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1.4 L’acceptabilité d’un système d’information

1.4.2 La différence entre la pré-adoption et la post-adoption d’un SI

Nous avons montré que le système d’acceptabilité est un processus dynamique contextualisé qui évolue dans le temps. Le point de départ du processus d’acceptabilité individuelle commence dans la phase de la pré-adoption (ou pré-implantation) d’un SI, pour ensuite évoluer dans le continuum du processus d’adoption. La différence entre la pré-adoption et la post-adoption réside dans son positionnement temporel d’une part et d’autre part dans l’origine de la formation des croyances. En pré-adoption les croyances sont formées à partir d’expériences indirectes alors qu’en post-adoption

Système d acceptabilité « Région d acceptation »

Comportement

Facteurs négatifs Facteurs positifs

Système de résistance « Région de refus »

les croyances sont formulées à partir de l’utilisation ou de l’expérience d’interaction entre les utilisateurs et le SI [Karahanna 1999].

La pré-adoption ou la post-adoption servent à positionner le chercheur en SI dans le temps et dans la démarche de recherche. Nous considérons qu’un SI, dans une organisation donnée, est en pré-adoption lorsque le système est au tout début du processus d’implantation, ce sont les premiers instants du projet au niveau individuel (utilisateurs finaux). De ce fait, le SI n’est pas encore installé, mais l’idée d’implanter le SI est présente et partagée par l’organisation au niveau des instances dirigeantes (adoption organisationnelle) comme au niveau individuel. Les individus appelés à utiliser le SI sont identifiés comme utilisateurs potentiels ou finaux.

Comme le souligne Zaltman le processus d’adoption d’une innovation en milieu organisationnel se fait à deux étapes: l’adoption primaire et l’adoption secondaire [Zaltman 1973]. L’adoption primaire consiste à une décision au niveau organisationnel d’adopter l’innovation disponible (les responsables hiérarchiques ou autorités) et l’adoption secondaire consiste à l’implantation dans l’organisation.

L’adoption primaire de l’innovation dans l’organisation couvre l’ensemble des étapes où les dirigeants de l’organisation ont analysés et décidés d’introduire une innovation technologique dans l’organisation. Ensuite, l’adoption secondaire de l’innovation correspond à l’adoption par les utilisateurs finaux dans l’organisation. Le processus d’adoption individuelle de l’innovation décrit la prise de connaissance sur l’innovation, la persuasion et la décision d’adopter. C’est un processus par lequel est déjà passé chaque acteur de la sphère décisionnelle de l’organisation au moment de l’adoption primaire. Une fois que l’innovation est introduite dans l’organisation dans le but de sa mise en œuvre pour soutenir les processus cliniques identifiés, c’est en ce moment alors que commence le processus d’adoption individuelle de l’innovation.

A partir du moment où les utilisateurs potentiels sont informés du projet SI, ils commencent à évoluer dans la phase de la pré-adoption. Cette phase débute avec un duel mental entre acceptation et résistance. Une fois les utilisateurs inscrits dans le processus ce sont les différents mécanismes de gestion et de support du projet qui influenceront l’évolution du phénomène d’acceptation ou de résistance à l’intérieur du continuum. La figure 1.6 montre les différents points de départ du phénomène d’adoption dans le processus d’acceptabilité. L’adoption ou le refus initial d’un SI est lié

aux caractéristiques organisationnelles et aux caractéristiques individuelles. Pour illustrer notre raisonnement, nous montrons dans la figure 1.6 comment la courbe du phénomène d’adoption peut évoluer selon la nature des contextes N°1 à 3. Chaque contexte est une forme organisationnelle caractérisée par ses ressources et sa stratégie de gestion des TI en santé. La diversité et la complexité des stratégies d’implantation des TI en santé, par contexte, peuvent expliquer les points de départ possible du phénomène. Un contexte favorable avec une stratégie adaptée à ses profils utilisateurs (médecins et infirmières) en pré-adoption (contexte N°3, figure 1.6) peut voir le phénomène débuté dans la zone d’acceptation un moment pour ensuite évoluer dans la zone de refus. Les moments de passage (point d’inversion de la dynamique du processus) d’une zone à l’autre sont importants à identifier et à analyser en recherche évaluative en SIC. Dépendamment du contexte, et pour plusieurs raisons (faible niveau de contrôle et de gestion des stratégies et des facteurs d’acceptabilité), un phénomène d’adoption organisationnelle et individuelle peut évoluer uniquement dans la zone de résistance pour une TI donnée. Par conséquent, le passage d’une zone à l’autre (contexte N°2 et 3, figure 1.6), ou le maintien dans une zone (contexte N°1, figure 1.6), dépend des mécanismes de gestion des facteurs et des plans d’action mis en place pour répondre aux attentes des utilisateurs.

Dans certains contextes organisationnels, la phase de pré-adoption couvre la phase de développement de test d’utilisabilité auprès des utilisateurs puis de réception du produit. La transition entre les deux phases pré versus post-adoption se situe dans les périodes suivant les séances de formation et d’accompagnement à la prise en main du SI par les utilisateurs.

Une longue période d’interaction et une expérience d’utilisation suffisante avec le SI consolident le positionnement des utilisateurs dans la phase de la post-adoption. Autrement dit, les utilisateurs sont en post-adoption dans un contexte organisationnel où ils ont une connaissance poussée du système, ils sont formés à l’utilisation optimale au quotidien du système et bénéficient d’un support et d’un accompagnement technique. Après une année de routine clinique avec un SIC électronique, on peut considérer que les utilisateurs sont positionnés en post-adoption. L’utilisation des TI devient un comportement organisationnel adopté et les services de support aux utilisateurs, une fonction du schéma organisationnel [Degoulet 1998].

La post-adoption individuelle a lieu dans une organisation se situant au moins en pré-adoption organisationnelle. L’adoption organisationnelle a lieu avant le processus d’adoption individuelle.

L’adoption organisationnelle est le terreau favorable, essentiel et nécessaire à l’adoption individuelle. D’une certaine façon, l’adoption individuelle est une concrétisation de l’adoption organisationnelle.

L’HEGP à Paris (France) a ouvert ses portes en juillet 2000 avec comme ambition d’opter pour l’usage des TI pour supporter les processus cliniques. L’organisation a d’abord adopté l’idée au niveau stratégique (direction hospitalière, direction de la tutelle), ensuite l’a concrétisée à l’ouverture et continue à promouvoir l’idée et l’usage de la TI auprès des professionnels de la santé. L’HEGP est à sa neuvième année d’utilisation du dossier patient électronique.

Les instances dirigeantes au CHUS à Sherbrooke (Québec) ont optée pour l’usage des TI pour supporter les pratiques médicales en 1989. L’adoption organisationnelle des TI a modifié la nature des pratiques et fortement influencé le processus de production de soins au CHUS. Cela fait plus de vingt ans que le CHUS a inscrit les TI à l’agenda de ses priorités organisationnelles. Le dossier clinique informatisé est devenu, pour ses professionnels de la santé, une composante majeure et indispensable pour assurer la continuité et la qualité de l’activité médicale au CHUS.

Au-delà des différences de couverture applicative et fonctionnelle, l’HEGP et le CHUS sont deux contextes organisationnels positionnés en post-adoption. Ils disposent d’un SIC informatisé et d’une volonté organisationnelle sans cesse renouvelée. Ils constituent ainsi des sites propices pour l’étude des comportements en post-adoption.

T0= temps de départ de la pré-adoption organisationnelle Tn= temps qui s’écoule en post-adoption

t0= temps de départ de la pré-adoption individuelle tn= temps qui s’écoule en post-adoption individuelle

Figure 1.6 : Dynamique du processus d’adoption organisationnelle et individuelle