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Éléments d’atomistique

I.1 Atome d’hydrogène

I.1.1. b Éléments de symétrie

i) Groupe des rotations d’espace SO(3)

L’isotropie du problème de l’atome d’hydrogène a pour conséquence la conservation du moment cinétique L. Ce lien se formalise du point de vue de la théorie des groupes par le fait que le moment cinétique L « engendre » les rotations, c’est-à-dire que le moment cinétique permet de construire les transformations canoniques correspondantes. On prouve ainsi que la fonction R(q, p) = p · q + dθ · L est bien la fonction génératrice de la 3. D’après les noms de N. Bohr [114], W. Wilson [116] et A. Sommerfeld [117] qui ont entre autres contribué à son développement.

transformation canonique infinitésimale associée à la rotation d’angle dθ dans R3. On peut alors définir l’opérateur vectoriel L tel que :

∀ θ ∈ R3, L · θ = i {θ, L} , (I.13)

et construire alors l’opérateur rotation Rθ d’angle fini θ :

Rθ = e−iL·θ . (I.14)

ii) Groupe de symétrie dynamique SO(4)

La conservation du vecteur de Laplace-Runge-Lenz, spécifique des problèmes à force centrale en 1/r, implique l’invariance du hamiltonien du système sous des transformations plus subtiles. Avant de construire une représentation de ce groupe de symétrie dynamique, il peut être judicieux, au vu de l’équation (I.12), de définir un vecteur de Laplace-Runge-Lenz réduit, noté en majuscule droite A, tel que :

A= √ 1

−2µE · A , (I.15)

permettant de réécrire l’équation (I.12) sous la forme :

A2+ L2 = −µk2E2 , (I.16)

ce qui symétrise un peu plus les rôles joués par le moment cinétique et le vecteur de Laplace-Runge-Lenz, dorénavant « réduit ». On en conclut que A2+ L2 est une grandeur conservée reliée à l’énergie de la trajectoire classique.

Le hamiltonien du système est donc invariant sous les transformations canoniques plus générales engendrées à la fois par le moment cinétique L, le vecteur Laplace-Runge-Lenz réduit A, ainsi que leurs produits. Ces transformations canoniques peuvent être représentées par l’opérateur :

T (θ, η) = exph− iL · θ + A · ηi , (I.17)

où l’on a définit l’opérateur A à partir du vecteur de Laplace-Runge-Lenz réduit, tel que :

∀ η ∈ R3, A · η = i {η, A} . (I.18)

L’ensemble de ces transformations forme le groupe des symétries dynamiques du problème qui s’identifie au groupe SO(4) des rotations d’un espace euclidien de dimension quatre. Il suffit pour s’en convaincre de calculer les crochets de Poisson entre

les différentes composantes de L, A ainsi qu’entre les composantes croisées : {Li, Lj} = ǫijkLk {Li, Aj} = ǫijkAk {Ai, Aj} = ǫijkLk i, j, k = x, y, z. (I.19)

Ce groupe est donc généré par un moment cinétique à quatre dimensions, c’est-à-dire un tenseur antisymétrique d’ordre deux et de dimension quatre, dont les six composantes sont celles de L et A : JH4 = 0 Lz −Ly Ax −Lz 0 Lx Ay Ly −Lx 0 Az

−Ax −Ay −Az 0

. (I.20)

iii) Structure du groupe SO(4) - Générateurs J1 et J2

De même que le groupe des rotations SO(3) traduit une propriété d’isotropie dans l’espace, c’est-à-dire qu’aucune direction de l’espace n’est privilégiée ou autrement dit que les trois générateurs de ce groupes Lx, Ly et Lz jouent des rôles similaires, le groupe

SO(4) ne privilégie aucun de ses six générateurs (à la différence de SO(3, 1) par exemple) ce qui traduit finalement une équivalence ou une certaine symétrie dans les rôles joués par

Let A. Dans l’étude de l’évolution séculaire des grandeurs L et A en mécanique céleste par la théorie des perturbations, l’évolution de ces deux grandeurs fait apparaître un système d’équations couplées qu’on parvient aisément, eu égard aux rôles symétriques de

Let A, à découpler en introduisant les demi-sommes et demi-différences de ces variables : J1 = 1 2  L − A J2 = 1 2  L + A . (I.21)

Les relations de commutation de J1 et J2 sont celles de deux moments cinétiques en trois dimensions et, qui plus est, ces deux moments cinétiques sont indépendants :

{J1,i, J1,j} = ǫijkJ1,k {J2,i, J2,j} = ǫijkJ2,k {J1,i, J2,j} = 0 i, j, k = x, y, z. (I.22)

Par inversion du système (I.21), on constate que L est bien la somme de deux moments cinétiques et donc effectivement par règle d’addition un moment cinétique, alors que le

vecteur de Laplace-Runge-Lenz réduit n’a pas lui cette nature : L =J2+ J1  A =J2− J1  . (I.23)

Si l’on considère les transformations canoniques engendrées par les éléments de ce groupe de symétrie dynamique, on peut réécrire l’expression (I.17) de T sous la forme :

T (θ, η) = exph− iL · θ + A · ηi

= exph− iJ1· (θ + η)iexph− iJ2· (θ − η)i = exph− iJ2· (θ − η)iexph− iJ1· (θ + η)i ,

(I.24)

où les opérateurs vectoriels J1 et J2 sont définis comme le produit du complexe i avec le crochet de Poisson des grandeurs associées, comme introduit précédemment pour L en (I.13) et A en (I.18). Pour écrire cela, on s’appuie sur la structure d’algèbre qu’ap-portent les crochets de Poisson sur l’espace des phases en mécanique hamiltonienne4. Ces égalités traduisent que toute transformation du groupe SO(4), qui transforme donc une trajectoire en une autre de même énergie, peut s’écrire comme le produit d’une rotation engendrée par J1 et d’une seconde engendrée par J2, ou vice versa.

Par ailleurs, en raison de la relation de (I.22) ∀i, j ∈ {x, y, z} , {J1,i, J2,j} = 0, il se cache derrière cet « efficace » changement de variables (I.21) une propriété bien spécifique du groupe SO(4), qui est d’être isomorphe au produit des deux groupes SO(3) :

SO(4) ∼= SO(3) ⊗ SO(3) . (I.25)

En d’autres termes, les deux algèbres de Lie associées sont découplées, de sorte que l’on peut écrire que so4 = so3L

so3. Finalement, les crochets de Poisson des composantes de

J1 et de J2 (deux premières relations de (I.22)) montrent que ces deux grandeurs réalisent le nombre maximum de générateurs qui commutent (le groupe est dit de rang 2) et on vérifie alors que les deux grandeurs J2

1 et J2

2 sont conservées et reliées à l’énergie de la trajectoire classique : J1,22 = 1 4  L2+ A2 = −µk8E2 = Cste . (I.26)

4. Cette utilisation extensive des crochets de Poisson dans ce traitement semi-classique de l’atome d’hydrogène sera dès le prochain paragraphe remplacé par des crochets de Lie selon la procédure de quantification canonique.

Il est cependant difficile de se représenter ces rotations tridimensionnelles dans l’espace physique usuel, car elles ne correspondent pas à des rotations géométriques que subiraient la trajectoire de l’électron de valence. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer la dé-finition (I.21) des grandeurs J1 et J2 et de se rappeler que si effectivement le moment cinétique L est générateur des rotations infinitésimales de l’espace physique, le vecteur de Laplace-Runge-Lenz réduit A est lui, comme on a pu le montrer, relié à l’excentricité des trajectoires elliptiques. Ces moments cinétiques J1 et J2, générant des rotations dans un espace plus complexe que R3, ne sont donc pas de simples moments cinétiques orbitaux.

Pour finir de révéler la subtilité de ces vecteurs J1 et J2, il convient de remarquer leur comportement singulier vis-à-vis des transformations de parité. Comme bien connu, l’opérateur parité laisse invariant le moment cinétique L, mais change cependant le signe du vecteur de Laplace-Runge-Lenz. Ceci se voit directement sur la définition (I.8) et se conçoit bien géométriquement en se rappelant que ce vecteur est relié à la valeur moyenne temporelle du vecteur position (voir équation. (I.11)). Si l’on considère la définition (I.21) des opérateurs J1 et J2, on voit que l’action de l’opérateur parité sur ces générateurs J1 et J2 provoque leur permutation : J1

P

←→ J2. Les deux groupes SO(3) dont le produit est isomorphe à SO(4) ne sont donc pas véritablement identiques comme pourrait le laisser croire la notation. Toute rotation de SO(4) se décompose donc en fait en un produit d’une rotation dite « isoclinique droite » et d’une rotation « isoclinique gauche ».

Il n’est pas le lieu de mener plus loin l’analyse de la structure de ces deux sous-groupes de SO(4). Pour ce qu’il nous importe dans ce manuscrit, cette description d’une famille de trajectoires de même énergie5 en termes de deux moments cinétiques J1 et

J2 indépendants nous permet, outre des commodités d’ordre analytique, de comprendre d’ores et déjà la dégénérescence parfois dite « accidentelle » d’un multiplet hydrogénoïde et de nous guider vers certains systèmes privilégiés de variables Action-Angle dans le cadre d’une quantification semi-classique BWS ou autrement dit vers certaines bases privilégiées pour la fonction d’onde dans le cadre d’une description quantique.

iv) Deux grandes familles de variables Action-Angles

Disposant de deux moments cinétiques « fictifs » pour décrire toute une famille de tra-jectoires de même énergie, il apparaît naturel de choisir comme variables Action-Angles, qu’on pourrait appeler découplées, le jeu de variables indépendantes constitué de la lon-gueur totale et de la projection sur un axe particulier, qu’on appellera (Oz), de ces deux moments cinétiques : J1z, J2z et J2

1 = J2

2. Ce choix d’un axe commun de quantification pour J1 et J2 permet de considérer les composantes Lz et Az, qui sont la demi-somme 5. En effet, le groupe de symétrie dynamique SO(4) permet de comprendre uniquement le lien « géo-métrique » entre différentes trajectoires de même énergie. Le moment cinétique et le vecteur de Laplace-Runge-Lenz étant des constantes du mouvement, l’énergie donnée par la formule E = (1

2µk2)/(A2+ L2)

en inversant l’équation (I.16) est conservée sous toutes les transformations du groupe SO(4). Les géné-rateurs J1et J2ne connectent donc pas de trajectoires d’énergies différentes.

et la demi-différence des variables J1z et J2z. Or, cette grandeur Az est intimement liée à la séparabilité de l’équation de Hamilton-Jacobi en coordonnées paraboliques [118] et on peut donc dire que le choix de variables découplées conduit naturellement à travailler en coordonnées paraboliques.

D’un autre côté, on peut décider de choisir un jeu de variables couplant les moments cinétiques J1 et J2 en considérant les variables associées à la longueur et la projection sur un axe particulier - qu’on prendra toujours (Oz) - de la somme de ces moments cinétiques (ainsi que la longueur de ces deux moments cinétiques fixant l’énergie E) : (J1 + J2)2, (J1z + J2z) et J2

1 = J2

2. Cependant, la somme des moments cinétiques J1 et J2 est justement égale au moment cinétique L ! Ce choix n’est donc autre que celui des variables L et Lz, c’est-à-dire celles qui apparaissent de facto dans la séparation de l’équation de Hamilton-Jacobi en coordonnées sphériques.

En conclusion, il apparaît que dans le cadre d’un traitement semi-classique de l’atome d’hydrogène, certaines symétries, dynamiques ou non, permettent de former des constantes du mouvement, comme l’énergie E, le moment cinétique L ou le vecteur de Laplace-Runge-Lenz réduit A, qui rentrent en jeu de fait dans la séparation des équations de Hamilton-Jacobi stationnaires dans tel ou tel système de coordonnées. Plus précisément, la séparabilité en coordonnées paraboliques est liée à la constante du mouvement qu’est le vecteur de Laplace-Runge-Lenz réduit A. Cette conservation révèle une symétrie dyna-mique du problème qui se traduit par l’invariance du hamiltonien sous le groupe SO(4).

Toutes ces considérations sont nées d’une analyse semi-classique du problème de l’atome d’hydrogène et il était important à mes yeux de suivre dans une première étape de ce manuscrit et aussi loin que nécessaire cette approche semi-classique6. Il serait pos-sible de procéder à la quantification des générateurs J1 et J2 afin de pousser plus loin le traitement semi-classique de l’atome d’hydrogène. Néanmoins, dans la suite de ce manus-crit, nous basculerons délibérément vers un traitement quantique du problème de l’atome d’hydrogène et retrouverons les objets et les méthodes usuels de la mécanique quantique qui nous sont aujourd’hui finalement plus communs que les équations de Hamilton-Jacobi et la méthode de quantification BWS.