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SOMMAIRE du Chapitre

Partie 2.4 Le modèle « contrôles élémentaires » pressenti en France

2. Description générale du modèle contrôles élémentaires

2.2. Les effets dits « aléatoires »

2.2.3. L’effet troupeau année

De Roos et al. (2002) indiquent la présence d’un biais important sur la résiduelle quand l’interaction troupeau – année – stade de lactation n’est pas pris en compte dans le modèle. Pour tenir compte de cette interaction et prendre en compte des différences liées au système de conduite d’élevage et notamment à l’alimentation, Jamrozik et Schaeffer (1997b) ainsi que Jensen (2001) ont proposé d’inclure l’effet du troupeau dans la modélisation de la courbe de lactation. Mais à défaut d’avoir des troupeaux de taille suffisante pour inclure cet effet dans la définition de la trajectoire de la lactation, celui-ci peut être modélisé à partir d’une régression aléatoire, c'est-à-dire avec une courbe spécifique au troupeau pour une année donnée.

La courbe de l’effet troupeau – année permet de tenir compte de l’impact de la conduite du troupeau sur la production. Par exemple, certains troupeaux avec des systèmes de ration complète peuvent avoir une alimentation relativement pauvre pour les vaches fraîchement vêlées et au contraire supérieure aux besoins pour les vaches en fin de lactation, alors que les troupeaux en ration semi-complète, avec complémentation individuelle en fonction du niveau de production de la vache, tendent à maximiser la production au moment du pic et au contraire à la limiter en fin de lactation. Contrairement à l’effet fixe troupeau – jour de contrôle qui modélise le niveau moyen de production du troupeau, l’effet aléatoire troupeau – année modélise la déviation de la trajectoire de la lactation spécifique au troupeau, par rapport à la courbe de production moyenne. Les différences de persistance liées à la conduite du troupeau peuvent ainsi être prises en compte.

Gengler et al. (2001) et De Roos et al. (2002) ont montré, en utilisant un effet troupeau – année défini bisannuellement, que celui-ci avait un impact important sur la structure de la covariance génétique. Cet effet présente une variance non négligeable en début et fin de lactation, mais très faible (5 à 15 fois moins) en milieu de lactation. De Roos et al. (2004) l’ont estimé à 7 – 12% de la variance phénotypique en début et fin de lactation, soit 2 à 4% en moyenne sur la lactation. Ils ont montré que son inclusion dans le modèle contrôles élémentaires permettait de corriger les effets de bord observés lors de l’estimation des

variances génétiques (Misztal et al., 2000), accroissait la stabilité des paramètres estimés et réduisait l’héritabilité du caractère.

Pour expliquer la diminution de la variance génétique liée à l’inclusion de l’effet aléatoire troupeau – année dans le modèle observée par Jamrozik et al. (2001), Gengler et al. (2001) et De Roos et al. (2004), ces derniers avancent comme possible explication une confusion dans l’origine de la variance, les vaches et leur mère ayant généralement effectué leur carrière dans le même troupeau.

2.3. La résiduelle

La principale source d’hétérogénéité de variance dans les modèles contrôles élémentaires est celle liée au stade de lactation. Cependant, d’après une étude faite par Misztal et al. (2000), la plupart des modèles supposent que la résiduelle est normalement et indépendamment distribuée avec une moyenne nulle et une variance homogène sur la lactation ou au sein de classes. Le nombre de classes est toutefois très variable suivant les pays. Dans le modèle canadien (Schaeffer et al., 2000), quatre périodes sont définies : 5 – 45, 46 – 115, 116 – 265 et 266 – 305 jours. Au Royaume-Uni, la variance résiduelle est modélisé en fonction de 12 classes ayant des amplitudes variables de une semaine en début de lactation à plus de 100 jours lors de la seconde moitié de la lactation (Brotherstone et al., 2000). En Espagne, Rekaya et al. (1999) ont défini un modèle où la variance résiduelle est définie à travers 30 classes de 10 jours chacune. La distribution des résidus au cours de la lactation tend toutefois à remettre en cause l’hypothèse d’homogénéité de la variance résiduelle au sein des classes (Jamrozik et al., 1997b). Pour répondre à cette limite, il est possible d’exprimer la variance résiduelle comme une fonction du temps t (Robert-Granié et al., 2004 ; Schaeffer, 2004) ou de la modéliser en supposant une structure autorégressive (Schaeffer, 2004). La modélisation de la variance résiduelle à travers une fonction continue du stade de lactation reste la solution optimale, car elle permet de s’affranchir de l’hypothèse d’homogénéité de la variance à l’intérieur d’une classe et d’avoir un nombre faible de paramètres.

Ces études, généralement préliminaires à la mise en place de l’évaluation génétique, n’intègrent pas (à l’exception de Schaeffer et al., 2000) les sources d’hétérogénéité des variances souvent incluses dans les modèles lactation, telles que le troupeau ou l’année de production, dont l’importance a été montrée par Wiggans et VanRaden (1991) et Meuwissen et al. (1996). Ces sources de variation existent pourtant aussi dans les modèles contrôles élémentaires. Par exemple, Veerkamp et Goddard (1998) ont montré que les fonctions de covariance dépendaient du niveau de production du troupeau et plus spécifiquement que la variance génétique augmentait avec celui-ci. Ces résultats traduisent l’existence d’une hétérogénéité de variances liée au troupeau. Cependant, pour des raisons calculatoires, la prise en compte du niveau de production du troupeau est limitée à quelques classes (4 dans l’étude en question). Selon Jensen (2001), les méthodes se contentant de définir le niveau de production du troupeau comme covariable ne sont toutefois pas optimales car le niveau de production du troupeau dépend étroitement des données analysées. Il est donc nécessaire de corriger pour les variances hétérogènes simultanément à l’évaluation génétique, ou à défaut d’effectuer une correction des données préalablement à l’évaluation génétique (Kistemaker and Schaeffer, 1998).

Lorsquenousnous intéressonsàlapriseen compte de l’hétérogénéitédes variances résiduelles dans les modèles contrôles élémentaires actuellement utilisés, nous constatons qu’il subsiste toujours les 2 approches : précorrection vs intégration dans le modèle. Le Canada précorrige les performances pour l’hétérogénéité des variances entre troupeaux – jour de contrôle – rang de lactation préalablement à l’évaluation génétique selon la procédure décrite par Schaeffer et al., (2000). Une approche de précorrection des données est également utilisée en Allemagne et en Italie. Au contraire, les Pays-Bas intègre un ajustement pour les variances hétérogènes directement au modèle d’évaluation en ajustant à l’aide d’un facteur de correction la partie « résiduelle » du modèle définie comme la différence entre la performance et la somme des effets fixes et des effets génétiques.

Parmi les autres sources d’hétérogénéité de variance connue, le Canada a intégré à son évaluation génétique la prise en compte de la précision des protocoles de collectes des performances. La variance résiduelle y est modulée en fonction de la précision des données journalières, en la divisant par la précision du protocole en question, e.g. 0.89 dans le cas d’un protocole AT vs 1.00 avec un protocole A. Ainsi, les données recueillies suivant des protocoles allégés ont des variances résiduelles plus importantes.

Le développement d’évaluation génétique basée sur les contrôles élémentaires est donc délicat à mettre en œuvre compte tenu de la complexité du modèle statistique requis, du nombre d’effets à inclure dans le modèle, et surtout du nombre de données à traiter. Outre les aspects techniques, les pays précurseurs dans le développement de ce type d’évaluation ont eu maille à partir avec l’université Cornell qui a déposé un brevet sur les méthodes de management du troupeau laitier en février 1993. Ce brevet déposé en Amérique du Nord et en Europe porte sur l’analyse et la valorisation des données à l’échelle du troupeau. L’intégration de l’effet HTD dans les modèles contrôles élémentaires empiète selon cette université sur leur droit de propriété. En juin 2007, le bureau des brevets européen a rejeté la demande en appel faite par cette université et confirmé la décision de janvier 2005 de rejet du brevet, pour manque de caractère « inventif » par rapport à un document de Nichols datant de 1977. Toutefois, le brevet reste valable pour l’Amérique du Nord et impose au Canada de payer des droits afin d’utiliser cette méthodologie. Les risques financiers encourus sont une des explications du faible investissement de la France sur ce domaine pendant de nombreuses années.

Partie 2.4

Le modèle « contrôles élémentaires »

pressenti en France

Outre l’attrait d’une évaluation basée sur une méthodologie plus performante incluant une prise en compte plus fine des effets d’environnement et un impact variable des effets aléatoires au cours de la lactation, l’évaluation génétique sur les contrôles élémentaires présente un intérêt important en terme d’image des évaluations nationales dans un but commercial. En effet, la majorité des pays jouant un rôle majeur dans les échanges internationaux de matériel génétique sont passés à une évaluation génétique des caractères laitiers basée sur les données élémentaires. Au niveau des évaluations internationales, comme expliqué dans la partie1.2, ceci joue un rôle important sur le classement des animaux à travers les corrélations entre pays. Ainsi, Schaeffer et al. (2000) mentionnaient que les corrélations entre le Canada et l’Allemagne avaient augmenté suite au changement de modèle canadien pour se rapprocher du modèle allemand. Le développement d’une évaluation génétique basée sur les contrôles élémentaires pour les caractères laitiers est une étape nécessaire pour que la France conserve son rang parmi les pays leaders de la génétique bovine laitière.

L’intérêt de la France pour les modèles contrôles élémentaires, notamment sur les aspects méthodologiques, s’est traduit par une thèse soutenue par Florence Jaffrézic en 2001. Les premiers travaux sur le développement d’un modèle contrôles élémentaires en France n’ont toutefois démarré qu’en 2002. Ceux-ci ont principalement consisté à définir le modèle d’évaluation et plus particulièrement la modélisation des différentes régressions fixes et aléatoires. Une méthodologie permettant de combiner les paramètres génétiques estimés sur différents fichiers a aussi été mise au point. Les paramètres génétiques des trois principales races laitières françaises ont ainsi été estimés.

Comme l’ensemble des pays, la France a procédé par étapes pour définir son modèle d’évaluation et estimer les paramètres génétiques. Nous retracerons cette démarche d’un point de vue chronologique en présentant tout d’abord les grandes lignes du modèle pressenti, puis la phase d’estimation des paramètres génétiques en 1ère lactation (Druet et al., 2003), son extension aux 3 premières lactations, en incluant les contrôles enregistrés jusqu’à 335 jours de lactation (Druet et al., 2005) et enfin le modèle finalement retenu.