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Cadre Institutionnel et Conceptuel

Chapitre 1. Le contexte institutionnel

1.3. Les programmes français d’enseignement des langues vivantes

Les programmes d’enseignement les plus récents s’appuient sur la Loi

d’orientation et de programme (également appelée Loi Fillon) du 23 avril 2005. Un

examen de cette Loi d’orientation permettra de mieux comprendre l’inscription des programmes d’enseignement des langues vivantes dans le contexte de politique linguistique éducative et d’en saisir la dimension plurilingue, le cas échéant.

1.3.1. La Loi d’orientation et de programme (2005)

La Loi d’orientation et de programme de 2005 comporte, pour la première fois depuis les lois de Jules Ferry, un article sur les contenus d'enseignement. Elle affirme le principe d'un socle commun de connaissances et de compétences, basé sur cinq compétences : lire, écrire, compter, pratique d'une langue vivante étrangère, maitrise des techniques usuelles de l'information et de la communication. Elle voit également la création du haut Conseil de l’Éducation, qui propose, quant à lui, sept piliers de compétences, chacun d'entre eux regroupant des familles de compétences. Les sept piliers de compétences, inscrits dans le Socle commun des connaissances et des

compétences27

, sont des reformulations des cinq compétences initialement proposées dans la Loi d’orientation avec, en sus, la culture humaniste ainsi que les compétences sociales et civiques, d’autonomie et d’initiative. On constate donc que le Socle

commun des connaissances et des compétences se veut un outil permettant de

dépasser l'approche disciplinaire des contenus. Il est considéré comme le ciment de la Nation, véhiculant également des valeurs :

« il s'agit d'un ensemble de valeurs, de savoirs, de langages et de pratiques dont l'acquisition repose sur la mobilisation de l'École et qui suppose, de la part des élèves, des efforts et de la persévérance » (Ministère de l’éducation nationale, enseignement supérieur, recherche, 2006 : 3).

Il vise, en outre, la formation de citoyens réfléchis (Raulin, 2008). Ce n’est pas pour autant que le Socle commun revendique la mise en place de compétences plurilingues. La compétence 2 se réduit à la pratique d’UNE langue vivante étrangère, en ce qu’elle a de spécifique : son code linguistique, son contexte socioculturel donné.

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L’élève peut ainsi « [développer] sa sensibilité aux différences et à la diversité culturelle » (Ministère de l’éducation nationale, enseignement supérieur, recherche, 2006 : 9). Cette compétence est inscrite dans le Plan de rénovation pour

l’enseignement des langues, mis en place en 2006.

1.3.2. Le Plan de rénovation pour l’enseignement des langues (2006)

La France s’est appuyée sur le Cadre européen pour mettre en place son Plan de

rénovation pour l’enseignement des langues, lancé en 2006. Tout en revendiquant

l’appui sur le Cadre, ce Plan de rénovation ne prend pas en compte les objectifs de développement des compétences plurilingues. Il se rapproche davantage des objectifs de l’Union européenne en permettant aux élèves d’apprendre deux langues vivantes étrangères en plus de la langue maternelle, langues vivantes dont les objectifs sont énoncés dans les programmes d’enseignement des langues vivantes étrangères.

L'objectif de ce plan est, en effet, le suivant :

« […] améliorer le niveau des élèves dans deux langues étrangères dans un contexte d'ouverture européenne et internationale, notamment en renforçant les compétences orales des élèves et en s'appuyant sur le Cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l'Europe » (Site eduscol)28. Il fixe des objectifs pour quatre niveaux (A1 à B2) qui couvrent l’ensemble des années de scolarisation, de l’enseignement élémentaire à la fin des études secondaires. L'enseignement des langues vivantes au collège s'inscrit dans la continuité des apprentissages de l'école, la cohérence pédagogique des parcours et la diversification des langues. Nulle part n’apparaît le nécessaire développement des compétences plurilingues : l’enseignement des langues ne semble être envisagé que de manière isolée, sans mise en relation des diverses langues proposées.

1.3.3. Les Programmes d’enseignement des LVE (2005-2007)

La transversalité de l’enseignement des langues est inscrite dans les programmes dans la mesure où le préambule est commun à toutes les langues qui pourraient être enseignées dans les établissements secondaires. Néanmoins, même si le préambule est

28 Citation extraite du site Eduscol, consulté le 30.12.10 : http://eduscol.education.fr/cid45756/plan-renovation-enseignement-des-langues.html

commun, aucune mise en relation entre les langues ni de développement des compétences plurilingues n’est suggérée par la suite.

Le Bulletin officiel n° 7 du 26 avril 2007 fait clairement apparaître l’appui sur le Cadre :

« Le nouveau contexte d’apprentissage des langues vivantes, par décret en date du 22 août 2005 du Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) élaboré par le Conseil de l’Europe, met en avant l’objectif de communication dans une variété de situations aussi proches que possible de celle de la vie réelle ».

On remarque donc l'inscription dans les programmes nationaux des principes théoriques et de référence développés à un niveau européen. Les programmes se subdivisent ensuite en neuf langues29

proposées par le Bulletin officiel n°6 du 25 août

2005 pour le palier 1, avec une continuité pour le palier 2 (B.O n°7 de 2007). S’y

ajoutent également cinq langues régionales30 (B.O. hors-série n°10 du 4 octobre

2007). Il est important de souligner que quinze langues peuvent être enseignées dans

l’hexagone, ce qui est en accord avec le principe de réciprocité. Or, la réalité du terrain est bien différente, puisqu’elle s’adapte aux possibilités d’enseignement offertes par les établissements. Dans les collèges participant à notre expérimentation31

, seuls l’anglais, l’allemand et l’espagnol sont étudiés ; aucune langue régionale n’y trouve sa place. Trois de ces collèges ont mis en place un enseignement bilangue anglais-allemand dès la sixième. Le dispositif général prévoit, en effet, «[à] titre expérimental, […] dans certains établissements, de commencer la deuxième langue vivante étrangère dans une classe ‘bilangue’ dès la 6e

» (Site Eduscol). Or, bien souvent, ces enseignements sont effectués en parallèle, sans consultation ou travail collaboratif entre collègues32

. Par conséquent, dans toutes les classes observées, ce sont les programmes des langues singulières qui sont mis en application. Néanmoins, même si les objectifs des programmes nationaux pour le collège sont l’enseignement/apprentissage de deux langues vivantes, cet enseignement n’est

29 Il s’agit de l’allemand, anglais, arabe, chinois, espagnol, hébreu, italien, portugais et russe. Le japonais fut introduit pour le palier 1 dans les programmes de 2007.

30 Les langues régionales enseignées sont le basque, breton, catalan, corse, et occitan langue d'Oc.

31 Six établissements limousins et un établissement bordelais sont inscrits dans cette expérimentation.

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envisagé que de manière consécutive, jamais imbriquée. Les élèves apprennent les deux langues de manière isolée, sans réellement envisager des passerelles permettant d’établir des liens et de développer les compétences plurilingues.

Les programmes de 2007, par l’appui explicite sur le Cadre, modifient cependant l’objectif d’enseignement. Il ne s’agit plus uniquement d’établir une communication, mais bien de communiquer dans un but de réalisation de tâches :

« La langue est présentée comme un instrument qui intervient dans la réalisation de la plupart des tâches sociales pour mener à bien un projet, atteindre un objectif ou résoudre un problème. Les compétences linguistiques (grammaticales, lexicales, phonologiques) et culturelles sont mises au service de la réalisation de tâches et ne sont pas considérées comme des fins en elles-mêmes » (Site Eduscol).

Même si l’appui sur le Cadre est explicite (par l’approche actionnelle envisagée), aucune mention spécifique du développement des compétences plurilingues n’est faite.

L’examen des manuels scolaires récents permettra de comprendre comment les objectifs du Cadre sont pris en compte et mis en œuvre dans le quotidien des classes.

1.3.4. Les manuels d’enseignement de l’anglais : les programmes en miroir

La plupart des manuels d'anglais33

publiés récemment, s'appuient sur le Cadre pour justifier la démarche adoptée. On pourrait donc espérer y voir apparaître quelques mises en relation entre langues différentes.

Ils revendiquent, en effet, une approche actionnelle et communicative, organisée autour d'activités visant à développer des compétences lexicales et culturelles, grammaticales ainsi que phonologiques. Le support audio et les textes associés, servant de base aux activités, illustrent un ‘fait de langue’ qui se résume, le plus souvent, à une structure grammaticale. Chaque leçon est donc organisée autour d'un certain nombre de faits de langues qui constituent l'objet global d'apprentissage, c'est-à-dire la construction d'un savoir déclaratif. Or, malgré la révision des programmes et

33 Nous nous appuyons, pour ces considérations générales, sur les manuels de 5ème suivants : Enjoy, New Enjoy, New Apple Pie et New Spring.

l'introduction de l'approche actionnelle, on ne saurait contester l'actualité des constatations menées par Bailly en 1998 (p. 25) :

« L'approche communicative actuelle elle-même repose encore, pour une part mesurée seulement, et bien qu'ayant abandonné pour l'essentiel les exercices structuraux, sur des principes associatifs (stimulus/réponses) prônant une pratique des notions et des fonctions fondée sur une certaine forme de répétition, même si celle-ci est contextualisée et insérée dans des situations d'échange verbal s'efforçant à l'authentique ».

Même si un effort est réalisé par les concepteurs de manuels pour inscrire l’approche communicative dans la réalisation de tâches (et donc pour répondre aux besoins de l’approche actionnelle), l’élève est bien souvent guidé de manière à ce qu’il soit en mesure d’intégrer les objectifs grammaticaux et lexicaux. Or, ce guidage limite la mise en œuvre d’une réelle approche actionnelle, où la tâche ‘située’ serait placée au cœur du processus d’appropriation langagière (Goutéraux, 2009 : 96). En outre, aucun manuel ne propose des activités permettant aux élèves d’établir des liens entre plusieurs langues, si bien qu’aucune ressource permettant le développement de compétences plurilingues n’est proposée. On peut donc conclure que malgré une inscription affichée dans les orientations du Cadre, la réalité de l’enseignement proposé s’en trouve parfois fort éloigné.

1.3.5. Valeurs véhiculées par les programmes d’enseignement des langues

Les valeurs véhiculées par les programmes nationaux, prenant appui à la fois sur le Socle commun de connaissances et de compétences ainsi que sur le Cadre européen de référence pour les langues, ne sont pas clairement dessinées. Le Socle revendique des valeurs humanistes, chères au Conseil de l’Europe, puisqu’il s’agit de former des citoyens réfléchis bien insérés socialement. Or, même si les programmes sont conçus à partir du Cadre européen, l’enseignement des langues se limite à deux langues étrangères, ce qui reflète les préoccupations de l’Union européenne et des valeurs plus pragmatiques. Si les programmes d’enseignement des langues sont censés véhiculer les valeurs propres au document fondateur des nouveaux programmes, alors on ne saurait qu’encourager la mise en œuvre d’approches plurielles dans l’enseignement-apprentissage des langues vivantes.

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1.3.6. Les compétences plurilingues au sein des programmes nationaux

De par l’inscription explicite des programmes de langues vivantes étrangères dans le Cadre européen, le développement de compétences plurilingues devrait apparaître dans les programmes nationaux. Or, l’examen du Bulletin officiel numéro 7

de 2007 s’avère infructueux : aucune mention à une éventuelle compétence

plurilingue n’est faite ni même un travail de mise en relation entre deux langues étrangères enseignées envisagé. La seule mention de cet aspect du Cadre apparaît à la page 4 lorsque les programmes stipulent que :

« L'apprentissage des langues vivantes joue un rôle crucial dans l'enrichissement intellectuel et humain de l'élève en l'ouvrant à la diversité des langues mais aussi à la complémentarité des points de vue pour l'amener à la construction de valeurs universellement reconnues ».

Ils mentionnent cependant que « la réflexion sur les langues vivantes induit un retour sur le français et une prise de possession plus consciente des outils langagiers » (ibid.). Un lien entre langues vivantes et langue de scolarisation est établi mais les programmes n’encouragent ni les enseignants de langue à travailler en commun, ni la mise en place de ponts entre les langues lors de l’enseignement sous forme d’approche singulière.

1.3.7. L’anglais : frein ou atout pour le plurilinguisme ?

En tant que didacticienne de l’anglais, il paraît intéressant d’envisager l’enseignement de cette langue comme élément d’ouverture à d’autres langues. Or, comme nous l’avons souligné, les programmes nationaux français ne véhiculent pas, de manière explicite, les valeurs propres au conseil de l'Europe, transmises à travers le Cadre. Même si la politique linguistique française défend sa langue nationale, et dans ce cadre, est en faveur de la pluralité linguistique, l’omniprésence de la langue anglaise apparaît dans les programmes nationaux : il s’agit de « la seule langue présente dans tous les types d’enseignement » (programmes d’anglais, 2007 : 23). Néanmoins, comme le pose Forlot (2009 : 114),

« Si l'anglais triomphe sans que nous ne puissions y faire quoi que ce soit, alors il est temps de se dire qu'il faudra vivre avec, qu’il fera de plus en plus partie de notre identité langagière et que cela doit désormais devenir, malgré le paradoxe apparent, un outil de promotion de la diversité. Il s'agirait du statu quo

actuel, agrémenté d'un petit plus, en quelque sorte : un apprentissage citoyen qui permettrait de comprendre qu’apprendre les langues, c'est aussi comprendre la diversité de notre entourage (voir Candelier, 2003) et encourager certaines formes de cohésion sociale (Guillaume, 2005) ».

La discipline d’enseignement ‘anglais’ jouit, par conséquent, d’un statut valorisé et pourrait, dès lors, être un moteur de l’ouverture vers les autres langues et cultures. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons envisager, dans le cadre de notre recherche, des approches permettant aux élèves d’aborder ladite diversité, tout en s’inscrivant dans le champ de l’enseignement disciplinaire. Une telle démarche didactique risque cependant de modifier les valeurs véhiculées par l’enseignement des langues. Elle serait toutefois en cohérence avec les valeurs humanistes revendiquées par le Socle commun.

1.3.8. Les programmes français d’enseignement des langues vivantes : synthèse Les programmes français d’enseignement des langues vivantes s’inscrivent dans la politique linguistique éducative française. En ce sens, ils proposent une diversité de langues à enseigner. La pratique d’une langue vivante étrangère est, en effet, inscrite dans le Socle commun de connaissances et de compétences, document fondateur des nouveaux programmes. Il s’agit de l’enseignement d’une langue singulière, si bien que le développement de la compétence plurilingue et pluriculturelle n’est pas proposée dans les objectifs desdits programmes. Uniquement l’approche actionnelle prônée par le Cadre est transcrite dans les programmes nationaux et mise en œuvre dans les manuels d’enseignement. Or, l’anglais est la seule langue présente dans tous les types d’enseignement ; elle pourrait donc, par la mise en œuvre d’approches plurielles, contribuer à renforcer les valeurs humanistes du Socle commun.

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