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Modèle semi-classique de l’atome d’hydrogène isolé

Éléments d’atomistique

I.1 Atome d’hydrogène

I.1.1 Modèle semi-classique de l’atome d’hydrogène isolé

Considérons tout d’abord un atome d’hydrogène isolé. D’emblée, des considérations de symétrie due à la géométrie du problème émergent. Nous tâcherons dans les paragraphes qui vont suivre de comprendre en quoi ces symétries du problème sont essentielles dans le traitement semi-classique et quantique du problème de l’atome d’hydrogène.

I.1.1.a Constantes du mouvement : E, L et −−→A

Ce paragraphe se veut être un rappel de quelques résultats de mécanique classique relatifs au problème à deux corps, parfois appelé de Kepler-Coulomb, d’une particule dans un potentiel coulombien de la forme :

V (−→

r) = −k

r , (I.5)

−→

r désigne le vecteur position et où k est une constante positive, expression recouvrant par sa généralité à la fois les problèmes d’attraction gravitationnelle entre deux corps massifs et d’attraction coulombienne entre deux charges de signes opposés.

Par ces rappels, nous désirons montrer que certains des objets et outils, qui nous serons très utiles conceptuellement par la suite lors d’une approche purement quantique, appa-raissent « naturellement » lors de l’écriture des équations d’Euler et d’Hamilton-Jacobi. Les constantes du mouvement qui en découlent, tels les vecteurs moment cinétique L et de Laplace-Runge-Lenz−−→A , traduisent des symétries particulières du problème mécanique qui conduiront à la compréhension de la dégénérescence en énergie de certaines trajectoires électroniques.

Présenté de la sorte, ce problème permet de décrire en première approximation l’atome d’hydrogène et les atomes hydrogénoïdes. L’atome d’hydrogène est en effet composé d’un unique proton constituant le noyau, ainsi qu’un électron de valence. De charges opposées,

ces deux particules s’attirent par interaction coulombienne2. Dans ce type de problème à deux corps, il est courant de disjoindre formellement le mouvement du centre de masse et le mouvement dit « relatif » et ainsi de désigner par

µ= memp

me+ mp

et −→

r ≡ r , (I.6)

où me et mp désignent respectivement les masses de l’électron et du proton, les grandeurs relatives à la « particule fictive » associée au mouvement relatif des deux corps. Le noyau étant beaucoup plus massif que l’électron périphérique, cette particule fictive est asso-ciée, dans une très bonne approximation, à l’électron de valence de cet atome. Dans ce formalisme, les équations de Newton permettent de dégager une première constante du mouvement, l’énergie mécanique :

E = 1 2µ ˙r

2

kr , (I.7)

traduisant l’invariance par translation dans le temps du problème de Kepler-Coulomb. Dans cette expression, ˙r désigne la dérivée du vecteur position, soit le vecteur vi-tesse. La force f dérivant du potentiel V (r) est ainsi dite « conservative ». Cette force

f = −k.r/r3 dérivant du potentiel V (r) étant colinéaire au vecteur position, l’écriture du théorème du moment cinétique donne immédiatement la conservation du moment ci-nétique L = µ r × ˙r = r × p, traduisant l’invariance par rotation du problème – expression dans laquelle p = µ ˙r désigne l’impulsion de la particule fictive. Le mouvement de la particule fictive, c’est-à-dire dans notre cas de l’électron, est donc contenu dans un plan perpendiculaire à L.

L’existence d’une troisième quantité conservée est moins directe et relève une symétrie plus subtile du problème, caractéristique de la forme du potentiel coulombien en 1/r, appelée « symétrie dynamique ». Il convient d’écrire l’équation de la rotation du vecteur unitaire er et d’utiliser explicitement l’expression de la force f pour construire l’intégrale première du mouvement, appelée vecteur de Laplace-Runge-Lenz :

A= p × L − µkr

r . (I.8)

Comme on le verra sous peu, cette quantité vectorielle a une interprétation géométrique simple. Avant tout, en calculant le produit scalaire de −−→A avec le vecteur position er, on retrouve la première loi de Kepler, dite « loi des orbites », qui énonce que la trajectoire est une conique dont le centre attracteur occupe un des foyers, dont l’équation est la suivante : 1 r = µk L2  1 + A µkcos (θ − θ0) , (I.9)

où A = |A| désigne la norme du vecteur de Laplace-Runge-Lenz. De cette équation de la trajectoire émerge l’excentricité de la conique e = A/µk (0 ≤ e ≤ +∞) où θ0 est l’angle polaire du péricentre. Dans le cas d’un état lié, cette conique est une ellipse (0 ≤ e < 1) de demi-axes :

a= L2/µk

1 − (A/µk)2 et b = aq1 − (A/µk)2 . (I.10)

La norme du vecteur de Laplace-Runge-Lenz se retrouve donc dans les caractéristiques géométriques de la trajectoire. Elle correspond en effet, à une normalisation près, à l’ex-centricité de la conique de la première loi de Kepler. Ainsi, pour une trajectoire circulaire, le vecteur de Laplace-Runge-Lenz est nul et pour une ellipse très aplatie tendant à être linéaire A → µk. La Figure I.1 présente la construction du vecteur de Laplace-Runge-Lenz en quatre points −−→

ri de l’ellipse képlérienne.

Figure I.1 – Construction géométrique du vecteur de Laplace-Runge-Lenz en quatre points ride l’ellipse képlérienne. Avec l’énergie E et le vecteur moment cinétique L, le vecteur de Laplace-Runge-Lenz A est une quantité conservée du mouvement, caractéristique du potentiel en 1/r. Les longueurs a et b sont celles des demi-axes de l’ellipse.

On note directement à partir de la définition de A que L · A = 0, qui indique que le vecteur de Laplace-Runge-Lenz est contenu dans le plan orbital. Par ailleurs, la moyenne temporelle du vecteur position r est directement liée à −−→A par la relation :

hri = −32 L 2

(µk)2− A2A . (I.11)

Cette dernière relation permet en particulier de déduire que le vecteur de Laplace-Runge-Lenz est colinéaire à l’axe de symétrie de l’ellipse et est toujours orienté du centre de la force (qui peut être assimilé au noyau de l’atome d’hydrogène dans une bonne approxi-mation) vers le péricentre c’est-à-dire le point de l’orbite le plus proche du foyer. Cela se

vérifie Figure I.1, où le centre de la force est représenté par le point violet à l’intérieur de l’orbite et le péricentre correspondant au point de l’ellipse r1.

Nous avons donc mis en évidence trois grandeurs qui sont des constantes du mouve-ment : l’énergie mécanique E, le vecteur momouve-ment cinétique L et le vecteur de Laplace-Runge-Lenz A. Cependant, ces sept grandeurs scalaires ne sont pas toutes indépendantes, comme l’indiquait déjà l’équation L · A = 0, et ce qu’indique encore l’équation suivante :

A2 = (µk)2+ 2µL2E . (I.12)

Ainsi, il n’existe que cinq grandeurs scalaires indépendantes constantes du mouvement, ce qui est un maximum pour un système mécanique à trois dimensions, et ce qui fait de ce système à deux corps de Kepler-Coulomb un système « maximalement superinté-grable » [115]. Face à ces interdépendances, il est courant de choisir les trois composantes du vecteur moment cinétique L ainsi que les deux coordonnées polaires du vecteur de Laplace-Runge-Lenz A et θ0 pour décrire le système.

Ceci établi, il est alors aisé de résoudre les équations de Hamilton-Jacobi station-naires en coordonnées sphériques ou paraboliques et d’appliquer, pour un traitement semi-classique complet du problème de l’atome d’hydrogène, la méthode de quantification BWS3 dans ces systèmes de coordonnées respectifs. Le lecteur intéressé par cette théorie quelque peu historique est invité à se reporter aux travaux spécifiquement consacrés à ce sujet, ou à la thèse de doctorat de Jean Hare [118]. L’intérêt de ce paragraphe d’ouverture sur la théorie de l’atome d’hydrogène était de faire émerger les constantes classiques du mouvement et d’en appréhender la nature intimement géométrique. Par ailleurs, d’après le théorème de Noether, on sait que les invariances d’un système mécanique impliquent l’existence d’intégrales premières du mouvement. Le paragraphe suivant reprendra les élé-ments essentiels de la théorie de ces groupes de symétrie de rotation et dynamique qui seront primordiaux par la suite pour la compréhension de la dynamique quantique d’un atome de Rydberg couplé à un champ radiofréquence dans nos expériences.