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La comparaison entre nos résultats et ceux d’autres études de la littérature doit prendre en compte les différences dans les matériels et les méthodes utilisés. L’étude la plus importante en nombre d’animaux inclus dans l’analyse est celle réalisée en Suisse sur 3 750 805 animaux abattus (Vial et Reist, 2014). Cela reste très inférieur aux 12 296 628 animaux abattus dans notre étude.

De plus, notre échantillon d’étude correspond à l’intégralité des abattoirs de bovins de France métropolitaine, contrairement à la plupart des études qui ne s’intéressent aux données d’un ou deux abattoirs seulement (Mellau et al., 2011 ; Yibar et al., 2015 ; Tembo et Nonga, 2015 ; Molla et al., 2020).

Taux de saisies

Sur la période étudiée, le taux global de saisies (TGS) était de 5,0 %. Cela apparait particulièrement élevé au regard des résultats d’autres études indiquant des TGS de 3,5 % en France (Dupuy et al., 2014), 2 % aux Etats-Unis (White et Moore, 2009), 1,36 % en Turquie (Yibar et al., 2015), 0,8 % en Tanzanie (Tembo et Nonga, 2015) et 0,23 % en Ethiopie (Molla et al., 2020).

Cependant, on remarque que si on retire les données de 2016 qui sont anormalement plus élevées que les autres années, on obtient un taux de 4,0 % qui se rapproche donc des données de la publication française (Dupuy et al., 2014).

Cette différence peut s’expliquer majoritairement par la différence des systèmes et pratiques de saisie entre les pays selon les lésions observées. Pour une même lésion, les saisies peuvent être différentes en fonction du contexte et sont par exemple généralement plus rares dans les pays en voie de développement pour un même type de lésion. Pour cette raison, le TGS observé dans notre étude se rapproche de celui de l’étude française de Dupuy et al. (2014) mais est plus élevé que celui

obtenu dans d’autres études, notamment en Tanzanie (Tembo et Nonga, 2015) et en Ethiopie (Molla et al., 2020).

La différence observée peut également s’expliquer par l’échantillon d’abattoirs sélectionnés dans ces études, dont l’inclusion se fait davantage sur le volontariat qu’à la suite d’un tirage aléatoire. Ces services vétérinaires volontaires sont souvent des équipes plus impliquées et qui ont le temps de participer à de telles études. Cela génère un biais d’échantillonnage qui limite l’intérêt de comparer nos résultats. Enfin, dans l’étude éthiopienne, il est précisé par les auteurs que le faible nombre de saisies est dû à des considérations économiques et qu’aucune carcasse n’a été saisie dans sa totalité car cela engendrerait des pertes économiques trop importantes (Molla et al., 2020). Ce constat peut vraisemblablement être extrapolé à d’autres pays au contexte économique très limitant.

Le taux de saisies partielles (TSP) sur la période d’étude était de 4,3 % et le taux de saisies totales (TST) de 0,7 %. Le TST est assez similaire à certaines études de la bibliographie : 0,67 % et 0,7 % en France (Dupuy et al., 2013 ; Dupuy et al., 2014), 0,4 à 0,8 % au Canada (Alton et al., 2010) et 0,5 % aux Etats-Unis (Amirpour Haredasht et al., 2018) mais pas toutes : 0,16 % et 0,26 % en Suisse (Vial et Reist, 2014 ; Vial et al., 2015), 0,11 et 0,05 % pour la Tanzanie (Mellau et al., 2011 ; Tembo et Nonga, 2015) et 0 % en Ethiopie (Molla et al., 2020).

Il est normal d’observer un TSP plus élevé qu’un TST car les saisies partielles concernent généralement des lésions liées à des processus chroniques (arthrite, abcès…) et sont donc bien plus souvent présentes à l’abattoir que les processus toujours actifs au moment de l’abattage (septicémie…) qui engendrent eux des saisies totales.

En comparant les différentes années d’étude, le TSP était bien plus élevé en 2016 qu’au cours des trois autres années. L’année 2015 étant celle du déploiement de SI2A, on pourrait formuler l’hypothèse que 2016 a été l’année d’une forte implication des SVI et d’une bonne appropriation de l’outil ce qui aurait fait augmenter le nombre de saisies enregistrées. Puis, en 2017, une interface de SI2A, spécifique pour les abats, a été créée. Avant, il était possible d’enregistrer des saisies sur les carcasses et des saisies sur les abats en IPM2 dans la même interface. Le changement de système pourrait avoir engendré ces différences que l’on observe.

Au niveau des taux de saisies par mois, la baisse du TSP après le premier trimestre et l’augmentation au même moment du TST peut s’expliquer par la saisonnalité. En effet, c’est en été, lorsque le bétail est au champ, qu’une grande part des infections/infestations débute. Arrivent alors à l’abattoir une part plus importante d’animaux présentant des processus aigus conduisant à une augmentation des saisies totales. À l’inverse, en hiver, le bétail est enfermé en bâtiments ce qui favorise la mise en place et le maintien de pathologies plus chroniques conduisant à des saisies partielles. De plus, on pourrait ajouter qu’il est plus aisé de traiter les animaux lorsqu’ils sont en bâtiment que lorsqu’ils sont à l’extérieur. Néanmoins les variations précitées n’ont été que visuellement observées ; ces hypothèses mériteraient d’être statistiquement testées.

L’analyse des taux de saisie par département et par abattoir montre une importante diversité. Les taux par département ou par abattoir pour certains motifs sont parfois extrêmes et se distinguent fortement de la moyenne nationale. Le contexte local est vraisemblablement à prendre en compte pour expliquer cette diversité. Par exemple, le département de la Seine-et-Marne présente un TGS de 13,8 %, très élevé par rapport à la moyenne nationale. Ce département ne compte que deux abattoirs privés dont l’un n’a abattu que 103 gros bovins et notifié que neuf saisies de gros bovins en quatre ans. Le second abattoir présente un nombre plus cohérent de saisies, cependant 82 % des saisies ont pour motif « Sclérose musculaire iatrogène ». Parmi ces saisies, seul 1 % des cas

est associé à un autre motif de saisie. Le motif « Sclérose musculaire iatrogène » a une part, parmi les saisies nationales, de 14,9 %. Il apparait donc ici qu’un seul motif a fait augmenter le TGS du département. Cet exemple montre comment l’analyse de la situation par abattoir permet d’expliquer les taux de saisie du département. Il est donc tout aussi important d’exploiter les données à l’échelle d’un département ou d’un abattoir que d’observer les tendances nationales.

Motifs de saisies

Comme pour les taux de saisies, la part respective des motifs de saisies ou leur prévalence observée dans cette étude est difficilement comparable avec les données de la littérature. En effet, les motifs utilisés dans les publications sont différents d’une étude à l’autre et sont parfois regroupés.

De plus, les taux respectifs des motifs de saisies sont largement influencés par le contexte sanitaire et épidémiologique de la zone géographique d’approvisionnement de l’abattoir. Par exemple, le premier motif de saisie identifié aux Etats-Unis est la leucose bovine enzootique, maladie dont la France est officiellement indemne depuis 1999.

Les trois motifs les plus fréquents dans notre étude, tous types de saisies confondus, sont « Abcès non spécifique à localisation unique » (19,6 % des animaux saisis), « Infiltration hémorragique » (18,2 %) et « Sclérose musculaire » (14,9 %). Les abcès apparaissent également souvent comme les motifs principaux de saisie dans les autres études consultées (Alton et al., 2010 ; Mellau et al., 2011 ; Dupuy et al., 2014 ; Vial et Reist, 2014 ; Molla et al., 2020). La plupart des études se concentrent cependant sur les motifs générant des saisies totales. La comparaison avec nos pourcentages globaux qui regroupent saisies partielles et saisies totales est donc limitée. Il aurait fallu également calculer la part et la prévalence des motifs pour les saisies totales ainsi que pour les saisies partielles, ce qui n’a pas pu être réalisé par manque de temps.

b. Facteurs influençant le taux de saisies

Nous avons montré que le type (mono-espèce / multi-espèce), le statut (public / privé), le tonnage et le département de l’abattoir avaient une influence sur le TGS de l’abattoir et que, de plus, tous ces facteurs étaient corrélés deux à deux entre eux.

La typologie des abattoirs français permet d’expliquer ces corrélations : par exemple, les abattoirs publics sont majoritairement multi-espèces et de faible tonnage avec une zone d’approvisionnement locale. Ils perdurent généralement par la volonté d’élus souhaitant préserver des solutions d’abattage de proximité pour toutes les catégories d’animaux élevés localement. À ce titre, il est intéressant de remarquer que le territoire français est souvent marqué géographiquement par des spécialisations dans certains types de production (vache laitière, vache allaitante). À l’inverse, les abattoirs privés sont principalement des abattoirs industriels spécialisés dans l’abattage d’une espèce animale voire parfois d’une catégorie d’animaux, avec un tonnage souvent important et une zone d’approvisionnement étendue. On peut ainsi émettre l’hypothèse raisonnable que ces différents animaux seront sujets à des motifs de saisie différents, ce qui expliquent que ces types d’abattoirs différents présentent des taux de saisies différents.