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Modélisation des processus cliniques

Chapitre 3 Etat des connaissances

3.2 Revue des théories et modèles

3.2.8 Modèle de succès d’un SI

Le modèle multidimensionnel de succès d’un SI défini par Delone et McLean, décrit six dimensions de succès d’un SI [Delone 1992,2003]. Le modèle évolué de Delone et al tient mieux compte des réalités de gestion des SI ; en élargissant la notion de qualité à l’information, le système et le service [Delone 2003]. Ces trois variables agissent séparément ou conjointement sur l’utilisation et la satisfaction des utilisateurs. L’utilisation du SI est subdivisée en deux sous variables : une variable d’intention et une variable de comportement d’utilisation effective. Le type d’utilisation qui en résulte peut avoir des effets sur la satisfaction des utilisateurs et inversement. Il découle de cette utilisation et de cette satisfaction des bénéfices nets. Les bénéfices nets d’un SI peuvent se décomposer en deux axes : individuel et organisationnel. L’utilisation et la satisfaction des utilisateurs affectent la production et l’évolution des bénéfices nets escomptés. A la lecture de la figure 3.9, on constate que les bénéfices nets découlent de l’utilisation et de la satisfaction des utilisateurs, qui, elles découlent de la satisfaction envers le système, l’information et le service.

• Qualité du système : facilité d'accès, utilisabilité, disponibilité, fiabilité (usability, availability,

reliability, adaptability).

• Qualité de l'information: précision, actualité, absence de biais, accessibilité, exhaustivité

(complete, relevant, easy to understand, and secure).

• Qualité du service : le support aux utilisateurs du système (the overall support delivered by the

service provider, applies regardless of whether this support is delivered by the IS department)

• Utilisation effective : temps réel d'utilisation, nombre de fonctionnalités utilisées.

Caractéristiques de la tâche Caractéristiques de la technologie Adéquation (Fit) tâche technologie (ATT) Performance Impacts Utilisation

• Satisfaction des utilisateurs : Sentiment personnel par rapport aux expériences d’utilisation

• Bénéfices nets : impacts positifs ou négatifs (net benefits are the most important success measures

as they capture the balance of positive and negative impacts )

Figure 3.9 : Delone & McLean IS success model [Delone 2003]

NB : Les dimensions identifiées en couleur seront pertinentes pour notre modèle d’acceptabilité du SIC en Post-adoption Utilisation Qualité de l’information Qualité du système Qualité du service Satisfaction de l’utilisateur Bénéfices nets Intention d’utiliser

3.2.9 Résumé et conclusions

L’évaluation d’un SIC est un processus qui utilise des méthodes de recherche pour investiguer systématiquement le développement, le fonctionnement, l’utilisation et l’impact individuel et organisationnel des TI en santé. Cette démarche suppose la mise au point conceptuelle d’un modèle théorique qui a pour objectif d’informer de l’évolution d’un phénomène, ici l’acceptabilité d’un SIC. Notre revue a montré la pluralité et la diversité des articulations utilisées dans la recherche en SI pour explorer et analyser le comportement individuel envers une TI. Les articulations théoriques présentées permettent de bâtir un cadre analytique qui met en interaction les dimensions des théories et modèles du paradigme de l’acceptation. Le tableau 3.1 résume la relation entre les dimensions des théories et les modèles abordés.

L’exploration des déterminants associés à l’acceptabilité des TI tant au niveau individuel qu’organisationnel souffre d’un manque de consensus théorique autour de l’objet de recherche (utilisation). La théorie de l’action raisonnée (TAR) et la théorie du comportement planifié (TCP) semblent être des théories émergentes, fédératrices et prometteuses pour le champ disciplinaire des SI. Les études de Fishbein ont pour objectif de comprendre le comportement des individus [Fishbein 1975]. Le modèle qu’ils ont proposé vise à expliquer et à prédire l’adoption des comportements individuels en général, dans lequel le comportement de l’individu est directement et uniquement déterminé par son intention de réaliser ce comportement. L’attitude de l’individu et les normes subjectives sont associées à l’idée d’adopter le comportement. L’attitude est fonction des croyances pondérée par l’importance que l’individu accorde à chacune de ces conséquences (évaluation). Les normes subjectives réfèrent aux croyances d’un individu quant à l’opinion de personnes ou de groupes de référence par rapport à la réalisation du comportement. La capacité de la TAR à expliquer le comportement d’adoption a été démontrée par plusieurs chercheurs au cours des dernières années [Hartwick 1994; Moore 1991]. De plus, en situation mandatée les normes subjectives semblent être des déterminants potentiels à l’intention du comportement d’adoption.

La TCP est une variante de la TAR, proposée par Ajzen afin de tenir compte des comportements qui ne sont pas entièrement sous le contrôle volitif de l’acteur [Ajzen 1991]. L’adoption de certains comportements nécessite des ressources, des habiletés et des opportunités sur lesquelles l’individu

n’a pas le contrôle total. Afin de tenir compte de ces barrières, Ajzen a proposé la dimension perception du contrôle sur le comportement qui correspond au degré de facilité ou de difficulté que représente la réalisation d’un comportement pour l’individu. Cette dimension reflète les contraintes et les conditions facilitantes pour la réalisation d’un comportement. Elle peut avoir une influence directe ou indirecte sur le comportement. La TCP a également été utilisée à plusieurs reprises [Mathieson 1991; Taylor 1995, Yi 2006].

Le modèle de l’acceptation des technologies (TAM) proposé par Davis est une adaptation de la TAR avec une variante fortement axée sur l’explication de l’acceptabilité d’une TI. Le TAM postule que l’acceptation d’une TI est déterminée par l’intention d’utiliser, qui est influencée par l’attitude et l’utilité perçue [Davis 1989]. L’attitude est influencée par l’utilité perçue et la facilité d’utilisation perçue. C’est un cadre théorique simple et parcimonieux. Il introduit l’intention comme une dimension médiatrice de l’attitude et la relation entre l’attitude et l’intention respecte les fondements de la TAR. L’utilité perçue est une dimension du TAM qui est relativement stable dans les études longitudinales. La spécificité du TAM, la précision de ses dimensions et sa parcimonie en font un modèle fréquemment adopté dans les recherches en pré-adoption des TI [Mathieson 1991 ; Adams 1992; Chau 2001,2002a,b; Davis 1989; Szajna 1996; Venkatesh 2000a,b,c,d]. Ses liens causaux peuvent servir d’outil de diagnostic et de plan d’action pour le gestionnaire en TI en santé.

Bien que le TAM soit plus facile à appliquer, il ne fournit pas beaucoup d’informations sur le contexte d’utilisation, les croyances normatives et la pression sociale, les caractéristiques individuelles, ce qui pourrait être considéré comme sa limite majeure. Son implication pratique et managériale pourrait être limitée dans l’utilisation des résultats et dans les possibilités d’interventions ciblées (Quel plan de formation proposer et à quel type d’utilisateur ?). Des versions étendues du TAM ont intégré des dimensions qui peuvent déterminer l’acceptabilité sociale ou pratique d’un SI. En effet, pour pallier aux limites du TAM, la version TAM 2 a été proposée par Venkatesh [Venkatesh 2000b].

La théorie sociale cognitive (TSC) proposée par Bandura définit le sentiment d’efficacité (SE) personnelle comme une croyance que place un individu à ses capacités intrinsèques à réaliser un comportement spécifique [Bandura 1977]. Cette théorie vise à comprendre et prédire le comportement des individus. Selon Bandura, l’acceptabilité d’une TI repose essentiellement sur le SE

personnelle attendu qui tient compte des performances accomplies, de l’expérience vicariante, de la persuasion verbale et des états physiologiques. Comme les autres théories du paradigme de l’acceptation, la TSC place l’individu au cœur d’une triade d’interactions entre facteurs cognitifs, comportementaux et contextuels [Bandura, 1986]. Un médecin ou une infirmière qui a une grande confiance en soi ne perçoit pas la difficulté d’une tâche ou d’une situation problématique de la même manière qu’un autre individu qui a une confiance plus faible de son potentiel. Un professionnel de la santé qui souhaite améliorer son efficacité personnelle envers le SIC sera tenté d’interagir plus souvent et de manière volontaire avec la TI sans forcément être contraint à le faire. La formation et l’accompagnement du support aux utilisateurs ont une influence considérable sur le SE. La mesure du concept de SE est plus complexe à mettre en œuvre.

Contrairement au TAM qui est plus utilisé pour l’adoption individuelle, la théorie de la diffusion des innovations (TDI) proposée par Rogers est fréquemment utilisée dans la recherche en SI pour l’adoption individuelle et organisationnelle [Rogers 1995 ; Brancheau 1990 ; Jeyaraj 2006]. La TDI propose un cadre conceptuel et identifie cinq caractéristiques essentielles au processus d’acceptabilité d’une innovation: (1) l'avantage relatif, (2) la compatibilité, (3) la complexité, (4) la testabilité, (5) l'observabilité [Moore 1991]. Une méta-analyse a montré le rôle moteur des dimensions, avantages relatifs, compatibilité et complexité dans les processus d’acceptabilité [Tornatzky 1982].

Parmi les théories développées pour expliquer l’adoption individuelle [Fishbein 1975; Ajzen 1991; Davis 1989; Bandura 1977, 1986; Compeau 1995], il y a une similitude entre les dimensions avantages relatifs vs utilité perçue et complexité vs facilité d’utilisation perçue [Moore 1991]. Ces deux modèles utilisent l’intention ou l’utilisation actuelle comme dimension dépendante.

Selon Cooper, l’analyse du processus d’acceptabilité comporte également cinq phases : (1) initiation, (2) adoption, (3) adaptation, (4) acceptation, (5) routinisation et (6) infusion et dans laquelle on retrouve les trois niveaux d’analyse de Lewin, qui sont (1) la décristallisation, (2) le changement et (3) la recristallisation [Cooper 1990 ; Lewin 1951].

• La décristallisation correspond au moment ou l'individu prend conscience de la nécessité d'évoluer. Ce sentiment se forge sur un malaise, un décalage dont il perçoit l'inconfort. L'étape de décristallisation peut être subdivisée en trois épisodes:

2. Une période d'angoisse due au décalage entre les repères du passé et la situation nouvelle; 3. Une évolution vers un état de sécurisation dans lequel on considère que changer peut être

un gain. • Le changement

Une étape dynamique où l’on passe de l'abandon des anciens comportements à l'expérimentation de nouveaux comportements et de nouveaux schémas d’apprentissage. Cette expérimentation se fait souvent par essais / erreurs, par petites acquisitions successives qui correspondent à la dimension

testabilité de la TDI. À ce stage l'efficacité n'est pas maximale et souvent une régression des résultats

se produit. Cette régression temporaire peut faciliter l'argumentation d'un retour en arrière, d'un retour aux habitudes anciennes, la tentation du retour à des choses que l'on connaît bien et qui rassurent est très forte.

• La recristallisation

La phase de recristallisation est l’étape de consolidation des nouveaux comportements et apprentissages qui se stabilisent [Lewin 1951]. Les pratiques récentes deviennent le lot quotidien. Les savoir-faire se solidifient et le sentiment d’efficacité personnelle refait surface. Au fur et à mesure que cette consolidation s’installe, l’efficacité renaît parce que les actions deviennent plus sûres et l’utilisateur retrouve confiance dans l’innovation et des automatismes apparaissent.

Le modèle de l’adéquation entre la tâche et la technologie (ATT) proposée par Goodhue analyse l’habileté de la technologie à supporter les tâches dans les processus d’affaires [Goodhue 1995a,b]. L’adéquation est un agencement parfait entre les caractéristiques de la technologie et les caractéristiques de la tâche. Elle se mesure par huit dimensions (1) qualité des données, (2) caractère localisable des données, (3) autorisation, (4) compatibilité, (5) facilité d'emploi / formation, (6) opportunité de production, (7) fiabilité du système et (8) support aux utilisateurs.

La théorie de la confirmation des attentes (TCA) adaptée par Bhattacherjee positionne la confirmation des attentes au cœur du processus d’analyse du comportement post-adoption [Bhattacherjee 2001a,b]. Bhattacherjee emprunte les dimensions utilité et facilité au TAM pour expliquer l’intention de continuer l’utilisation d’une TI. La satisfaction des utilisateurs est une dimension médiatrice de l’intention de continuer. Les études post-adoption doivent adapter leur

dimension dépendante à la nature de l’intention du comportement, du contexte et du cycle de vie du SIC (positionnement dans le temps du SIC) [Karahanna 1999].

Le modèle révisé de Delone a permis de le resituer davantage dans la discipline de l’évaluation des SI [Delone 2003]. Il tient compte des critiques et des recommandations formulées sur la version antérieure élargie à la notion de qualité aux trois dimensions: la qualité de l’information, la qualité du système et la qualité du service. Ces dimensions influent sur l’utilisation du SI et la satisfaction des utilisateurs. La dimension utilisation a été scindée en deux sous-dimensions, l’intention d’utilisation et l’utilisation effective. Les bénéfices nets résultent de l’utilisation et de la satisfaction des utilisateurs. Les auteurs soulignent qu’il est important d’adapter la mesure des bénéfices nets aux objectifs de l’évaluation. Les bénéfices nets ont une rétroaction sur l’utilisation et l’intention [Delone 2003].

L’analyse des articulations théoriques montre que chaque approche théorique a sa particularité méthodologique avec des items associés à la mesure des dimensions qu’il faut manipuler avec beaucoup de délicatesse. L’utilisation des modèles et théories nécessite une bonne connaissance des interactions entre les dimensions associées aux théories et modèles utilisés. Le courant de l’intégration des théories et modèles dans les recherches en SI accroît davantage le besoin de disposer d’un cadre intégrateur des théories et modèles dans lequel l’agencement, l’ajustement, la structure et les relations de causalité sont clairement articulés. La figure 3.10 introduit les bases de notre modèle intégré et propose une démarche de lecture des modèles intégrés qui se structurent suivants trois couches dimensionnelles. (1) une dimension indépendante, (2) une dimension intermédiaire (3) une dimension dépendante [Fichman 2004].

Les théories et modèles ont été présentés suivant cette structure (cf. le tableau 3.1). En effet, la complexité d’un modèle intégré dépend du nombre de couches successives entre la dimension indépendante et la dimension dépendante. Les modèles complexes ont au moins deux couches dans leurs dimensions intermédiaires. Le positionnement d’une dimension dans une couche dépend de son articulation théorique avec le modèle d’origine. Le défi de la construction d’un modèle intégré réside dans l’observance des exigences liées aux articulations théoriques manipulées. Dans le tableau 3.1, les dimensions qui sont similaires de par leur définition ont été regroupées. Par exemple, complexité (IDT) vs facilité (TAM), utilité (TAM) vs avantage relatif (IDT), qualité service (D&M) vs support (TSC).

Les dimensions indépendantes ou intermédiaires suivantes :

• le support aux utilisateurs qui englobe tous les services de gestion et de soutien aux utilisateurs dans le but de favoriser le mieux possible l’accompagnement dans la mise en œuvre de la TI;

• les caractéristiques de l’environnement qui regroupe tous les facteurs contextuels pouvant influencer l’organisation;

• les caractéristiques de l’innovation qui décrit toutes les caractéristiques attribuables à l’innovation;

• les caractéristiques individuelles qui regroupent tout ce qui a trait aux facteurs individuels; • les conditions facilitantes qui capturent tous les facteurs internes ou externes qui viennent

plus ou moins faciliter la mise en œuvre et qui pourraient être intéressantes et pertinentes à intégrer dans un modèle théorique destiné à évaluer et à identifier les facteurs d’acceptabilité.

Dans la section suivante, notre revue des travaux ayant adopté les théories et modèles présentés clarifiera nos propos sur les approches intégratives des théories et modèles qui visent à la réconciliation des modèles de variances. En effet, les résultats présentés et les perspectives d’extension du TAM sont des arguments qui vont légitimer et consolider notre raisonnement autour du modèle d’acceptabilité d’un SIC. Effectivement, l’utilité et la facilité d’utilisation sont des attributs nécessaires à l’acceptation d’une innovation par les professionnels de la santé. Le support et l’accompagnement des utilisateurs sont aussi essentiels sans oublier la compatibilité du système avec l’environnement de travail et les processus cliniques. Le professionnel de la santé est un acteur organisationnel, ses attentes et son niveau de satisfaction sont autant de facteurs qui influencent le processus d’acceptabilité en post-adoption. Par conséquent, un modèle d’acceptabilité d’un SIC doit considérer toutes ces dimensions de gestion. Notre modèle intégré a été pensé et articulé autour de dimensions pertinentes, à fortes retombées managériales pour l’HEGP en France et le CHUS au Québec.

Tableau 3.1: Synthèse sur les théories et modèles en SI Théories et

Modèles

Dimensions

Indépendantes Intermédiaires Dépendantes

TAR

[Fishbein 1975]

Attitude

Normes subjectives

Intention Comportement (Utilisation,

Usage) TCP [Ajzen 1991] Attitude Normes subjectives Perception du contrôle

Intention Comportement (utilisation,

usage)

TAM

[Davis 1989]

Utilité perçue (avantage relatif) Facilité perçue (complexité)

Attitude Intention (pré-adoption) Comportement (utilisation, usage) IDT [Rogers 1995]

Avantage relatif (utilité perçue) Complexité (facilité perçue) Compatibilité

Testabilité Observabilité

Intention Comportement (utilisation,

usage) ATT [Goodhue 1995a,b] Caractéristiques de la tâche Caractéristiques de la technologie Adéquation tâche technologie Utilisation (comportement, usage)

Impacts (bénéfices nets, résultats attendus)

TCA

[Bhattacherjee 2001a]

Conformation Utilité perçue

Satisfaction Intention (post-adoption) TSC [Bandura 1977, Compeau 1995] Encouragement

Autre utilisation (caractéristiques individuelles expériences) Support Sentiment d’efficacité Anxiété Résultats attendus Affect (satisfaction) Usage (utilisation) Modèle du succès [Delone 2003] Qualité de l’information Qualité du système

Qualité du service (support)

Intention [utilisation] Satisfaction

Bénéfices nets (résultats attendus)

TAR : Théorie de l’action raisonnée, TCP : Théorie du comportement planifié, TAM : Modèle d’acceptation des technologies, IDT : Théorie de la diffusion des innovations, ATT : Modèle sur l’adéquation entre la tâche et la technologie, TCA : Théorie de la confirmation des attentes adaptée au SI, TSC : Théorie sociale cognitive.

Figure 3.10 : Synthèse des théories et modèles sur le comportement