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Modèle proposé par Tahri

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CHAPITRE 4 : MODÉLISATION DE DÉCISIONS DIDACTIQUES

3. M ODÈLES DE DÉCISIONS DIDACTIQUES

3.3. Modèle proposé par Tahri

L’objectif de Tahri (1993) a été d’étudier les décisions didactiques des professeurs dans le contexte de la symétrie orthogonale. Pour ce faire, elle a conçu un dispositif lui permettant d’analyser les décisions prises par des professeurs. Dans son dispositif expérimental, un tuteur hybride37 constitué de deux tuteurs humains (des professeurs) et un tuteur artificiel, a été mis

37 Pour en savoir plus sur la conception du tuteur hybride utilisé dans cette recherche, on se reportera à Tahri (1993, p. 76).

en interaction avec un binôme d’élèves dont il a dû piloter l’apprentissage. L’interaction entre les trois tuteurs a été analysée de manière à faire émerger et d’expliciter les critères des professeurs concernant les décisions qui portent sur le choix des problèmes. Les décisions ont pu être prises soit en partie de manière automatique et en partie par des tuteurs humains, soit en totalité par les tuteurs humains si ceux-ci n’étaient pas en accord avec les propositions du tuteur artificiel. Dans la démarche expérimentale, deux tuteurs humains travaillant ensemble avaient pour tâche d'examiner l’écran de l’élève38 auquel ils avaient accès à partir de leur poste, de se mettre d’accord sur le diagnostic des procédures et de prendre des décisions didactiques, en acceptant ou non les propositions du tuteur artificiel.

Douze binômes d'une classe de cinquième ont participé à cette recherche, en utilisant une version du logiciel Cabri Géomètre préparée pour cette expérimentation. Lors de la prise de décisions, les tuteurs humains ont dû réagir aux difficultés des élèves liées soit à la conception de la symétrie, soit à l’utilisation du logiciel Cabri Géomètre. Le scénario d’une séance de travail des tuteurs humains peut être représenté par le schéma ci-dessous :

Diagnostic de la procédure Nouveau problème

Décision Didactique Problème

Si procédure correcte Situation pour la renforcer Si procédure erronée Situation pour la

déstabiliser

Schéma 10. Modèle de décisions didactiques proposé par Tahri (1993) : schéma simplifié d’une séance de travail des tuteurs humains (Lima &Trgalová, 2005)

Les tuteurs humains prenaient des décisions concernant le diagnostic et le feedback39, en fonction de la tâche proposée et de leurs interprétations de la procédure utilisée par l’élève.

Pour cela, ils connaissaient l’ensemble des problèmes qu’ils pouvaient proposer, ainsi que la

38 Les élèves travaillaient avec le logiciel Cabri Géomètre, mais ils ne savaient pas que des professeurs accompagnaient leur travail en temps réel.

39 Tahri (1993, p. 21-22) définit ainsi ces deux types de décisions : les décisions relevant du diagnostic portent sur l’état courant du système de connaissances que l’on peut identifier chez l’élève à propos du savoir en jeu.

Ces décisions portent sur « les conceptions de l’élève » et se réfèrent à un « modèle de l’apprenant ». Quant aux décisions relatives au feedback, elles peuvent porter sur une action au sein d’une situation-problème donnée comme elles peuvent mettre en jeu le choix de la succession d’une situation-problème à une autre lors du fonctionnement d’une séquence didactique.

typologie des procédures de construction susceptibles d’être mobilisées par les élèves. Le diagnostic de procédures était établi à partir de l’observation des objets géométriques produits par les élèves, des relations entre ces objets, ainsi que du discours tenu par les élèves à propos de ces objets. Ainsi, pour choisir un nouveau problème, les tuteurs humains ont considéré trois aspects : la nature de l'objet du savoir en jeu (la symétrie orthogonale), les éléments de cet objet (axe, segment...) et les relations entre ces éléments.

Les résultats montrent que les procédures utilisées par les élèves sont plutôt de type global et analytique et que, pour certains élèves, les procédures ont évolué d’une procédure globale vers une procédure analytique. D’après l’auteur, une explication de ce passage de l’aspect global à l’aspect ponctuel vient de l’enchaînement des situations pertinentes proposées par les professeurs.

Étant donné notre intérêt pour les prises de décisions des professeurs concernant la symétrie orthogonale, dans ce qui suit nous présentons le déroulement d’une séance de travail des tuteurs humains (professeurs) et leurs prises de décisions didactiques dans un cas de réussite, ainsi que dans un cas d’échec des élèves aux tâches proposées.

Décisions didactiques relatives à la symétrie orthogonale

Nous présentons ici un exemple des décisions prises par les tuteurs humains dans le cadre de la recherche de Tahri, d’abord dans un cas de réussite et ensuite dans un cas d’échec.

Rappelons que le problème résolu par les élèves est celui de la construction du symétrique d’un segment par rapport à une droite. Les variables didactiques considérées dans l’analyse sont les directions du segment et de l’axe de symétrie sur la feuille (oblique, verticale, horizontale) ; l’intersection de l’axe de symétrie avec le segment (le segment touche l’axe, le segment coupe l’axe, l’intersection du segment avec l’axe est vide) et l’angle formé par ces deux éléments (0°, 90°, angle quelconque).

Décisions didactiques dans un cas de réussite (Tahri p. 171-173)

La séquence de problèmes est proposée dans l’objectif de mettre à l'épreuve les connaissances des élèves, et les problèmes sont ainsi peu à peu complexifiés.

Problème initial :

Tableau 17. Séquence de problèmes proposée par les tuteurs humains à des élèves dans un cas de réussite (Tahri, 1993)

Lors du choix du « problème initial » pour réaliser un premier diagnostic de procédures, les tuteurs humains ont estimé que la verticalité de l’axe pouvait être un élément facilitateur de la résolution du problème par les élèves. Pour résoudre ce problème, les élèves ont utilisé les propriétés correctes, orthogonalité à l’axe et report de distances, pour construire les symétriques des deux extrémités du segment, et ils ont ainsi obtenu la réponse correcte. Face à cette réussite des élèves, les tuteurs humains ont pris la décision de modifier les valeurs des variables « direction de l’axe de symétrie » et « direction du segment », en leur soumettant un problème où l’axe est oblique et le segment horizontal, avec l’objectif de tester la procédure de rappel horizontal, d’autant plus que dans le problème initial, le rappel orthogonal peut être confondu avec le rappel horizontal. Les élèves ont utilisé la même procédure de résolution.

Les tuteurs humains ont cherché à complexifier davantage la tâche, afin de tester la robustesse de la procédure utilisée par les élèves. Dans cette perspective, ils ont proposé le problème Pb2 où le segment a une extrémité sur l’axe. En voyant les élèves réussir encore, les tuteurs décident de leur envoyer le problème Pb3 où le segment est globalement invariant (l’axe de symétrie est perceptivement la médiatrice du segment), qu’ils jugeaient d’une grande complexité. L’objectif de cette décision était d’amener les élèves au-delà de

« l’algorithmisation » de la procédure de telle sorte qu’ils s’interrogent sur la signification de la notion de symétrie favorisée par cette invariance globale. L’accomplissement de toutes les étapes de la séquence permet, aux yeux des tuteurs humains, d’attester l’acquisition de la notion de symétrie orthogonale par ces élèves.

En résumé, la logique sous-jacente aux décisions des tuteurs humains pour complexifier le problème, a consisté à jouer avec la propriété d’invariance des points sur l’axe. Le problème initial et le problème Pb1 (cf. Tableau 17) ne mettent pas en jeu cette propriété, et pour les résoudre, l’élève peut construire les symétriques des deux extrémités du segment. Le problème Pb2 met en jeu cette propriété, sa résolution par l’élève nécessite alors une réduction de la procédure (construction d’une seule extrémité du segment), ce qui rend le problème plus complexe. Enfin, l’invariance du segment entier dans le Pb3 ne nécessite

aucune construction lors de sa résolution, ce qui peut perturber les élèves qui pensent qu’il faut faire une construction pour résoudre ce problème.

Décisions didactiques dans un cas d’échec (Ibid. 187-190) Problème initial : axe

Tableau 18. Séquence de problèmes proposée par les tuteurs humains à des élèves dans un cas d’échec (Tahri, 1993)

En analysant la réponse des élèves au problème initial, les tuteurs humains ont diagnostiqué une procédure de construction globale erronée, qui renvoie à la conception « parallélisme ».

Pour produire une situation d’apprentissage chez ces élèves, ils ont proposé le problème Pb1 où le segment a une extrémité sur l’axe. La finalité de ce choix était de transformer la tâche de construction du symétrique du segment en une tâche de production d’un outil (cercle ou droite), afin de provoquer le passage d’une procédure de construction globale vers une procédure analytique. En résolvant le problème, les élèves ont répondu à l’attente des tuteurs ; cependant ils ont mis en œuvre une deuxième procédure erronée, celle du prolongement qui renvoie à la conception « symétrie centrale ». Les variables du problème ont certainement favorisé l’apparition de cette procédure.

Les élèves ayant déclaré avoir terminé la construction, les tuteurs humains leur ont envoyé un message pour les inciter à valider la construction par déplacement. Cette validation a provoqué un réajustement chez les élèves, les amenant à évoluer de la conception « symétrie centrale » à la conception « symétrie orthogonale ». Malgré cette évolution, le but des tuteurs humains à ce stade de la séquence, était d’amener les élèves à dégager et à utiliser les outils cercle et droite perpendiculaire. Pour cette raison, ils ont proposé le problème Pb2 dont les variables favorisent l’utilisation de droites perpendiculaires. Les élèves ayant répondu à leurs attentes, les tuteurs ont proposé à nouveau le « problème initial » pour vérifier si les élèves réinvestissaient les outils dégagés.

Cet exemple montre que face à une situation d’échec, l’intention des tuteurs humains a été d’abord de déstabiliser la procédure erronée, et ensuite de faire émerger des opérateurs corrects chez les élèves. Ils ont utilisé des stratégies de guidage en transformant le problème de construction du symétrique en un autre problème, avec l’objectif d’amener les élèves à

dégager des outils géométriques pertinents pour la résolution du problème pour, ensuite, conduire les élèves à les utiliser.

3.4. Décisions didactiques dans le cadre du projet BAP : étude d’un

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