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1.2 Le mode EFM

1.2.4 Modélisation de l’interaction électrostatique

Nombreux sont les groupes de recherche qui se sont penchés sur l’évaluation quantitative des forces d’interaction électrostatiques entre une sonde AFM et une surface [42, 40, 39].

Ainsi qu’il l’a déjà été évoqué, la détermination quantitative de charges impose une modélisation de l’interaction sonde-surface. Au vu des géométries de la sonde et de la surface, cette modélisation peut être laborieuse, nous allons donc tenter de faire des approximations et de les justifier. En premier lieu et afin d’avoir une symétrie de révolution, l’angle que fait le grand axe du cantilever avec le plan horizontal de la surface (soit une dizaine de degrés) est négligé. Ensuite, la surface est considérée dans un premier temps comme assez peu rugueuse, telle qu’elle puisse être approximée par un plan infini. De plus, la face arrière de l’échantillon est considérée comme métallique.

L’interaction sonde-surface, aux altitudes usuelles où est enregistrée la phase, ne peut se réduire à l’apex de la pointe seule. Il faut prendre en compte toute la pointe et modéliser sa forme pour établir une expression de la capacitance pointe-surface. Les géométries de la pointe testées vont de la plus simple à la plus fidèle de celle de la forme réelle : le plan, la sphère, le cône et le cône tronqué par une sphère. Il s’agit de déterminer la capacité de chacune de ces géométries, ou plus exactement de la dérivée seconde de la capacité car c’est elle qui est proportionnelle au gradient de force électrostatique qui est réellement mesuré (cf. éq. 1.29). Les différentes géométries, ainsi que les définitions des dimensions employées, sont résumées sur la figure 1.17. Pour la géométrie plan-plan, l’expression de la dérivée seconde de la capacité est :

Cpp′′(z) = 2ǫ0ǫr S

z3 (1.33)

où ǫr est la permittivité relative de l’air : ǫr ≈ 1. Pour simplifier les expressions, elle ne sera plus mentionnée par la suite.

La première dérivée de la capacité entre une sphère et un plan infini est donnée par E. Durand [43] :

Csp′ (z) = 4πǫ0 ∞ X n=1 coth α − n coth(nα) sinh(nα) (1.34) oùcosh α = 1 + z R. (1.35)

Elle s’approxime dans la limitez ≫ R par :

Csp(z) = −2πǫ0  R z 2 +  R z 3 + · · ·  . (1.36)

1.2. Le mode EFM

FIG. 1.17: Géométries pointe-surface pour la modélisation des forces capacitives. a) : Géométie plan-plan de

surface S. On néglige les effets de bords dûs à la surface infi nie en regard de la pointe. b) : Géométrie sphère-plan pour une sphère de rayonR. c) : Géométrie cône-plan pour un cône de hauteur H et de demi-angle d’ouverture θ. d) : Géométrie cône tronqué-plan. Le cône tronqué est constitué d’un cône de hauteur H et de demi-angle

d’ouvertureθ tronqué à son apex par une sphère de rayon R.

La dérivée seconde de la capacité est donc :

Csp′′(z) = 2πǫ0 z  2  R z 2 + 3  R z 3 + · · ·  . (1.37)

Dans le cas oùz ≪ R, ces expressions deviennent :

C′ sp(z) = −2πǫ0 R z (1.38) Csp′′(z) = 2πǫ0 R z2. (1.39)

Pour la géométrie cône-plan, toujours d’après E. Durand, la dérivée première de la capacité est :

Ccp(z) = −2πǫ0K2ln H

z (1.40)

oùK = 1

ln cot(θ/2) (1.41)

ce qui résulte en la derivée seconde :

C′′

cp(z) = 2πǫ0 K2

z . (1.42)

La capacité dans le cas de la géométrie cône tronqué-plan est plus compliquée, elle est expliquée en détails dans les travaux de S. Hudlet [44, 45]. Elle s’exprime comme la somme de la contribution de la fraction conique et de la fraction sphèrique de la pointe. Dans le cas des sondes AFM, le demi-angle d’ouverture du cône est faible, moins de 10◦ et l’expression de la capacité se simplifie. Finalement, on arrive à l’expression suivante pour la dérivée seconde de la capacité :

Cctp′′ (z) ≈ 2πǫ0  R2(2z + R) z2(z + R)2 + K 2 1 z + R+ R sin θ(z + R)2  . (1.43)

Chapitre 1. La Microscopie à Force Electrostatique

On peut vérifier qu’aux conditions limites on retrouve les expressions pour la géométrie sphère-plan (faible espacement) et la géométrie cône-plan (grand espacement). En effet, on trouve :

pourz ≪ R Cctp′′ (z) = 2πǫ0 R z2 ⇔ sphère-plan (1.44) pourR ≪ z ≪ H Cctp′′ (z) = 2πǫ0 k2 z ⇔ cône-plan (1.45)

La conditionz ≪ H s’assure que seule la pointe est en interaction avec la surface, au-delà le cantilever lui-même peut influencer le signal. Cependant cette situation ne risque pas d’être rencontrée, car en pra- tique la pointe mesure entre 15 et 20 microns de haut, or les distances de travail lors de l’enregistrement EFM n’excèdent pas les 300 nm.

L’allure de ces dérivées secondes de la capacité en fonction de l’espacement entre la pointe et la surface est comparée sur la figure 1.18. Pour tracer les courbes C′′(z), les paramètres géométriques

FIG. 1.18: Courbes C”(z) pour différentes géométries pointe-surface. Les paramètres géométriques sont les sui-

vants : hauteur du cône :H=15 µm, rayon de la sphère : R=35 nm, demi-angle d’ouverture du cône : θ = 10◦.

Le cantilever est modélisé comme un plan de dimensionsL × w = 100 × 35 µm2

. On peut remarquer que sa contribution en mode dynamique est négligeable.

suivants ont été employés : le rayonR de la sphère fait 35 nm, le cône a une hauteur de 15 microns, pour

un demi-angle d’ouverture de 10◦. Quant à la géométrie du condensateur plan-plan, deux situations ont été représentées : la première est celle du cantilever situé à une altitude H de 15 microns au-dessus de

la surface. La distance entre les deux plaques du condensateur est donc deH + z. H étant trois ordre

de grandeur supérieur à z, la contribution du cantilever au gradient de force est négligeable. B. Law

1.2. Le mode EFM

cas en régime statique, la contribution du cantilever n’est pas négligeable [46]. C’est là un avantage du mode dynamique qui, en étant influencé par le gradient des forces plutôt que par les forces elles-mêmes, localise l’interaction sur la pointe [40]. S. Belaidi et al. tirent les mêmes conclusions pour un modèle plus proche des conditions réelles, dans lequel le cantilever est incliné de 20◦par rapport à la surface [47].

La deuxième géométrie du condensateur plan-plan est une approximation à priori très simpliste de la géométrie de la pointe. Celle-ci est alors modélisée comme une des plaques du condensateur et sa surface est ajustée de telle manière que la dérivée seconde de la capacité concorde avec celle de la géométrie cône tronqué-plan à une altitudez = 100 nm. On trouve une surface de 1, 47×104nm2, ce qui correspond à un disque de 140 nm de diamètre environ, soit grossièrement la hauteur d’enregistrement du signal. A une hauteurz = 50 nm, la surface du condensateur plan-plan est réduite à 6, 26 × 103nm2, ce qui correspond à un disque de 90 nm diamètre. Tout se passe comme si seule la sphère à l’apex de la pointe, augmentée d’une petite partie du cône était en interaction avec la surface. Cela définit la résolution latérale du mode EFM. Ainsi une charge ponctuelle posée sur la surface, pour peu qu’elle soit détectée, produira un signal sur une centaine de nanomètres. Plus la sonde sera placée haute par rapport à la surface, moins bonne sera la résolution latérale. Inversement, à faible distance pointe-surface, les effets de la topographie risquent d’influer sur le signal EFM. L’approximation plan-plan n’est valable avec une surface donnée que dans une petite fenêtre d’une dizaine de nanomètres autour de l’altitude de 100 nm, mais elle nous permet de nous affranchir d’expressions compliquées pour la détermination quantitative des charges injectées.

Evidence numérique d’une interaction répulsive

Le modèle capacitif plan-plan est limité car de par la symétrie de ses électrodes, il ne fournit qu’une force attractive entre les deux armatures :F = −12∂z2C2 · V2. A titre indicatif, nous avons donc demandé

à des théoriciens de calculer numériquement la force subie par la pointe AFM en présence de charges piégées sur la surface. J.-P. Julien et M. Doom du Laboratoire d’Etudes des Propriétés Electroniques des Solides (CNRS) se sont attachés à résoudre ce problème [48]. Pour cela ils se sont basés sur le prin- cipe d’une distribution de charges équivalentes, ce qui permet de remplacer un conducteur en équilibre (la pointe) par un ensemble d’anneaux chargés à l’intérieur de celui-ci. Le plan conducteur est quant à lui modélisé par des charges images de signe opposé aux charges de la pointe et disposées symétrique- ment par rapport au plan réel. Les charges piégées à la surface (q0) sont disposées au-dessus du plan conducteur, et leur charge image est également prise en compte (voir figure 1.19a). Pour se convaincre de la possibilité d’une force répulsive, le problème a été simplifié en ne prenant qu’un seul anneau de chargeq pour modéliser la charge de la pointe. L’anneau implique une résolution avec une intégrale él-

liptique. Une résolution simple avec une charge ponctuelle est donnée dans l’annexe C. Le problème est résolu avec des points-test fixés à la surface de la pointe et maintenus à un potentiel fixe (arbitrairement

Chapitre 1. La Microscopie à Force Electrostatique

FIG. 1.19: Résolution numérique de la force électrostatique sur la pointe. a) : Schéma des charges équivalentes

disposées en anneaux dans la pointe. Les charges images sont dénotées−q1,−q2, etc. La charge supplémentaire

q0est disposée au-dessus du plan conducteur. Elle possède également une charge image. b) Evolution de la force

normale en fonction de la chargeq0sur la surface, pour une tension appliquée à la pointe de 1 V. Les paramètres

sont :h=50 nm, h0=20 nm et z =70 nm. Il apparait un domaine où cette force est positive, donc l’interaction entre

la pointe et la surface est répulsive. Les unités deq0sont normées :q0= 70 charges élémentaires. D’après [48].

1 V), puis en calculant la force exercée par le champ électrique environnant sur l’anneau de charge de la pointe. La force normale en fonction de la chargeq0 est représentée sur la figure 1.19b). Il apparait un domaine pour lequel la force est positive, donc répulsive. Ce domaine est limité par les pointsq0 = 0,3 et 0,525, correspondant à 21 et 37 électrons respectivement. Ce domaine répulsif est dû au fait que la charge image deq0dans la pointe n’est pas assez élevée pour compenser la chargeq. L’interaction se fait donc principalement entre la charge q de la pointe et la charge q0 de la surface. Toutes deux étant positives, l’interaction est répulsive.

Si ce résultat met à mal la modélisation par condensateur plan-plan, nous pouvons cependant com- menter la largeur du domaine pour lequel la force est répulsive. En effet, ce domaine existe sur une plage de 16 électrons, pour une hauteur de diélectrique de 20 nm et une hauteur de pointe de 50 nm. Or nous verrons dans la partie suivante que cette valeur est en limite de résolution de l’appareil. Par consé- quent, il ne nous est pas accessible en pratique. Par la suite, nous nous contenterons donc du modèle du condensateur plan-plan.

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