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Cadre Institutionnel et Conceptuel

Chapitre 2. Les concepts liés à l’apprentissage

2.2. Mobiliser la conscience

Proposer des activités métalinguistiques aux élèves les amènera à mobiliser les diverses ressources en leur possession. Nous verrons dans quelle mesure cette mobilisation développera leur compétence métalinguistique. Or, plusieurs processus

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cognitifs sont mis en jeu avant de parvenir à un développement de la compétence. Une focalisation sur la tâche est tout d’abord nécessaire : l’élève prend conscience de la tâche qu’il effectue. Ce n’est que par cette prise de conscience qu’il sera en mesure de résoudre les problèmes auxquels il se trouve confronté.

On ne saurait parler de conscience linguistique sans évoquer le courant de ‘Languge Awareness’ qui se développa dans les années 1980 en Grande Bretagne, sous l’impulsion de Hawkins (1984). Il s’agissait d’établir le langage comme ‘matière-pont’ entre les disciplines linguistiques et ainsi améliorer les compétences langagières et communicatives tant en L1 (anglais) que dans les langues étrangères, qu’elles soient enseignées ou non. Le concept fut par la suite repris par les didacticiens des langues (James & Garrett, 1992) en réaction au courant behavioriste et/ou ‘communicativiste’ (Stegu, 2008). Le site de l’Association for Language

Awareness34

donne la définition suivante (déjà citée en supra) :

« Language Awareness can be defined as explicit knowledge about

language, and conscious perception and sensitivity in language learning, language teaching and language use ».

Toute la difficulté réside dans la traduction de ‘Language Awareness’ régulièrement considéré comme équivalent à ‘conscience linguistique’. Or, la langue anglaise effectue une distinction entre ‘awareness’ et ‘consciousness’, distinction reprise par les psychologues français. Pour ces derniers,

« L’awareness est la connaissance ou la conscience implicite et immédiate du champ (selon la définition de Jean-Marie Robine), la présence attentive, la présence au champ, présence en acte, engagée, immédiate, la contuition. L’awareness est à distinguer de consciousness qui signifie conscience réflexive, observatrice, attentive de ce qui est là et constitue un arrêt attentif de l’expérience, du processus en cours » (Fourure, 2004).

On peut donc considérer que l’awareness est le premier niveau de conscience, au sens défini ci-dessus. Contrairement à Fourure, nous n’effectuerons pas de distinction entre les deux termes dans le cadre de notre recherche puisque nous considérons qu’il s’agit dans tous les cas d’une perception consciente et d’une

connaissance explicite de la langue. Nous dépassons en cela la définition de la ‘conscience linguistique’, qui est perçue, en linguistique saussurienne, comme étant le « sentiment intime que le locuteur a des règles et des valeurs linguistiques (...) (Ling. 1972) ; (cf. aussi Vachek 1960) »35

.

Or, le terme de conscience a été régulièrement remis en cause. McLaughlin (1990) considère qu’il s’agit d’un terme ‘pré-scientifique’ et encourage le recours à des concepts clairement définis de manière empirique et ne se référant pas à une expérience subjective. Sharwood Smith remplaça ainsi son terme initial de « consciousness raising » (1981) par « input enhancement » (Sharwood Smith, 1991, 1993). Les termes de traitement contrôlé et automatique furent également utilisés (McLaughlin, Rossman et MacLeod : 1983 ; Posner et Snyder : 1975) pour désigner, dans le premier cas, des processus menés sous un contrôle conscient et, dans le deuxième cas, des processus d’activation automatique qui résultent d’un apprentissage antérieur. La notion de ‘noticing’ (que nous aborderons dans le paragraphe suivant) est également proposée.

On peut donc considérer que le concept de ‘conscience’ ou de ‘contrôle’ est essentiel pour notre recherche en ce qu’il permet de souligner l’activité métalinguistique effectuée par l’élève pour accéder tant au sens qu’à la compréhension du fonctionnement de la Ln. L’élève est donc amené à développer sa conscience métalinguistique.

2.2.1. La conscience métalinguistique

La conscience métalinguistique* a été définie de manière variable dans la littérature. Pour Bialystok et Ryan (1985), la conscience métalinguistique est la capacité qui permet à quelqu'un de résoudre une série de problèmes différents. Thomas (1988 : 236) la définit comme étant la « connaissance consciente que possède un étudiant des règles et des formes de la langue »36 alors que pour Diaz et Klingler (1991 : 173) :

« [La conscience métalinguistique] se réfère à un ensemble de capacités impliquant une prise de conscience objective et un contrôle des variables

35 Définition extraite du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales consulté le 30.12.12 à l’adresse suivante : http://www.cnrtl.fr/definition/conscience.

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linguistiques, comme la compréhension du caractère arbitraire des relations au mot-référent et la capacité à détecter et à corriger les violations syntaxiques »37.

Nous utiliserons, par conséquent, le terme de conscience métalinguistique dans un sens large pour se référer à l'aptitude des apprenants à réfléchir sur la langue et à percevoir le langage, ce qui inclut la capacité à séparer le sens de la forme, à reconnaître les composants linguistiques, à identifier des ambiguïtés et à comprendre l'utilisation des formes et structures grammaticales.

Les études qui ont comparé les capacités métalinguistiques des monolingues et bilingues ont montré que les bilingues développent une conscience plus aiguë des formes, des sens et des règles du langage. La conscience métalinguistique est probablement le facteur permettant d’accroître le plus la capacité des plurilingues à apprendre des langues. Thomas (1988) fut l'un des premiers à associer la conscience métalinguistique et le plurilinguisme, affirmant que les apprenants qui recevaient une instruction formelle dans une L2 étaient des apprenants plus efficaces d'une L3. Cohen (1995) affirma par la suite que les plurilingues peuvent s'appuyer sur différentes langues pour obtenir une information métalinguistique, tel que le suggèrent les réponses des apprenants plurilingues qu'il a observés. Dans certains cas, les plurilingues s'appuient de manière consciente sur leurs langues étrangères afin de mettre en place des stratégies de mémorisation. Il apparaît clairement que ces derniers ont accès à davantage d'informations utilisées pour la mise en place de stratégies d'apprentissage et pour générer des hypothèses menées à partir de la comparaison entre les langues. Jessner (1999 : 205) rapporte plusieurs exemples de ce genre et argumente que « la recherche de similitudes entre les langues peut être considérée comme faisant partie des activités liées à la pensée métalinguistique de l'apprenant »38

. Le concept de ‘conscience’ (qu’elle soit métalinguistique ou pas) rejoint, par conséquent, la notion de ‘prise de conscience’ ou de ‘conscientisation’ puisque celle-ci s’appuie sur des activités.

37 Notre traduction de « it refers to a set of abilities involving an objective awareness and control of

linguistic variables, such as understanding the arbitrariness of word-referent relations and the capacity to detect and correct syntactic violations ».

38 Notre traduction de : « the search for similarities between the languages can be seen as part of the

2.2.2. La conscientisation ou prise de conscience

Les psychologues qui effectuent une distinction entre awareness et conscience considèrent que la prise de conscience signe le passage de l’awareness à la

consciousness (Fourure, 2004). Celle-ci peut avoir lieu sous l’effet d’activités

métalinguistiques. Gombert (1990 : 20) attribue le statut de ‘métalinguistique’ aux « activités effectuées consciemment par le sujet […dont] l’émergence suppose de la part de l’enfant une capacité de réflexion et d’auto-contrôle délibéré ». Pour R. Ellis (2008 : 958), la conscientisation (qu’il appelle « consciousness-raising ») revêt des « tentatives visant à aider les élèves à comprendre une structure grammaticale et à l'apprendre explicitement »39

. Il donne également un terme alternatif qui est celui de « intake enhancement » utilisé par Sharwood Smith (1993). On constate donc à la fois une focalisation sur le geste didactique (de par l’intervention de l’enseignant) ainsi que sur les processus. Cette manière d’envisager la conscientisation rejoint la définition donnée par le Larousse40

:

« Méthode pédagogique par laquelle l'éducateur prend comme support de son enseignement la réalité matérielle et sociale environnant le sujet, de façon à l'impliquer et à le motiver au mieux possible pour son apprentissage ».

Nous aborderons la manière dont l’enseignant permet à l’apprenant de prendre conscience de l’environnement linguistique auquel il est confronté dans le chapitre 3 de cette partie.

Le lien étroit existant entre enseignement et apprentissage est cependant mis en exergue à travers le concept de conscientisation et plus spécifiquement par l’hypothèse de noticing41

développée par Schmidt et Frota (1986) puis Schmidt (1990 ; 1993 ; 1994). Ces auteurs considèrent que la prise de conscience (qu’ils appellent « conscious awareness ») de la grammaire joue une rôle important dans les processus d’acquisition. Or, cette hypothèse fut soumise à bon nombre de controverses, essentiellement de par son absence de délimitations claires et son appui sur des preuves indirectes. Elle fut d’ailleurs souvent associée au « form-focused

39 Notre traduction de : « attempts to help learners understand a grammatical structure and learn it

explicitly ».

40 Définition obtenue sur le site du Larousse, consulté le 30.12.12 à l’adresse suivante : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/conscientisation/18338

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instruction », c’est-à-dire à un enseignement ciblé sur la forme grammaticale, en

Grande Bretagne. Ce type d’enseignement contribue à l’acquisition, par les apprenants, de connaissances métalinguistiques. Néanmoins, aucune preuve n’est apportée quant à son effet sur l’acquisition linguistique à long terme. Lorsque, dans le cadre de notre expérimentation, des activités métasyntaxiques sont proposées, on pourrait considérer que nous procédons à un enseignement ciblé sur la forme. Or, l’observation est menée à partir de langues inconnues, sans objectif d’appropriation : l’élève, par conséquent, est amené à mobiliser des savoirs grammaticaux antérieurs (en L1 et/ou en L2) pour émettre des hypothèses sur le fonctionnement de la Ln. Nous ne sommes pas dans l’acquisition de connaissances sur la L1 mais dans une réactivation de connaissances générales sur les langues, permettant à l’élève de les procéduraliser, le cas échéant.

Afin de comprendre les mécanismes mis en jeu par les activités métalinguistiques proposées, nous aborderons les concepts liés aux processus : nous examinerons, par conséquent, les concepts de savoirs déclaratifs et/ou procéduraux, les concepts de mémoire déclarative et procédurale ainsi que les savoirs explicites et/ou implicites.

2.2.2. Concepts liés aux processus

Parler de processus, c’est envisager un « enchaînement ordonné de faits ou de phénomènes, répondant à un certain schéma et aboutissant à quelque chose » (Larousse42

). Il s’agit donc de prendre en compte l’aspect dynamique de l’apprentissage, qui requiert l’attention, c’est-à-dire « l’attribution de ressources cognitives à des processus en cours »43

(Anderson, 1995 : 221). Nous adopterons l’approche de traitement de l’information, fréquemment utilisée en psychologie cognitive, pour comprendre les processus mis en œuvre. Il s’agit de décomposer une tâche cognitive en une série d’étapes abstraites de traitement de l’information. Pour Anderson (1996), l'acquisition d'une compétence cognitive complexe est conçue comme un processus dans lequel les savoirs déclaratifs sont ‘procéduralisés’ ou

42 Définition donnée par le Larousse, consulté le 30.12.12 :

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/processus/64066

automatisés sous forme de procédures. Il distingue donc savoir déclaratif et savoir procédural.

Savoir déclaratif et savoir procédural

La théorie de l'apprentissage proposée par Anderson (1983) repose sur la distinction classique en psychologie cognitive entre « un savoir déclaratif, constitué d'un assemblage d'informations indispensables pour générer une action, et un savoir procédural constitué de procédures de mise en œuvre de l'action » (Griggs et al. 2002 : 18). Pour Anderson (1987 : 206), une des caractéristiques de base du système déclaratif est qu'il n'est pas nécessaire de connaître l'utilisation du savoir pour l'emmagasiner. Il est donc facile de mettre un savoir pertinent dans le système alors qu'un effort considérable doit être fait pour convertir ce savoir en comportement.

Anderson (1980, 1983) découpe le processus d’acquisition en trois phases : la première qu’il appelle ‘déclarative’ (ou ‘cognitive’), la deuxième ‘associative’ et la dernière ‘procédurale’ :

- la première phase implique la compilation de savoir déclaratif*, ce qui requiert toujours un effort. Le savoir déclaratif est un savoir dont l’apprenant a conscience ; il peut donc en parler. Pour Oxford (2011 : 50), ce sont soit des connaissances sémantiques qui incluent des faits, des concepts, des noms, des dates ou des règles ou alors il s’agit de connaissances épisodiques (basées sur le souvenir d’un événement). Les apprenants organisent et représentent mentalement le savoir déclaratif sous forme de schèmes qui peuvent aisément être oubliés dès lors qu’ils ne sont plus pratiqués (Oxford, 2011).

- Lors de la deuxième phase, les apprenants construisent des schèmes plus élaborés. Ils sont en mesure de détecter et d’éliminer les erreurs intégrées lors de la première phase et les associations sont renforcées par la pratique (Anderson, 1980). Les nouveaux apprentissages sont davantage assimilés par l’apprenant mais ne sont pas encore automatisés.

- Ce n’est que lors de la troisième phase dite procédurale que les connaissances, jadis conscientes et soumises à l’effort, deviennent totalement instantanées, inconscientes. Paradis (2009) considère la procéduralisation* comme le remplacement progressif de l’utilisation de connaissances explicites lors de la

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construction de phrases, ce qui peut être réalisé grâce à l’utilisation d’une compétence implicite nouvellement acquise (de manière indépendante). Dans la mesure où notre expérimentation ne porte pas sur l’acquisition d’une langue, mais uniquement sur la réflexion métalinguistique à partir de langues inconnues, on peut considérer la première phase comme étant essentielle. Pour Anderson (1980), au cours de la phase cognitive, l’apprenant procède à un encodage déclaratif : des faits importants pour l’habileté à construire sont mis en mémoire. Ils sont utilisés, grâce à des procédures interprétatives générales comme la construction d’analogies ou l’inférence, pour construire un comportement cohérent et approprié. La condition est que le fait décrit puisse être mis en relation avec le problème actuel par un travail cognitif. Ce travail cognitif doit montrer le lien entre les deux problèmes et permettre de dégager les éléments pertinents. C’est cet encodage déclaratif initial qu’on voit apparaître sous forme verbale quand l’apprenant exécute l’activité pour la première fois.

Mémoire déclarative et mémoire procédurale

L’élève peut tout à fait stocker des informations relatives au fonctionnement de sa L1 (l’apprentissage de concepts grammaticaux, par exemple) dans sa mémoire déclarative mais ce n’est que par la mise en œuvre de processus explicites que ces connaissances seront réellement acquises. Oxford (2011 : 281) désigne par mémoire déclarative*, « la mémoire des faits ou des événements, non encore automatisés ou rendus habituels »44

alors que pour cette auteure, la mémoire procédurale* est « la mémoire du ‘comment’ (comment accomplir quelque chose) sans connaissance déclarative consciente »45

(ibid.). Par conséquent, l’apprenant ne pourra transférer les informations stockées dans sa mémoire déclarative vers sa mémoire procédurale que si on l’incite à établir des règles procédurales par lui-même. Il s’agit, pour Chini (2008 : 62), de la construction « d'une mémoire procédurale […] où les savoirs pré-existants sont sollicités de manière dynamique et opératoire et où les savoirs construits sont des schémas d'action ». On peut, dès lors, supposer que l’observation d’une langue inconnue, sous l’effet d’un effort attentionnel, permettra à l’élève de recourir à des

44 Notre traduction de : « memory of facts or events, not yet automated or habitualized » (Oxford, 2011 : 281).

45 Notre traduction de : « memory of ‘how to’ (how to accomplish something) without conscious

savoirs (qu’il a de la L1 et/ou de la L2) stockés dans sa mémoire déclarative qu’il sera amené à transformer en savoir procédural permettant de décoder le système linguistique en présence. Or, même s’il parvient au résultat escompté, le savoir peut demeurer implicite.

Savoir explicite et savoir implicite

Pour R. Ellis (2008 : 962), « le savoir explicite en L2 est la connaissance des règles et des objets qui existent dans une forme analysée afin que les apprenants soient en mesure de rapporter ce qu'ils savent »46

. Cet auteur donne la définition suivante du savoir implicite (ibid. : 965)47

:

« Le savoir implicite d'une langue est une connaissance qui est intuitive et tacite. Elle ne peut pas être directement signalée. […]. L'étude de la compétence linguistique est l'étude de la connaissance implicite d'un locuteur-auditeur ».

Cette distinction savoir implicite/savoir explicite apparaît comme fondamentale pour notre recherche. La plupart des individus ont une connaissance implicite de la L1, si bien que les concepts propres à l’analyse linguistique, pourtant appris dans le cadre scolaire, demeurent souvent abstraits et restent confinés dans la mémoire déclarative. La réflexion métalinguistique permet de rendre explicites les savoirs et de participer à leur procéduralisation. Faerch (1986) postule qu'il y a ‘prise de conscience’ lorsqu'il y a passage de la connaissance implicite vers l'explicite. Il parle d’‘automatisation’ dès lors qu'il y a passage de la connaissance explicite vers la connaissance implicite. On peut également distinguer, de la même façon, l’enseignement/apprentissage implicite (sans prise de conscience) de l’enseignement/apprentissage explicite (avec prise de conscience).

Les très nombreuses recherches effectuées en psychologie de la cognition liée à l'acquisition de la L2 ont montré que le chemin le plus efficace pour maîtriser une L2 passe par une combinaison d'apprentissages explicites et implicites. DeKeyser et Juffs (2005) considèrent que la meilleure façon de développer des connaissances

46 Notre traduction de « Explicit L2 knowledge is the knowledge of rules and items that exists in an

analysed form so that learners are able to report what they know » (R. Ellis, 2008 : 962).

47 Notre traduction de « Implicit knowledge of a language is knowledge that is intuitive and tacit. It

cannot be directly reported. The knowledge that most speakers have of their L1 is implicit. The study of linguistic competence is the study of a speaker-hearer's implicit knowledge » (R. Ellis, 2008 : 965).

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implicites/procédurales/automatisées est non pas de les fournir directement, mais de favoriser les conditions optimales pour leur acquisition au long terme en fournissant un point de départ explicite. Cette constatation sera essentielle pour la mise en place de notre cadre expérimental (cf. chapitre 1 de la deuxième partie).

2.2.3. Objectifs didactiques de la conscientisation

La situation qui nous occupe est spécifique en ce que la langue présentée n’est pas un objet d’apprentissage. Elle est le support d’une réflexion métalinguistique qui mobilise les connaissances antérieures, que ce soit en L1 ou en L2, ou de manière transversale sur le fonctionnement des langues.

Nous nous rapprochons de la conception de L. Dabène (1991 : 61) qui souhaite développer chez l’apprenant « un ensemble de compétences à caractère nettement métalinguistique qui constitue une éducation au langage préalable à l’enseignement proprement dit », à travers une démarche d’éveil au langage. Elle propose de prendre appui sur une variété de langues étrangères afin de susciter la prise de conscience de ce que représente l’univers du langage. Nous rejoignons également Moore (1995 : 27), pour qui « l’enjeu consiste à passer de connaissances épilinguistiques (une connaissance intuitive et fonctionnelle du traitement linguistique [..]) à des connaissances métalinguistiques, c’est-à-dire conscientisées, des outils langagiers et des faits de langue ». Il s’agit, comme le fait remarquer Perrenoud (2000 : 17), de ne plus former « l'habitus en encourageant l'automatisation de procédures apprises [… mais de le faire] évoluer par une prise de conscience des schèmes installés ». Il se peut, en effet, que les savoirs soient le reflet exact de schèmes sans pour autant garantir la construction du savoir-faire correspondant. Pour Anderson (1980 : 155), les schèmes représentent la manière dont les régularités peuvent être encodées sous forme de catégories, que ces régularités soient perceptives ou propositionnelles. Les schèmes sont considérés comme abstraits dans la mesure où ils encodent ce qui est vrai de manière générale plutôt que ce qui est vrai au sujet d’une instance spécifique.

Nous analyserons, par conséquent, nos résultats à la lumière des concepts de conscience et de conscientisation, lors de l’étude des activités métalinguistiques. Il s’agira de comprendre dans quelle mesure la conscientisation nécessaire à l’observation permet d’activer des solutions reconnues comme pertinentes en L1 ou L2. Les élèves devront s’appuyer tant sur leurs savoirs déclaratifs que procéduraux et

rendre leurs savoirs implicites explicites afin de rendre la réflexion possible et efficace.

Or un élève ne saurait construire du savoir sur la L3 sans avoir au préalable des savoirs sur la L1 et/ou la L2 ainsi que sur les mécanismes du langage. La L1, en tant que langue de scolarisation, est le langage, le système sémantique de référence pour