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Cadre Institutionnel et Conceptuel

Chapitre 1. Le contexte institutionnel

1.2. La politique linguistique française marquée par le monolinguisme

Avant d’analyser la politique d’enseignement des langues, il est nécessaire de comprendre la politique linguistique d’un pays qui est intimement liée à son histoire. La France a longtemps rayonné dans le monde entier et le français fut pratiqué tant dans les colonies que dans les relations diplomatiques. La mise en place du système républicain a également eu des effets multiples sur la manière dont les langues en présence sur le territoire national sont envisagées, puisque c’est à travers le monolinguisme que la République française s’est construite. Or, les politiques linguistiques européennes soulignent la nécessaire ouverture au plurilinguisme. Une convergence entre défense de la langue nationale et défense de la diversité linguistique est alors apparue.

1.2.1. La France, démocratie historiquement monolingue

La politique linguistique française est fortement marquée par son histoire. Le principe démocratique sur lequel se base la France est celui d’ « un pays, une langue », où la langue devient symbole de l’État. La langue française a donc servi de ciment national, au détriment de ses nombreuses langues régionales, développant ainsi la conception d’inégale valeur des langues. Les Français sont, par conséquent, imprégnés de monolinguisme, et ce n’est que la rapide évolution actuelle vers la mondialisation qui pousse nos conceptions à évoluer. La politique linguistique de la France a été revue à l’aune de l’emprise de la langue anglaise et sous l’impulsion des institutions européennes (Attali, 2008 ; Hagège, 2006, Truchot, 2008). Une réelle volonté politique de lutter contre l’emprise de l’anglais et de maintenir le rayonnement du français s’est alors manifestée.

1.2.2. Promouvoir le plurilinguisme ou défendre la diversité

Développer le plurilinguisme, c’est lutter contre l’hégémonie d’une seule langue. Or, bien souvent, les stratégies volontaristes mises en œuvre ont pour objectif premier de s’assurer de la défense de la langue nationale ; dans notre cas, il s’agit du français. Cette dimension est à prendre en compte dans le cadre de notre étude, car elle représente l’un des obstacles premiers à la diffusion du plurilinguisme. Or, les

deux dernières décennies ont vu apparaître une évolution dans les représentations, car comme le remarque Hagège :

« on s’aperçoit que la défense du français par la francophonie ou par le club francophone, ce n’est pas la défense du seul français, mais celle d’un modèle menacé de provincialisation par la diffusion mondiale de l’anglais » (Hagège, in Bourdieu, De Swaan, Hagège, Fumaroli & Wallerstein, 2001 : 57).

Pennycook (2007 : 19-20) critique par ailleurs la position d’Hagège (2006), puisqu’il considère que celui-ci ne cherche pas à rompre avec la tradition d’une langue dominante, mais à remplacer la position hégémonique de l’anglais par celle du français. Or, comme le pose Forlot (2009 : 115),

« Tout un chacun aura compris que maintenant, la communication avec le voisin se fait souvent en anglais. Le but de ce scénario est qu'elle puisse aussi se faire par d'autres langues, en plus de l'anglais ».

La nécessaire mise en place d’une diversité linguistique, au-delà de l’anglais, est posée. Pour Grin (2005 : 18), de la même façon, défendre le français n’a de sens et n’est réalisable que si on s’attache à défendre la diversité culturelle et linguistique. Par conséquent, la politique linguistique, telle qu’appliquée en France de nos jours, est supposée être une politique de gestion de la diversité (ibid. : 16) ; cet aspect devrait donc jouer un rôle majeur dans la formulation de la politique éducative d’enseignement des langues étrangères, instrument de la politique linguistique.

1.2.3. Effets de la politique linguistique sur la recherche en didactique

Constater que la politique linguistique d’une nation s’appuie avant tout sur la défense de sa langue nationale n’est pas anodin pour un didacticien des langues, puisque c’est par la réflexion sur la langue nationale que commencèrent les premiers travaux d’ouverture au plurilinguisme. En France, Blanche-Benveniste (1997), professeur de linguistique française, fut l’une des premières à explorer l’intercompréhension entre les langues romanes. A l’étranger, ce sont également les didacticiens des L1 qui explorèrent des pistes nouvelles : par exemple, Roulet (1980), professeur de linguistique appliquée en Suisse développa le concept de didactique intégrée. Son compatriote De Pietro (1995) étudiait principalement l’enseignement du français ; il fut, cependant parmi les premiers à explorer les démarches d’éveil aux

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langues. En Allemagne, Hufeisen et Neuner (2004) ont élargi leur champ de recherche de celui de l’allemand en tant que langue étrangère au champ de la didactique du plurilinguisme. Ces constatations soulignent la nécessité d’étudier les apports des chercheurs d’autres domaines que celui de la didactique des langues étrangères, puisqu’ils sont à l’origine de pratiques innovantes.

L’ouverture de la politique linguistique française au plurilinguisme alla de pair avec l’émergence d’un courant de recherche sur le plurilinguisme émanant de chercheurs en didactique d’une approche singulière* (L. Dabène en espagnol, Candelier en allemand, Kervran en anglais, pour n’en citer que quelques uns). Ces chercheurs, initialement spécialistes d’une seule langue, ont choisi de s’ouvrir à la pluralité des langues et d’initier une réflexion autour de la didactique du plurilinguisme. Candelier (2008) contribua tout particulièrement à la caractérisation des approches plurielles. C’est en tant que didacticienne de l’anglais, formatrice à l’ÉSPÉ, que nous souhaitons nous inscrire, modestement, dans ce courant en prenant appui sur les travaux de ces chercheurs. Il nous semble, en effet, que mettre en œuvre des approches plurielles au collège, avec l’aide d’enseignants d’anglais, ne saurait que contribuer à une meilleure appréhension de leur valeur ajoutée. Cependant, il est nécessaire d’analyser les programmes d’enseignement de cette discipline afin d’en étudier la possibilité.

1.2.4. Le monolinguisme au cœur de la politique linguistique française : synthèse La politique linguistique française est fortement marquée par le monolinguisme qui a permis à la nation de créer son identité. Or, la prééminence de l’anglais par la mondialisation menace le rayonnement du français en tant que langue de diffusion mondiale, voire simplement européenne. La lutte contre l’hégémonie de l’anglais ne peut se faire qu’en s’unissant entre peuples européens : c’est en s’ouvrant à la diversité que l’enseignement du français peut être maintenu à l’étranger. Un tel accord mène à une diversification de l’offre linguistique sur le sol national. Ce sont, d’ailleurs, bien souvent les didacticiens des L1 ou des L2 qui ont initié la réflexion autour de la didactique du plurilinguisme.