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1. Chapitre I: introduction

1.15. Les systèmes de défense du SNC

1.15.3. Les modèles animaux utilisés pour l’étude du recrutement des monocytes au SNC

Pendant des décennies, il a été suggéré que le SNC était immunologiquement isolé des leucocytes sanguins par la BHE et que les microglies accomplissaient une partie importante des fonctions immunitaires au niveau cérébral [583-585]. Cependant, le dogme stipulant que l’infiltration des leucocytes est nulle et que ces cellules ne participaient pas à la réponse immunitaire cérébrale a été entièrement révisé grâce aux expériences utilisant les procédures de myéloablation et de transplantation de cellules de la moelle osseuse modifiées génétiquement de sorte à exprimer des marqueurs permettant de les retracer une fois recrutées au cerveau [440, 538, 586]. En effet, il n’existe aucun marqueur naturel permettant

de distinguer les microglies résidentes des macrophages dérivés des monocytes. À cet égard, la transplantation de cellules de la moelle osseuse qui expriment la GFP (pour «green fluorescent protein») chez la souris a apporté de nombreuses connaissances remettant en question l’hypothèse stipulant que la population des microglies était statique [484, 538, 586, 587]. Ces techniques ont ainsi contribué à la caractérisation de la destinée des cellules hématopoïétiques et des différents rôles qu’elles peuvent accomplir lorsqu’elles infiltrent le SNC dans des conditions pathologiques [530, 559, 571, 586, 587].

Autant chez les animaux que chez les humains, l’irradiation a été la première méthode utilisée dans le but d’éradiquer les progéniteurs hématopoïétiques et permettre une reconstitution optimale des niches de la moelle osseuse par les cellules nouvellement transplantées [538, 588]. Étant donné que les microglies résidentes du SNC sont résistantes aux procédures myéloablatives, les cellules nouvellement injectées sont principalement restreintes à la périphérie [538].

En effet, les radiations ionisantes (γ) qui sont émises induisent une mort cellulaire par apoptose des cellules hématopoïétiques progénitrices, connues pour être sensibles à ce traitement en raison de leur nature proliférative [589]. Le mécanismes impliqués dans la mort cellulaire dépendent de facteurs pro-apoptotiques tels que p53, les caspases et des membres de la famille Bcl-2 qui sont activés par des stress oxydatifs et la présence d’ADN endommagé [590, 591]. La dose standard d’irradiation généralement utilisée est d’environ 10 Gy. Cette dose induit une élimination efficace des cellules du système hématopoïétique. La transplantation de cellules hématopoïétiques qui s’en suit résulte en des taux de chimérisme très élevés dans les populations leucocytaires [592]. Il est à noter que cette caractéristique est importante lorsqu’il s’agit de réaliser des études ayant pour but de disséquer l’influence relative d’un paramètre immunologique donné lorsqu’il est exprimé dans des compartiments différents tels que le système hématopoïétique et le cerveau.

Des études s’intéressant à la réponse inflammatoire cérébrale dans des contextes pathologiques ont montré que les monocytes hématopoïétiques de souris donneuses pouvaient infiltrer le SNC pour finalement se différencier en macrophages ayant le même profil que les microglies résidentes. Ces observations ont été confirmées par la suite par plusieurs

études qui utilisaient une irradiation à une dose de 9-10 Gy comme méthode myéloablative [484, 586, 587, 593].

Cependant, malgré l’efficacité de l’irradiation suivie de la transplantation à générer de très bons taux de chimérisme dans les leucocytes chez les souris receveuses, il a été démontré que les cellules hématopoïétiques transplantées pouvaient migrer minimalement dans le SNC de façon non spécifique, ce qui pouvait biaiser l’évaluation de l’infiltration des leucocytes reliée à une pathologie [484, 594, 595]. Des études comparant différentes méthodes myéloabatives ont démontré que chez les souris irradiées intégralement, les monocytes inflammatoires sanguins pouvaient infiltrer le cerveau et donner naissance à des microglies. Les auteurs ont associé cette migration comme étant reliée à l’exposition du cerveau des souris aux radiations car ils ont noté une absence d’infiltration chez les souris ayant été irradiées en présence d’un dispositif protégeant la tête [565]. Une autre étude utilisant la parabiose, une technique qui consiste à connecter la vasculature de la souris donneuse à celle de la receveuse, a montré qu’aucune infiltration de monocytes dans le SNC n’était détectable suite à l’irradiation. Les auteurs ont conclu que l’infiltration observée chez les souris irradiées serait plutôt due à la transplantation de cellules souches progénitrices, normalement confinées dans la moelle osseuse, qui auraient la capacité de coloniser des niches dans le cerveau et joueraient le rôle de précurseurs des microglies [561, 596]. Cependant, les techniques d’irradiation avec protection de la tête des souris et la parabiose suivies par la transplantation résultent en des taux de chimérisme plus faibles (de 35-60%) que ceux obtenus suite à une irradiation intégrale (90-98%) [538, 565, 592, 596, 597]. Ce faible taux de chimérisme constitue donc un obstacle majeur lorsqu’il s’agit d’étudier l’impact de la déficience d’un récepteur exprimé à la surface de monocytes confinés à un compartiment particulier tel que le système hématopoïétique.

L’utilisation de la chimiothérapie comme méthode myéloablative alternative à l’irradiation pour l’étude de l’infiltration des leucocytes dans le SNC a pris de l’importance ces dernières années. Les traitements les plus utilisés consistent en l’administration de busulfan et de cyclophosphamide. Ces composés chimiothérapeutiques induisent une sénescence cellulaire qui est indépendante du facteur p53 [598]. Il est suggéré que la chimiothérapie suivie de la transplantation résulte en un bon taux de chimérisme, mais inférieur à celui généré par

l’irradiation, tout en ayant peu d’effets toxiques sur la BHE [592, 599]. Plusieurs études ont montré que cette méthode préservait l’intégrité de la BHE et prévenait l’infiltration des cellules hématopoïétiques dans le SNC en conditions quiescentes [538, 600]. Ces caractéristiques suggèrent que la chimiothérapie représente un bon outil pour étudier le recrutement physiologique des leucocytes au SNC car ce procédé empêche le recrutement non spécifique des cellules hématopoïétiques au SNC, ce qui permet de distinguer le recrutement induit uniquement par la pathologie.

En résumé, la chimiothérapie semble être un meilleur procédé pour générer des souris chimériques dans le but d’investiguer le recrutement physiologique des monocytes au SNC car elle n’engendrerait pas d’effets toxiques sur la BHE. D’un autre côté, l’irradiation paraît être un meilleur moyen pour générer des souris ayant de hauts taux de chimérisme dans les populations leucocytaires hématopoïétiques suite à la transplantation. Cette propriété pourrait être très importante lorsqu’il s’agit de décortiquer le rôle d’un facteur immunitaire donné exprimé dans des compartiments anatomiques différents comme le sang et le SNC.

2. Chapitre II : Hypothèses et objectifs