Le soutien à la parentalité fait aujourd’hui partie des pratiques professionnelles des institutions en contact avec des familles ayant de jeunes enfants. On entend ici par parentalité « l’ensemble des savoir-‐être et des savoir-‐faire qui se déclinent au fil des situations quotidiennes en paroles, actes, partages, émotions et plaisirs, en reconnaissance de l’enfant, mais également, en autorité, exigence, cohérence et continuité »1. Le soutien signifie, quant à lui, l’accompagnement apporté aux familles au sein de leurs pratiques professionnelles. Dans le cadre des structures d’accueil du jeune enfant, les professionnelles2 de la petite enfance sont amenées à rencontrer matin et soir, les parents des enfants qu’elles prennent en charge d’où l’intérêt d’aller voir ce qui est réalisé à ce sujet au sein de ces établissements.
L’objectif de ce travail de recherche est d’étudier ces relations parents-‐professionnelles lors des moments d’accueil et la manière dont le soutien à la parentalité est diffusé par ce biais.
Il s’inscrit dans la continuité du travail de recherche de master un qui avait analysé les pratiques professionnelles en ce qui concerne le soutien à la parentalité. Les entretiens menés auprès de sept professionnelles (puéricultrices, éducatrices de jeunes enfants, agents d’accueil petite enfance et psychologue) avaient montré que le temps des transmissions quotidiennes avec les parents, lorsqu’ils viennent déposer ou récupérer leurs enfants, est un moment adéquat pour soutenir et aider les parents dans leur fonction parentale compte tenu du fait qu’il n’y a pas réellement d’autre temps consacré à cette pratique professionnelle en raison des nombreuses contraintes horaires existant dans ces établissements.
Ce mémoire a pour ambition de répondre à la question de la pratique du soutien à la parentalité, à propos de la manière dont il est mis en place et pratiqué dans la relation entre parents et professionnelles au moment de l’accueil dans les structures d’accueil du jeune enfant, ainsi que de comprendre les enjeux de cette relation au moment des transmissions
1 Définition issue du rapport Région Nord-‐Pas de Calais (2004) -‐ Lecluse et Wacquet proposée par Lesquin (1999) lors d’une conférence sur « Le soutien et l’accompagnement de la fonction parentale ».
2 Le terme professionnelle sera employé au féminin tout au long de ce mémoire du fait du terrain d’enquête où seules des femmes travaillent.
Soutien à la parentalité : Le quotidien des crèches ?
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de l’accueil en crèche. Il tentera de répondre aux interrogations suivantes : Comment ces relations se construisent-‐elles et dans quel but ? Comment les professionnelles de la petite enfance accueillent-‐elles les parents en crèche ? Quelles sont les préoccupations et les attitudes des parents lorsqu’ils sont face à des professionnelles de la petite enfance ?
Notre premier axe consiste à analyser la diffusion du soutien à la parentalité dans les crèches et à la manière dont les parents le reçoivent. Nous proposons comme hypothèse centrale que suivant la catégorie socioprofessionnelle des parents, les usages du soutien à la parentalité sont différents. Pour ce faire nous prendrons comme champ analytique la sociologie de la famille qui cherche à connaître et à faire comprendre ses manières d’agir en étroite relation avec les autres activités sociales, une société donnée qu’elle rencontre à un moment donné. Selon Gérard NEYRAND « cet investissement par le discours public du terme parentalité, jusqu’alors réservé à des spécialistes de certaines sciences humaines (anthropologie, psychanalyse, sociologie), est révélateur de l’importance des mutations qui bouleversent le fonctionnement de la sphère privée et interpellent les pouvoirs publics quant à la gestion qu’ils doivent effectuer de la question familiale, de plus en plus recentrée sur la question parentale »3. La notion de contrôle de la famille est bel et bien sous-‐jacente lorsqu’on s’intéresse à la notion de soutien à la parentalité, en effet « les pouvoirs publics sont de plus en plus tentés par les mesures d’encadrement-‐contrôle plutôt que celles de soutien-‐accompagnement »,4 d’autant plus lorsqu’il s’agit de se confronter aux conditions de vie des familles précarisées. Serge LEBOVICI définit « la parentalité comme le produit de la parenté et aussi le fruit de la parentalisation des parents ». « Le phénomène humain de la parentalité nécessite un encadrement, un accompagnement que facilite la compréhension de cette « étrange naturalité ». Ce cadre serait par définition la culture et le groupe social qui accompagnent la mère et le père dans le processus de « parentalisation » »5.
Notre deuxième axe est d’étudier plus précisément les interactions parents-‐professionnelles ayant lieu au moment de l’accueil du matin et du soir. Nous posons comme hypothèse principale pour cette seconde partie que les enjeux des différents acteurs au moment de
3 NEYRAND Gérard, Soutenir et contrôler les parents, Toulouse, Erès, 2011, p.7.
4 Ibid., p.144.
5 SOLIS-‐PONTON, Leticia, « Sur la notion de parentalité développée par Serge Lebovici », Spirale, 1/2001 (no 17), p. 135-‐141.
1. Introduction
13 l’accueil influent sur les informations transmises entre les parents et les professionnelles.
Nous nous appuierons sur le mouvement interactionniste issu de l’école de Chicago qui a ici toute sa place dans l’analyse des données récoltées. En effet, il nous semble important d’insister sur la complexité des rôles de chacun des acteurs de ces interactions6qui a été étudiée par les nombreux sociologues appartenant à ce courant. Les individus sont les producteurs de leur propre action et signification. Bien que vivant dans un même cadre social, chaque acteur social donne un sens individualisé à l'action, selon les circonstances, aux objets et aux situations qui caractérisent ce cadre social ou environnement matériel.
Ainsi, grâce aux observations menées dans une structure d’accueil du jeune enfant, aux entretiens informels avec le personnel de celle-‐ci et les entretiens avec les parents, nous souhaitons mettre à jour ce qui se joue au cœur de cette relation parents-‐professionnelles dans cette institution donnée, mais aussi et plus précisément dans quelle mesure le soutien à la parentalité y a sa place et y prend sens.
Ce mémoire est divisé en deux parties. Les chapitres un et deux consisteront, tout d’abord, à faire un retour historique sur la place des parents à travers l’évolution des modes de garde tels qu’ils ont été pensés depuis les « poêles à tricoter », en passant par les salles d’asiles jusqu’à l’ouverture des premières crèches ainsi qu’à l’explication de l’enquête de terrain.
Ensuite, dans une deuxième partie composée des chapitres trois, quatre et cinq, le but est d’analyser les données qui ont été apportées par cette enquête. Nous aborderons, les différentes pratiques existant en terme de soutien à la parentalité en crèche dans le chapitre trois. Dans le quatrième chapitre, nous nous intéresserons plus particulièrement aux interactions parents-‐professionnelles et aux enjeux qui les sous-‐tendent. Pour terminer, dans une cinquième partie, nous essayerons de discerner la réelle place accordée au soutien à la parentalité dans les structures d’accueil du jeune enfant.
6 GOFFMAN, Erving, Les cadres de l’expérience, Les éditions de minuit, Paris, 1991.
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