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Mise en place de SI2A et création du cahier des charges initial

La volonté initiale était d’avoir une base de données propre à la DGAl et surtout étanche vis-à-vis des différents logiciels abatteurs. Un système étanche est un système autonome qui n’est pas interconnecté avec des systèmes informatiques appartenant par exemple aux exploitants d’abattoir ou aux organismes de pesée et de classement.

Interrogé n°9 : « L’objectif initial était de n’enregistrer que ce qui est nécessaire réglementairement et aussi un peu de secrétariat pour rendre plus facile la visualisation. »

b. Utilisation de la méthode Agile et mise en place de groupes de travail

Afin de mettre en place ce logiciel selon la demande initiale, il a fallu mettre à contribution différents profils professionnels avec différentes compétences. Le choix a été fait d’utiliser la méthode AGILE pour mener à bien ce projet. C’est la première fois que la méthode Agile était utilisée au Ministère de l’Agriculture pour un projet.

La méthode Agile est une méthode récente de conduite de projet qui a initialement été créée pour le développement de projets web (Collignon et Schöpfel, 2016). Aujourd’hui, grâce à la souplesse de cette méthode, on la retrouve dans de nombreux autres domaines. L’essence de cette méthode repose dans un va-et-vient régulier entre le client, celui qui a des attentes précises mais qui peuvent évoluer avec le temps, et les différents membres de l’équipe du projet. Le projet n’est alors pas décrit linéairement dès le début afin d’éviter de suivre un plan préétabli de manière automatique. L’idée est que l’équipe se fixe des objectifs à court ou moyen terme et ré-évalue à chaque nouvelle réunion là où ils en sont et là où ils doivent aller. La grande adaptabilité de cette méthode à des situations imprévues permet une optimisation du temps de conception notamment dans des domaines très changeants comme la création d’une application web.

Ces réunions étaient de différents types : comité de projet, comité de pilotage et suivi de feuille de route. Lors de ces réunions, il y avait autour de la table de nombreuses personnes avec des profils multiples et parlant chacun un langage technique différent (technique au niveau de l’abattoir ou bien dans la programmation) ce qui pouvait rendre parfois les échanges compliqués comme en témoigne l’interrogé n°6 : « Il y avait des réunions assez régulières dont je sors un sentiment qu’on perdait beaucoup de temps. On se faisait un peu balader par les prestataires de services notamment sur le temps et le coût des nouvelles demandes. En plus, on ne parle pas la même langue : ils posent des questions très techniques et nous, on n’a pas de réponse correcte à fournir en face. »

Interrogé n°7 : « Le problème avec la méthode Agile c’est qu’on n’avait pas vraiment de livrable. En revanche, c’était très intéressant de sortir de la sphère véto abattoir et de décortiquer la prise de décision. Certaines étapes sont très structurantes en fait et là on mesure l’avancement pas à pas. » Interrogé n°8 : « Les réunions de co-pilotage se sont toujours faites dans l’échange et la courtoisie. » Il y avait également des réunions de groupe utilisateurs ou groupe de travail qui avaient pour but de réunir des agents du terrain afin de cibler la demande et leurs attentes vis-à-vis de SI2A.

Interrogé n°8 : « La position de l’utilisateur est fondamentale, on ne peut pas juste le faire en centrale pour un projet comme celui-là. »

Interrogé n°6 : « Il y avait à mon avis une volonté de la DGAl d’impliquer des agents de terrain avec une expérience de terrain et certainement l’idée de faire quelque chose le plus applicable possible. […] Je trouvais que la démarche allait dans le bon sens. On avait des choses à dire, à cette réunion j’avais fait une présentation et j’avais ramené une petite vidéo de la façon dont étaient réalisées les saisies en abattoir de porcs pour montrer notamment ce travail en flux tendu qui était réalisé par les techniciens. […] En tant que vétérinaire officiel en abattoir, quand on m’a dit : « on va développer ce qui existe en bovin en porc » je n’avais pas forcément un bon a priori et je me suis

dit, il faut surtout que je sois dans le groupe de travail parce qu’il faut qu’on puisse influer pour arriver à quelque chose qui soit applicable. […] J’ai trouvé que la DGAl était plutôt à l’écoute. J’en garde plutôt un bon souvenir, on a eu l’impression d’être entendus. C’était une réunion pour prendre de l’information parce qu’on était très en amont du projet. »

Interrogé n°6, à propos de la constitution du groupe de travail auquel il a participé : « De mémoire, le BEAD était représenté, il y avait un chargé de mission qui était présent, il y avait me semble-t-il un représentant du BMOSIA (Bureau de la maîtrise d’ouvrage des systèmes d’information de l’alimentation) qui avait plutôt un rôle de chef de projet informatique et après il y avait trois VO en abattoir et une dernière personne qui devait être technicien en abattoir. »

L’interrogé n°1 à propos des groupes de travail : « Nous, on a apporté notre expérience et nos besoins pour participer à l’élaboration de ce que l’on a aujourd’hui. Ça se passait bien, c’était bon enfant, très sérieux mais très bien. »

Les groupes de travail se sont réunis à Paris et à Toulouse, là où se trouvaient les deux parties de l’équipe technique : le bureau métier à Paris et les programmateurs du logiciel à Toulouse. Ces derniers se sont également déplacés sur le terrain, sur les sites d’abattoirs.

Interrogé n°2 : « Pour présenter le projet auprès de nous, une partie de l’équipe de Toulouse est venue à l’abattoir pour nous présenter le projet. »

c. Rédaction du cahier des charges et différentes étapes du déploiement

Lors des différentes réunions de la mise en place du projet, se sont succédé les développements de différents modules de SI2A qui ont chacun été créés au fur et à mesure de l’avancée du projet.

SI2A carcasse pour les bovins et les équins

Le cahier des charges initial a été rédigé en six mois à un an. SI2A a ensuite été déployé en 2015 pour les bovins et équins dans toute la France après des essais dans des abattoirs pilotes.

SI2A abats

En 2018, la version SI2A abats a été lancée. Cet ajout n’a pas remporté un franc succès et, au bout de quelques mois, la décision a été prise de retourner en arrière et de rendre l’enregistrement des abats dans SI2A facultatif. Les interrogés sont tous légèrement tendus ou rigolent de manière gênée à l’évocation de SI2A abats. Cette version semble être un peu le « point noir » de SI2A. Aujourd’hui comme ce n’est plus obligatoire, les abattoirs n’enregistrent pas les saisies d’abats dans SI2A car ce serait trop chronophage. De plus, les abatteurs ne réalisent pas toujours la traçabilité des abats.

Interrogé n°10 : « Les professionnels ont freiné des quatre pieds pour mettre une étiquette. […] Sans ces étiquettes, il aurait fallu faire des tableaux de correspondance avec le fichier abatteur et avec la traçabilité. »

Interrogé n°1 : « Il n’y a pas de traçabilité, il n’y a pas de compta-matière sur chaîne pour les abats.

Il y a un onglet IPMA dans SI2A. C’est pour IPM abats. Le seul truc pour lequel on se sert de l’IPM abats ce sont les foies saisis pour distomatose. Aujourd’hui, on n’a pas le temps nécessaire, on n’a

pas le temps matériel pour enregistrer tous les abats. Dans une journée on va saisir 50 rognons, 30 foies et 15 poumons. »

Interrogé n°4 : « On s’est penchés sur l’enregistrement des saisies des abats et notamment en masse. C’était trop compliqué, il fallait récupérer les étiquettes, les comptabiliser et remplir à la main.

[…] Le ministère avait eu l’intention à un moment donné de faire un système avec douchette plus écran tactile, mais rien n’a été fait pour l’instant à ma connaissance. J’ai un petit peu honte de faire comme ça aujourd’hui aux vues des avancées technologiques actuelles. »

Les raisons de « l’échec » de SI2A abats sont probablement multiples mais restent assez floues.

L’interrogé n°8 évoque « un manque de communication et d’implication des équipes. […] C’est un échec collectif. »

SI2A porc

Il y a ensuite eu création de SI2A pour les porcs avec alors mise en place de groupes de travail différents car réunissant des spécialistes du porc en octobre 2017. Les abattoirs de porcs pilotes ont eu accès au module autonome en mars 2020. Le déploiement national a eu lieu au cours de l’été 2020. La particularité de la filière porcine, avec ses cadences très élevées, a souvent été mis en avant par les interrogés.

Interrogé n°6 : « À ma connaissance, SI2A bovin a été au début un petit peu décrié parce que le temps d’enregistrement était relativement long. C’est vrai que pour faire un enregistrement de saisie, ça pouvait facilement prendre une minute, une minute et demie voire deux minutes ce qui était totalement inenvisageable dans le cas des saisies de porcs surtout si l’enregistrement des saisies était fait au podium de saisie. […] On a 400 à 500 mises en consignes par jour ce qui est très loin de ce qu’on peut observer en bovin. »

La volonté actuelle du ministère semble être de profiter de l’amélioration de SI2A porc pour ensuite revenir fort de ces améliorations vers SI2A abats comme le précise l’interrogé n°8 : « la décision politique est de décaler SI2A abats pour avancer sur SI2A porc afin de vraiment valoriser cette avancée et la réinsuffler dans SI2A abats ensuite. »

Version 4 et suivantes

Les prochaines mises à jour concernent l’archivage des données ainsi que la signature électronique. Les informations des interrogés sont trop lacunaires sur ces versions pour les développer.

d. Évolution globale du projet

SI2A a été construit au sein du nouveau système informatique du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, correspondant à la refonte du système d’information dans le domaine animal, végétal et alimentaire : Resytal. Le choix initial de l’univers de programmation dans lequel est construit Resytal a énormément limité les choix suivants. Le système Orion sur lequel est construit SI2A est loin d’être optimal aujourd’hui. Ce logiciel appartient à la fondation Eclipse et est une application en ligne créée afin de fournir un « environnement de développement intégré en mode hébergé d’autres logiciels » selon les termes précis de l’interrogé n°9. Cependant, les choses évoluent tellement vite actuellement dans le domaine de la programmation que ce choix apparemment inadapté aujourd’hui (notamment par le manque de nouvelles mises à jour) était

probablement justifié à l’époque, car il permettait de programmer en ligne depuis un cloud, et il aurait été difficile de prévoir l’évolution actuelle du marché en termes de prestataires de services.

Au cours de l’avancement du projet, il était parfois déroutant pour certains interrogés de ne pas voir le projet avancer en ligne droite. Parfois, le projet stagnait et parfois il allait dans des directions diverses en coûtant de l’argent.

Interrogé n°6 : « Le développement du module tactile a pris énormément de temps et ça a fait perdre énormément de temps au projet. »

Interrogé n°7 : « À chaque réunion de copilotage, on voyait le budget SI2A fondre à vue d’œil. » Le projet a bien avancé depuis 2015 car les SVI étaient convaincus, et donc investis, comme l’évoque l’interrogé n°7 : « Heureusement que les SVI y croyaient en partie car la plupart aimaient bien leur base Access. Le changement n’est pas une chose facile. »

Cependant, aujourd’hui le projet avance peu et semble battre de l’aile.

Interrogé n°6 : « Il n’y a plus de chef de projet clairement désigné sur SI2A, en tout cas pas à ma connaissance. On manque aujourd’hui de compétence, de temps et d’énergie. Je défends SI2A dès que j’en ai l’occasion mais au final on est assez peu sollicité pour cela. On retrouve peu d’intérêt pour le projet, on ne sait pas trop où va l’argent ni pourquoi le projet a deux ans de retard. »

L’interrogé n°6 suggère que c’est un peu la gestion de projet qui semble être limitée dans le ministère : « On manque d’échéances et on accepte le retard. »

Interrogé n°7 : « On a une volonté politique à la DGAl de faire avancer ce projet. C’est bien mais il n’avance pas car on a trop d’étapes. »

B. Utilisation de SI2A par les SVI en abattoir et avis général sur le système