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Etape I Phase de fonctionnement normal (Turner, 1978) Correspond à la phase dite de routine ou de fonctionnement normal Des efforts de prévention, de planification et de réduction sont mis en place

3. Développement de stratégies de coalition − lutte pour les ressources ;

2.5. Organisation et processus de décision

2.5.1. Les modèles de décisions

Afin d’améliorer la gestion des crises, il est intéressant de se focaliser sur les modèles fondamentaux de décision puis de mettre en exergue les paramètres qui influencent les processus de décision lors d’une crise.

2.5.1.1. L’approche classique de la décision ou le modèle rationnel

La théorie « classique » de la décision postule une rationalité absolue des décideurs. Elle repose sur trois éléments (Livian, 2000) :

l’individu est le décideur, il pense de manière rationnelle ; il est capable d’avoir des objectifs clairs ;

il étudie toutes les alternatives possibles et détient les critères permettant de choisir une solution.

L’organisation est confondue avec un acteur unique, rationnel. Cela suppose donc que les acteurs de l’organisation disposent tous d’un but unique, accepté par tous. Dans ce type de modèle, les informations sont disponibles et complètes, les acteurs ayant la capacité de générer l’ensemble des alternatives qui s’offrent à eux pour résoudre le problème. Le modèle rationnel suppose que les résultantes de chaque alternative soient connues et classables selon des critères afin d’offrir le gain maximum à l’organisation (Forgues, 1993). La rationalité est définie comme relative à la sélection d’un comportement ou d’une action, préférée par rapport à une autre alternative. Ce processus peut être conscient ou non, fonction de l’information plus ou moins exacte dont l’individu dispose pour faire ce choix et il est orienté vers des objectifs personnels ou ceux de l’organisation.

Cette approche classique de la décision, de l’acteur unique, rationnel, a été critiquée principalement par Simon. D’autre part, elle n’est pas compatible avec la crise puisque le principe d’acteur unique n’existe pas.

2.5.1.2. Le modèle de la rationalité limitée

Le décideur est généralement placé au centre d’une organisation mais il n’est pas le seul « maître à penser ». Le concept de rationalité limitée, avancé par Simon permet d’expliquer pourquoi au sein d’une même organisation, deux individus ayant les mêmes informations, évoluant dans le même contexte d’action, prennent des décisions différentes. Selon Simon, la rationalité est de type limité, c'est-à-dire que le décideur fixera son choix sur la première alternative qui s’offre à lui et non sur la meilleure (Forgues, 1993). L’homme, de part ses capacités cognitives limitées est dans l’incapacité de générer l’ensemble des choix et alternatives d’un problème. De plus, de part une limitation des informations, le décideur est dans un processus de satisfaction et non dans celui d’une maximisation de la décision.

La notion de rationalité limitée comporte deux volets : « Les êtres humains sont rationnels car ils peuvent expliquer, la plupart du temps, les décisions qu’ils prennent […] ; d’autre part cette rationalité est limitée parce que les individus commettent des erreurs de jugement et n’atteignent pas toujours les buts qu’ils se sont fixés. (Parthenay, 2005)». Simon affinera son analyse en proposant les notions de rationalité substantive et de rationalité procédurale (Livian, 2002). La première est mise en œuvre lors des processus déductifs et analytiques présentant peu ou pas d’incertitude. Le second type relie les intentions et les perceptions. Elle est adaptée pour des situations d’incertitude au cours desquelles l’information est incomplète et où le raisonnement repose sur des raccourcis (ce qui est le cas lors de la gestion d’une crise).

2.5.1.3. Le modèle organisationnel de la décision

Il est difficile de concevoir l’organisation comme un acteur unique. En s’appuyant sur la théorie de la rationalité limitée de Simon, Allison (in Forgues, 1993) considère l’organisation comme un ensemble composite de plusieurs individus, chacun disposant d’un morceau du problème. La conception du problème requiert l’intégration des différentes visions des individus, de la collecte d’information, elles aussi fragmentaires. L’organisation met en place des procédures, des normes afin de traiter ce problème. Forgues (1993) note que ce type de structure est mal adapté pour la gestion des crises. En effet, le caractère rigide, procédural de modèle de décision, peut aggraver la situation.

2.5.1.4. Le modèle cognitif de la décision

Alors que les théories classiques postulent que les décisions sont prises de manière rationnelle, l’approche cognitive de la décision met en avant la présence de biais cognitifs et heuristiques (simplification du problème) présents lors des étapes du processus de crise pour expliquer les écarts de pensées observés (Laroche, 1994) ou des décisions absurdes (Morel, 2004).

L’identification et la formulation du problème résulte d’une construction cognitive au cours de laquelle, les acteurs s’appuient sur leurs expériences antérieures et sur leurs connaissances. Une des critiques majeures adressée à l’approche cognitive, repose sur le fait qu’elle se base sur le concept « d’individu rationnel » dans une problématique individualiste (Laroche, 1995 ; Allard-Poesi, 2003). Les processus organisationnels des décisions seraient appréhendés comme une simple agrégation des décisions individuelles, ce qui apparaît comme une régression. Elle se fonde principalement sur la notion de représentation collective et non individuelle. Les travaux de Weick (1995) à l’inverse, s’interrogent sur le comportement individuel des acteurs et les interactions entre individus, en les inscrivant dans un processus continu de construction du sens et de l’action organisée.

2.5.1.5. Le modèle de l’évitement : modèle de décision en situation de crise. Forgues (1993) propose un nouveau modèle explicatif des comportements et des décisions prises lors d’une situation de crise. Le concept central de ce modèle est l’évitement qu’il retrouve au niveau de l’individu, du groupe et de l’organisation. Les aspects de ce modèle peuvent être synthétisés dans le tableau 10. Les pré-conditions à l’évitement d’une situation de crise sont, au niveau individuel et du groupe, d’une part le rejet de l’incertitude et d’autre part la présence de dilemme dans les actions à entreprendre. L’organisation quant à elle, évitera une crise par le refus de prendre un risque au vu des coûts supérieurs aux bénéfices qu’elle pourrait en tirer.

Tableau 10 : Synthèse des caractéristiques du modèle d’évitement

L’individu Le groupe L’organisation

Pré-conditions à l’évitement

- rejet de l’incertitude ;

- présence d’un dilemme. - rejet de l’incertitude ; - présence d’un dilemme. - rejet de l’incertitude ; - refus de prise de risque.

Conséquences

- rejet des responsabilités ; - absence de recherche d’alternative : l’individu se conforme aux plans ; - déni de la crise. - refus de conflit ; - mise en retrait de certaines personnes ; - dilution des responsabilités ; - « appui» sur les autres groupes.

- comportements d’attente ;

- rejet des alternatives proposées.

Les conséquences de l’évitement sont le rejet de toute responsabilité, des comportements d’attentes, voir le déni de la crise.

2.5.1.6. Le modèle générique de Nioche adapté à la gestion de crise

En adaptant le modèle générique de Nioche à la gestion des crises, Boutté (2006) détaille les mécanismes qui conduisent une organisation, lors de la phase de réponse, à basculer en crise (Cf. Tableau 11).

Au niveau de la cellule de crise, le basculement vers le processus de crise s’explique par un jeu d’acteurs disputé, ne pouvant être régulé du fait de la turbulence élevée de l’environnement et de la pression temporelle suscitée par la situation globale. La crise se distingue donc de l’évènement déclencheur. Cette dernière n’est pas conditionnée par l’ampleur du phénomène dangereux et des conséquences, mais plutôt par les réactions des populations ou des médias, qui exercent une pression sur les décideurs. Ces derniers basculent dans un mode de gestion de type politique, dans un univers turbulent, et se retrouvent en crise.

Tableau 11 : Modèle générique adapté à la gestion des crises (Boutté, 2006) Environnement réel et /ou perçu

Stable Prévisible Turbulent

Situation de décision

Emergente Anticipée Occurrente

Concentré Acteur unique,

cognitif Ajustement Rationalisation « Règles de l’art » Réparti Organisationnel Adaptation

administrative Plan de secours et processus formalisé Plan de secours P ou vo ir Disputé M od èl es d e ci si on Politique Ajustement

consensuel « Jeu politique » Crise