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Emouvoir et persuader pour promouvoir le don d'organes ? : l'efficacité entre éthique et droit

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Emouvoir et persuader pour promouvoir le don d'organes ? : l'efficacité entre éthique et droit

FLÜCKIGER, Alexandre (Ed.)

Abstract

Chaque année, des patients décèdent faute d'organes disponibles pour une transplantation.

Chacun étant libre de donner ou non ses organes pour le bien d'autrui, l'Etat ne saurait juridiquement contraindre ses concitoyens à faire don d'une partie de leur corps, tant de leur vivant qu'après leur mort. La liberté n'étant pas absolue, la sauvegarde de la santé et de la vie des receveurs potentiels justifie pourtant de mettre sur pied des mesures de promotion du don d'organes à l'attention de la population. Cet ouvrage se propose de présenter les différents moyens affectés à cette promotion, avec un accent particulier sur le recours stratégique aux émotions et à l'usage des techniques de persuasion en psychologie sociale.

Les différents auteurs réunis dans ce volume apprécient ces outils tant sous l'aspect de leur efficacité que leur légitimité en confrontant de manière interdisciplinaire les différents points de vue juridiques, politiques, sociologiques, anthropologiques, médicaux et éthiques.

L'ambition de cet ouvrage, basé sur des analyses de situations concrètes, est de contribuer à la [...]

FLÜCKIGER, Alexandre (Ed.). Emouvoir et persuader pour promouvoir le don d'organes

? : l'efficacité entre éthique et droit . Genève : Schulthess, 2010, 225 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:6446

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Alexandre Flückiger (éd.) Emouvoir et persuader pour promouvoir le don d’organes?

Emouvoir et persuader pour promouvoir le don d’organes?

L’efficacité entre éthique et droit

Edité par

Alexandre Flückiger

Recueils de textes

Chaque année, des patients décèdent faute d’organes dispo- nibles pour une transplantation. Chacun étant libre de don- ner ou non ses organes pour le bien d’autrui, l’Etat ne saurait juridiquement contraindre ses concitoyens à faire don d’une partie de leur corps, tant de leur vivant qu’après leur mort. La liberté n’étant pas absolue, la sauvegarde de la santé et de la vie des receveurs potentiels justifie pourtant de mettre sur pied des mesures de promotion du don d’organe à l’atten- tion de la population.

Cet ouvrage se propose de présenter les différents moyens affectés à cette promotion, avec un accent particulier sur le recours stratégique aux émotions et à l’usage des techniques de persuasion en psychologie sociale. Les différents auteurs réunis dans ce volume apprécient ces outils tant sous l’aspect de leur efficacité que de leur légitimité en confrontant de ma- nière interdisciplinaire les différents points de vue juridiques, politiques, sociologiques, anthropologiques, médicaux et éthiques.

L’ambition de cet ouvrage, basé sur des analyses de situations concrètes, est de contribuer à la réflexion sur les émotions comme mode de régulation du don d’organes, en situant ce questionnement au carrefour de la capacité de la réglemen- tation de la médecine de transplantation à répondre à la pé- nurie d’organes d’une part, et de l’équilibre délicat à trouver entre la protection des libertés fondamentales des donneurs et des receveurs d’autre part.

C G

Collection Genevoise

Faculté de droit de Genève

C G

Collection Genevoise

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Emouvoir et persuader pour promouvoir le don

d’organes?

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C G

Collection Genevoise

Faculté de droit de Genève

Recueils de textes

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Emouvoir et persuader pour promouvoir le don d’organes?

L’efficacité entre éthique et droit

Edité par

Alexandre Flückiger

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La Deutsche Nationalbibliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche Nationalbiblio- grafie; les données bibliographiques détaillées peuvent être consultées sur Internet à l’adresse http://dnb.d-nb.de.

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (graphique, électronique ou mécanique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d’enregistrement sont stricte- ment interdites sans l’autorisation expresse et écrite de l’éditeur.

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève · Zurich · Bâle 2010 ISBN 978-3-7255-6060-8

ISSN Collection genevoise: 1661-8963 www.schulthess.com

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Alexandre Flückiger

Professeur, Directeur du Centre d’étude, de technique et d’évaluation législatives (CETEL)

Faculté de droit, Université de Genève

Emouvoir et persuader pour promouvoir le don d ’ organes ?

La réponse à cette question, on s’en doute, n’est pas univoque. Elle a fait l’objet d’un colloque organisé à Genève le 4 septembre 2009 par le Centre d’étude, de technique et d’évaluation législatives (CETEL) de la Faculté de droit de l’Univer- sité de Genève et le Centre interfacultaire en Sciences Affectives (CISA) de l’Uni- versité de Genève. Ce colloque conclut un programme de recherche du CETEL initié sous l’égide du Pôle de recherche national (PNR) consacré aux sciences af- fectives abrité par l’Université de Genève et piloté par le professeur KlausS ch e- r erde la Faculté de psychologie. Le projet intitulé « Le rôle des émotions dans les processus de régulation juridique et sociale », mené sous la direction des Pro- fesseurs RobertR ot h, Christian-NilsR ob e rtet AlexandreF l üc k i g er, a pour but de montrer que le droit, bien que fortement ancré dans la rationalité, n’en est pas moins perméable aux émotions, sentiments prégnants dans le monde contemporain et auxquels les sciences sociales portent une attention accrue pour tenter de déterminer dans quelle mesure ils sont constitutifs de l’ordre so- cial et de ses tensions. Cette recherche comprend deux volets : l’un consacré au droit comme produit émotionnel avec l’exemple de la montée en force de la vic- time en droit pénal et l’autre aux émotions comme moyen de régulation des comportements sociaux avec l’exemple de la promotion du don d’organes dans divers contextes dont celui des campagnes de promotion qui ne prennent pas ap- pui sur des normes juridiques contraignantes mais sur des dispositifs d’incita- tion et d’information relevant de lasoft law.Le colloque du 4 septembre 2009 dont les actes sont publiés ici se concentre sur le second volet de cette recherche.

Le problème en filigrane de l’interrogation posée en exergue est le fait que chaque année, un certain nombre de patients décèdent faute d’organes dispo- nibles pour une transplantation. Chacun étant libre de donner ou non ses or- ganes pour le bien d’autrui, l’Etat ne saurait juridiquement contraindre ses concitoyens à faire don d’une partie de leur corps, tant de leur vivant qu’après leur mort. La liberté n’étant pas absolue, la sauvegarde de la santé et la vie des receveurs potentiels justifie pourtant de mettre sur pied des mesures de promo- tion du don d’organe à destination du public.

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Cet ouvrage se propose de présenter les différents moyens affectés à cette promotion, avec un accent particulier mis sur le recours stratégique aux émo- tions et à l’usage des techniques de persuasion en psychologie sociale. Fabien G i ra n d o laet Robert-VincentJ o u l eexposent à cet effet l’état des lieux des théories sur la persuasion, de la communication engageante et les émotions en rapport avec la promotion du don d’organes. Juan M.Fa l om ir P ic ha s to r , JacquesBe r en t et AndreaP er e i r a analysent en complément les différents déterminants psychosociaux qui interviennent dans le succès des campagnes de promotion en médecine de la transplantation. Un éclairage concret par Catherine S o l a na s, Jean-Christian C o lav o lp e et Alain Geissler illustre l’application de l’une de ces techniques, la communication engageante, lors- qu’il s’agit d’approcher les familles dans le cadre du don de cornée.

Sur la base d’entretiens réalisés auprès de professionnels de la santé, Ni- cholasS t ü c k l i nmet en évidence l’usage des émotions dans les demandes de prélèvement auprès des familles endeuillées en observant dans quelle mesure la compassion peut mener au consentement. De manière parallèle mais dans la sphère publique, RaphaëlHamm er, après avoir épluché la presse écrite, dé- crit le recours au registre affectif dans les messages médiatiques et leur récep- tion par la population.

VirgileP e r re tet AlexandreF l üc k i g erfont ensuite le point sur la légis- lation suisse sur la transplantation. Celle-ci est caractérisée par une très forte prise en compte des droits du donneur potentiel au détriment de ceux des re- ceveurs. Le premier auteur examine le rôle des facteurs émotionnels qui ont marqué la genèse de cette loi fédérale récente ; le second montre à quel point le cadre juridique de la promotion du don d’organes cadavérique en Suisse par des campagnes d’information étatiques est contraignant, tout en le critiquant.

Mélanie M a d er expose ensuite les différents modèles possibles, qu’ils soient pécuniaires ou non pécuniaires, pour promouvoir le don d’organe au- delà des instruments de simple information. Elle complète son exposé par la mise en perspective du droit avec l’éthique.

Une table ronde réunissant Trix Heberlein, Bara R i c ou, Dominique Manaï et Bernard Bae r ts c hi confronte enfin les points de vue politique, médical, juridique et éthique en questionnant la légitimité de la promotion du don d’organe autour de la question suivante : promouvoir le don d’organes– l’efficacité à tout prix ?

L’ambition de cet ouvrage, basé sur des analyses de situations concrètes, est de contribuer à la réflexion sur les émotions comme mode de régulation du don d’organes, en situant ce questionnement au carrefour de la capacité de la réglementation de la médecine de transplantation à répondre à la pénurie d’organes d’une part, et de l’équilibre délicat à trouver entre la protection des libertés fondamentales des donneurs et des receveurs d’autre part.

(9)

Avant-propos V

Table des matières IX

Girandola Fabien

Engagement, persuasion et émotion : la communication engageante appliquée

au don d’organes 1

Falomir-Pichastor Juan M., Berent Jacques A., Pereira Andrea Déterminants psychosociaux de l’efficacité des campagnes de promotion

du don d’organes 21

Solanas Catherine, Colavolpe Jean-Christian, Geissler Alain

La communication engageante au service du don de cornées 43

Stücklin Nicholas

Compatir et consentir : l’usage des émotions dans les demandes de prélèvement

d’organes 55

Hammer Raphaël

Persuasion et don d’organes : les émotions dans la presse écrite et leur réception

par la population 71

Perret Virgile

La législation suisse sur la transplantation : le rôle des facteurs émotionnels

dans sa genèse 97

Flückiger Alexandre

Promouvoir le don d’organes par des campagnes d’information pour mieux

respecter le droit à la vie des receveurs 121

Mader Mélanie

La promotion du don d’organes au-delà de l’information : les modèles

pécuniaires et non pécuniaires entre éthique et droit 151

Heberlein Trix

Emouvoir et persuader pour promouvoir le don d’organes

Le point de vue politique 207

Ricou Bara

Emotions et don d’organes des donneurs cadavériques

Le point de vue médical 209

(10)

Manaï Dominique

Promouvoir le don d’organes : l’efficacité à tout prix ?

Le point de vue juridique 215

Baertschi Bernard

Emouvoir pour persuader, est-ce moralement acceptable ?

Le point de vue éthique 221

(11)

Avant-propos V

Sommaire VII

Table des matières IX

Girandola Fabien

Engagement, persuasion et émotion : la communication engageante appliquée au don d’organes

Avant-propos 1

1. Introduction 2

2. Le lien entre les idées et les actes 2

3. De la communication persuasive à la communication engageante 5

3.1 La communication persuasive 5

3.2 La soumission librement consentie 6

3.3 La communication engageante 10

4. Activation des émotions par les actes préparatoires 11

5. Conclusion 14

Falomir-Pichastor Juan M., Berent Jacques A., Pereira Andrea

Déterminants psychosociaux de l’efficacité des campagnes de promotion du don d’organes

1. Introduction 21

2. Déterminants du don personnel 21

2.1 Facteurs sociodémographiques 22

2.2 Valeurs, attitudes et croyances générales 22

2.2.1 Altruisme 22

2.2.2 Intégration sociale 23

2.2.3 Croyances religieuses 23

2.2.4 Croyances sur le corps et la mort 23

2.3 Croyances relatives au don 24

2.3.1 Connaissances sur le don et la transplantation 24

2.3.2 Croyances normatives à propos du don 25

2.4 Dimension affective 25

(12)

3. Déterminants du consentement familial 26 3.1 Connaissance et attributions quant à la volonté du défunt 26

3.2 Caractéristiques du défunt et de la famille 27

3.3 Relations avec le système de santé 27

4. Conclusion 28

Solanas Catherine, Colavolpe Jean-Christian, Geissler Alain

La communication engageante au service du don de cornées

1. Introduction 43

2. Du « consentement présumé» au « consentement de la famille » 44

3. Comment aborder les proches ? 44

4. Notions de psychologie de l’engagement 45

5. Méthodologie et résultats 46

6. Discussion 47

7. Conclusion 48

Stücklin Nicholas

Compatir et consentir : l’usage des émotions dans les demandes de prélèvement d’organes

1. Introduction : d’un même sentiment, d’un même avis 55

2. Affect social, affect organisé 56

2.1 La régulation des passions 56

2.2 Organiser un don d’organes 58

3. L’usage de l’affect dans les demandes de prélèvement–Techniques,

pratiques et savoirs qui influencent l’adhésion au don 60

3.1 Le lieu 61

3.2 Le temps 62

3.3 Des mots et des astuces 63

4. Conclusion : de la compassion authentique 65

(13)

Hammer Raphaël

Persuasion et don d’organes : les émotions dans la presse écrite et leur réception par la population

1. Introduction 71

2. Les émotions dans les discours de la presse suisse romande 72

2.1 Le corpus et sa composition thématique 73

2.2 L’analyse des émotions dans les témoignages de greffe 74 2.3 La dynamique narrative et émotionnelle des témoignages de greffe 77 2.3.1 L’irruption de la maladie et la nécessité d’une greffe 78 2.3.2 La menace de la mort affrontée avec courage 79 2.3.3 Le succès de l’opération et le retour à une vie normale 80

2.3.4 Séquence ultime : convaincre le lecteur 81

2.4 Les fonctions des émotions des récits : légitimer et engager 82 3. L’argument émotionnel des récits de greffe à l’épreuve du jugement

ordinaire 84

3.1 L’identification à géométrie variable 86

3.2 Un argument de faible portée 87

3.3 L’émotion récusée 88

4. Conclusion : l’éthique de l’information 90

Perret Virgile

La législation suisse sur la transplantation : le rôle des facteurs émotionnels dans sa genèse

1. Introduction 97

2. Les émotions dans les débats parlementaires : repères théoriques et

méthodologiques 99

2.1 La construction discursive des émotions 99

2.2 L’influence des émotions dans les débats parlementaires 102 3. De la lutte contre les abus à la « mise à disposition » d’organes :

les ressorts émotionnels d’un élargissement ambigu des buts de la loi 104 3.1 Les objectifs de la loi : des interprétations contradictoires 104 3.2 L’Etat entre information et promotion du don d’organes :

une ambiguïté qui fait peur ? 105

4. Informer et rassurer pour favoriser le don ? La définition de la mort et

l’information du public 110

4.1 Anticiper les peurs collectives cachées derrière le concept de « mort

cérébrale » 110

4.2 Informer et débattre sur la mort ? Les facteurs émotionnels d’un volte-

face politique 112

5. Conclusion 116

(14)

Flückiger Alexandre

Promouvoir le don d’organes par des campagnes d’information pour mieux respecter le droit à la vie des receveurs

1. Introduction 121

2. Le principe : la liberté de donner ou non ses organes opposée au droit à la vie

et à la santé du receveur 122

3. Les bases juridiques relatives à l’information générale du public sur le don

d’organes 126

3.1 La base constitutionnelle 127

3.2 La base légale 128

3.2.1 L’avant-projet de loi 128

3.2.2 Le projet de loi 129

3.2.3 Les travaux parlementaires 132

3.2.4 La loi en vigueur 133

3.3 Le droit international 135

3.3.1 L’Organisation mondiale de la santé 135

3.3.2 Le Conseil de l’Europe 136

4. L’exigence d’une information objective encourageant le don d’organes

cadavérique 139

4.1 La pratique des autorités fédérales : une campagne de non-promotion

du don d’organe 139

4.2 Une pratique à renverser : les moyens juridictionnels 139 4.3 L’assujettissement de l’information incitatrice aux principes

constitutionnels 140

4.3.1 Introduction 140

4.3.2 La légalité 141

4.3.3 L’intérêt public 141

4.3.4 La proportionnalité 142

4.3.5 L’objectivité 145

4.4 Le recours à l’émotionnel et aux techniques psychologiques de

persuasion pour la promotion du don cadavérique 146 4.4.1 La marge délicate de l’admis et de l’interdit 146 4.4.2 La neutralité des campagnes fédérales d’information sur le don

d’organes mise en doute 147

5. Conclusion 149

Mader Mélanie

La promotion du don d’organes au-delà de l’information : les modèles pécuniaires et non pécuniaires entre éthique et droit

1. Introduction 151

2. Promotion du don d’organes au-delà de l’information : pourquoi ? 153

2.1 Pénurie d’organes 153

2.2 Causes de la pénurie 154

(15)

2.2.1 Facteurs biologiques 154

2.2.2 Explosion de la demande 155

2.2.3 Stagnation de l’offre 156

2.2.4 Facteurs juridiques 157

2.3 Conséquences de la pénurie 158

2.3.1 Décès prématurés 158

2.3.2 Qualité de vie amoindrie 158

2.3.3 Taux de succès réduit 158

2.3.4 Coûts élevés 159

2.3.5 Trafic d’organes et tourisme de transplantation 160 2.4 Pénurie d’organes comme problème de santé publique 160 2.5 Promotion du don d’organes comme politique publique 161

3. Instruments incitatifs au don d’organes 163

3.1 Définition 163

3.2 Délimitation 164

3.3 Options 165

4. Présentation des modèles de récompense 166

4.1 Modèles d’indemnisation 166

4.2 Modèles non pécuniaires 167

4.2.1 Principe de prévoyance 167

4.2.2 Priorité d’allocation pour les donneurs vivants 169

4.2.3 « Pool-cross-over-transplantation » 170

4.2.4 Réduction d’une peine privative de liberté 171

4.3 Modèles pécuniaires 171

4.3.1 Réduction d’impôt 172

4.3.2 Réduction des primes d’assurance-maladie 173

4.3.3 Don d’argent en faveur d’uneœuvre caritative 173

4.3.4 Prise en charge des frais de funérailles 174

4.3.5 Contrat d’assurance-vie 175

4.3.6 « Futures market » 175

4.3.7 Marché régulé 176

4.4 Catégorisation des modèles selon le type de don 178

4.4.1 Don post mortem 178

4.4.2 Don entre vifs 179

5. Enjeux juridiques 179

5.1 Principe de la gratuité du don 179

5.2 Enjeux juridiques spécifiques aux différents modèles 181

5.2.1 Modèles non pécuniaires 181

5.2.2 Modèles pécuniaires 182

6. Enjeux éthiques 186

6.1 Enjeux éthiques communs aux différents modèles 186

6.1.1 Respect de l’autonomie 187

6.1.2 Bienfaisance et non-malfaisance 187

6.1.3 Justice 188

6.1.4 Autres arguments éthiques 190

(16)

6.2 Enjeux éthiques spécifiques aux différents modèles 190

6.2.1 Modèles non pécuniaires 190

6.2.2 Modèles pécuniaires 191

7. Conclusion 192

Heberlein Trix

Emouvoir et persuader pour promouvoir le don d’organes

Le point de vue politique 207

Ricou Bara

Emotions et don d’organes des donneurs cadavériques Le point de vue médical

1. Le contexte 209

2. Analyse 210

3. Considérations éthiques 210

4. Conclusions 212

Manaï Dominique

Promouvoir le don d’organes : l’efficacité à tout prix ? Le point de vue juridique

1. Don d’organes et liberté personnelle 216

2. Le don d’organes : affaire privée ou publique ? 217

3. Et les droits du donneur dans tout ça ? 219

Baertschi Bernard

Emouvoir pour persuader, est-ce moralement acceptable ? Le point de vue éthique

1. Deux prémisses 221

2. Le modèle classique de la décision 221

3. La réhabilitation des émotions 223

4. La justice comme réciprocité 224

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la communication engageante appliquée au don d’organes

Fabien Girandola

Professeur, Université de Bourgogne

Robert-Vincent Joule

Professeur, Université de Provence

Avant-propos

Les règles relatives au don d’organes en France sont édictées par les articles L.1231-1 et suivants du code de la santé publique, modifiés par la loi bio- éthique no2004-800 du 6 août 2004. Toute personne est considérée consentante au prélèvement de ses organes (cœur, foie, poumon, rein, pancréas, intestin grêle ...) et de ses tissus (peau, os, cornée, valves cardiaques, artères ...) après sa mort si elle n’a pas manifesté son refus de son vivant. Qu’elle soit consen- tante ou au contraire qu’elle s’y oppose, elle doit faire connaître sa position à sa famille pour qu’elle puisse en témoigner en cas de décès, et porter un docu- ment sur elle précisant sa volonté. Ce document peut être remplacé par une carte de donneur d’organes en cas d’acceptation, et en cas de refus, par une in- scription sur le registre national des refus. Dans le cas où la personne décédée n’a pas fait connaître sa position, le médecin tentera de recueillir le témoignage de la volonté du patient auprès de sa famille par tout moyen.

Le nombre de patients en attente de greffe ne cesse d’augmenter. L’an der- nier, en France, 222 patients sont décédés faute d’avoir pu recevoir un greffon à temps. Selon l’Agence de biomédecine, 1.563 donneurs ont été prélevés et 4.620 greffes ont été réalisées.Au total, 13.687 malades ont eu besoin d’une greffe en 2008, ce qui représente une augmentation de 571 par rapport à 2007. Quels sont les moyens à mettre enœuvre pour inciter les gens à signer une carte de don- neur d’organes, à inciter la famille proche du défunt à accepter la demande pré- lèvement ? Le savoir issu de la psychologie sociale peut nous éclairer et aider à mieux comprendre quels peuvent être les ressorts ou freins au don d’organes dans ce domaine aussi délicat.

(18)

1. Introduction

On envisage souvent le changement de comportement comme une conséquence directe du changement d’opinion. Une conception dominante de l’homme conduit à considérer qu’il suffit de modifier les idées d’autrui pour le voir adop- ter les comportements attendus. Il ne fait guère de doute que, si on y parvient, on parviendra aussi à obtenir les comportements sociaux recherchés. La plupart des campagnes de prévention, et de façon plus générale de communication, re- lèvent de ce présupposé. Aussi table-t-on volontiers, à la radio, à la télévision, dans la presse écrite, sur les vertus de l’information pour inciter auditeurs, télé- spectateurs, lecteurs à adopter les idées et les comportements attendus. Toute- fois, à y regarder de près, les résultats sont plutôt décevants, surtout si on s’en tient aux comportements effectivement obtenus : les bonnes idées n’amènent pas nécessairement à la réalisation des comportements qui y correspondent.

Dès lors, deux questions distinctes se posent aux chercheurs, mais aussi aux acteurs du changement social : 1/Comment amener autrui à modifier ses idées ? 2/Comment amener autrui à modifier ses comportements ?On trouve des éléments de réponse à ces deux questions dans deux grands chapitres de la littérature scientifique issues de la psychologie sociale expérimentale : celui de la persua- sion et celui de l’engagement.

La littérature sur la persuasion offre une importante palette de variables et paramètres susceptibles d’affecter les opinions (Girandola, 2003). La littérature sur l’engagement, quant à elle, nous renseigne sur les procédures d’influences susceptibles de déboucher sur des changements de comportements (Joule &

Beauvois, 1998, 2002). Nous allons nous efforcer de montrer qu’un rapproche- ment entre ces deux champs, traditionnellement disjoints, s’impose de lui- même, à qui recherche à la fois des effets cognitifs et des effets comportemen- taux (Joule, Girandola et Bernard, 2007).

2. Le lien entre les idées et les actes

Certaines campagnes de prévention produisent un impact sur les attitudes et les comportements (e. g. Snyder et Hamilton, 2001) mais, le plus souvent, elles ne possèdent pas de groupe témoin ou de comparaison et on ne peut savoir si cet impact procède de la campagne elle-même ou de l’exposition à d’autres sources d’informations. D’autres campagnes ne fonctionnent pas comme pré- vues. Par exemple, dans le domaine du don d’organes, le gouvernement hol- landais a introduit, en 1998, une législation créant un registre national du don.

Cette nouvelle législation a été accompagnée par une campagne d’information et se sensibilisation prenant la forme d’un envoi postal de masse (12 millions de brochures ayant été expédiées dans tout le pays pour un nombre total de

(19)

15.8 millions d’habitant) censée augmenter le nombre de donneur d’organe po- tentiels. Les données recueillies montrent peu de temps l’échec de cette cam- pagne : le nombre des donneurs potentiel n’a pas augmenté (Reubsaet, 2004 ; cité dans Nijkamp et al. 2008).

Dans un autre domaine, celui du tabagisme, il ressort d’une étude longitu- dinale réalisée aux États-Unis (Peterson, Kealey, Mann et Sarason, 2000) que la probabilité d’être fumeur à 17 ans n’est pas plus faible chez des élèves ayant pourtant suivi pas moins de 65 séances de sensibilisation entre 8 ans et 17 ans (condition expérimentale), et donc informés des méfaits du tabac, que chez des élèves n’ayant pas suivi ces séances (condition contrôle). Dans le même sens, il a été lancé en Californie le programme DARE (« Drug Abuse Resistance Educa- tion ») destiné à prévenir la consommation de drogues chez les adolescents. Le programme comprenait 17 heures de cours donnés par un policier en uni- forme. On mesurait ensuite la connaissance et l’attitude envers les drogues, l’estime de soi, l’attitude envers la police et l’utilisation effective de drogues.

Les résultats d’une première analyse (Ennett, Tobler, Ringwalt et Flewelling, 1994) effectuée sur 9317 élèves, montre qu’à court terme, le programme est effi- cace lorsqu’il s’agit d’acquérir de la connaissance sur la nature et l’effet des drogues mais il est inefficace en matière de changement comportemental. Une seconde analyse (Dukes, Ulmann et Stein, 1996), effectuée sur 849 élèves, por- tait sur l’efficacité à long terme de ce programme (3 ans). Là aussi, le pro- gramme ne produit pas d’impact significatif sur les variables les plus impor- tantes dont celle ayant trait à l’utilisation de drogues. Ainsi, DARE s’avère, seulement sur le court terme, plus efficace pour changer les attitudes envers la drogue que la consommation effective. Derzon et Lipsey (2002) ont pris en compte 72 recherches sur l’impact de messages anti-drogue (imprimés, TV) re- présentant 1288 comparaisons pré-test / post test. Ces dernières montrent glo- balement que 1/ les connaissances en matière de drogue et de ses méfaits sont large- ment acquises et que les individus interrogés sont moins favorables à la consommation, mais que paradoxalement, 2/ l’impact des campagnes d’information ou de sensibilisa- tion ne produit pas d’effet significatif sur les comportements. Ces derniers restent stables : après mesures, les différentes interventions médiatiques réduisent seulement de 1 à 2% le nombre d’individus consommateurs de drogue.

D’autres études s’inscrivent dans cette ligne. Par exemple, Dorn et South (1985) ont passé en revue plus de 400 articles et rapports sur les relations entre campagne de prévention contre l’abus d’alcool et comportement anti-alcool.

Ces chercheurs n’ont pu conclure à l’efficacité de ces campagnes. Il en est de même pour les campagnes anti-tabac (e. g., Hiscock et al., 2009), les campagnes d’information contre le cancer en général (Weller et al., 2009), celles en faveur du dépistage du cancer colorectal (Weinberg et al., 2009), du cancer du sein (Schopper et de Wolf, 2009) ou encore de la vaccination contre le cancer du col de l’utérus (Dempsey et al., 2009).

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Ainsi, le modèle opinion-comportement est, encore aujourd’hui, central dans la conception de la plupart des campagnes d’information ou de sensibili- sation. Les connaissances, opinions sont présumées éléments médiateurs d’une chaîne causale liant prise de conscience et changement comportemental. Or, depuis les premiers travaux de Wicker (1969), les psychologues sociaux savent qu’il existe un décalage entre ce qui relève de la sphère idéelle et ce qui relève de la sphère comportementale (cf. Webb et Sheeran, 2006). Un dernier exemple nous en convaincra. Albarracin, Durantini et Earl (2006) ont montré dans le do- maine de la prévention du Sida, à l’aide d’une méta-analyse portant sur 350 campagnes de préventions réalisées dans un intervalle de huit années que : 1/ces campagnes sont plus efficaces pour changer les connaissances en matière de sida que pour modifier les comportements lorsqu’il s’agit de se protéger du Sida2/les interventions impliquantes (e. g. jeu de rôle) sont plus efficaces que la présentation d’arguments face à un public passif ou l’induction de peur (Albarracin, Gillette, Earl, Glasman, Durantini & Ho, 2005).

En matière de communication de masse ou de proximité, la question s’est limitée jusqu’à présent à un schéma classique de la communication :« Qui dit quoi, à qui, dans quel canal ?»(Laswell, 1948). Après une analyse serrée de la litté- rature, Perloff (2003) dresse un bilan négatif. Il conclut que les messages n’at- teignent pas, dans la majorité des cas, le public auquel ils sont destinés et, au- delà, sont inefficaces contre des attitudes fortement ancrées. Cela ne signifie pas, selon nous, qu’informer ou qu’argumenter ne sert à rien (Brown et Albar- racin, 2005). L’information et l’argumentation servent au fil du temps à modi- fier les savoirs, les idées, les attitudes et à provoquer des prises de conscience.

À titre d’exemple, on peut être convaincu de la nécessité de moins boire ou de moins fumer sans réduire pour autant sa consommation d’alcool ou de tabac. Si l’information et l’argumentation sont nécessaires elles ne sont pas suffisantes.

Depuis Lewin (1947), un des pères fondateurs de la psychologie sociale, on connaît tout l’intérêt qu’il y a à obtenir des actesa priorianodins de la part de celles et de ceux dont on souhaite infléchir les comportements. La découverte de l’effet de gel, par Lewin, peut être considérée comme le point de départ d’une nouvelle problématique du changement comportemental et allait ouvrir la voie aux travaux sur la soumission librement consentie (Joule & Beauvois, 1998). On se souvient de la piètre efficacité des stratégies persuasives testées par Lewin (1947), durant la seconde guerre mondiale, pour inciter les ména- gères américaines à modifier leurs habitudes alimentaires. Pour prévenir les problèmes de malnutrition, il fallait notamment qu’elles cuisinent des bas mor- ceaux de boucherie. Rentrant chez elles, après la conférence, elles étaient pour- tant parfaitement informées et convaincues par les arguments qu’elles avaient pu entendre. Cela ne les empêcha cependant pas de se comporter exactement comme si elles n’avaient pas assisté à la conférence (seulement 3% d’entre elles cuisinèrent des bas morceaux de viande). On se souvient aussi que lorsque les

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ménagères étaient amenées à lever la main après une discussion de groupe pour signifier leur décision de servir des abats, les résultats sont tout autres.

En procédant ainsi, les ménagères furent dix fois plus nombreuses à le faire (32%). C’est dire l’importance de la décision dans le passage des idées (en l’occurrence des bonnes idées) aux actes.

Ainsi, peut-on considérer à la suite de Lewin que le lien entre les idées et les actes n’est pas direct. Il est, par conséquent, nécessaire de faire intervenir un maillon intermédiaire : l’acte de décision. Prises dans leur ensemble, les re- cherches-actions de Lewin, montrent tout l’intérêt qu’il y a à obtenir des déci- sions de la part de celles et ceux dont on souhaite modifier les comportements.

Certaines décisions sont des plus faciles à obtenir. Il suffit de les solliciter–et donc la plupart du temps d’une simple demande–pour qu’elles soient prises.

3. De la communication persuasive à la communication engageante

Sur la base des considérations précédentes, nous avons proposé de regrouper dans un même paradigme de recherche, lacommunication engageante(Joule, Gi- randola, Bernard, 2007 ; Joule, Bernard, Halimi-Falkowicz, 2008), d’un côté, les travaux réalisés, dans le champ de la communication persuasive et, d’un autre côté, les travaux réalisés dans le champ de la soumission librement consentie.

Dans le droit fil des célèbres recherches-actions de Kurt Lewin, ces travaux nous informent sur les procédures d’influence sociale susceptible d’augmenter la probabilité de voir quelqu’un faire librement ce qu’on souhaite qu’il fasse.

3.1 La communication persuasive

L’utilisation du terme persuasion est généralement limitée à la présentation de messages défendant une position différente, la plupart du temps opposée, à celle que les sujets peuvent avoir en privée. Prise dans son ensemble, la littéra- ture sur la persuasion nous informe sur les effets produits par les principales variables étudiées par les chercheurs comme, par exemple : 1/ les caractéris- tiques de la source : l’efficacité du message est, par exemple, affectée par la crédibilité de la source, la sympathie qu’elle a su ou pu inspirer; 2/la construction du message : l’efficacité du message dépend, notamment, du choix et de la place des arguments (forts vs. faibles), du choix du type d’argumentation (unilatéral vs. bilatéral), du type de conclusion (explicite vs. implicite); 3/le contexte dans lequel le message est émis : l’ef- ficacité du message dépend notamment du contexte (agréable vs. désagréable ; choix vs.

contrainte, appel à la peur vs. non appel à la peur, etc.)dans lequel un message est diffusé. Ce champ de connaissances, particulièrement précieux, nous éclaire

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donc sur les principaux facteurs affectant l’efficacité d’un message persuasif (Chabrol et Radu, 2008 ; Meyer, 2000 ; Petty et Cacioppo, 1986 ; Petty, Fazio et Briñol, 2009).

3.2 La soumission librement consentie

La littérature scientifique nous renseigne, d’un autre côté, sur des techniques d’influence susceptibles de déboucher sur les changements de comportement attendu (e. g. Joule, 2006). D’un point de vue pratique, le paradigme de lasou- mission librement consentiepeut être défini comme l’étude des procédures sus- ceptibles d’amener autrui à modifier librement ses comportements. Dans ce pa- radigme le changement passe par la réalisation d’actes préparatoires (un petit pas dans la bonne direction : mettre un autocollant sur le pare brise de sa voi- ture, par exemple) et des actes d’engagement (par exemple : signer une charte, signer un formulaire d’engagement). De nombreuses recherches montrent tout l’intérêt qu’il y a à obtenir des engagements précis de la part de celles et de ceux dont ont souhaitent modifier durablement les comportements (Girandola, 2005 ; Kiesler, 1971 ; Roussiau & Girandola, 2002 ; Girandola & Roussiau, 2003 ; Katzev & Wang, 1994 ; Joule, Bernard, Halimi-Falkowicz, 2008). Comment en- gager une personne dans ses actes ou un acte préparatoire ? La manipulation de la variable engagement, selon Joule et Beauvois (1998), peut s’effectuer en tablant sur différents facteurs. Nous regrouperons ces facteurs dans deux caté- gories. La première catégorie concerne les caractéristiques de l’acte : 1/Le carac- tère public de l’acte. Un acte réalisé publiquement est plus engageant qu’un acte anonyme. 2/Le caractère explicite de l’acte: un acte explicite est plus engageant qu’un acte ambigu. 3/L’irrévocabilité de l’acte: un acte irrévocable est plus enga- geant qu’un acte révocable. 4/La répétition de l’acte: un acte que l’on répète est plus engageant qu’un acte qu’on ne réalise qu’une fois. 5/Les conséquences de l’acte: un acte est plus engageant lorsqu’il est lourd de conséquences réelles ou prévisibles. 6/Le coût de l’acte: un acte est engageant lorsqu’il est coûteux en argent, en temps, en énergie.

La seconde catégorie concerne les caractéristiques du contexte dans lequel l’acte est réalisé, ce contexte pouvant doter le sujet de raisons externes ou de raisons internes. Les raisons externes désengagent, contrairement aux raisons in- ternes qui engagent. En effet, les raisons externes (promesses de récompenses, menaces de punitions) distendent le lien entre un individu et ses acte, alors que les raisons internes (« je me suis comporté librement »,« c’est dans ma nature d’avoir fait ce que j’ai fait »le resserre. Les théoriciens de l’engagement tiennent, d’ailleurs, la déclaration de liberté (« c’est à vous de décider »,« vous êtes libre d’ac- cepter ou de refuser », etc.) pour le principal facteur d’engagement. Il est égale- ment bien établi que des phrases comme« cela ne m’étonne pas de vous, c’est dans votre nature »ou encore comme« vous êtes quelqu’un de serviable »,« vous

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êtes quelqu’un d’honnête », vont favoriser l’établissement d’un lien entre l’indivi- du et ses actes.

a) Le principe du pied-dans-la-porte

Le pied-dans-la-porte est la procédure de soumission librement consentie qui a donné lieu au plus grand nombre de recherches (pour une revue : Burger, 1999). Son principe revient à demander peu (acte préparatoire) avant de de- mander davantage (comportement attendu). Dans une de leurs expérimenta- tions, Freedman et Fraser (1966) demandent d’abord à des ménagères de ré- pondre, sous le couvert d’une enquête téléphonique, à quelques questions anodines, sur leurs habitudes de consommation (acte préparatoire). Quelques jours plus tard, les ménagères reçoivent un nouvel appel téléphonique, on leur demande, cette fois, de bien vouloir recevoir chez elles, deux heures durant, une équipe de plusieurs enquêteurs (comportement attendu). En procédant ainsi, Freedman et Fraser constatèrent que leurs chances de voir accepter cette requête particulièrement coûteuse étaient deux fois plus fortes (52% d’accepta- tion) que dans la condition contrôle dans laquelle les ménagères n’avaient pas été préalablement sollicitées pour participer à l’enquête téléphonique (22%

d’acceptation). S’il convient, ici, de parler de soumission, dans la mesure où spontanément les ménagères se seraient comportées tout autrement, c’est bien d’une soumission librement consentie dont il s’agit (Joule & Beauvois, 1998), celles-ci en arrivant à faire librement, précisément, ce qu’on attend d’elle. Prises dans leur ensemble, les recherches conduites dans le paradigme de la sou- mission librement consentie montrent que l’on a plus de chance d’obtenir les changements comportementaux attendus lorsque les arguments persuasifs que l’on avance (ou les informations que l’on diffuse) ont été précédés par l’ob- tention d’un acte préparatoire, pour peu que cet acte préparatoire ait été réalisé dans un contexte d’engagement (voirinfra). Tout se passe comme si, la réalisa- tion d’un acte préparatoire rendait les personnes plus sensibles aux arguments ou aux informations ultérieurement diffusés dans le message persuasif. Sur la base de la méta analyse de Burger (1999) certaines caractéristiques affectant l’efficacité de l’acte préparatoire peuvent être dégagées. Pour être efficace, l’acte préparatoire doit être effectivement réalisé. Il doit avoir un certain coût. L’acte préparatoire et le comportement attendu doivent relever de la même identifica- tion de l’action. L’acte préparatoire ne doit pas être lié à une compensation fi- nancière, et de façon plus générale, à des promesses de récompenses. Ainsi, l’acte préparatoire doit-il être obtenu dans des conditions telles que celui qui le réalise ne puisse expliquer la réalisation de cet acte que par des facteurs in- ternes (e. g. ses goûts, ses convictions, ses attitudes), à l’exclusion de tous fac- teurs externes (e. g., pressions situationnelles, promesses de récompense ou menaces de punition).

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b) Pied-dans-la-porte et don d’organes

S’agissant de don d’organe en tablant sur des actes préparatoires, les cher- cheurs sont parvenus à modifier les comportements : signer une carte de don- neur. Carducci et Deuser (1984) ont utilisé un pied dans la porte afin d’inciter des étudiants à devenir donneurs d’organe après leur mort. Dans un premier temps, il était demandé à certains étudiants de répondre à 20 questions sur ce thème tandis que d’autres assistaient à une conférence sur le don d’organes.

Dans un second temps, l’intention des sujets à devenir donneurs était recueillie sur une échelle allant de 0 à 100. La condition dans laquelle les sujets répon- daient à 20 questions se différencie de la condition persuasion, les sujets ayant davantage l’intention de devenir donneur d’organes dans la première condi- tion que dans la seconde. Plus récemment, Girandola (2002) a manipulé le délai entre les 2 requêtes et le nombre d’expérimentateurs. Il observe une augmenta- tion de l’intention de devenir donneur quand 2 personnes formulent la requête initiale (répondre à 5 questions) et la requête finale (se positionner sur une échelle sur l’intention de devenir donneur d’organes), et ceci quelque soit le dé- lai, ainsi que lorsque la même personne présente les 2 requêtes mais avec un délai entre les 2 requêtes (en fait un délai de 3 jours).

Eyssartier, Joule et Guimelli (2007) ont montré que l’on pouvait augmenter significativement la probabilité que des personnes signent une carte de donneur en obtenant préalablement un acte préparatoire : signer une pétition en faveur du don d’organes ou encore, rédiger des arguments susceptibles de convaincre un ami de signer un acte de donneur d’organes. Dans cette étude ces chercheurs se sont aussi intéressés à la représentation sociale que la personne cible pouvait avoir de l’objet sur lequel portent l’acte préparatoire et l’acte attendu. Une des caractéristiques essentielles des représentations sociales consiste dans le fait qu’elles constituent, selon Moscovici (1961) un guide pour l’action. Autrement dit, elles sont susceptibles d’orienter les comportements dans un sens plutôt que dans un autre. Il est donc raisonnable de penser que la probabilité d’occur- rence d’un comportement prédit par la théorie de l’engagement puisse être af- fectée par les représentations sociales. Ainsi, l’étude des représentations sociales aide à identifier les actes préparatoires les mieux à même de déboucher sur les comportements recherchés (Eyssartier, Joule et Guimelli, 2009). Les actes pré- paratoires activant des éléments importants ou centraux de la représentation sociale du don d’organes (par exemple,« faire don de soi ») seraient plus effi- caces que ceux activant des éléments moins importants ou périphériques (par exemple,« sauver des vies ») de cette même représentation. Une hypothèse prin- cipale est mise à l’épreuve dans le paradigme du pied dans la porte : des sujets ayant réalisé un acte préparatoire (signer une pétition) ayant trait à un élément central ou important de la représentation du don d’organes seront plus enclins à accepter la requête finale (signer une carte de donneur). Dans un premier temps les sujets étaient invités à signer une pétition dont l’accroche variait en fonction

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de l’élément central vs. périphérique de la représentation que l’on souhait acti- ver. Dans un second temps, il leur était demandé de signer une carte de donneur (mesure comportementale) envers le don d’organe.

Éléments centraux Éléments périphériques Faire

don de soi

Plus de greffes d’or- gane

Aider les autres

Lutter contre la ma- ladie

Total élé- ments cen- traux

Sauver des vies

Acte coura- geux

Un acte ci- vique

Faire reculer la mort

Total élé- ments périphé- riques

témoin 1

12/20 60%

8/20 40%

9/20 45%

11/20 55%

40/80 50%

6/20 30%

8/20 40%

6/20 40%

6/20 25%

28/80 35%

32/136 23,5%

Nombre et pourcentage d’individus ayant signé une carte de donneur d’or- ganes en fonction de la centralité ou de la périphérie de l’élément activé de la représentation sociale du don d’organes (d’après Eyssartier, Joule et Guimelli, 2007)

Les résultats montrent que les sujets sont plus enclins à signer une carte de donneur lorsque l’acte préparatoire est fondé sur les éléments centraux de la représentation du don d’organes que lorsqu’il est fondé sur les éléments péri- phériques. Cet effet est observé lorsqu’on oppose globalement les conditions avec activation d’un élément central aux conditions avec activation d’un élé- ment périphérique. En effet, les individus des trois conditions dans lesquelles un élément central est activé, considérés ensemble, sont plus nombreux à si- gner une carte de donneur d’organes que ceux des trois conditions dans les- quelles un élément périphérique a été activé (50 vs. 35%). Il semble donc que les représentations soient susceptibles de fournir un axe de référence permet- tant d’avancer dans la compréhension des effets comportementaux observés dans certaine situations de soumission librement consentie comme celle du pied dans la porte.

Dans la même veine Marouane, Souchet et Girandola (2009) ont utilisé un double-pied-dans-la-porte prenant appui sur la réalisation de deux actes pré- paratoires (Goldman, Creason et McCall, 1981) et non plus d’un seul comme dans le pied-dans-la-porte classique. Le premier acte préparatoire consistait à remplir un argumentaire sur le don d’organes portant soit sur un élément cen- tral (e. g.« le don d’organe c’est faire un don de soi ») soit sur un élément périphé- rique (e. g.« le don d’organe c’est sauver des vies »). Un second acte préparatoire concernait la signature d’une pétition dont l’accroche portait soit sur un élé- ment central (« Nous demandons au ministre de la santé le financement d’une campa- gne de sensibilisation visant à convaincre l’ensemble de la population de l’importance de signer une carte de donneur d’organes ca donner ses organes, c’est faire don de soi ») soit sur un élément périphérique de la représentation (« Nous demandons au mi- nistre de la santé le financement d’une campagne de sensibilisation visant à convaincre l’ensemble de la population de l’importance de signer une carte de donneur d’organes

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ca donner ses organes, c’est faire reculer la mort »). Les personnes devaient ensuite donner leur accord pour signer une carte de donneur d’organes. L’expérience testait l’efficacité d’un pied dans la porte comparée à un double pied dans la porte. Les résultats obtenus, sans toutefois être significatifs, montrent que ce sont les personnes placées dans la condition double-pied-dans-la-porte avec activation d’éléments centraux qui acceptent en plus grand nombre (80%) la signature d’une carte de donneur comparativement à celles placées dans la condition pied-dans-la-porte simple avec activation d’un élément central par argumentation (65% d’acceptation) ou par pétition (65% d’acceptation). Les taux d’acceptation obtenus en situation de simple pied-dans-la-porte-et de double-pied-dans-la-porte diffèrent significativement du groupe contrôle (20%

d’acceptation).

3.3 La communication engageante

Dans le paradigme de lacommunication engageanteles principales questions à traiter sont, comme dans le cadre de la persuasion :« qui dit quoi ?»,«à qui?»,

« comment ?». Mais il s’en rajoute une autre, dont la prise en compte est déter- minante lorsque l’on recherche des effets comportementaux et pas seulement des effets cognitifs, à savoir :« en lui faisant faire quoi ?». En d’autres termes, s’il convient de traiter les grandes questions traditionnelles :« quelles sont les bonnes informations à transmettre ?»,« quels sont les meilleurs arguments ?»,« quels sont les canaux, outils, médias les plus appropriés?», il convient aussi de traiter la question suivante :« quels sont les actes préparatoires à obtenir de la part de celles ou de ceux dont je recherche le concours ». C’est la prise en compte de cette dernière question qui, en conférant à la « cible » un statut d’acteur–et plus seulement de récep- teur– distingue une démarche de communication « engageante » d’une dé- marche de communication « classique ». Cette option revient à militer en fa- veur d’une articulation entre, d’une part, les travaux sur l’engagement et sur la soumission librement consentie, et d’autre part, les travaux sur la communi- cation en général et sur la communication persuasive en particulier. Elle nous a permis d’obtenir des effets cognitifs (changement d’attitude, d’intention, mais aussi meilleure rétention des informations contenues dans le message persua- sif) et des effets comportementaux (promotion des comportements attendus) dans des actions de santé publique, de protection de l’environnement et de fa- çon plus générale dans des actions au service de causes d’utilité sociétale (pour synthèse Joule, Girandola et Bernard, 2007 ; Joule, Bernard, Halimi-Falkowicz, 2008).

S’agissant de dons d’organes, nous ne voulons pas dire que les actions d’information ou de sensibilisation sont vaines. Elles sont évidemment né- cessaires pour agir sur les opinions. Nous voulons simplement dire qu’elles gagneraient probablement en efficacité si elles s’accompagnaient de la libre

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réalisation d’actes préparatoires engageants (Joule et Bernard 2000), surtout lorsque ces actions ambitionnent de toucher les comportements effectifs (par exemple : signer ou non une carte de donneur). Le recours à des démarches en- gageantes nous paraît d’autant plus pertinent que, dans le domaine du don d’organe, il n’y a pas de corrélation entre l’attitude qu’une personne peut avoir envers le don d’organe et la décision de signer une carte de donneur (Baluch, Randhawa, Holmes, Duffy, 2001). La recherche dont nous rendrons compte a été réalisée pour voir si la réalisation d’un acte préparatoire pouvait permettre d’augmenter la probabilité que des sujets acceptent de signer une carte de don- neur d’organes. Les sujets (des étudiantes de l’université de Provence) étaient répartis aléatoirement en 2 groupes (une condition contrôle et une condition de pied-dans-la-porte). Dans la condition contrôle, les sujets étaient invités à si- gner une carte de donneur sur une base argumentative donnée. Dans la condi- tion de pied-dans-la-porte cette invitation, dont la base argumentative était maintenue constante, était précédée par l’obtention d’un acte préparatoire : ré- pondre à la question suivante : « si vous deviez convaincre un de vos amis de prendre une carte de donneur d’organes qu’es-ce que vous lui diriez ? Quels sont les arguments les plus persuasifs que vous pourriez trouver ?». La pas- sation était individuelle. Dans la condition contrôle, 32 sujets sur 101 ont signé une carte de donneur d’organes (soit 31.68%) contre 24 sur 46 (soit 52.17%) dans la condition expérimentale (sur 22 sujets ayant refusé de signer une carte, 2 n’avaient pas voulu réaliser l’acte préparatoire). Les sujets de la condition expérimentale sont significativement plus nombreux à signer une carte de donneur d’organes que ceux de la condition contrôle.

4. Activation des émotions par les actes préparatoires

Les moments qui accompagnent une demande de prélèvement suscitent des émotions ouvertement partagées aussi bien auprès des proches du défunt que de l’équipe médicale. Ces émotions sont susceptibles de façonner la décision d’acceptation ou de refus de prélèvement chez les proches. D’un point de vue théorique, de nombreux chercheurs en psychologie sociale et cognitive in- tègrent le rôle des émotions dans les études sur la prise de décision (e. g. Forgas, 2006 ; Hammond, 2000). Zajonc (1980) souligne le rôle déterminant que jouent les émotions dans la façon dont les individus envisagent leurs choix, leurs pré- férences, leurs décisions, leurs comportements et relations interpersonnelles. Il défend l’idée qu’émotion et cognition1 sont deux processus indépendants et

1 En sciences cognitives, le mot cognition est utilisé notamment pour désigner non seulement les pro- cessus de traitement de linformation dits « de haut niveau » tels que le raisonnement, la mémoire, la prise de décision et les fonctions exécutives en général mais aussi des processus plus élémentaires comme la perception, la motricité (Dictionnaire de la Psychologie, 2007).

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que l’émotion intervient en amont du processus cognitif. Au contraire Pour La- zarus, (1984) il y aurait primauté de la cognition sur l’émotion. Aujourd’hui, on observe une tendance très nette à défendre l’idée d’une interdépendance des processus affectifs et cognitifs (Damasio, 2003 ; Storbeck et Clore, 2007) et celle de la complexité de leurs interactions avec les variables comportementales (Baumeister, Vohs, DeWall & Zhang, 2007 ; Vohs, Baumeister et Loewenstein, 2007). Le sens commun ne différencie pas le plus souvent l’affect, l’humeur et l’émotion alors que ces notions ne sont pas équivalentes. Selon Forgas (2000), la notion d’affect est la plus générale et définit un état de faible intensité, diffus et relativement persistant, et qui n’a pas de cause précise. Les affects ont une va- lence positive et négative et définissent le fait de se sentir bien ou mal. Par contre, les émotions sont des états affectifs plus intenses, de courte durée et qui sont liées a un événement spécifique (Ekman, 1992). Les émotions ont des effets relativement localisés sur la prise de décision et les jugements. Les affects sont plus diffus et peuvent être utilises comme une valeur informative élargie et donc produire des jugements plus variés. L’infusion est définie comme le processus permettant à une émotion ou affect d’exercer une influence sur un jugement ou une opinion.

Un examen de la littérature montre que les émotions sont de puissants dé- terminants du comportement. Pratkanis (2007) a montré que les émotions sont à la base de certaines techniques d’induction comportementale et que leur acti- vation, dans certains contextes, permet d’obtenir (ou pas) de la part des indivi- dus certaines décisions qu’ils n’auraient pas pris ou certains comportements qu’ils n’auraient pas réalisés spontanément. L’activation des émotions peut passer par l’obtention d’actes préparatoires. Par exemple, en situation de de- mande de prélèvement d’organes, l’équipe médicale peut activer l’émotion de gratitude en proposant son aide à la famille du défunt (« Avez-vous des questions à me poser ? Vous pouvez me joindre à n’importe quel moment. N’hésiter pas à m’ap- peler ...»). Selon Emmons et Shelton (2002) puis Emmons (2006), la gratitude est une reconnaissance exprimée envers une personne dont on a reçu un bienfait ou un service, incitant à donner quelque chose en retour (Emmons, 2007 ; Em- mons et McCullough, 2003). Elle nécessite de reconnaître que (a) l’on a béné- ficié de l’aide de quelqu’un, (b) que cette personne nous a intentionnellement procuré un service, entraînant souvent pour elle un certain coût et que (c) ce service a de la valeur aux yeux du bénéficiaire. Sur la base des travaux sur la gratitude, l’acceptation de cette aide devrait en retour favoriser l’acceptation par la famille de l’aide ultérieurement demandée par l’équipe médicale : l’ac- ceptation du prélèvement. Finalement, induire de la gratitude chez la famille proche du défunt équivaut, d’une certaine façon, à mettre en avant une norme sociale d’altruisme. Altruisme dont on sait, selon la méta-analyse de Nijkamp et al. (2008), être un facteur déterminant dans l’acceptation du don d’organes.

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Dans ces moments, il est aussi important de reconnaître les émotions « mo- rales » (cf. aussi Flückiger, 2009), identifiées par de nombreux travaux en psy- chologie sociale, susceptibles d’encourager la décision d’acceptation de prélè- vement que les proches n’auraient sans doute pas pris spontanément : la compassion (Cassell, 2002 ; Fogarty, Curbow, Wingard, McDonnell et Somer- field, 1999 ; Neff et Vonk, 2009 ; Vonk, 2002) et l’empathie (Batson, Ahmad, Lishner et Tsang, 2002 ; Batson, Duncan, Aekerman, Buckley et Birch, 1981 ; Cialdini, Schaller, Houlihan, Arps, Fultz et Beaman, 1987 ; Stocks, Lishner et Decker, 2009) très souvent exprimées dans ces moments par l’équipe médicale, le sentiment anticipé de culpabilité (Lindsey, 2005) ou encore le regret (Miller et Taylor, 1995). Le taux d’acceptation de prélèvement est souvent plus élevé chaque fois que les médecins font preuve de compassion et/ou d’empathie en- vers les proches. Le regret, par exemple, peut être considéré comme une émo- tion négative anticipée sur les conséquences d’une décision définitive. Antici- per un regret conduit, le plus souvent, à minimiser les chances de commettre une erreur. Le regret active des pensées contrefactuelles (ce que l’on aurait pu faire dans une situation si ...« Si j’avais accepté...»,« Si j’avais su ...») sources de stress et d’inconfort psychologique appelant leur réduction. Ainsi l’activation ou l’expression d’une ou de plusieurs de ces émotions, par l’intermédiaire d’un questionnement (acte préparatoire), peut faciliter chez les proches du défunt l’obtention d’une décision comme l’acceptation du prélèvement2.

Toutefois, à trop utiliser l’impact émotionnel, l’individu peut sentir sa li- berté d’agir menacée. Il peut se sentir aussi manipulé. Il éprouvera alors de la réactance (Brehm, 1966). La réactance est un état de tension désagréable éprou- vée par l’individu lorsqu’il sent que sa liberté de se comporter comme il veut est menacée (e. g. pression sociale, manipulation). La réactance motive alors la restauration de cette liberté. Cette restauration peut se manifester par de l’op- position ou du refus. Il convient donc, dans la situation de prélèvement d’or- ganes, de choisir avec justesse les émotions à activerviales actes préparatoires.

Le meilleur moyen de susciter l’adhésion à une décision est de laisser les indi- vidus libres de choisir. Le contexte de liberté est un facteur nécessaire à l’en- gagement. De nombreuses recherches en psychologie sociale expérimentale montrent qu’une simple déclaration de liberté (« vous êtes libre de ... c’est à vous de voir »), la possibilité de librement choisir laissée aux proches, permet d’obte- nir des décisions et des comportements coûteux sans susciter de refus (Gué- guen, 2002). Il y a donc tout lieu de croire que d’insister sur la liberté de choisir

2 Il s’agit du lien entre émotions morales et décision théorisé, depuis de nombreuses années, par les travaux en psychologie sociale expérimentale. Les pratiques des équipes médicales, impliquées dans la demande de prélèvement, peuvent relever de lactivation dune ou de plusieurs de ces émotions sans toutefois que ces équipes aient conscience et connaissance de leurs effets sur la décision des proches. Le consentement éclairé n’est donc pas le seul facteur pesant sur la décision des proches.

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des individus lors d’une demande de prélèvement empêche l’apparition de ré- sistance et, par conséquent, facilite l’acceptation.

Par ailleurs, plusieurs études montrent qu’il est « psychologiquement » plus facile pour les familles confrontées à une demande de dons d’assumer une acceptation de prélèvement que d’assumer un refus. Si on s’intéresse aux personnes insatisfaites de leur décision, il ressort de l’article de Burroughs, Hong, Kappel,et al.(1998) que 38% des familles sont insatisfaites de leur dé- cision après un refus alors qu’il n’y en a que 14% après une acceptation. Si on s’intéresse aux personnes satisfaites de leur décision, il ressort de l’article de Dejong, Franz, Wolfe,et al. (1998) que deux tiers des familles (66%) sont satis- faites de leur décision après un refus alors presque toute le sont (94%) après une acceptation. Alors, à formuler une demande de prélèvement, comme l’exige la situation des malades en attente de greffons, autant la formuler dans des conditions telles que les personnes sollicitées aient les meilleures chances de l’accepter.

5. Conclusion

Les résultats obtenus dans le paradigme de la communication engageante nous semblent donc, sur le plan pratique, probants. Ces recherches montrent que les bonnes résolutions ne sont pas suffisantes pour changer de comportements ou d’habitude. Elles montrent aussi qu’il suffit de peu de chose–en l’occurrence un ou quelques actes préparatoires bien choisis – pour que les personnes passent aux actes : signer une carte de donneur voire accepter le prélèvement lors du décès d’un proche (cf. dans cet ouvrage : C. Solanas« Approches des fa- milles dans le cadre du don de cornées : contribution des techniques de psychologie so- ciale »). C’est la raison pour laquelle les campagnes de communication, les ac- tions en faveur de signatures de carte de donneur mais aussi les demandes de prélèvement auprès des proches du défunt gagneraient en efficacité si elles né- gligeaient moins les actes préparatoires. Les actions incitant au civisme seraient plus efficaces si l’on voulait bien les inscrire dans un cadre théorique corres- pondant à l’état actuel du savoir prenant en compte les avancées en psycholo- gie sociale et sciences du comportement en matière de résistance au change- ment et de changement de comportement, même si ce savoir peut remettre parfois en question nos façons de penser et d’agir.

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