• Aucun résultat trouvé

Etape I Phase de fonctionnement normal (Turner, 1978) Correspond à la phase dite de routine ou de fonctionnement normal Des efforts de prévention, de planification et de réduction sont mis en place

2.3. L’organisation à l’origine des crises

2.3.1. La complexité des organisations

La notion de complexité est associée aux crises. Pour appréhender cette complexité, certains auteurs (Deschamps, 1996 ; Pauchant, 1995) prennent appui sur les approches systémiques dans le but de rechercher les causes premières des crises au sein des systèmes socio- techniques et dans les dimensions de l’organisation et, développer, à terme, un management systémique des crises.

2.3.1.1. La complexité des systèmes socio techniques

En 1979, aux Etats Unis, un accident non prévu s’est produit au sein de l’installation nucléaire de Three Miles Island. Cet évènement a donné lieu à une analyse organisationnelle menée par le sociologue C. Perrow (1984), afin de compléter les analyses techniques. L’analyse de cette catastrophe a donc été faite selon une double approche : sous l’angle technique et sous l’angle organisationnel permettant ainsi de considérer ces phénomènes dramatiques dans leur globalité. Etudier les causes des crises industrielles selon une approche systémique relève donc d’une double logique (Pauchant, 1990) : une logique technique et une logique organisationnelle. Cet évènement a conduit C Perrow (1984) à formuler la théorie des accidents normaux. Selon l’auteur, les accidents majeurs survenant au sein des grands systèmes industriels complexes sont dits normaux car ils sont intrinsèques aux systèmes. Les systèmes sociotechniques sont caractérisés par la complexité du système en lui-même et un couplage serré entre les variables de ce dernier. Les défaillances inhérentes aux organisations à haut risque seraient inévitables car elles résulteraient d’une forte complexité des interactions de ces dernières et d’un couplage étroit entre leurs activités et les composantes du système rendant difficile l’anticipation des dysfonctionnements. Un changement de variable interne est à l’origine d’un changement de variable ailleurs dans le système, ce qui provoque inévitablement des accidents majeurs. Ainsi, une ou plusieurs variables d’un système peuvent

déclencher des interactions négatives qui s’amplifient et à terme provoquent une situation de crise.

Les principales causes à l’origine de ruptures dans les systèmes techniques complexes seraient dues (Shrivastava, 1994 ; Manion, 2002) :

au facteur humain : manque de communication entre les acteurs, négligence… ; au design technique du système : conception des process, équipements… ;

au système organisationnel : non report des incidents, rigidité organisationnelle, compartimentation des tâches, procédures… ;

aux facteurs socio culturel : négligence managériale, opérateurs de l’environnement et fournisseurs…

Pour Pauchant et Mitroff (1990), la crise est « un phénomène s’auto alimentant à partir de cercles vicieux (effets négatifs d’une action) inhérents à la complexité des systèmes techniques et sociaux ou bien introduits par l’action de l’homme. ». La crise serait donc déclenchée par une succession d’incidents, dont les effets négatifs, du fait de leurs interactions, amplifieraient le système. Selon une vision dialectique de l’organisation, la crise (phase aiguë) représente la partie immergée de l’iceberg, c'est-à-dire la zone de production (activités positives), la partie immergée, non visible de l’iceberg, équivaudrait à la zone de contre-production des organisations (activités négatives), cette dernière produisant des défaillances organisationnelles à l’origine des crises (Pauchant, 1996).

Une représentation intéressante de la complexité des systèmes est apportée par le modèle dit en « couche d’oignon » développé par Pauchant et Mitroff (1995). Quatre niveaux imbriqués sont définis :

le niveau 1, représente l’individu et les mécanismes de défense dont il dispose ; le niveau 2, correspond à la culture organisationnelle :

le niveau 3, inclut la structure organisationnelle et plus précisément les infrastructures développées par les organisations pour la gestion des crises. Selon les auteurs, la structure d’une organisation influence l’émergence de crise ;

le niveau 4, englobe les trois autres, représente les stratégies organisationnelles développées, c'est-à-dire les plans, les procédures, les normes définis par l’organisation. Ce modèle permet d’évaluer et de déterminer les défaillances ayant conduit à une crise. Les auteurs apportent également des modes d’interventions pouvant être mis en place selon les quatre niveaux.

Concevoir la crise selon une approche systémique revient à postuler que ces situations seraient induites par des défaillances techniques qui se combineraient à des défaillances organisationnelles, humaines ou socio - culturelles, ces dernières créant un système vulnérable aux défaillances techniques.

En effet, les premières défaillances conduiraient à un évènement redouté au sein d’un système technique, comme par exemple une rupture de vanne ou de tuyauterie conduisant à un accident industriel. Cet évènement redouté se combinerait aux vulnérabilités internes au système organisationnel, engendrant une incapacité de gestion de l’évènement qui n’est encore qu’au stade de l’accident. Les défaillances couplées à l’évènement déclencheur rentrent en résonance et créent une crise.

2.3.1.2. La multidimensionnalité des organisations

La complexité de la crise proviendrait également de la multidimensionnalité des organisations.

Selon Kovoor-Misra (1995, 2000), les crises sont provoquées par des facteurs présents dans six dimensions techniques, politiques, économiques, humaines et sociales, légales et éthiques qui composent les organisations, et qui engendrent des conséquences dans ces dernières. Les organisations techniques sont donc vulnérables vis-à-vis des crises du fait de la complexité des interactions entre les diverses dimensions. La compréhension de la complexité d’un système organisationnel passe par une compréhension de chacune. Ainsi, le contexte, le bagage éducationnel, les moyens techniques et l’expérience antérieure aux crises seraient autant de facteurs qui influenceraient la préparation aux crises (Kovoor Misra, 1995).

Par extension de la vision systémique de Perrow, Shrivastava (1993) intègre des défaillances externes aux systèmes techniques. En s’appuyant sur l’accident de l’usine Bhopal, il développe le modèle organisationnel dit « HOT-RIP » pour comprendre les causes des crises industrielles (Shrivastava, 1994). Selon lui, des défaillances internes à l’industrie d’ordres Humaines, Organisationnelles, Techniques se combinent à des défaillances externes à l’industrie comme la Régulation, les Infrastructures et la Préparation des communautés. Ces défaillances apparaissent au niveau des trois dimensions structurelles d’une organisation que sont (1) la sphère technique (équipements, matériels, …), (2) la sphère organisationnelle et humaine et (3) l’environnement externe qui exerce des pressions et nécessite des réponses de la part de l’organisation. Ce modèle tient ainsi compte des dimensions externes de l’organisation (environnement du système)

La complexité des crises provient également de la présence multiple d’acteurs lors de la phase aiguë (Lagadec, 1991).

Ces derniers étant sous pression, des comportements particuliers émergent (Boutté, 2006) : attitudes irrationnelles, conflits de pouvoirs, peurs, tensions. Ces comportements individuels peuvent être à l’origine d’une crise.

L’approche systémique et l’approche multidimensionnelle sont complémentaires pour décrire les crises des organisations. La première étudie la complexité des systèmes et les interactions entre l’organisation et son environnement, alors que la seconde se focalise sur les dimensions internes de l’entreprise. Ces deux approches supposent que des facteurs internes aux organisations déclencheraient des situations de crise. L’homme devient créateur de crise.