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Comment améliorer la gestion des crises ?

4.3. Améliorer l’apprentissage organisationnel

L’apprentissage se situe à deux niveaux : au niveau individuel et au niveau collectif ; le premier étant une condition nécessaire mais non suffisante au second.

4.3.1. L’apprentissage organisationnel

L’acte d’apprendre implique la détection et la correction d’erreurs (Argypis, 1978, 1985). C’est avant tout un processus de transformation des expériences acquises en compétences, qui s’initie lors de la remise en cause des référentiels ; les individus découvrent des écarts entre leurs intentions et les conséquences de leurs actions. L’apprentissage doit également permettre aux individus d’effectuer des transformations profondes des comportements. Mais les organisations apprennent en adaptant leurs actions, sans remettre en cause leurs principes fondamentaux. Plusieurs contraintes les empêchent d’apprendre (Sagan, 1993 ; Lagadec, 1997 ; Chourlarton, 2001 ; Fauchart, 2006) : le retour sur la réalité est toujours ambigu, les ajustements post-évènement se font sous couvert de blâmes, la recherche de fautes obscurcit les analyses situationnelles, les défaillances organisationnelles restreignent les échanges d’information, la structure même de l’évènement (causes réelles non identifiées) limite le processus d’apprentissage.

L’apprentissage du savoir-faire et l’amélioration des pratiques de gestion de crise (préparation) reposent sur la formation technique des acteurs afin de répondre à des situations connues, définies en amont dans des scenarios de risques en appliquant des plans codifiés. Or ce système d’acquisition des savoirs trouve actuellement ses limites du fait des nouvelles exigences des crises citées précédemment. Quelles sont alors les nouvelles voies s’offrant aux organisations ?

4.3.2. Des exercices et des simulations

La préparation peut s’appuyer sur la simulation de crise. Ces techniques revêtent de nombreux avantages (Boin, 2004, Mendonça, 2007 ; Crichton, 2001, Kincaid, 2003 ; Kanno, 2006, a ; Bruisma, 2006). De part les avancées techniques, une grande variété de crises et d’environnements de crises ainsi que leurs dynamiques, sont reconstitués. Elles aboutissent à des évaluations des plans et des pratiques, une identification des faiblesses et des qualités des organisations. Elles permettent, entre autre, aux individus n’ayant vécu aucune crise de se former et de prendre conscience des réalités de la crise et d’améliorer ainsi les processus de prise de décision, les communications et la coordination entre les acteurs.

L’utilisation de la simulation pour améliorer l’efficacité des acteurs lors de la gestion de crise n’est plus à démontrer. Mais, pour être efficiente, la simulation doit intégrer des scenarios crédibles et variés afin de confronter les organisations à l’inimaginable (Lagadec, 1997). Les caractéristiques des crises futures ainsi que les dynamiques (enchaînement des facteurs aggravants et défaillances organisationnelles) devront trouver leurs places. Les scenarios retenus incluront les connaissances tacites des acteurs qui auront été recueillies au préalable, lors des retours d’expérience. De plus, l’introduction de l’improvisation, de la flexibilité et de la créativité se fera selon sept caractéristiques techniques (Mendonça, 2007) :

mettre en évidence les zones d’ombre en permettant aux participants d’observer les processus de communication et de décision des autres participants ;

stopper et recommencer le processus afin de s’assurer que les directives sont comprises et assimilées ;

répéter autant de fois que possible les simulations ;

examiner les situations antérieures afin de réfléchir aux actions ayant pu être mises en place ;

introduire des erreurs afin de contraindre le participant à développer de nouvelles heuristiques et routines. ;

augmenter les scenarios en intensité ; apprendre un répertoire de comportements.

Armés de ces concepts, les acteurs pourront improviser lorsque la crise l’exige c'est-à-dire lorsque les plans ne pourront être appliqués.

Cette expérience acquise via la simulation se transformera en connaissance lors du processus d’apprentissage. Or il semble important de guider ce processus via un partage du vécu, du ressenti de chacun, afin de faire émerger à la fois les connaissances tacites, les connaissances explicites des participants ainsi que leurs représentations de la situation (Alexander, 2004). La simulation permet également aux décideurs de matérialiser leur processus de décision et plus particulièrement le décalage existant entre l’acte de décider et d’agir (Tremblay, 2007). A

terme, l’écart existant entre le réel, inscrit dans les plans, et la réalité de la crise simulée, émergera.

4.3.3. Les retours d’expérience

La deuxième source d’apprentissage correspond à la pratique des retours d’expérience. En effet, le préalable à l’apprentissage est la détection d’erreurs. Or, les mêmes constats après une crise, sont toujours établis. Cette récurrence des problématiques, proviendrait à la fois d’une non prise en compte des recommandations mais également d’une pratique du REX se focalisant essentiellement sur les conséquences et non sur le vécu des acteurs.

En effet, les échecs et les dysfonctionnements intervenus lors d’une crise sont analysés sous l’angle de la rationalité, du coté technique et analytique. Les experts cherchent à répondre au comment la situation s’est déroulée, qu’elles en ont été les conséquences et les répercussions économiques et sociales dans la société, pourquoi les conséquences ont été si importantes sans rechercher les facteurs organisationnels et le pourquoi du déroulement. Les retours d’expérience ne prennent pas en compte la totalité de la réalité de la crise car ils délaissent le vécu humain et les représentations que se sont forgées les acteurs. La crise est avant tout humaine et les retours d’expérience ne retiennent bien souvent que l’aspect technique.

La pratique du retour d’expérience peut être améliorée en intégrant une vision dialectique des conséquences, c'est-à-dire, en incluant à la fois une analyse rationnelle et une analyse humaine. Pour se faire, une description précise de la dynamique de crise reposant sur l’identification des incidents des signaux avertisseurs et des facteurs aggravants doit être menée (Cooke, 2003). La connaissance tacite des décideurs et des hommes de terrain, ainsi que les représentations individuelles et collectives de la crise, en fonction de leurs référentiels et de leurs systèmes de représentation symbolique sont à intégrer (Tremblay, 2007). De plus, l’étude des interactions entre les organisations lors de la gestion de la crise apportera une compréhension des dysfonctionnements de coordination (Therrien, 1995 ; Granot, 1997 ; Smith, 2000)

Les processus de décision, a posteriori, doivent également être analysés en vue de dégager les bonnes pratiques et les défaillances. Le retour d’expérience ne doit pas être considéré comme la recherche à tout prix d’un bouc émissaire mais comme un outil d’amélioration continue des pratiques organisationnelles permettant de remettre l’homme au centre du processus de crise.

Conclusion - Synthèse

La crise, au-delà des aspects négatifs, est une occasion de solidarité, d’entraide, de renouveau, de réforme, de réflexion au travers de projet de recherche et de remise en question des pratiques de gestion. L’amélioration de la gestion des crises se fait de manière continue, en introduisant d’une part, de la flexibilité et de la créativité dans les scenarios de risque et de crise, et d’autre part, en procédant à une analyse des vulnérabilités latentes des organisations. De plus, les acteurs doivent apprendre à se connaître afin de partager leurs savoirs, leurs référentiels d’actions et développer ainsi un langage commun et, à terme, une culture partagée des crises. La simulation et les retours d’expérience sont des moyens de perfectionnement avantageux à la seule condition que le vécu de l’homme côtoie l’aspect rationnel et analytique des crises. La connaissance à la fois des risques et des crises, et de leur propre organisation est gage d’amélioration des pratiques de gestion des crises et d’augmentation de la résilience. Afin d’avoir une vision complète des réalités de la crise, les acteurs doivent s’appuyer également sur les comportements émergents au sein des populations et des actions développées par ces dernières pour limiter les effets d’une crise. La connaissance du territoire par les populations locales est une source d’information précieuse pour les acteurs.

Afin d’aider les acteurs à percevoir et reconnaître une situation comme telle, la partie suivante s’attache à modéliser et à évaluer, selon une approche systémique, le processus conduisant à l’émergence des crises. Sur la base d’un modèle de crise, un système de veille stratégique du territoire, dont l’objectif et d’apporter une aide à l’anticipation et à la gestion des crises, est défini.

Partie II : Définition d’un système d’aide à

la décision pour anticiper et gérer des