4.3. Un dispositif maitrisé
4.3.2. Une mise à distance
A travers ces six entretiens, il apparait que pour toutes ces familles issues des mêmes catégories sociales la prise en charge en terme de soutien à la parentalité dont elles ont besoin est consciente et éclairée.
Elle savent prendre du recul sur ce qui leur est proposé par les acteurs qui gravitent autour d’elles.
Madame LEBLANC « J’ai beaucoup vu la pédiatre. J’ai beaucoup vu la pédiatre parce qu’elle avait des problèmes de régurgitation importants donc… et j’y allais en espérant que la pédiatre allait trouver quelque chose, enfin voilà quelque chose pour la soulager. Et c’est là aussi que j’ai commencé à comprendre que non, enfin voilà ce sont des phases qui sont très difficiles mais qu’en fait ça se réglera plusieurs mois après naturellement parce qu’il y aura la position assise et c’est aussi comme ça que j’ai vu qu’il y avait pas mal de choses qui étaient empiriques. il faut juste que je m’adapte voir si ça fonctionne comme ça mais il n’y a pas de réponse toute faite, en fait pour chaque bébé la situation est différente ».
C’est d’ailleurs pourquoi toutes ces familles sélectionnent leur interlocuteur en fonction des interrogations qu’elles se posent. L’équipe de direction est d’une manière générale tenue à l’écart dans leur relation à l’institution car considérée comme du personnel administratif et l’intérêt porté aux auxiliaires directement en contact avec leurs enfants au quotidien est mis en valeur.
Par ailleurs, à la question « quelles difficultés rencontrez-‐vous dans votre rôle de parent ? », tous les parents interrogés ne disent pas qu’ils sont en difficulté du point de vue de la gestion de la famille. Ils évoquent pour quelques uns des problèmes du quotidien comme par exemple la gestion de la nuit ou encore la question de la diversification alimentaire. Ce sont des difficultés ponctuelles qui se règlent généralement assez rapidement liées au développement de leur enfant. Ils ne rangent d’ailleurs pas ces questions là dans la catégorie difficulté.
Madame THOMAS « C’est une bonne question (rires)… C’est vrai qu’il n’y a pas de grande difficulté mais oui… des difficultés sur des…, sur l’opposition, sur des petites choses comme ça mais pas… En ce moment elle pousse un peu, à la crèche je sais qu’elle s’affirme vraiment beaucoup mais sinon ça se passe bien ».
4. Les usages du soutien à la parentalité
Soutien à la parentalité : Le quotidien des crèches ?
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On peut constater que dans ce cas précis, une prise de recul est faite par les parents. Cette prise de décision n’était pas tout à fait adaptée à leur situation particulière car plus qu’un problème de difficulté face à leurs enfants, c’est essentiellement un manque de temps pour s’organiser qui se présente. En outre, ils ont eu la maitrise des évènements suivants. « Dans la relation tripartite qui unit l’enfant, le (ou les) parent(s) et les professionnels, le terme de
« coopération » permet de désigner aujourd’hui avantageusement la relation parent(s) et professionnels, et celui de « suppléance », la relation entre l’enfant et les professionnels.
Cette notion de coopération souligne ainsi cette transformation du rapport aux parents, de même qu’elle met l’accent sur le fait que ceux-‐ci ne sont jamais totalement assujettis au dispositif institutionnel, qu’ils restent capables de mobiliser leurs ressources, même réduites, afin d’élaborer de véritables stratégies »50.
Les parents des familles plus favorisées savent quand et comment tirer bénéfice des compétences des structures d’accueil mais aussi s’en détacher lorsqu’ils estiment que d’autres alternatives sont plus intéressantes pour leur situation individuelle.
4.4.Conclusion
Les familles issues des milieux populaires sont les cibles directes du soutien à la parentalité.
Les acteurs de l’institution de la crèche n’hésitent pas à proposer des dérogations, des adaptations à tous les cas particuliers qu’elle rencontre. En outre, elle promeut la mixité sociale en faveur du soutien à la parentalité. Ces populations plus défavorisées socialement subissent ce contrôle exercé par le soutien à la parentalité tel qu’il est exercé dans les structures d’accueil du jeune enfant. Mais les familles issues des catégories moyennes et supérieures savent tirer profit de cette nouvelle fonction de la crèche et en font une utilisation indirecte. Il s’agit d’un détournement du soutien à la parentalité de la part de celles-‐ci. Ces familles savent également prendre un certain recul vis-‐à-‐vis de l’institution et prendre d’autres points de vue, voire faire selon leur propre considération. Autrement dit, ils ont une maitrise de ce contrôle des pouvoirs publics qui passe par le soutien à la parentalité et de ce qui se passe au sein de leur foyer. On constate en effet à travers cette enquête la
50 PIOLI, David, op. cit., p.5.
4. Les usages du soutien à la parentalité
59 maitrise du choix de l’interlocuteur pour le deuxième groupe de parents alors qu’il reste beaucoup plus imposé dans le cas des familles défavorisées. Mais il s’agit également d’une population qui, malgré l’appel des politiques à prendre en charge toutes les familles, est cependant beaucoup moins visée par ce dispositif, d’où un détournement plus aisé. « Le soutien à la parentalité renvoie à deux axes. Le premier est un axe horizontal qui propose une action globale à destination de toutes les familles. Le second axe est un axe vertical qui correspond à une perspective s’appuyant sur des populations cibles »51.
51 Ibid., p.6.
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