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l’information : les modèles pécuniaires et non pécuniaires entre éthique et droit

3. Instruments incitatifs au don d ’ organes

3.1 Définition

La notion d’instrument incitatif (« Anreiz »,« incentive ») est définie comme le fait de fournir un quelconque avantage pécuniaire ou non pécuniaire

suscep-patients inscrits en liste dattente. Il sensuit que le don dorgane entre vifs joue également un rôle im-portant.

63 Flückiger, p. 85.

64 Flückiger, p. 85.

65 Pour plus de détails sur la notion de politique publique, cf.Knoe pfel/Lar rue/Var one, p. 25 ss.

tible de stimuler le consentement au don d’organes.66« [An] incentive is the pro-vision of something of [...] value to motivate consent for organ removal ».67

Le don lucratif peut sans doute avoir un effet incitatif. Mais dans cette hy-pothèse, l’incitation ne vient pas de l’Etat, mais d’une personne privée dans le cadre d’une transaction commerciale portant sur un organe. Nous tenons toutefois à restreindre l’utilisation d’instruments incitatifs dans le domaine de la transplantation d’organes à l’Etat. La définition des instruments incitatifs est ainsi limitée à une récompense au don d’organes offerte par l’Etat. Cette incitation étatique au don d’organes peut se concrétiser par des modèles pécuniaires ou des modèles non pécuniaires.

3.2 Délimitation

Les instruments incitatifs au don d’organes que l’Etat peut utiliser se dis-tinguent nettement de deux autres modèles.

Il s’agit de distinguer, d’une part, les instruments incitatifs étatiques d’une gratuité absolue du don d’organes. La médecine de transplantation implique des choix de société. Depuis ses débuts, elle a été régie par le principe de la gra-tuité du don et par une interdiction du commerce d’organes. Malheureuse-ment, comme nous l’avons constaté, le système du don altruiste est confronté à certaines limites.

D’autre part, il s’agit de distinguer très clairement entre le trafic d’organes ou toute sorte de transaction privée à titre onéreux et les modèles de

récom-66 La terminologie utilisée par la doctrine varie considérablement. Au lieu de parler dinstruments incita-tifs, certains auteurs se réfèrent aux termes de« mesures incitatives »ou d’« incitation au don ». L’ex-pression« système dindemnisation pour le don dorganes »est également utilisée. En ce qui concerne les instruments incitatifs pécuniaires, certains auteurs utilisent les termes d« incitatifs financiers »ou d« encouragements financiers ». En anglais, les auteurs parlent de« [...] to increase organ donation rates by incentivizing the organ donation process ». Cf.Arthurs, p. 1116. Ou encore de« to encourage desirable behaviour through compensation incentives ». Cf.Cr espi, p. 27.

67 Committe e on Increasing Rates of Or gan Donation, p. 229.

pense établis par l’Etat. Il n’est pas question de légitimer ou de normaliser le commerce d’organes. Il s’agit, bien au contraire, de mesures étatiques de pro-motion du don d’organes. Une caractéristique commune à tous les modèles du don récompensé est l’absence de contact ou d’échange direct entre le donneur et le receveur ou des tiers. Il n’y a pas de transaction d’argent contre organes.

J o h n A . S t e n précise ainsi pertinemment que« such incentives do not permit the buying or selling of organs as property, but instead appear as alternatives to altruism in rewarding the decision to consent to organ donation ».68

Il est ainsi important de constater qu’il n’y a pas que deux options, celle du don altruiste et celle du don lucratif sous la forme d’un marché libre d’organes.

Il y a une autre option, qui est celle des instruments incitatifs au don d’organes, concrétisés par le modèle du don récompensé.69 Ces instruments-là permet-traient d’équilibrer les risques et les bénéfices de la transplantation d’organes.

3.3 Options

Le schéma suivant permet de concrétiser les instruments incitatifs que l’Etat peut utiliser.

Les modèles de récompense (« rewarded gifting »)70 comprennent trois formes : les modèles d’indemnisation (« Entschädigungsmodell »), les modèles solidaires ou non pécuniaires (« Solidarmodell ») et les modèles pécuniaires (« Anreizmodell »).

Une caractéristique commune aux trois formes de« rewarded gifting » est celle qu’il n’y a pas de transaction monétaire directe entre le receveur et le

68 Sten, p. 214.

69 Satel,Dignity, p. 77.

70 Le terme« rewarded gifting »a été utilisé pour la première fois en 1987 par le médecin indienC. Pate l lors d’un « Starzl-Symposium » à Pittsburgh. Cf.Daar,Rewarded gifting, p. 2207.

donneur ou des tiers intermédiaires. Tous les modèles envisagés font intervenir une autorité étatique ou paraétatique.

Les modalités des différents modèles doivent évidemment tenir compte du système de consentement en vigueur. L’instauration d’instruments incitatifs suppose que la manifestation de volonté du donneur, ou de ses proches, soit susceptible d’une certaine stimulation.71Les modalités de l’expression de la vo-lonté ou, autrement dit, le système de consentement au don d’organes, jouent dès lors un rôle important.

Ceci paraît évident pour le don par une personne vivante, où son consente-ment libre, éclairé et manifesté par écrit est indispensable (article 12 let. b LTx).

Pour le donpost mortem, le rôle de la manifestation de volonté du donneur ou de ses proches varie selon la réglementation en vigueur. En Suisse, le pré-lèvement d’organes sur des personnes décédées est régi par le principe du consentement au sens large (article 8 LTx).72Un prélèvement est autorisé si (a) le donneur y a consenti de son vivant ou, (b) en l’absence d’un tel consente-ment, si les proches ont donné leur accord. Ceci a une influence directe sur les modalités des instruments incitatifs. Il s’agirait principalement d’inciter les donneurs potentiels d’exprimer leur volonté de leur vivant. Comme la volonté du donneur prime celle des proches, ces derniers ne peuvent pas être incités lorsque le donneur a déjà exprimé sa volonté. Il s’agit par contre de créer un instrument incitatif visant les proches pour les cas où le donneur ne s’est pas prononcé de son vivant.