux façons différentes : en tant qu’obligations qui exigent qu’il fasse (ou s’abstienne de faire) quelque chose quant aux
57 Code de la Santé Publique articles R.4311-‐1 à R.4311-‐15.
58 GOFFMAN, Erving, La mise en scène de la vie quotidienne, La présentation de soi, Les éditions de minuit, Paris, 1987, p.79.
59 Ibid., p.81.
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Même si quelques détails sont ajoutés, l’information essentielle que l’on peut mettre en évidence à chaque transmission de la part des parents le matin ou des professionnelles le
Même si quelques détails sont ajoutés, l’information essentielle que l’on peut mettre en évidence à chaque transmission de la part des parents le matin ou des professionnelles le