• Aucun résultat trouvé

l’information : les modèles pécuniaires et non pécuniaires entre éthique et droit

4. Présentation des modèles de récompense

4.3 Modèles pécuniaires

Les modèles pécuniaires envisagent l’instauration d’instruments incitatifs au don d’organes de nature pécuniaire. Ils sont soit directs, c’est-à-dire ils

attri-104 Delmonico/Mor rissey/Lipko witz, et al., p. 1630.

105 Pour plus d’informations sur le système de la région 1 d’UNOS, cf.Delmonico/Mo rrissey/ Lipko-w it z, et al., p. 1628 ss.

106 Daar,Organ Procurement, p. 311.

107 ORe illy,Prisoner organ donation proposal worrisome, in : Amednews.com, du 9 avril 2007, http ://

www.ama-assn.org/amednews/2007/04/09/prsb0409.htm (consulté le 23 novembre 2009).

buent une véritable valeur vénale aux organes, soit indirects, en offrant une valeur symbolique pour le geste du don.108

4.3.1 Réduction d’impôt

L’instrument incitatif d’une réduction d’impôt vise tant le donpost mortemque le don entre vifs. Il s’agit d’un instrument incitatif pécuniaire indirect : la réduc-tion prévue a une valeur symbolique et ne correspond pas à une somme d’ar-gent versée en échange direct d’un organe. Pour le donpost mortem, la réduc-tion d’impôt peut intervenir à deux moments différents. Il est envisageable d’honorer soit la décision du donneur potentiel, de son vivant, de faire don de ses organes après son décès, soit le prélèvement effectif une fois que le décès est survenu. En ce qui concerne le don entre vifs, cet instrument incitatif intervient une fois que l’organe a été prélevé. La réduction concerne soit l’impôt sur le re-venu (don entre vifs, donpost mortemavec enregistrement du consentement du donneur de son vivant), soit l’impôt successoral (donpost mortemavec comme moment décisif le prélèvement effectif).109Sont par conséquent bénéficiaires de cet instrument incitatif soit le donneur lui-même, soit ses proches après son décès.

L’instrument incitatif de la réduction d’impôt se concrétise par une déduc-tion d’un montant forfaitaire (« Pauschalbetragabzug »), soit sur le revenu ou la succession imposables, soit directement sur le montant de la facture d’impôt.110 Avec un tel instrument incitatif, l’Etat utilise le système fiscal comme un instru-ment de politique sociale.111Aux Etats-Unis, l’Etat du Wisconsin a introduit, en janvier 2004, un système de réduction d’impôt permettant de déduire un montant maximal de $ 10 000112en cas de don d’un organe par une personne vivante.113Plusieurs autres Etats américains ont suivi l’exemple de l’Etat du Wisconsin.114

108 Sur la notion d’instrument incitatif indirect, cf.Buyx, p. 10.

109 Frey, p. 44.

110 Oswald, p. 380.

111 Par ker/Winslade/Paine, p. 173.

112 Wheelock,Tax breaks may relieve expenses of organ donation, in : The Badger Herald, du 10 sep-tembre 2003, http ://badgerherald.com/news/2003/09/10/tax_breaks_may_relie.php (consulté le 23 novembre 2009).

113 Steiner, p. 498 s.;A rthu rs, p. 1102 ;Go od win,Policy, p. 118.

114 Pour un excellent survol de la législation pertinente dans tous les Etats américains, cf. le site Internet d’UNOS: http ://www.transplantliving.org/livingdonation/financialaspects/statetax.aspx (consulté le 23 novembre 2009).

4.3.2 Réduction des primes d’assurance-maladie

L’instrument incitatif d’une réduction des primes d’assurance-maladie vise tant le donpost mortemque le don entre vifs. Il s’agit d’un instrument incitatif pécuniaire indirect : la réduction prévue a une valeur symbolique. Elle ne re-présente pas une somme d’argent versée en échange direct d’un organe. En ce qui concerne le donpost mortem, la réduction des primes d’assurance-maladie honore la décision du donneur potentiel, de son vivant, de faire don de ses or-ganes après son décès. Pour le don entre vifs, la réduction intervient une fois que l’organe est prélevé. C’est le donneur, potentiel pour le donpost mortemet effectif pour le don entre vifs, qui est le bénéficiaire direct de cet instrument incitatif. La réduction des primes d’assurance-maladie prend la forme d’une réduction accordée sur la facture, annuelle ou mensuelle, des primes d’as-surance-maladie. Un système analogue aux réductions accordées pour les personnes de condition économique modeste serait envisageable.115

Les Pays-Bas ont lancé, fin 2008, un système de réduction des primes d’as-surance-maladie pour toute personne qui s’enregistre comme donneur post mortempotentiel.116Le ministre de la santé des Pays-Bas a avisé les compagnies d’assurance-maladie d’accorder une réduction de dix pourcent sur le montant annuel des primes d’assurance-maladie à tout donneur enregistré.117Sur ce, cinq importantes compagnies d’assurance-maladie ont accepté d’accorder une réduction de€120 sur les primes annuelles de l’assurance-maladie de base, qui s’élèvent à un montant total de€1 200 pour un adulte au Pays-Bas en 2009.118

4.3.3 Don d’argent en faveur d’uneœuvre caritative

L’instrument incitatif d’un don d’argent en faveur d’uneœuvre caritative est envisageable tant pour le donpost mortemque pour le don entre vifs. Pour le donpost mortem, le don d’argent peut être fait au choix du donneur, exprimé de son vivant, ou au choix des proches, après le décès. En ce qui concerne le moment déterminant, le don d’argent intervient une fois que le prélèvement a eu lieu. Il s’agit d’un instrument incitatif pécuniaire indirect en ce sens que le montant prévu n’est pas versé au donneur vivant ou aux proches d’un don-neur décédé pour qu’ils le dépensent comme bon leur semble. Au contraire,

115 Cf. article 65 de la loi fédérale du 18 mars 1994 sur lassurance-maladie (RS 832.10 ; RO 1995 1328).

116 Cf. http ://www.earthtimes.org/articles/show/244141,dutch-healthcare-insurers-to-give-discount-to-or gan-donors.html (consulté le 23 novembre 2009).

117 Satel,Conclusion, p. 122.

118 Il sagit des compagnies dassurance-maladieFortis,Ohra,Menzis,AchmeaetTurien. Cf. http ://www.

dutchnews.nl/news/archives/2008/12/health_discount_organ_donor_re.php (consulté le 23 novembre 2009).

le montant est versé directement à l’œuvre caritative choisie. Il s’agit bien évidemment d’un montant fixe.

4.3.4 Prise en charge des frais de funérailles

La prise en charge des frais de funérailles est un instrument incitatif au don d’organes post mortem.119Il intervient après le prélèvement d’organes sur un donneur décédé. Les bénéficiaires de cet instrument incitatif sont les proches.

Il importe à ce propos peu si le donneur a manifesté son consentement au don d’organes de son vivant ou si, en l’absence d’une telle déclaration, les proches ont donné leur consentement. La prise en charge des frais de funérailles prend effet lorsqu’un prélèvement peut être réalisé sur la personne décédée. Il s’agit d’un instrument incitatif pécuniaire indirect en ce sens que le montant prévu pour la prise en charge des frais de funérailles n’est pas remis aux proches. Au contraire, le montant est versé directement aux prestataires de services, les pompes funèbres par exemple. En ce qui concerne le montant, il paraît indis-pensable de prévoir un montant forfaitaire fixe pour garantir une certaine égalité de traitement.Gert va n Dijk etMedard Hilhorst mentionnent par exemple un montant de€ 2 500 comme contribution aux frais de funé-railles.120S te v e P. C a la n d r i l loévoque le montant de $ 2 000,121etTho m a s G . P e t er sle montant de $ 1 000.122

L’Etat américain de la Pennsylvanie a adopté en 1994 un programme de prise en charge des frais de funérailles. Le programme n’a toutefois jamais été mis en pratique, en raison de doutes relatifs à sa compatibilité avec le droit fé-déral.123Depuis mai 2007, l’entreprise de pompes funèbres néerlandaise« Mo-nuta » offre une réduction de € 150 sur les frais de funérailles lorsque les proches ont consenti à un prélèvement d’organes sur la personne décédée.124 Cette initiative a été prise suite à l’appel de la« Dutch Kidney Foundation »de produire de nouvelles idées pour inciter le don d’organes.

119 Les termes de« frais d’obsèques »ou de« frais d’inhumation »sont également utilisés.

120 Dijk/Hilhorst, p. 21.

121 Calandrillo, p. 115.

122 Pe ters, p. 1302 ss. Cf. égalementRobinso n, p. 1038.

123 Ubel/B ryce/Siminoff, et al., p. 206 ss ;G ood win,Policy, p. 116.

124 Sheld on, p. 1131.

4.3.5 Contrat d’assurance-vie

L’instrument incitatif du contrat d’assurance-vie (« life insurance benefit »125) concerne le don post mortem. Il vise le donneur potentiel, de son vivant.

Concrètement, il s’agit d’une police d’assurance-vie souscrite au moment où le donneur potentiel déclare son consentement au prélèvement de ses organes après son décès. Cette police d’assurance-vie est établie en faveur d’une ou de plusieurs personne(s) désignée(s) par le donneur de son vivant. Elle est payable après le prélèvement des organes sur la personne décédée. SelonR o-b er t M . Ve at ch, il s’agit de donner« a life insurance policy on signing a donor card with the provision the insurance would be paid to the beneficiary only if organs were procured ».126

En ce qui concerne le montant, il s’agit d’un montant fixe. Aux Etats-Unis, un système offrant une police d’assurance-vie de $ 10 000 à tout donneur po-tentiel enregistré, payable après le prélèvement des organes, a été proposé par le membre de la Chambre des représentantsJames Greenwooddans le cadre d’un débat législatif sur les instruments permettant d’augmenter le nombre d’organes disponibles.127La proposition n’a toutefois pas eu de suites.

4.3.6 « Futures market »

Le« Futures market »est un instrument incitatif qui vise le donpost mortem. La création d’un « Futures market » permet à des individus en bonne santé de conclure un contrat– de leur vivant– portant sur la vente de leurs organes, avec livraison après leur décès.128Il s’agit, autrement dit, d’un contrat avec exé-cution future. H en r y H an s m a n n définit le « Futures market » comme« the right to harvest a person’s organs upon death [...] purchased from him while he is alive and well ».129Le« Futures market »attribue une véritable vénale aux organes et implique le versement d’une importante somme d’argent. Il s’agit ainsi d’un modèle pécuniaire direct. Le contrat conclu entre le donneur potentiel et l’Etat constitue un contrat conditionnel qui prend effet après le décès du donneur.

Les conditions attachées à l’exécution du contrat sont les suivantes : une mort survenue dans des circonstances qui permettent un prélèvement, et un état ac-ceptable des organes. Si ces conditions sont remplies, le contrat est exécuté. Les

125 Th ompso n, p. 144.

126 Veatch, p. 154.

127 Th ompso n, p. 144.

128 Pour une définition légèrement différente, cf.Committe e o n Increasing Rate s o f Organ Dona-tion, p. 234 :« [a] futures market is a market in which the commodity bought and sold is the right to sell organs at a future time in the event that a person dies in circumstances that permit organs to be recovered and transplanted ».

129 Hansmann, p. 62.

organes du donneur décédé sont prélevés et la somme d’argent est versée à la succession du donneur ou à une personne désignée par ce dernier.

4.3.7 Marché régulé

Un système de marché régulé peut viser des organes provenant de donneurs décédés. Dans cette hypothèse, le contrat de vente est conclu entre l’Etat et les proches et le paiement est versé à la succession du défunt une fois que le pré-lèvement a eu lieu. Un système de marché régulé peut également viser des or-ganes provenant de donneurs vivants. Dans cette hypothèse, c’est le donneur lui-même qui conclut un contrat de vente avec l’Etat portant sur un de ses or-ganes. Le paiement lui est versé directement une fois que le prélèvement a eu lieu.130 Un marché régulé peut également prévoir une combinaison de ces deux systèmes. À la différence du« Futures market » présenté auparavant, il s’agit ici d’un« Spot market ».131 Tout comme le « Futures market », le marché régulé attribue une véritable valeur vénale aux organes et implique en général le versement d’une importante somme d’argent. Il s’agit dès lors d’un modèle pécuniaire direct.

Afin d’éviter les risques d’abus et d’exploitation qui se présentent actuelle-ment dans le cadre du marché noir d’organes dans certains pays en voie de dé-veloppement, le système d’un marché régulé d’organes est en général présenté selon un« single buyer concept ». Ce concept, développé pour la première fois parJohn Harri s etC h a r le s E r i nen 1994,132propose un système de mar-ché régulé sur un territoire géographiquement délimité où une autorité éta-tique ou paraétaéta-tique achète les organes à un prix fixe. Le système du marché régulé se caractérise donc par les trois éléments suivants :

(a) Acheteur unique–Le paiement pour un organe provenant d’un don-neur décédé ou d’un dondon-neur vivant ne peut être offert et versé que par l’Etat, ou une organisation mandatée par l’Etat. Ce rôle d’acheteur unique correspond à une position de monopsone. SelonGert van D ijketM e da r d H i l h o r s t,

« the risk of unequal access is not an argument in favour of a ban on payment, but in favour of a monopsony : a market with multiple vendors but only one purchaser ».133 Un monopsone est le contraire d’un monopole, où il y a un seul vendeur et de multiples acheteurs.J o h n H a r r i s etCh arles Erin, qui présentent l’hypo-thèse d’un marché régulé d’organes à instaurer en Grande-Bretagne, attribuent le rôle de l’acheteur unique au« National Health System »(NHS), le fournisseur

130 Aumann/G ae rtne r, p. 59 ss.Francis L. Delmonicose prononce clairement contre lintroduction dun marché régulé dorganes provenant de donneurs vivants. Cf.Delmonico, p. 294 s.

131 Banks, p. 76.

132 Erin/Har ris,Monopsonistic market, p. 134 ss.

133 Dijk/Hilhorst, p. 37.

étatique des soins de santé.134C’est d’ailleurs l’acheteur unique qui est respon-sable non seulement pour obtenir, mais également pour allouer les organes selon les critères usuels.135

(b) Prix fixe–Le montant du paiement n’est pas soumis à négociation. Il s’agit d’un prix fixe,136ce qui permet d’exclure tout commerce. Le marché ré-gulé doit être efficace, c’est-à-dire il doit accroître les chances de toute personne de recevoir un organe en cas de besoin. Le montant offert doit dès lors être as-sez élevé pour inciter un nombre suffisant de personnes de faire don de leurs organes.137 Les montants proposés varient selon les auteurs. Selon Sally L . Satel,« [t]he value of incentives for living donors would probably range between

$ 25 000 and $ 40 000 ; less for the deceased ».138A r t h u r J . M ata s etM a r k A . S c h n i t zl e rpar contre envisagent un montant considérablement plus impor-tant de $ 94 000 pour un organe provenant d’un donneur vivant. Ces deux au-teurs démontrent que, d’un point de vue du rapport coût-efficacité, même une telle somme exorbitante reste intéressante.139G l o r i a J . Ba n k sfinalement pro-pose de verser un prix variable selon l’organe concerné ($ 20 000 pour un cœur,

$ 15 000 pour un rein, et $ 10 000 pour un foie ou des poumons).140

(c) Marché géographiquement délimité et fermé–L’offre d’un paiement se limite à des organes provenant de donneurs décédés ou de donneurs vivants ayant leur domicile dans un espace géographiquement délimité, par exemple à l’intérieur d’un pays, ou d’un espace regroupant plusieurs pays comme Euro-transplant ou l’Union européenne.141Le principe de réciprocité doit être res-pecté. Toute personne qui est un donneur potentiel doit également pouvoir être un receveur potentiel. Ceci implique que les donneurs et les receveurs potentiels doivent faire partie du même espace géographiquement délimité.

Les premières idées relatives à l’introduction d’un marché régulé d’organes remontent loin, jusqu’en 1977 plus précisément, à une époque où la médecine de transplantation se trouvait encore à un stade expérimental.142Ces idées se sont concrétisées dans un seul Etat, l’Iran, qui dispose depuis 1996 d’un marché

134 Erin/Har ris,Ethical market, p. 137 s.;H ar ri s/Erin, p. 114 s.

135 Il sagit de lurgence et de lefficacité médicales, du temps dattente, et de légalité daccès (article 18 LTx). Cf. égalementD ij k/Hilho rst, p. 38 s.;Bre ye r/Van de n Daele/Enge lhard, et al., p. 226.

136 Cronin/Elias, p. 45 ;Dijk/H ilho rst, p. 38 s.

137 Dijk/Hilhorst, p. 38 s.Jo hn HarrisetChar les Erinproposent daccorder une exemption dimpôt pour le montant alloué en échange de lorgane. Ceci permettrait daugmenter encore leffet incitatif. Cf.

Har ris/Erin, p. 115.

138 Satel,Conclusion, p. 126.

139 Matas/Schnitzler, p. 216 ss.

140 Banks, p. 96.

141 Dijk/Hilhorst, p. 38 s.

142 Br ams, p. 183 ss.

régulé de reins provenant de donneurs vivants.143Un montant de dix millions Rial, ce qui correspond à environ $ 1 200, est versé à tout donneur. L ’introduc-tion d’un marché régulé en Iran a fait disparaître la liste d’attente relative aux reins dans ce pays.