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SOMMAIRE du Chapitre

Partie 2.4 Le modèle « contrôles élémentaires » pressenti en France

2. Les modèles mécanistes

De manière complémentaire aux modèles empiriques, plusieurs modèles mécanistes ont été développés pour simuler la réponse métabolique de l’animal, chaque terme du modèle ayant une interprétation biologique (Beever et al., 1991). Bien que certains auteurs de modèles descriptifs aient tenté de donner une interprétation physiologique de leur modèle, comme l’a fait Wood en 1977 en introduisant les notions de stockage/déstockage de réserves et de développement de la glande mammaire, l’un des premiers modèles sur la lactation qui peut être qualifié de mécaniste est celui de Neal et Thornley (1983). Il est basé sur la différentiation des cellules mammaire et leur mort cellulaire programmée (apoptose) en intégrant trois facteurs : un flux d’apport de nutriments, une sécrétion d’hormone et le nombre de cellules sécrétrices. La lactation y(t) est décrite en fonction de l’activité des cellules sécrétrices. Ce modèle a toutefois une utilisation pratique très limitée du fait de l’indisponibilité des paramètres nécessaires au modèle, notamment sur la connaissance des apports nutritionnels.

Dijkstra et al. (1997) ont proposé un modèle très simple basé sur 4 ou 5 paramètres pour décrire le développement et la mort des cellules de la glande mammaire au cours de la gestation et de la lactation des mammifères. D’après les auteurs, il est difficile de donner une interprétation précise des paramètres compte tenu de la grande variabilité observée entre les animaux. Toutefois, Val-Arreola et al. (2004) interprètent les paramètres de Dijkstra et al. comme le niveau initial théorique de production laitière, le taux de différentiation des cellules sécrétrices (en séparant la phase ayant lieu pendant la gestation et celle du début de la lactation dans le cas d’un modèle à 5 paramètres), le déclin de la production et le taux de mort cellulaire. Ce modèle, développé par certains auteurs à partir de différentes espèces, principalement des rongeurs, présente toutefois un bon ajustement aux données de vaches laitières comme en témoigne Val-Arreola et al. (2004) et Dematawewa et al. (2007).

Pollott (2000) a proposé un modèle basé sur 6 paramètres qui décrit les 3 processus : la différenciation, l’apoptose et la sécrétion lactée de la glande mammaire. Les paramètres du modèle sont interprétés comme le potentiel de sécrétion maximum de la glande mammaire, le taux de croissance cellulaire, la proportion de cellules sécrétrices (différenciées) présentes au début de la lactation, le taux de différenciation cellulaire, la proportion de cellules disparaissant lors de la parturition et le taux de mort cellulaire. Ce modèle a été étendu aux composants du lait : matière grasse, matière protéique, lactose (Pollott, 2004). Malgré l’intérêt de ce modèle en terme d’interprétation des paramètres, les résultats sont controversés puisque

d’un point de vue pratique, il présente une mauvaise convergence d’après Val-Arreola et al. (2004) et Dematawewa et al. (2007). Malgré l’utilisation de différents algorithmes proposés dans la procédure du logiciel SAS (Statistical Analysis System) dédiée au modèle mixte non linéaire (NLMIXED) et notamment de l’algorithme de quasi-newton proposé par défaut, ces auteurs mentionnent des problèmes de convergence pour les modèles avec plus de 5 paramètres comme celui de Pollott. Ces problèmes seraient liés à une grande sensibilité du modèle aux valeurs initiales des paramètres. De plus, il existe très peu de méthodes exactes pour l’estimation des paramètres des modèles mixtes non linéaire ce qui réduit considérablement le niveau de confiance accordé à ces approches. Toutefois, l’émergence de méthode exacte d’estimation des paramètres basée sur l’algorithme SAEM-MCMC ouvre de nouvelles voies (Duval, 2008) d’utilisation de ces modèles.

Les modèles mécanistes les plus sophistiqués permettent donc de décrire précisément la courbe de lactation, mais sont souvent très difficiles à mettre en œuvre du fait de problèmes de convergence liés à une sur-paramétrisation et de difficulté dans l’interprétation des paramètres obtenus. Les modèles comportant un nombre limité de paramètres sont donc généralement favorisés pour leur facilité d’interprétation biologique.

Dans le cadre d’une analyse génétique avec un modèle mécaniste simplifié dépendant uniquement du potentiel de sécrétion maximum de la glande mammaire et du taux de mort cellulaire, Albarrán-Portillo et Pollott (2008) ont estimé l’héritabilité de ces deux caractères à 0.27 et 0.08 respectivement. Les corrélations élevées obtenues entre le pic de production et le potentiel de sécrétion maximum de la glande mammaire (0.99) et entre la persistance et le taux de mort cellulaire (0.84) en font un modèle très intéressant.

Dans la plupart des modèles vus précédemment, deux caractéristiques sous-jacentes, que sont le pic de lactation et la persistance, sont prédominantes. Toutefois, cette dernière notion a une définition et un mode d’expression qui varient largement suivant les modèles. La courbe de lactation est la résultante d’un nombre important de facteurs. Les principaux sont ceux relatifs à la conduite du troupeau (alimentation, état sanitaire, période de mise bas…), à l’état physiologique de l’animal (âge, gestation) et à son niveau génétique. L’étude des courbes de lactation permet de quantifier l’effet de ces différents facteurs, dans la mesure où ils peuvent être distingués les uns des autres. L’impact de ces facteurs sera abordé ultérieurement.

La modélisation des courbes de lactation a souvent été utilisée comme outil descriptif des formes de courbes observées. Désormais, les recherches sont consacrées à la modélisation de la variabilité entre courbes de lactation individuelles plutôt qu’à la modélisation d’une courbe commune à l’ensemble des vaches (Stanton et al., 1992 ; Pérochon et al., 1996 ; White et al., 1999). Avec le développement des moyens informatiques, il s’avère que le principal intérêt des courbes de lactation réside dans son aspect prédictif (Coulon et Pérochon, 1996 ; Olori et al., 1999). Prédire l’évolution de la production permet, en confrontant la prédiction à la production réelle, d’établir un diagnostic dynamique. Ce type de modélisation peut éventuellement être utilisé à des fins de management pour moduler l’alimentation en ajustant au mieux la production réelle à la production souhaitée. De plus, en cas de variation atypique,

facilement détectables et interprétables lorsque les données de production laitière sont enregistrées quotidiennement comme c’est le cas dans les troupeaux équipés de compteurs à lait. D’autre part, à partir du moment où, sous l’influence d’un facteur exogène, la production s’est éloignée significativement de sa trajectoire la plus probable, il importerait d’étudier la ou les lois du retour à une trajectoire normale. Dans ce domaine, il semble indispensable de développer la voie tracée par Dhanoa et Le Du (1982) et Goodall et Sprevak (1984) pour aboutir à des modèles qui soient capables d’intégrer l’existence des variations de la production autour d’une trajectoire moyenne. De tels modèles pourraient également être utilement appliqués dans le cadre de la valorisation des résultats du contrôle laitier. En effet, la règle généralement adoptée consiste à souligner une chute mensuelle de production supérieure à 10%, en ne considérant que deux enregistrements consécutifs (Masselin et al., 1987). Dans les outils d’appui technique actuellement disponible, tels que dans SIEL, cette valeur est paramétrable. Or l’application de modèles stochastiques devrait permettre d’aboutir à une meilleure interprétation des variations de production mensuelles en intégrant plus largement le passé de chaque courbe de lactation. Le développement des outils informatiques permet désormais de faire évoluer cette situation. Toutefois, le risque d’aboutir ainsi à un modèle lourd et complexe n’est pas négligeable, ce qui signifie qu’il ne faut pas délaisser la mise au point d’une gamme de modèles simples et opérationnels adaptés aux objectifs précis des différents utilisateurs (alimentation, génétique…).

Le choix d’un modèle ainsi que la quantité et la qualité des informations nécessaires à son estimation doivent donc être raisonnés en fonction de l’utilisation souhaitée. Ainsi, le calcul de la production totale sur la lactation à l’aide de 10 contrôles mensuels apparaît moins satisfaisante à partir de l’ajustement à une courbe de Wood qu’avec la méthode classique de Fleischmann : la précision n’est pas améliorée et le biais reste légèrement plus élevé (Schaeffer and Burnside, 1976 ; Congleton and Everett, 1980 ; Rowlands et al., 1982 ; Anderson et al., 1989). Le choix du modèle doit se baser dans ce cas d’une part sur la facilité d’estimation des paramètres, sa polyvalence (modélisation possible des différents constituants du lait et pas uniquement de la quantité de lait) et sur la qualité d’ajustement jugée non seulement sur les corrélations entre production prédite et production réalisée et la moyenne des résiduelles mais aussi sur leur variance et leur distribution. A niveau d’ajustement comparable, Guo et Swalve (1997) recommandent l’utilisation du modèle présentant le plus faible nombre de paramètres possible.

Partie 2.2

Les évaluations génétiques sur les

données lactation

Les évaluations génétiques nationales sur les caractères de production sont basées (ou l’ont été) sur un modèle dit « lactation» qui se base sur les données cumulées au cours de la lactation. En effet, certains pays ont évolué vers un modèle dit « contrôles élémentaires » qui sera présenté dans la partie suivante. Malgré une apparente homogénéité dans la définition des caractères laitiers, de nombreuses différences subsistent comme en témoignent les corrélations entre les pays participant aux évaluations internationales qui restent inférieures à 1 (Interbull, 2008). Selon Wiggans (2000), ces corrélations reflètent les différences dans la collecte des données de production laitière, les tailles de populations, les méthodes de calcul et outils statistiques disponibles lors du développement du modèle d’évaluation, les compétences et préférences du personnel ainsi que le temps disponible pour effectuer les améliorations souhaitées. Améliorer ces corrélations en homogénéisant les pratiques nationales permettrait de favoriser les échanges mondiaux et profiterait à l’ensemble des pays. Après avoir présenté les recommandations faites par le Comité International pour le Contrôle des Performances en Élevage (ICAR) sur l’enregistrement des données de production laitière (ICAR, 2007) et par Interbull (sous-comité d’ICAR) sur les évaluations génétiques nationales sur les caractères laitiers (extraite de l’Interbull Bulletin N°28, 2001), les indexations actuellement réalisées en France sur les caractères qui nous intéressent seront décrites. Une évaluation génétique se décompose classiquement en trois étapes : une étape de préparation des données, l’étape d’évaluation génétique sensu stricto et l’étape post-évaluation.