• Aucun résultat trouvé

L’aide à la décision : pourquoi, pour qui et comment ? 1 Pourquoi l’aide à la décision en gestion des crises ?

Méthodes et outils

6.1. L’aide à la décision : pourquoi, pour qui et comment ? 1 Pourquoi l’aide à la décision en gestion des crises ?

La formulation classique d’un problème de décision peut s’exprimer ainsi : un acteur, sur la base d’un objectif (gérer une situation de crise de grande ampleur), désire trouver les solutions optimales pour l’ensemble des solutions possibles afin de mettre en place ses actions.

Une crise est une situation complexe, unique, et diverses solutions à mettre en place sont envisagées. De ce fait découlent deux limites :

il est difficile de se représenter l’ensemble des solutions ou des alternatives possibles pour résoudre une crise ;

il a été montré en recherche psychologique (Belton, 1990 in Joerin ; Lin, 2000) que le cerveau humain (acteur) ne peut traiter simultanément qu’un nombre limité d’informations donc de critères. Ainsi, le choix d’une solution optimale s’en trouve affecté. De plus, cette limitation du traitement de l’information altère les capacités de représentation et de perception de la situation.

Selon la définition de Roy (2000),

l’aide à la décision est une activité de celle ou ceux qui cherchent à prendre appui sur une démarche à caractère scientifique pour éclairer des décisions de nature managériale et/ou guider des processus de décision dans des systèmes organisés.

C’est une démarche à la fois descriptive et constructive. Les méthodes d’aide à la décision ont pour vocation de faire émerger des éléments de réponses à des questions que se posent des acteurs engagés dans un processus de décision et d’apporter des moyens de cohérence entre la décision qui doit être prise et les objectifs et les systèmes de valeurs propres aux acteurs (Roy, 2000).

Au-delà de la recherche d’un optimum ou d’une solution idéale, les méthodes d’aide à la décision de type multicritères organisent et synthétisent les informations détenues par les décideurs (Joerin, 2002). Elles ont également l’avantage de permettre une structuration des processus de décision et d’apporter une justification des choix des décideurs. C’est dans cette logique que s’inscrit l’application d’une méthode de décision multicritères.

6.1.2. Pour qui ? Les acteurs et les décideurs

Toute activité d’aide à la décision fait intervenir des acteurs ou des décideurs et assez souvent un homme d’étude ou observateur. Ce dernier va modéliser l’objet d’étude afin d’aboutir à une représentation des rôles de chacun (Merad, 2003).

Le décideur est l’intervenant principal à qui s’adresse l’aide à la décision et qui occupe une place centrale dans le processus de décision. L’acteur d’un processus de décision est défini comme « un individu ou un groupe d’individus qui, par son système de valeurs, que ce soit du premier degré, du fait des intentions de cet individu ou groupe d’individus, ou au second degré, par la manière dont il fait intervenir d’autre individus influencent directement ou indirectement la décision » (Roy, 1985). Qui plus est, pour qu’un groupe d’individus soit identifié comme un seul acteur, il faut que « relativement au processus, les systèmes de valeurs, systèmes informationnels et les réseaux relationnels des divers membres du groupe n’aient pas été différenciés » (Roy, 1985).

L’homme d’étude correspond à un individu ou un groupe d’individus qui prend en charge l’aide à la décision en utilisant des modèles plus ou moins formalisés (Maystre 1994 in Joerin 1997). Il accompagne les acteurs dans leurs démarches d’aide à la décision et il peut être aidé par des experts de différentes disciplines qui auront quant à eux une vision partielle du processus.

Classiquement, la compréhension des groupes et des situations de décisions lors d’une étude de risque peut être faite à l’aide de la représentation développée par Rosness et Hodven (Korte, 2002).

Les auteurs ont proposé une représentation dans un espace à deux dimensions formé par la proximité au danger des acteurs et le niveau d’autorité de ces derniers sur la situation (Cf. Figure 22)

Figure 22 : Classes de processus de décision

La proximité du danger correspond au niveau d’implication des acteurs et au degré de criticité de la situation. Cinq situations sont définies en fonction de ces deux paramètres.

Le premier niveau correspond aux opérations routinières. Le niveau d’autorité est assez bas et à une distance moyenne de la source de danger. Le niveau managérial, détient un haut niveau d’autorité et est quelque peu éloigné de la source de danger. Le troisième niveau, celui de la planification bureautique et analytique, regroupe les activités de contrôle et de planification. Les acteurs sont assez loin de la source de danger et ils possèdent un niveau d’autorité assez bas. Le niveau politique, forme le quatrième groupe. Il englobe les instances gouvernementales, dont l’objet de la décision a des portées sur la mise en place des lois, des normes et des procédures de régulation. Le niveau d’autorité est assez élevé et les acteurs sont éloignés du danger. Le dernier niveau, celui nous intéressant pour cette étude correspond à celui de la gestion de crise. Il englobe les situations dont le contexte est particulièrement dynamique et les conséquences sont majeures (Merad, 2003).

Ces groupes d’acteurs ne sont pas figés dans le temps mais ils évoluent en fonction de divers paramètres. Ainsi, remis dans la problématique de cette étude, les services d’urgence, les réseaux de soins et le Préfet, peuvent être positionnés sur la figure 23. Ces trois catégories migrent d’un mode de fonctionnement normal vers un mode de gestion des crises.

Figure 23: Classes de décisions définies pour la problématique de gestion des crises.

Les acteurs prenant part au processus de décision, maintenant ciblés, il reste à choisir la méthode de décision multicritères.

6.1.3. Comment faire de l’aide à la décision : méthodes et outils.

6.1.3.1. Les différentes méthodes de décision multicritères

Les méthodes d’analyse multicritèress ont été développées dans les années 1960 (Tsoukiàs, 2003) afin d’apporter une aide à la décision lors de problèmes faisant intervenir de multiples critères.

Les méthodes multicritères sont appréhendées comme un processus non linéaire constitué de quatre étapes (Guitouni, 1998) :

la définition des problématiques et la structuration du problème de décision ; l’articulation et la modélisation des préférences ;

l’agrégation des préférences ;

la recommandation des actions à engager.

La problématique est la façon dont le problème de décision est posé. Quatre problématiques de référence ont été définies, tout problème de décision se ramenant à l’une d’entre elles (Roy, 1985) (Cf. Tableau 27)

Tableau 27: Les problématiques de références (Roy, 1985)

Problématique Objectifs Résultats

Alpha Eclairer la décision par le choix d’un sous-ensemble aussi restreint que possible en vue d’un choix final d’une

seule action

Choix ou procédure de sélection Bêta Eclairer la décision par un tri résultant d’une affectation

de chaque action à une catégorie, Tri ou procédures d’affectation Gamma Eclairer la décision par un rangement obtenu en

regroupant tout ou partie des actions en classes d’équivalence

Rangement ou procédures de classement Delta Eclairer la décision par une description, dans un langage

approprié des actions et de leurs conséquences. procédure cognitive Description ou

Lorsque la problématique est définie et le problème formulé en termes d’alternatives et de critères, la question est de savoir quelle méthode utiliser pour répondre à l’objectif général. Trois catégories sont distinguées (Cf. Tableau 28) : (Vincke, 1998) :

la théorie du multi attribut ou approche du critère unique : l’école nord américaine ; les méthodes de sur-classement : l’école française ;

les méthodes itératives.

Tableau 28: Exemples des méthodes multicritères d’aide à la décision en fonction des

approches retenues. D’après (Sharlig, 1985 ; Maystre, 1994 ; Griot, 2003)

Approches Principe Exemples

Agrégation complète

Ecole Américaine

Agrégation complète des critères ; on cherche à les réduire en un critère unique, en supposant que les jugements sont transitifs. Le résultat correspond à une synthèse totale des jugements des experts. Ces méthodes sont basées sur la

théorie de l’utilité

Méthode de hiérarchisation multicritères (Saaty, 1984), Multi Attribut Utility Theory

(MAUT) (Kenney, 1976)

Agrégation partielle

Ecole Française

Elle respecte à la fois l’incomparabilité et l’intransitivité. Il s’agit d’obtenir un résultat établissant des relations de surclassement sur toutes les actions. Les jugements sont agrégés partiellement c'est-à-dire que le résultat n’est pas

complètement représentatif des jugements de départ.

Méthode ELECTRE (Roy, 1968), Prométhée (Brans,

Vincke, 1984)

Agrégation locale et itérative

Elle s’attache à trouver un compromis acceptable dans le cadre d’un va-et-vient entre l’homme d’étude et le décideur.

Elle procède à une exploration locale et renonce à toute vision globale. Elle concerne des problèmes impliquant un

nombre très important d’actions, contrairement aux deux premières approches qui supposent d’être en présence d’un

ensemble A de dimensions raisonnables

UTA interactive (Siskos, 1980) ; PREFCALC (Jacquet-

Lagrèze, 1983)

Dans le cadre de cette étude, l’objectif consiste à synthétiser, regrouper, et hiérarchiser des informations permettant d’évaluer à tout moment l’état de crise de grande ampleur afin de connaître la gravité de la situation dans le but d’adapter les actions. Par ce biais, les connaissances essentielles et suffisantes pour éclairer les décisions seront extraites.

Parmi les problématiques de références citées précédemment, le problème de décision en situation de crise se rattache à la problématique de classement des informations recueillies par les acteurs. L’approche d’agrégation retenue est de type complet puisque l’objectif général de la procédure d’aide à la décision est de fournir un critère unique au travers d’un potentiel de crise suffisamment représentatif de la situation en présence.

6.1.3.2. Les outils de modélisation

Les méthodes d’aide à la décision, quoique utiles pour modéliser les préférences des décideurs, présentent certaines limites liées aux jugements subjectifs des décideurs. De plus, lors de problèmes comportant de nombreuses variables, les acteurs ne peuvent analyser un grand nombre de données.

Les réseaux bayésiens, et les réseaux de neurones sont utilisés pour analyser de grandes quantités de données pour extraire des connaissances utiles à la prise de décision, pour contrôler et prévoir le comportement d’un système. Alors que les réseaux bayésiens s’appuient sur les statistiques, les réseaux de neurones représentent les comportements des processus physique, chimique et économique à partir de connaissances a priori (Personnaz, 2003). Ils ont l’avantage principal de pouvoir modéliser des relations non linéaires sans connaissance au préalable des lois qui les régissent.