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Un modèle d’autoréalisation

Conclusion : une première définition du « marché des producteurs »

B. Un modèle d’autoréalisation

White utilise presque à l’identique, bien que pour un autre objet, le modèle de Spence sur l’existence d’équilibres « séparateurs » dans la relation employeurs-employés (en asymétrie d’information). Il s’agit d’un modèle particulier construit dans le cadre du marché du travail (a), un modèle que White utilisera pourtant dans l’étude des marchés des biens (b).

a. Le modèle de Spence

Le problème que se pose Spence (1974a, 2001) est simple : étant donnés deux groupes d’agents, vendeurs et acheteurs, qui ne disposent pas de la même information, quels sont les « signaux » que peuvent envoyer ceux qui sont les plus informés, pour augmenter leurs gains — par rapport à la situation où ils ne feraient rien ? Spence se propose de répondre à cette question dans divers contextes en n’envisageant toutefois que des situations d’équilibre, donc des situations où les croyances des agents « doivent être cohérentes, c’est-à-dire, [qu’]elles ne doivent pas être infirmées par les données et l’expérience qui en résulte » (Spence, 2001, p. 411). Il précise même que, à l’équilibre, « les croyances doivent être exactes et auto-réalisatrices » (Spence, 2001, p. 411). L’équilibre est donc conçu à la façon de la théorie des jeux, plus précisément comme un équilibre de Nash102. Les croyances y tiennent un rôle fondamental, mais Spence ne s’attarde pas

sur leur origine : il ne se préoccupe que de leur existence, en tant que croyances vérifiées à l’équilibre.

102 Spence parle souvent de « jeux de signalisation de marchés », dont l’ « équilibre est un ensemble de

croyances qui n’ont pas besoin d’être révisées » (Spence, 1974a, p 108), ce qui fait penser à la variante « bayesienne » de l’équilibre de Nash.

Les situations auxquelles Spence s’intéresse sont celles où des acheteurs potentiels ne sont pas informés de la qualité du produit, ou du service, qu’ils désirent acquérir. Il prend pour exemple de ce type de situation le cas d’une entreprise qui cherche à embaucher des travailleurs, dont elle sait seulement qu’ils peuvent être de deux types : un type a, avec une productivité égale à 1, et un type b, de productivité égale à 2. Si l’entreprise choisit un travailleur au hasard, son gain espéré est égal à  + 2 (1  ) = 2 , où  est la proportion de travailleurs de type a dans la population totale (le reste étant de type b). Soumise à la concurrence d’entrants potentiels, l’entreprise est supposée faire un profit nul à l’équilibre ; elle verse donc un salaire égal à 2   au travailleur embauché. Spence appelle « équilibre indifférencié (pooling equilibrium) » un tel équilibre, dans lequel le travailleur embauché touche un salaire qui est indépendant de sa productivité (Spence, 2001, p. 417)103. Le système de

croyances qui est à la base de cet équilibre est le suivant : l’entreprise pense que d’éventuels signaux envoyés par les travailleurs ne permettent pas de distinguer entre eux, les travailleurs pensant que l’entreprise ne leur accorde aucun crédit, et donc qu’il est inutile de gaspiller des ressources en émettant des signaux. A l’équilibre, ces croyances sont confirmées — ou, du moins, elles ne sont pas infirmées.

Face à un tel équilibre, on peut toutefois se demander s’il n’en existe pas un autre où les individus les plus qualifiés (les b) seraient embauchés en tant que tels, et payés à leur vraie valeur (leur gain passant de 2  à 2). Spence s’intéresse aux conditions d’existence de ce type d’équilibre, qu’il qualifie de « séparateur » (Spence, 2001, p. 415). Il s’agit d’un équilibre où les travailleurs sont embauchés en fonction de leur qualité (productivité) — leur nature est donc révélée à l’équilibre par les choix des uns et des autres. Il suppose pour cela que les travailleurs de type b cherchent à envoyer un « signal » — le signal choisi dans l’exemple est le nombre d’années d’étude

y — qui permet de les distinguer des travailleurs de type a (ceux-ci ayant toutefois la

possibilité d’envoyer des signaux faisant croire qu’ils sont de type b).

Pour définir son équilibre séparateur, Spence attribue à l’employeur la croyance suivante : si le signal y envoyé par un candidat à l’embauche est inférieur à une certain valeur y*, alors il est de type a ; si ce signal est supérieur à y*, alors il est de type b. Pour que l’équilibre existe, une condition supplémentaire est ajoutée aux caractéristiques des

103 Les expressions « pooling equilibrium » et « separating equilibrium » ne sont pas encore utilisées

travailleurs : le coût du signal envoyé est plus élevé pour les travailleurs de type a que pour ceux de type b. Car, sans une condition de ce type, les premiers auraient toujours la possibilité d’envoyer le même signal que les seconds, et il n’existerait aucun moyen de les distinguer les uns des autres.

Le modèle se présente comme un jeu à deux coups : l’employeur propose d’abord d’embaucher en payant 1 à tous ceux qui envoient un signal y < y* et en payant 2 à tous ceux qui affichent y > y*, les travailleurs émettent ensuite un signal, compte tenu de cette proposition.104 Pour qu’un équilibre existe, il faut que les croyances de

l’employeur soient confirmées, et donc que les individus de type a envoient un signal y inférieur à y*, les individus de type b envoyant un signal supérieur à y*. En fait, à l’équilibre, un individu de type a envoie un signal y = 0 (il est inutile d’investir dans un signal qui ne change rien à la situation), un individu de type b se contentant du signal y* — les croyances (d’équilibre) des uns et des autres consistant à admettre que l’employeur recrutera selon la règle qu’il a annoncée.

Il reste à déterminer des conditions qui assurent l’existence d’au moins un équilibre séparateur. Spence suppose, dans cette perspective, qu’envoyer un signal est une opération coûteuse et, surtout, que le coût qu’elle implique diminue lorsque la qualification du travailleur augmente105.

104 Ce jeu n’est pas à information complète, dans le sens où l’employeur ne connaît pas les coûts des

signaux émis par les travailleurs, car s’il les connaissait, il pourrait en déduire automatiquement un signal y* qui les « sépare »  et il serait alors inutile de parler de ses croyances (on serait en présence de certitudes). Il n’y aurait plus vraiment asymétrie d’information, celle dont dispose l’employeur lui suffisant, en choisissant une règle appropriée, pour découvrir l’information cachée (la productivité des travailleurs).

105 Le signal retenu est souvent le « nombre d’années d’études ». On peut considérer que celles-ci

augmentent la qualification du travailleur, mais sans toutefois en être la seule cause (car sinon il n’y aurait plus asymétrie d’information, la connaissance du nombre d’années passées à étudier permettant celle de la qualification). On peut donc supposer que signal et qualification sont indépendants, à la réserve importante près que le coût du signal diminue avec la qualification (hypothèse fondamentale pour la démonstration de l’existence d’un équilibre séparateur). La justification de cette hypothèse n’est d’ailleurs pas très claire.

i. L’existence d’un équilibre séparateur : le cas discret

L’étude d’un cas simple permet de comprendre l’essentiel du propos de Spence. Supposons qu’envoyer un signal y coûte y à un travailleur de type a, mais seulement y/3 à un travailleur de type b. Le premier, a, n’a pas intérêt à se faire passer pour un travailleur de type b si le coût du signal est supérieur au gain, 1 (= 2  1), qu’il en attend, donc si y >1. Les travailleurs de type b ont, de leur côté, intérêt à envoyer un signal y — dont le coût est, pour eux, égal à y/3 — seulement si ce coût est inférieur au gain d’être reconnus en tant que tels, donc si 2  y/3 > 1 (soit : y < 3). Un signal y* sera donc d’équilibre (séparateur) s’il est tel que :

1 < y* < 3.

On est donc en présence d’un continuum d’équilibres, l’un d’entre eux pouvant être décrit comme cela est fait dans la figure 2.3, où la courbe en escalier représente la fonction w() du revenu en fonction du message émis.

N’importe quel signal y* compris entre 1 et 3 est donc un signal d’équilibre, un signal tel que les croyances de l’employeur sont confirmées : avec ce signal, en effet, les croyances de chacun sont confirmées. Spence remarque que ces équilibres peuvent être classés selon le critère de Pareto. En effet, à n’importe quel équilibre, les individus de

3 1 y* W(y) 2 1 0 y Figure 2.3

type b ont évidemment intérêt à émettre le signal le moins coûteux possible, donc le plus proche possible de 1. En revanche, l’entreprise et les individus de type a sont indifférents au fait que le signal envoyé par les individus de type b soit supérieur à y*, puisque ni l’une, ni les autres n’émettent de signal106. Les équilibres séparateurs peuvent

donc être classés selon le critère de Pareto, l’équilibre où y* = 1 étant préféré à tous les autres. Plus précisément, le cas y* = 1 est un cas-limite, où il est indifférent aux a d’émettre ou ne pas émettre un signal. Pour être sûr que l’équilibre est séparateur, il faut donc que y* soit strictement supérieur à 1. Mais comme cela est vrai si y* = 1 +  , pour  « aussi petit que l’on veut », on peut considérer que 1 est le signal séparateur minimal.

On peut étendre le raisonnement au cas où il existe plus de deux types d’individu ayant des qualifications différentes. Si on les note a, b, ... , m, on peut toujours s’arranger (quitte à les renommer) pour que leur rémunération, désignée par la lettre w, soit telle que w(a) < w(b) < ... < w(m). Si on suppose que le coût du signal envoyé par un individu diminue quand son niveau de qualification augmente, alors on montre (de la même façon que lorsqu’il n’existe que deux types d’individu) qu’il existe des équilibres séparateurs formés par un ensemble de signaux {y*ab, y*cd, ... , y*om}, où

y*ab appartient à un intervalle [ya ,yb] tel qu’il est trop coûteux pour un individu de type a (mais non de type b) de faire croire qu’il est de type b, y*cd appartient à un intervalle [yb , yc] connexe au précédent et tel qu’il est trop coûteux pour un individu de type b (mais non type c) de faire croire qu’il est de type c, et ainsi de suite. Dans ce cas, il existe également un continuum d’équilibres, qui sont tous dominés, selon le critère de Pareto, par l’équilibre où chacun envoie le signal minimum pour que l’employeur le distingue de ceux qui sont moins qualifiés que lui.

On est alors en présence d’une courbe en escalier comme dans la figure 2.4.

106 A l’équilibre, les croyances des individus de type a peuvent s’énoncer de la façon suivante : je pense

que le signal affiché par les individus de type b va être supérieur à 1, je m’abstiens donc d’émettre un signal (coûteux et inopérant). Si le signal émis par les individus de type b est effectivement supérieur à 1, ces croyances sont confirmées — et donc d’équilibre. Il en est de même des employeurs, qui pensent que si y* = 2, alors en dessous de ce signal les vendeurs sont de type a (et, au-dessus, de type b), ce qu’ils constatent à l’équilibre.

ii. Le passage au continu

Lorsque le nombre de qualifications possibles augmente, les intervalles qui servent à caractériser les équilibres séparateurs deviennent de plus en plus petits, au point de se réduire à des points, tandis que les écarts de productivité entre deux types d’individus successifs tendent vers 0. A la limite, lorsqu’il existe une infinité (plus précisément, un continuum) de types d’individu, la fonction w() donnant le revenu selon le type est représentée par une courbe que Spence suppose continue et même dérivable.

Spence désigne par la lettre n la variable « cachée » (la qualification), dont la valeur n’est connue que par l’une des parties (les travailleurs). Dans le cas discret, où il n’existe que deux types de vendeurs, a et b, n ne prend que deux valeurs : a et b. Dans le cas continu, envisagé ici, elle prend ses valeurs dans IR, ou dans un intervalle de IR — autrement dit une infinité (un continuum) de valeurs. Le « signal » émis par un agent étant toujours noté y, son revenu pour ce signal (la seule information dont dispose l’acheteur) correspond à w(y). Le coût supporté par un vendeur de type n lorsqu’il émet le signal y est noté C(y,n). La fonction C() est supposée être au moins de classe C ², avec Cy () > 0 et Cyn () < 0. Cette dernière condition n’est que la transposition, dans

le cas continu, de l’hypothèse selon laquelle plus une personne à une qualification n

yc

ya yb

W(y)

y

élevée, moins il lui en coûte d’émettre un signal supplémentaire (le coût marginal de y diminue lorsque n augmente).

Spence introduit en outre une fonction S() qui donne la valeur, ou la productivité, S(y,n) d’un individu de type n ayant émis le signal y. Un équilibre séparateur est supposé alors vérifier les deux conditions suivantes :

Première condition : Condition de rationalité des vendeurs.

Chaque vendeur émet le signal y qui maximise son gain net (différence entre revenu et coûts). D’où la condition du premier ordre :

(1) w (y) = Cy (y,n) (recette marginale = coût marginal). Seconde condition : Condition de concurrence.

La concurrence est ici conçue dans une perspective de « libre entrée », l’idée étant qu’elle entraîne la disparition, à l’équilibre, du profit. Soit, avec les notations retenues :

(2) w(y) = S(y,n) (la rémunération d’un travailleur est égale à sa productivité)

Cette égalité étant vérifiée pour chaque travailleur, quel que soit son type 107.

Les fonctions S() et C() sont des données du modèle, le type n étant connu des vendeurs, inconnu des acheteurs — et inconnaissable par eux. On est donc en présence d’un système de deux équations à deux inconnues : le signal y émis par les vendeurs et la fonction w() donnant le salaire en fonction du signal, les solutions de ce système étant les valeurs d’équilibre de y et de w(). Comme ces solutions dépendent de n, on peut noter y(n) le signal d’équilibre émis par le vendeur de type n et we() la fonction- revenu d’équilibre.

La condition de concurrence (2), w(y) = S(y,n) pour tout nIR, définit une relation implicite entre n, y et w(), relation que Spence note N(). On a donc :

(3) n = N(w(y),y).

En reportant dans la condition (1) de rationalité des vendeurs, on obtient l’équation différentielle (en w()) :

(4) w (y) = C(y,N(w(y),y))

dont la solution est la grille de salaires d’équilibre we(). En remplaçant celle-ci dans (2), on obtient le signal d’équilibre y(n) envoyé par l’agent de type n.

La multiplicité des équilibres qui existe déjà dans le cas discret apparaît ici dans le fait que l’équation (3), comme toute équation différentielle d’ordre 1, admet une famille (un continuum) de solutions, qui dépendent d’un paramètre, qu’on identifie habituellement à une « condition initiale » arbitraire. Spence n’utilise cependant pas cette métaphore, et considère en fait que ce paramètre donne un degré de liberté au théoricien (dans une perspective normative).

♦ Une spécification particulière

Spence illustre son propos en utilisant une spécification de type Cobb-Douglas des fonctions S() et C() de son modèle. Comme White donnera une grande importance à cette spécification pour l’étude effective d’un certain nombre de marchés, il n’est pas inutile d’en donner une brève présentation. Spence suppose donc que les fonctions S() et C() sont définies respectivement par les relations :

C(n,y) = ny (avec < 1)

et

S(n,y) = ny ,

tous les paramètres étant supposés strictement positifs.

La première condition d’équilibre (rationalité des vendeurs) devient alors : (1’) w(y) (= Cy(n,y)) =  ny - 1,

la condition pour que l’équilibre soit concurrentiel se réduisant à : (2’) w(y) (= S(n,y)) = ny .

De cette dernière égalité on déduit : (3’) n = w(y) y.

En reportant dans la première condition [1’], on obtient l’équation différentielle (en w()) :

(4’) w(y)w (y) = y1 .

Cette équation étant à variables séparées, elle s’intègre aisément (le membre de gauche étant la dérivée de F(y) = Error!

Sa solution générale est la fonction we() définie par :

où k = [β (1-α) / (β-αθ)]1/(1-α) et c est un paramètre pouvant prendre n’importe quelle valeur (constante d’intégration). Comme on a supposé  < 1, la fonction de revenu d’équilibre we() est croissante (condition nécessaire pour que le signal soit séparateur) si et seulement si  < .

Le signal d’équilibre y(n) émis par un agent de type n se déduit en reportant cette valeur de we(y) dans (3’) :

y(n) = (n/k + cn)(1)/()

Ce signal augmente avec n si  < , condition qui implique que we() est croissante (car  <  implique  <  puisque  < 1).

L’existence d ’un équilibre séparateur dépend donc des valeurs prises par les paramètres caractérisant les fonctions. White jouera sur ces valeurs pour établir une typologie des équilibres de marché.

♦ Un exemple, dans le cas continu

Dans son ouvrage de 1974, Spence donne un exemple où il est possible d’expliciter la fonction signal d’équilibre w(). Pour cela, il choisit une fonction de coût

C() d’éducation très simple, définie par la formule :

C(y,n) = y/n (Spence, 1974a, p. 28-29)

Le coût augmente avec le signal y, mais à signal donné, il diminue lorsque la productivité (qualification) n augmente : on retrouve la principale condition d’existence d’un équilibre séparateur pour Spence.

Pour reprendre les termes de Spence, « à l’équilibre l’employeur va prévoir n à partir de y, avec une fonction w() telle que :

n = w(y) » (Spence, 1974a, p. 28)

A l’équilibre séparateur, le travailleur de productivité n qui envoie le signal y reçoit une rémunération égale à sa productivité.

L’idée d’équilibre est clairement associée à celle de prévision (correcte) : l’inconnue est ici la fonction w(), qui caractérise un équilibre (autoréalisateur).

L’individu ayant la productivité n et recevant, à l’équilibre séparateur, une rémunération égale à n à (le signal qu’il émet permet à l’employeur de l’embaucher selon sa productivité effective), il choisit le signal y qui maximise son revenu net (la différence entre ce qu’il gagne lorsqu’il émet le signal y — soit n = w(y) — et le coût de ce signal, y/n). Autrement dit, il choisit un signal y qui maximise :

w(y) – Error!.

et donc vérifie la condition : recette marginale = coût marginal (de y) ; soit :

w (y) = Error!.

Puisque, à l’équilibre, n = w(y), il s’ensuit que :

w (y) = Error!,

et donc que :

w (y) w(y) = 1.

Le membre de gauche de cette équation différentielle est la dérivée (à une constante près) de (w(y))²/2, celui de droite celle de y (à une constante près).

La solution de cette équation est donc donnée par celle de l’équation : Error! = y + c,

où c est un nombre (constante) quelconque. D’où :

w(y) = (2y + 2c)½, ou encore, en posant 2c = k :

w(y) = (2y + k)½.

Les solutions sont des courbes telles celles décrites dans la figure 2.5 (chaque courbe correspondant à une valeur du paramètre — constante d’intégration — k. Pour les distinguer les unes des autres, on a adopté la notation w(y ; k)).

En fait, comme le signal y est ici celui émis à l’équilibre, il vérifie la condition

w(y) = n,

soit :

(2y + k)½ = n.

La solution, en y, de cette équation dépendant de n, on peut la noter y(n). Il s’ensuit que :

y(n) = Error!,

en se restreignant au cas : k > n².

Autrement dit, s’il veut embaucher des travailleurs ayant la productivité n, l’employeur doit annoncer :

« j’embauche les personnes qui m’envoient le signal Error! » (Spence, 1974a, p. 29).

Il existe ici un continuum d’équilibres qui résulte de ce que la constante k peut prendre une infinité de valeurs. A chaque valeur de k correspond un équilibre : l’employeur annonce Error! pour toutes les productivités n auxquelles il veut embaucher, en prenant toujours la même valeur pour k 108. Celle-ci étant a priori

arbitraire, il y a indétermination. On constate toutefois que plus k est proche de n², plus le coût du signal, Error! = Error! est faible (pour n donné). On retrouve le fait que les équilibres peuvent être classés selon le critère de Pareto et donc l’idée que l’indétermination peut être levée dans une perspective normative (choisir l’équilibre tel que k soit « pratiquement égal » à n²).

Spence remarque d’ailleurs que, dans le cas présent, le fait d’augmenter k améliore la situation de l’individu de type (ou productivité) n, mais aussi celle de ceux qui sont moins qualifiés, puisque eux-mêmes envoient des signaux coûteux109. Le

paramètre k apparaît comme une sorte de levier, ou de variable de contrôle, sur lequel on peut agir, dans une perspective normative (améliorer le sort de la communauté, au sens parétien).

108 S’il existe plusieurs employeurs, le problème se pose de savoir pourquoi ils emploieraient le même k. 109 Cette remarque vaut aussi pour la fonction en escalier, à plusieurs paliers, du cas discret.

b. Du modèle de Spence au modèle de White

1976 est l’année au cours de laquelle White écrit son premier article sur le marché. Or celui-ci est justement consacré à l’œuvre de celui qui partage son séminaire sur les modèles mathématiques à Harvard, Michael Spence. Après examen de ce premier article, qui présente les prémisses de sa future analyse des marchés, nous nous intéresserons plus précisément à la manière dont il s’inspire de Spence pour bâtir son propre modèle.

i) Le modèle de Spence selon White

En 1976, White rédige un document de travail (qui ne sera jamais publié) intitulé : « Subcontracting with an oligopoly : Spence revisited » (White, 1976). En dépit de son titre, le texte porte presque intégralement sur le modèle de Spence, et sur la relation entre employeur et employé. On n’y trouve aucune allusion au caractère autoréalisateur de l’équilibre — thème qui deviendra pourtant central dans les publications ultérieures de White. Dans ce texte, celui-ci se contente de discuter de divers aménagements possibles de quelques hypothèses du modèle de Spence, tout en