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Chapitre 4 Expériences de dépôt de charges par la pointe

4.2 Nanostructures de silicium lithographiées

4.2.1 Influence de l’épaisseur d’oxyde

Les épaisseurs d’oxyde qui nous ont été proposées sont de 5, 7 ou 400 nm. On s’attend à deux effets opposés liés à une épaisseur croissante d’oxyde : d’une part le champ électrique d’injection sera plus faible. Une différence de potentiel de 10 V appliquée entre une nanostructure de 20 nm de hauteur et une contre-électrode située sous 7 nm de diélectrique créera un champ électrique de4 · 108 V.m−1, tandis que si la couche isolante est de 400 nm, ce champ sera réduit à2 · 107 V.m−1. L’injection sera donc rendue plus difficile dans le cas de l’oxyde de 400 nm. Pour la détection en EFM, l’écrantage des charges déposées sera d’autre part moindre pour l’oxyde épais, car les charges images situées dans la contre-électrode seront renvoyées à plus grande distance. Ainsi qu’il a été montré dans la partie 1.2.5, plus l’écrantage est faible, meilleure est la sensibilité à la charge. En définitive, même si peu de charges sont injectées dans les nanostructures sur oxydes épais, la sensibilité devrait être meilleure.

Pour vérifier nos dires, nous avons procédé à des expériences de chargement identiques de -8 V pen- dant 5 secondes sur les deux types d’échantillons dont nous disposons. Le premier échantillon possède un oxyde mince de 7 nm, et des nanostructures en polysicilicium de 20 nm de hauteur et de diamètre variable. Le deuxième échantillon possède lui un oxyde épais de 400 nm et des nanostructures de si- licium monocristallines de 15 nm de hauteur environ. Nous avons choisi de travailler sur des plots de 75 nm de diamètre avec un espacement de 105 nm ou 225 nm. Les images AFM et EFM (enregistrées à 50 nm de hauteur) sont regroupées sur la figure 4.4. Que ce soit sur oxyde mince ou oxyde épais, les caractéristiques de chargement, mesurés par le signal EFM, sont semblables. Remarquons en premier lieu l’étalement du nuage de charge (fig. 4.4b et e) : il est toujours plus large que les nanostructures chargées. Cet étalement est dû au fait que la sonde détecte le champ électrostatique avant même de se trouver au-dessus de la nanostructure. Il définit la résolution de la mesure EFM. Nous constatons ici que le nuage de charge est plus large d’environ 50 nm, ce qui correspond bien à la résolution latérale qui avait été annoncée au chapitre 1, partie 1.2.5, pour une hauteur d’enregistrement de 50 nm. Plus cette hauteur est élevée, moins bonne est la résolution.

4.2. Nanostructures de silicium lithographiées

FIG. 4.4: Influence de l’épaisseur d’oxyde sur le chargement des nanostructures lithographiées. Les paramètres

d’injection sont -8 V/5 s. Figures du haut : échantillon avec un oxyde mince de 7 nm. a) : Signal AFM, topographie. b) : Signal EFM. c) : Profi l EFM sur le diamètre de la tache EFM. Figures du bas : échantillon avec un oxyde épais de 400 nm. d) : Signal AFM, topographie. e) : Signal EFM. f) : Profi l EFM sur le diamètre de la tache EFM. Les deux échantillons présentent les mêmes caractéristiques de chargement avec une variation de phase au maximum de 2 degrés environ.

la variation de phase engendrée par l’injection de charges dans les mêmes conditions est sensiblement la même : nous mesurons une variation maximale de 2◦. Afin d’analyser ce résultat, nous reprenons l’expression (2.4) de la chargeq détectée en fonction de la variation de phase δφ établie dans le chapitre 2.

Cette expression est :

q = v u u t δφ × k  z0+ǫ d SiO2 3 ǫ0(ǫSiO2)2S Qd2 , (4.6)

oùz0est la hauteur d’enregistrement du signal EFM etd est l’épaisseur de l’oxyde. A variation de phase constante, la charge est une fonction assez compliquée de l’épaisseur d’oxyde et de hauteur d’enregistre- ment :q ∝ (z0+ d/ǫSiO2)

3/2/d. Nous pouvons néanmoins estimer le rapport de charge détectée selon que l’oxyde est fin (7 nm) ou épais (400 nm). Avecz0=50 nm, ce rapport vaut 16. En d’autres termes, il faut 16 fois plus de charges piégées sur un oxyde fin de 7 nm pour générer une variation de phase simi- laire à un oxyde épais de 400 nm. Ce calcul est un peu grossier, car il ne prend pas en compte l’épaisseur de la nanostructure même qui mesure 20 nm. Si cette épaisseur est petite devant l’épaisseur de l’oxyde épais, elle ne l’est en revanche pas devant l’épaisseur de l’oxyde fin. Il faut compliquer le modèle de condensateur plan-plan avec la seule couche de SiO2, afin de rajouter une couche de silicium d’épaisseur d1 et de constante diélectrique ǫSi=12. L’expression de la charge en fonction de la variation de phase

Chapitre 4. Expériences de dépôt de charges par la pointe devient : q = v u u u u t δφ × kz0+ǫ d SiO2 + d1 ǫSi 3 ǫ0S Qǫ d SiO2 + d1 ǫSi 2 , (4.7)

Avec cette nouvelle expression, le rapport des charges détectées sur oxyde fin ou épais est ramené à 7 environ. Il y a donc sept fois moins de charges injectées dans les nanostructures sur oxyde épais.

La valeur du champ électrique lors de l’injection jouant de toute évidence un rôle dans le nombre de charges injectées, nous avons entrepris de déterminer le seuil à partir duquel nous pouvions détecter un signal EFM. Pour cela, nous avons conservé l’échantillon de nanostructures sur oxyde mince, et avons mené des expériences d’injection sous tension croissante sur les plots de 200 nm de diamètre et espacés de 300 nm. Les tensions employées ont été successivement -2 V, -3 V, -4 V, -5 V et -6 V, et le temps d’injection a toujours été de 10 secondes. Pour les quatre premières tensions, aucun signal EFM n’a pu être détecté, tandis qu’à -6 V la charge devient visible aussi bien en topographie qu’en phase. La figure 4.5 illustre ce phénomène. Jusqu’à -5 V, le signal EFM ne présente pas de variation significative : la phase ne dépasse pas sa limite de sensibilité de 0,8◦ environ (voir figure 4.5c). En revanche, à -6 V, ce seuil est franchi avec une variation de phase de 1◦ (figure 4.5e). Nous en déduisons qu’un champ électrique minimum de 2, 5 · 108 V.m−1 est nécessaire à l’injection des charges. Cette valeur élevée est surprenante, car elle est bien supérieure à la valeur du champ électrique appliqué pour injecter (et

FIG. 4.5: Seuil de tension pour l’injection des charges dans les nanostructures lithographiées. Figures du haut :

injection à -5 V/10 s. a) : Signal AFM, topographie. b) : Signal EFM. c) : Profi l EFM sur le diamètre de la tache EFM. Figures du bas : injection à -6 V/10 s. d) : Signal AFM, topographie. e) : Signal EFM. f) : Profi l EFM sur le diamètre de la tache EFM. Le seuil d’injection est défi ni à -6 V car c’est seulement au-delà de cette tension que le signal EFM dépasse sa limite de sensibilité de 0,8◦.

4.2. Nanostructures de silicium lithographiées

détecter) des charges dans des nanostructures posées sur un oxyde épais. En effet, une différence de potentiel de 10 V appliquée sur 420 nm équivaut à un champ électrique de2 · 107 V.m−1, soit un ordre de grandeur inférieur au champ déterminé ci-dessus. Il faut donc bien garder en tête que ce seuil d’injection est relatif au seuil de détection : en effet, sur un oxyde épais le nombre minimal de charges détectables est inférieur à celui d’un oxyde mince. Il est en réalité impossible d’affirmer catégoriquement qu’il existe un seuil en-deça duquel aucune charge n’est injectée, car nous sommes limités par la résolution instrumentale de la mesure. Nous pouvons tout de même faire l’hypothèse que le dioxyde de silicium déposé à la surface des nanostructures constitue une barrière de potentiel qui exige un tension minimale afin d’être surmontée. Afin de pousser cette étude plus loin, il serait nécessaire d’envisager de mesures sous vide avec des résolutions en gradient de force accrues, et donc la possibilité de détecter un seul électron.